PERIGUEUX
LES DEUX DERNIERS COMTES
DE PÉRIGORD.
Périgueux. — Imprimerie DUPONT.
PÉRIGUEUX
ET
LES DEUX DERNIERS COMTES
DE PERIGORD,
OU HISTOIRE DES QUERELLES DE CETTE VILLE
AVEC ARCHAMBAUD V ET ARCHAMBAUD VI;
PAR M. L. DESSALLES,
Membre de la Société royale des Antiquaires de France,
attaché à la section historique des Archives du Royaume.
PARIS,
LIBRAIRIE DE P. DUPONT, RUE DE GRENELLE-St-HONORÉ,
HÔTEL DES FERMES.
1847.
TABLE DES MATIÈRES.
Page.
LIVRE PREMIER.
Chapitre 1er. Archambaud V. — De 1362 à 1368 57
Chap. 2. Périgueux. — De 1363 à 1368 75
Chap. 3. Événements accomplis de 1368 à 1378 82
Chap. 4. Démêlés. — De 1378 à 1389 106
Chap. 5. Prise et démolition du château de La-Rolphie.— 1390-1391 141
Chap. 6. Procès et condamnation d’Archambaud V. — 1391-1397. 172
LIVRE DEUXIÈME.
Chapitre 1er. Mort d’Archambaud V; occupation du comté par
Archambaud VI; sa conduite. — 1397 219
Chap. 2. Saisie, mise à l’enchère, adjudication et envoi en possession
des domaines du comte, à Périgueux. — 1398 241
Chap. 3. Siège et prise de Montignac. — 1398 258
Chap. 4. Procès d’Archambaud VI. — 1399 280
Chap. 5. Conclusion. — 1399-1430 306
Appendice 319
PREUVES.
- Extrait du Livre noir de la maison de ville de Périgueux 1
- Réparation des murs de Périgueux 2
- Échange entre la communauté et les Jacobins 3
- Naudonet-Durat, capitaine du château de Bourdeille 3
- Ordre du roi de faire des inhibitions au comte de Périgord 4
- Engagement d’Archambaud V envers le vicomte de Meaux, le
sénéchal de Périgord et Guillaume de Tignonville 4
- Montignac. — Affaire du comte 5
- Périgueux 6
- Prise du château de Caussade 7
- Arrêt du parlement contre Archambaud V 8
- Saisie, mise à l’enchère et adjudication des biens que le comte
de Périgord avait à Périgueux 30
- Lettre écrite aux maire et consuls de Périgueux par leurs députés à Paris 68
- Envoi en possession, pour les maire et consuls, de tous les domaines
qu’Archambaud V possédait à Périgueux, moins la moitié de la cour du célerier 69
- Arrêt du parlement contre Archambaud VI 77
- Donation du comté de Périgord au duc d’Orléans 93
- Prise de possession de la comté de Périgord au nom du duc d’Orléans,
- Testament d’Archambaud VI 137
FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES.
Voici quelques explications destinées à servir de complément à certains passages de cet ouvrage.
1° En parlant de la démarche de Périgueux auprès du prince de Galles, en 1363, j’ai dit, page 75, que la députation envoyée, par celle communauté, au-devant de lui, le rencontra à Poitiers, etc. Au moment où j’imprimais ces détails, je ne connaissais encore que le récit de Froissart (liv. 1er, ch. 216), sur lequel je m’étais guidé. Depuis lors, M. Jules Delpit ayant fait paraître son premier volume des Documents français, etc., j’ai dû reconnaître que le récit de Froissart n’est pas de nature à se concilier avec les faits consignés dans ce volume (p. 86-121), qui se résument ainsi:
« Le prince débarqua à Bordeaux, en juillet, y séjourna jusqu’au commencement d’août, se rendit à Bergerac le 4 de ce mois, à Périgueux le 10, à Angouléme le 18, à Cognac le 23, à Saintes le 24, à St-Jean-d’Angely le 26, à Saintes et à La Rochelle le 27, à Benon, en Poitou, le 1er septembre, à Niort le 3, à Saint-Maixant le 6, à Poitiers le 13, etc. »
D’où il semblerait résulter qu’au lieu de montrer de l’empressement, la capitale du Périgord aurait différé sa démarche le plus longtemps possible, démarche qu’elle pouvait et devait naturellement faire pendant que le prince était dans ses murs. Toutefois, je ferai observer, d’une part, que la communauté de Périgueux ne figure pas dans la nomenclature des hommages fournis par M. J. Delpit, où, du reste, ne sont inscrites ni les autres villes du Périgord, ni celles du Quercy, ni celles de l’Angoumois, ni celles de la Saintonge, ni celles du Poitou; d’autre part, que la date des lettres de confirmation (21 septembre) ne signifie pas que Périgueux ne députa vers le prince qu’à cette époque, mais qu’elle constate seulement que, par des motifs restés inconnus, ces lettres ne furent données que ce jour-là; ce qui ne repousse pas l’existence d’un serment antérieur, prêté peut-être à Périgueux même. Au lieu donc de m’exprimer comme je l’ai fait, j’aurais pu dire: Ce fut probablement en août que la ville et la cité rendirent hommage au prince; mais leurs représentants n’obtinrent la confirmation de leurs privilèges que le 21 septembre, à Poitiers.
2° A la page 134, je me suis servi des mots minorité et majorité, en parlant de Charles VI, alors dans sa vingtième année, quoique, en vertu de l’ordonnance de Charles V (août 1374), il eût été majeur, depuis l’âge de 14 ans. Je l’ai fait parce qu’en réalité l’ordonnance de 1374, violée dès 1380, ne fut pas exécutée. Les documents et les chroniqueurs contemporains ne laissent pas le moindre doute à cet égard. Ils s’accordent tous à nous montrer le jeune roi toujours en tutelle sous ses oncles, dont aucun, il est vrai, ne portait le titre de régent, mais qui tous s’en arrogeaient les droits. Ils nous le font voir ballotté par eux jusqu’à ce que, entré dans sa vingt-unième année (1388), il voulut enfin gouverner par lui-même. (Voyez Rec. des ord. des R. de Fr., t. 7, p. 226; Juvénal des Ursins, Hist. de Charles VI, année 1388, et la Chronique du religieux de St-Denis, t. 1, p. 554.)
3° Parmi les preuves, il est un certain nombre de pièces imprimées, faute d’originaux, d’après des copies fort défectueuses, déposées à la bibliothèque du roi. En les transcrivant, je n’ai pas hésité à rectifier les erreurs matérielles, très faciles à reconnaître, quand on est un peu familiarisé avec les documents du moyen âge. Pour les actes en idiome méridional, j’ai quelquefois même été plus loin, et j’ai dû rétablir des passages rendus inintelligibles par des changements de lettre. Quant aux pièces originales, je les ai reproduites avec la plus scrupuleuse exactitude.
4° A la p. 15 des preuves, j’ai signalé l’erreur commise au sujet du Mont-de-Dome, sans dire comment cette erreur s’est produite. Je crois devoir l’expliquer ici. À mon sens, le scribe aura entendu prononcer les mots Mont-de-Dome, comme s’il n’y avait eu que ceux-ci Mont-Dome, et, sans autre explication, il aura latinisé celte dénomination par Monte-Hominis.
5° Le testament d’Archambaud VI paraîtra horriblement mutilé à ceux qui connaissent la langue romane. Je l’ai donné tel qu’il est dans Doat, pour constater, une bonne fois pour toutes, combien est grande l’erreur de ceux qui prétendent que les copies déposées à la bibliothèque du roi peuvent remplacer les originaux conservés dans les archives de Pau.
6° Dirigé par un sentiment bien naturel, j’ai pensé que l’histoire des querelles de Périgueux avec les comtes de Périgord devait être imprimée à Périgueux même; et, quoique résidant à Paris, j’en ai confié l’impression à MM. Dupont père et fils. Mon éloignement n’a pas sans doute peu contribué à ce qu’un certain nombre de fautes typographiques se soient glissées dans cet ouvrage. Pour mettre le lecteur plus à même de faire les rectifications, j’ai cru devoir placer mon errata immédiatement après cet avertissement (voyez à la page suivante).
Un mot encore à ceux de mes amis qui ont bien voulu me prêter aide et conseil. Je les prie d’agréer l’expression sincère de ma vive reconnaissance. Je suis d’autant plus heureux de leur témoigner publiquement combien je leur sais bon gré de ce qu’ils ont fait pour moi, que leur concours a été plus désintéressé.
ERRATA.
TEXTE.
P. 7, note 3, ligne 6, au lieu de: RENOUARD, lisez. RAYNOUARD.
P. 85, — — 2, — contraites, — contraintes.
P. 136, — 1, — 1, — 1369, — 1389.
P. 138, — — 28, — de, — des.
P. 156, — — 7, — eux, — elles.
Ibid., — — 8, — ils, — elles.
P. 172, titre du chapitre, — — 1393, — 1391.
P. 177, — — 16, — Laurion, — Lauriou.
P. 180, — — 16, — chapellines, — chapellenies.
P. 185, — — 6 et 7, — les uns des autres, — l’un de l’autre
P. 193, — 3, — 2, — t.1, etc., — etc., t.1.
P. 199, — — 19, — insoumssiion, — insoumission.
P. 260, — 1, — 1, — 287, — 237.
P. 310, — — 16, — ue, — de.
PREUVES.
P. 10, ligne 20, au lieu de: Laurion, lisez: Lauriou.
Ibid., — 30, — malefeciis, — maleficiis.
P. 11, — 2, — tabulan, — tabulam.
P. 17, — 26, — petragoricencibus, — petragoricensibus.
P. 44, — 32, — habebant, — habeant.
P. 45, — 28, — interit, — intererit.
P. 54, — 10, — litteratoire, — litteratorie.
P. 73, — 19, — imitam, — initam.
P. 75, — 34, — restaucium — restancium.
P. 79, — 12, — malefaciis, — maleficiis.
P. 82, — 30, — plura et bona, — plura bona et.
P. 84, — 2, — potenciace, perant, — potencia, ceperant.
P. 85, — 4, — parrochie Campo-Savinelis, — parrochie de Campo-Savinelis.
P. 87, — 15, — trengarum, — treugarum.
Ibid., — 28, — molendinem, — molendinum.
P. 90. — 26, — vitute, — virtute.
P. 92, — 21 et 22 — utilem, — utilitatem.
P. 94, — 26, — Fanciscam, — Franciscam,
P. 111, — 12, — connoissers — connoissens.
De toutes les luttes que l’établissement de la féodalité suscita entre les villes et les seigneurs terriens qui les avoisinaient, celle qu’eut à soutenir Périgueux, contre les comtes de Périgord, fut une des plus longues, des plus opiniâtres, et même, on peut le dire, des plus habilement dirigées de part et d’autre. Moins vive, moins brillante, moins passionnée dès le principe que la plupart de celles qui s’engagèrent dans le nord de la France, elle eut cela de remarquable et d’essentiellement caractéristique, qu’au lieu de se calmer avec le temps, elle grandit progressivement et répandit incessamment l’agitation dans tous les esprits, jusqu’à ce qu’enfin l’exaspération, la haine et l’acharnement, arrivés à leur dernier degré d’intensité, firent éclater la guerre sanglante dont la conclusion fut la chute de la maison de Périgord. Mais, pour bien se rendre compte de cet événement, à peu près unique dans son genre, qui fut précédé de plus de trois siècles de démêlés et de vicissitudes diverses; pour bien saisir et apprécier, dans son ensemble, ce dernier épisode aussi curieux que peu connu de la vieille querelle, si longtemps prolongée entre ces deux ennemis irréconciliables, il est indispensable d’entrer dans des détails préliminaires sur la position respective des parties, depuis l’origine de cette querelle jusqu’au temps où elle prit les allures d’un duel à mort. Il importe de faire connaître avec précision la manière dont elles procédèrent réciproquement pour déterminer leurs droits, maintenir leurs privilèges, grandir leur autorité, assurer leur influence, surveiller leurs démarches, paralyser leurs efforts, déjouer leurs intrigues et préparer la ruine l’une de l’autre.
Les premiers troubles mentionnés par l’histoire dont Périgueux fut le théâtre remontent au onzième siècle (vers 1040). Ils eurent pour cause la monnaie qu’avait fait frapper le comte Hélie II, et qui, pour cela, avait reçu le nom d’hélienne. L’évêque Girard de Gourdon l’ayant proscrite comme défectueuse et de mauvaise qualité, le comte Aldebert II, fils d’Hélie II, voulut prouver, les armes à la main, qu’elle était convenable et de bon aloi (1). De là une guerre longue et meurtrière, dont les chroniqueurs ne parlent pas avec détails, mais à laquelle Périgueux, ou du moins la Cité (2), dut prendre part contre le comte, à en juger seulement par ce que nous savons de l’influence que les évêques exerçaient et du rang qu’ils occupaient au moyen âge, dans les localités où ils avaient leur résidence habituelle (3).
Dans le cours du douzième siècle, les événements se multiplient et prennent un caractère de gravité dont on ne pourrait prévoir les conséquences, si le roi Henri II d’Angleterre et son fils Richard ne venaient mettre à propos un terme aux violences du comte.
Toutefois, ces événements s’expliquent assez naturellement par les détails historiques qui nous sont parvenus.
Vers la fin du dixième siècle, autour d’un monastère que l’évêque Frotier avait fait construire en l’honneur de saint Front, le prétendu patron du Périgord, sur un coteau voisin de l’ancienne Cité de Vésone, s’étaient élevées çà et là quelques habitations placées sous la protection de cet établissement religieux, qui leur avait valu le nom de Bourg-du-Puy-Saint-Front. Incendiés vers 1099, le couvent et le bourg n’avaient pas tardé à être reconstruits, et, dans le cours du douzième siècle, le nombre des maisons s’était si rapidement accru, que leur agglomération avait fini par avoir une véritable importance. D’où venaient les habitants de ce bourg? C’est ce qu’on ne dit pas positivement (4). Mais ce qu’il y a de certain, c’est que ce nouveau centre de population se déclara bientôt le rival de la Cité, et que cette rivalité ne fit qu’ajouter à son activité, et contribua si bien à son développement, qu’avant la fin du siècle il se qualifiait fièrement du nom de ville (5).
Les comtes de Périgord ne manquèrent pas de tirer avantage de cette mésintelligence. Il est à croire même qu’ils eurent soin de l’entretenir à leur profit.
C’est du moins ce qui paraît le plus probable, quand on examine leur conduite, et qu’on les voit tour-à-tour prendre parti pour la ville ou pour la Cité, suivant les occurrences. Du reste, rien de positif, ni sur leur influence réelle, ni sur l’étendue exacte de leurs droits et de leur autorité. Nous savons seulement qu’au commencement du douzième siècle (vers 1130), dans une querelle avec le couvent, une partie des bourgeois du Puy-Saint-Front faisait cause commune avec le comte Hélie-Rudel (6); mais tout ce qu’on peut conclure de ce fait, c’est qu’il y avait désunion entre les habitants du bourg, et que cette désunion était la conséquence des intrigues du comte, qui probablement cherchait à se rendre maître d’un lieu dont la position était pour lui l’objet d’une convoitise ardente, dans la ferme persuasion, sans doute, qu’au moyen de cette première conquête il lui deviendrait facile plus tard de soumettre la Cité, sur laquelle pourtant ni ses ancêtres ni lui-même n’avaient encore prétendu exercer aucun pouvoir de droit ni de fait. Du reste, on peut affirmer, sans la moindre hésitation, qu’à cette époque la domination des comtes sur les habitants du Puy-Saint-Front n’était rien moins que constituée. Il y a même plus, nous sommes certain qu’ils n’osaient pas encore manifester ouvertement leurs prétentions à cet égard, puisque ce ne fut qu’environ 30 ans après (1150) que Boson III, dit de Grignols, se crut assez fort pour agir ouvertement, et, dans le but sans doute de réaliser les espérances de ses prédécesseurs et les siennes, sous un prétexte qui nous est resté inconnu, fit ériger une grande et forte tour (7), destinée à commander la ville naissante, dont il s’était emparé tout récemment (8). Mais cette tentative d’oppression lui fut fatale, ainsi qu’à ses descendants, car bientôt après, non seulement elle leur aliéna les esprits des bourgeois, mais elle excita la colère d’Henri II d’Angleterre, duc d’Aquitaine par sa femme. Cependant cette tour resta debout jusqu’en 1182 (9), époque à laquelle, par suite d’un traite entre le comte Hélie V et Richard, fils d’Henri II, le Puy-Saint-Front fût remis aux mains de ce prince, qui fit détruire toutes les fortifications construites par lui et son prédécesseur (10).
Ce contre-temps n’était pas encourageant. Dès-lors aussi, soit qu’ils ne crussent pas le moment favorable, soit que des intérêts plus pressants les appelassent ailleurs (11), les comtes ne cherchèrent plus, de longtemps du moins, à troubler le repos des bourgeois.
Le treizième siècle même s’ouvrit par un événement qui put faire croire que l’harmonie allait désormais régner entre eux et la nouvelle ville. La réunion à la couronne de France du duché d’Aquitaine, confisqué sur Jean Sans-Terre par Philippe-Auguste, obligea les peuples et les grands de ce duché à rendre hommage au nouveau suzerain. Dans cette mémorable circonstance, Hélie V, qui vivait encore, et les habitants de Périgueux, prêtèrent serment de fidélité au monarque français, au même lieu, la même année (1204), probablement le même jour et dans des termes, sinon exactement les mêmes, du moins offrant une synonymie qu’on ne saurait contester (12).
Pendant de longues années, à part quelques démêlés entre la ville et la Cité, qui pourraient bien avoir eu pour instigateur secret Archambaud II, successeur du jeune Archambaud Ier (1215), fils de son frère Hélie V, mort en Palestine, et dont il avait été le tuteur durant les trois ou quatre années qu’il survécut à son père, le Puy-Saint-Front et les comtes vécurent en bonne intelligence. Il ne faut pas oublier que l’organisation municipale de cette ville était depuis longtemps constituée et reconnue par l’autorité royale. Elle avait même transigé avec les comtes au sujet de certains droits, moyennant une redevance annuelle de 20 livres (13), en sorte qu’elle paraissait désormais délivrée pour toujours de toutes prétentions de leur part. Quant à la Cité, comme on l’a déjà vu plus haut, elle n’avait jamais eu de difficultés avec eux, par la raison péremptoire qu’ils ne s’étaient pas même avisés d’affecter aucun droit sur elle. Et, de fait, tous les actes s’accordent à déclarer formellement qu’elle était libre, exempte de toute juridiction et de tout péage; qu’elle se rendait à elle-même justice, tant au civil qu’au criminel, et qu’elle ne relevait que du roi.
L’état de paix durait encore en 1239; il existait même alors une certaine confiance entre le comte et la ville, car à cette époque nous la voyons prêter à ce seigneur 50 l. pour le paiement desquelles il lui abandonne la rente de 20 l. qu’elle lui doit annuellement à Noël (14). Un grand événement, accompli en 1240, mit un terme à cette bonne harmonie, plus apparente que réelle.
Depuis longtemps, soit qu’elles subissent des instigations secrètes, soit qu’en réalité le trop grand voisinage des deux localités fût une cause incessante de querelles et de trouble, la ville et la Cité étaient, pour ainsi dire, dans un état permanent de guerre. En avril 1217, à la suite des démêlés dont il a déjà été question, il y avait eu un arbitrage par l’évêque, assisté de deux bourgeois et de deux citoyens, qui réglait un certain nombre de points en contestation; mais cet arbitrage n’avait pas atteint le but qu’on s’était proposé. Loin de perdre de son âpreté, l’animosité, depuis lors, n’avait fait qu’acquérir plus d’intensité de part et d’autre, et la discorde allait toujours croissant. Eclairées par l’imminence du danger, et comprenant à la fin que leur mésintelligence ne pouvait être utile qu’aux comtes, les deux rivales, en 1240, se rapprochèrent, et conclurent définitivement une alliance (15) sans laquelle il n’y aurait eu bientôt plus de salut pour elles. Une circonstance importante à remarquer, c’est que, parmi les conditions stipulées dans ce traité, quelques-unes n’ont d’autre but que de mettre en garde les deux parties contractantes contre les empiétements des comtes.
S’il faut en juger par les événements subséquents, ce traité, sagement conçu, et rédigé dans des termes très convenables, fut généralement bien accueilli, et obtint même l’approbation du roi Louis IX; mais il portait une trop rude atteinte aux projets et aux espérances des comtes pour que celui qui vivait alors, Hélie VI, pût se décider à le laisser s’accomplir, sans essayer de jeter la perturbation parmi les alliées. Grâces à ses intrigues, cette paix solennellement jurée, cette réunion naguère encore vivement souhaitée de part et d’autre, étaient à peine en voie d’exécution, qu’une rupture éclatait violemment, et que bientôt la guerre recommençait plus acharnée et plus sanglante que jamais, dirigée par Hélie lui-même, qui, dans cette occasion, faisait cause commune avec la Cité contre la ville (16). Les hostilités durèrent jusqu’en 1247, et se seraient probablement prolongées longtemps encore si Louis IX ne se fût pas interposé, et n’eût pas, en quelque sorte, contraint les parties belligérantes à le prendre pour arbitre (17). La sentence arbitrale ne fut pas favorable au comte. Elle déclara formellement qu’il était l’instigateur des troubles, et non seulement il eut une partie de ses biens confisqués pour le revenu en être employé à l’entretien et à la nourriture des veuves et des enfants des habitants du Puy-Saint-Front tués dans les différentes rencontres qui avaient eu lieu, mais encore il fut obligé de prendre, vis-à-vis du monarque, l’engagement solennel de se croiser avec lui (18). Quant à la Cité et à la ville, elles ne furent pas non plus ménagées, et, quoique traitées avec bien moins de rigueur que leur ennemi, elles eurent aussi leur part de châtiment. Ce ne fut cependant qu’en 1250 que la discorde fut complètement apaisée, par l’entremise de l’évêque, auquel les deux rivales, d’un consentement mutuel, avaient confié le soin de régler leurs différends (19).
En 1266, Archambaud III, successeur d’Hélie VI, eut un nouveau démêlé avec la ville, au sujet de la fabrication de la monnaie; mais ils s’arrangèrent à l’amiable (20). En 1276, ils réglèrent également, d’un commun accord, la valeur des espèces (21). Dix ans plus tard, ils paraissaient tellement revenus à des sentiments meilleurs l’un pour l’autre, qu’ils traitèrent sans difficulté sérieuse une affaire bien autrement importante que celle de la monnaie, la question de l’étendue de la juridiction et de la justice du Puy-Saint-Front (22). Voici le résumé de l’acte qui fut rédigé dans cette circonstance solennelle:
« La ville payait auparavant aux comtes 20 l. de rente, à raison de certains droits de juridiction et de justice qu’ils y avaient anciennement exercés. La cession de ces droits à elle faite par eux, moyennant ces 20 l., n’avait, est-il dit, pour objet que le territoire compris dans l’enceinte de ses murs. Par le nouveau traité, Archambaud III consent que cette cession s’étende à toute la banlieue, moyennant autres 20 l. en sus et un marabotin d’or d’acapte (23), à chaque changement de comte. Les consuls acceptent cet arrangement au nom de la communauté, et le roi l’approuve (24). »
A partir de ce moment, cette rente de 40 l. et ce marabotin furent très exactement payés.
Il semblait, après cette transaction, que tout devait être fini; mais loin de là. En 1305, c’est-à-dire plus de dix-neuf ans après, et dix ans depuis la mort d’Archambaud III, auquel avait succédé Hélie VII, son fils aîné, deux autres de ses fils, Archambaud, chanoine de Périgueux, et Boson, chevalier, seigneur d’Estissac, sans la participation du comte Hélie, ou du moins sans son concours ostensible, s’adressèrent au roi de France pour obtenir de lui leur réintégration dans les droits que, selon eux, possédait autrefois sur le Puy-Saint-Front leur grand-père Hélie Taleyrand, et qu’ils prétendaient leur appartenir. Ils élevaient cette prétention, au lieu et place du comte, leur frère, dont ils ne parlaient pas, et à qui pourtant les droits réclamés, s’ils avaient réellement jamais existé, semblaient devoir revenir, comme sa propriété légitime et exclusive, en sa qualité de comte. Quelque étrange que pût paraître cette démarche de leur part et uniquement en leur nom, le roi l’accueillit pourtant, et donna les ordres nécessaires pour qu’une enquête fût faite. Cette enquête, qui eut lieu en effet, nous a été conservée, et a cela de précieux qu’elle reproduit exactement les prétentions des comtes. Voici en quoi elles consistaient :
1° Ils exerçaient toute juridiction et justice temporelle dans la ville et ses faubourgs, sur tous les bourgeois, habitants et autres personnes quelconques. Dans les cas d’homicide, ils pouvaient confisquer les biens des coupables; dans les cas de violences, coups, blessures, enlèvements, crimes de faux, escroqueries et adultères, ils prélevaient 65 sols et 1 denier d’amende. Toutefois, dans les flagrants délits d’adultère, il leur était aussi loisible de faire courir les coupables tout nus dans les rues de la ville. Les empoisonnements et les sortilèges étaient également de leur ressort.
2° Ils avaient le droit de fournir et de régler les poids et mesures, de surveiller ceux qui en faisaient usage, et de percevoir une amende de 65 sols et 1 denier sur les contrevenants.
3° Ils prélevaient 20 l. de monnaie courante à titre de collecte ou taille, et, si elles n’étaient payées la veille de Noël, ils avaient la faculté de saisir les chevaux et autres bêtes de somme appartenant aux bourgeois qui seraient trouvés hors la ville.
4° Ils convoquaient et commandaient l’armée dans la ville, les faubourgs et en campagne, laquelle armée se composait de sergents équipés en raison de la fortune respective des bourgeois, qui ne devaient, dans aucun cas, en fournir plus de chacun le sien; mais ceux qui n’obéissaient pas à leur commandement encouraient une amende de 65 sols et 1 denier.
5° Les proclamations qui se faisaient dans la ville n’étaient faites que par un crieur nommé par eux et ne recevant d’ordres que d’eux.
6° Tous les ans, les habitants de la ville et des faubourgs étaient tenus de leur prêter serment (25).
Après renonciation de ces prétendus droits, Archambaud et Boson ajoutaient que les bourgeois du Puy-Saint-Front les avaient soigneusement cachés à leur père et à leur frère (26); mais qu’ils étaient notoirement connus de tout le monde, comme si une ville eût pu cacher ce que tout le monde savait.
Cités à comparaître devant les commissaires chargés de faire cette enquête, le maire et les consuls, en présence d’Archambaud et de Boson, soutinrent énergiquement qu’on n’avait pas le droit de procéder à l’audition des témoins, et demandèrent qu’on leur livrât expédition des lettres du roi qui ordonnaient l’enquête, et des articles contenant les prétentions des enfants d’Archambaud; ce qui leur fut accordé. Le vendredi suivant, jour qui leur avait été assigné pour voir procéder à l’audition des témoins, ils comparurent de nouveau, et persistèrent à dire que cette audition ne devait pas avoir lieu; mais, comme on ne voulut pas faire droit à leur demande, ils se retirèrent, et l’interrogatoire se fit sans eux.
Vingt-six témoins furent entendus, sans que leurs dépositions vagues et décousues constatassent rien de clair, rien de positif. Aussi cette enquête n’eut-elle aucune suite importante, car on ne trouve, au parlement ni ailleurs, rien qui prouve que la cour du roi s’en soit jamais occupée sérieusement, à moins qu’on ne veuille regarder comme la conséquence rigoureuse de l’instruction de cette affaire un acte contenant une double citation faite par son ordre au comte Archambaud IV de comparaître devant elle, pour servir de garant aux deux parties; acte portant la date de 1319; et qui par conséquent était de 14 ans postérieur à l’enquête; sans compter que Boson n’existait probablement déjà plus, puisqu’il y est dit simplement que le procès est pendant entre la ville et le chanoine Archambaud (27). Il faut donc le reconnaître, ce qu’il y a de remarquable dans toute cette affaire, c’est que le comte Hélie VII ni son successeur, Archambaud IV, n’y prirent aucune part ostensible, et que même, pendant les six années qu’il vécut encore depuis l’enquête, Hélie VII n’eut pas la moindre contestation avec les habitants du Puy-Saint-Front.
A la mort d’Hélie (vers 1311), Archambaud IV, son fils aîné, était encore mineur, et par conséquent se trouvait dans l’impossibilité de susciter des embarras aux bourgeois de Périgueux, en se mêlant à cette affaire ou à toute autre propre à devenir la source de nouveaux démêlés. Aussi la paix ne cessa-t-elle pas de régner, du moins en apparence; car, au fond, comme les traditions de famille vivaient toujours scrupuleusement conservées par Brunissande de Foix, mère et tutrice du jeune comte, la lutte n’en existait pas moins; seulement, au lieu de procéder ouverte et franche, elle se traînait languissante et dissimulée. Toutefois, le temps de la minorité d’Archambaud IV mérite une attention particulière, car il fut l’époque d’une véritable révolution dans la manière de procéder des comtes. Jusqu’alors, ou du moins jusqu’à l’enquête de 1305, ils avaient toujours soutenu qu’une autorité acquise, une juridiction réelle et parfaitement déterminée sur la ville et ses habitants, leur appartenaient en propre. A partir au plus tard de cette minorité, les prétentions si formellement mises en avant, et si obstinément affectées par eux, pendant environ 150 ans, sont tout à coup abandonnées, ou du moins il n’en est plus question. Les droits dont on faisait tant de bruit, et pour lesquels on avait si longtemps combattu, ne sont plus comptés pour rien; on les oublie même pour suivre un nouveau plan de conduite bien différent, mais si habile dans son développement, qu’on serait tenté de croire qu’il fut médité à l’avance, et même calculé avec une grande perspicacité. Pour s’en convaincre, il suffit d’examiner la manière dont on procéda de prime abord, afin de le mettre en voie d’exécution; les efforts que l’on tenta, et les moyens que l’on employa, l’espace de plus de quarante années, dans le but de le faire réussir.
Pendant la durée de la tutelle, ne voulant pas, ou peut-être, pour parler plus juste, ne pensant pas qu’elle pût, sans péril, attaquer de front les bourgeois, la comtesse se livra aux intrigues, mina le terrain et ne cessa de s’appliquer à aplanir des difficultés de détail.
Mieux que personne, elle connaissait le véritable état des choses, et savait parfaitement qu’il était matériellement impossible de vaincre, de vive force, les résistances d’une population énergique toujours défiante, sur ses gardes, et prête à combattre les projets formés contre elle par ses ennemis. Les échecs éprouvés par les prédécesseurs de son fils avaient dû l’éclairer et lui faire comprendre que désormais les moyens détournés étaient seuls propres à fournir des éléments possibles de triomphe, et que seuls ils pouvaient conduire Archambaud IV ou ses descendants au but que la convoitise des comtes antérieurs avait si souvent manqué, sans pourtant jamais se décourager.
Le succès le plus important qu’elle obtînt dans cette nouvelle voie date de 1317. Par ses soins, au mois d’avril de cette année, un pariage (28) fut établi entre ce jeune seigneur et le chapitre de Saint-Front, alors ennemi de la ville. Ce pariage, entre autres dispositions, en comprenait une qui plaçait sous la juridiction commune les hommes que les deux parties contractantes avaient dans le château et la châtellenie de Périgueux. Le but apparent de ce pariage était de mettre fin aux contestations depuis longtemps survenues entre les comtes et le chapitre; mais il entrait évidemment avant tout dans les desseins de Brunissande de donner plus de force à l’action réunie du comte et du chapitre contre la ville. Si l’on pouvait en douter, il suffirait de faire observer que l’idée de ce pariage se rattachait à une querelle survenue dès 1316 entre la municipalité et le chapitre, qui, malgré la cession de sa juridiction temporelle sur la paroisse de St-Front, faite au roi en 1313-1314, moyennant une rente annuelle (29), affectait cependant encore des prétentions telles, qu’il crut être en droit, en 1317, comme on vient de le voir, de faire entrer en ligne de compte, dans son traité avec Archambaud, les hommes qu’il avait dans le château et la châtellenie de Périgueux. Ce pariage fut approuvé par le roi en 1318, et, de la sorte, acquit le plus grand degré de force qu’il était possible de lui donner.
Cependant les habitants de Périgueux (ville et Cité), effrayés sans doute des conséquences que pouvait avoir pour eux cette association menaçante, ne perdirent pas de temps, et s’appliquèrent, dès ce moment, à paralyser les efforts réunis de leurs deux puissants ennemis. En 1319 (30), ils s’adressèrent à Philippe-le-Long, dans le but d’établir pareillement un pariage entre eux et ce monarque, et obtinrent que des commissaires fussent envoyés sur les lieux pour préparer les voies. Ces commissaires, en effet, se rendirent à Périgueux, réunirent les habitants et firent nommer deux délégués par quartier, qui, conjointement avec le maire, les consuls et quelques autres fonctionnaires, furent chargés de préparer le traité. Mais ces sortes d’affaires ne vont jamais vite. Celle-ci traîna si bien, et fit naître probablement des bruits si divers, qu’en 1322 le comte, s’en étant alarmé, profita d’une circonstance favorable pour demander que le pariage projeté n’eût pas lieu, sous le prétexte que la ville tenait sa juridiction de lui, moyennant 40 l. de rente (31). Et, quoique sous une forme plus modeste et plus détournée, ce ne fût en réalité que la reproduction des anciennes prétentions de ses prédécesseurs, il fit cependant cette démarche si à propos, que le roi donna des ordres pour que rien ne se fit sans le concours de ce seigneur, ce qui équivalait à peu près au rejet de la proposition.
Ajoutez à cela que, la guerre ayant recommencé, l’année suivante, en Guienne, il ne fut plus question de ce projet, soit qu’on ne voulût pas ou soit qu’on ne pût pas s’en occuper davantage. Cette affaire une fois mise de côté, désormais, grâce à la direction que prenaient les événements, le comte de Périgord n’avait plus qu’à patienter. Mieux que les droits qu’il pouvait tenir de ses ancêtres, les querelles de la France et de l’Angleterre devaient nécessairement fournir des chances avantageuses dont il lui serait facile de tirer le meilleur parti possible. Aussi aucune tentative nouvelle ne vint alarmer la ville de Périgueux pendant tout le temps que vécut Archambaud. Il est bien vrai qu’on a prétendu qu’en 1329 il obtint contre elle un jugement; mais les auteurs de l’Art de vérifier les dates (32), en signalant cette circonstance, ont soin d’ajouter qu’ils n’osent l’affirmer, n’ayant point vu l’arrêt dont il s’agit; et, de fait, rien ne permet de croire à l’existence de ce jugement, dont les motifs ne sont pas indiqués.
Allons même plus loin, et n’hésitons pas à dire que, tout irascible et prompt à s’emporter qu’il était, Archambaud IV ne pouvait pas réellement avoir de démêlés sérieux avec les bourgeois du Puy-Saint-Front; et cela par la raison toute simple que des soins importants appelèrent constamment son attention ailleurs, et voici comment. En 1313, et par conséquent long-temps avant sa majorité, il avait épousé Jeanne de Pons, sœur de Régnaut de Pons, sire de Bergerac, à laquelle, en 1322, ce seigneur fit don de tous les biens qu’il possédait. Mais plus tard, par un revirement qu’il n’est pas nécessaire d’expliquer ici, ce même Régnaut ayant assigné à sa femme, Mathe d’Albret, la seigneurie de Bergerac, en compensation de sa dot, à sa mort (1334) ce changement de disposition fut la source d’un procès entre Mathe et Jeanne, représentée par son mari, qui commença d’abord par s’emparer de vive force de la ville de Bergerac, eut beaucoup de difficultés au sujet de cet acte de violence, et mourut avant que ce procès fût terminé.
D’où il suit évidemment que l’attention d’Archambaud ne put pas se détourner de cette grande affaire, dont il s’occupait déjà long-temps avant 1334. Son successeur et frère, Roger-Bernard, suivit ses errements, et, pendant plusieurs années encore, consacra exclusivement tous ses soins à cette contestation. Il procéda même avec tant d’énergie et se montra si âpre à sa poursuite, qu’en 1339 le roi Philippe de Valois ne trouva pas de meilleur moyen, afin de couper court à toutes les querelles, que de se rendre acquéreur, pour son propre compte, de la seigneurie litigieuse, en désintéressant tous ceux qui avaient des prétentions sur elle (33). Les droits du comte de Périgord, fixés à 1,600 l., devaient être compensés par différents domaines ou droits appartenant à la couronne, dont la remise lui serait faite après estimation préalable. L’opération était commencée; quelques domaines avaient même été remis, et tout semblait promettre qu’on pourrait compléter cette sorte d’échange de la manière la plus avantageuse pour l’acquéreur et le cessionnaire, sans soulever aucune difficulté sérieuse, lorsque Roger-Bernard, secondé sans doute par son frère Hélie Taleyrand, cardinal de Périgord, déjà fort bien venu à la cour, et qui voyait incessamment grandir sa réputation et son influence, crut le moment favorable pour mettre à exécution le plan dont Brunissande n’était peut-être pas la créatrice, mais que la première elle avait mis en pratique. En conséquence, il s’attacha d’abord à faire comprendre dans l’assignation, non encore complète, certains revenus que le roi possédait à Périgueux. Voici ce qu’on lit à ce sujet dans des lettres de Jean, évêque de Beauvais, lieutenant du roi en Languedoc et Saintonge, données à Brives, le 10 novembre 1341, portant commission à Pierre Des-Combes, juge de Bergerac, d’avoir à s’enquérir de la valeur réelle du produit de certaines parties du domaine royal demandées en compensation de la ville, terre et seigneurie de Bergerac:
« Le procureur du comte nous a fait connaître en détails le revenu de la juridiction appartenant au roi, en vertu du pariage (34) existant entre lui et le chapitre de Saint-Front, le revenu des rentes et du sceau qu’ils possèdent également par indivis, le revenu du droit du commun de la paix que le roi est dans l’usage de percevoir à Périgueux, le revenu de ce même droit qu’on lève annuellement sur les bourgs et paroisses de Treillissat, Celles, Burée, Féliche (35), Verteilhac, Bertric, Léguillac, Saint-Paul-de-Bouteilles, Saint-Martial-de-Viveyrols, Lépine (36), Alamans et Lisle, avec les juridictions et appartenances que le roi possède dans ces localités, et aussi la juridiction qui lui appartient sur les lieux de Champagnac et de Saint-Pancrace; toutes lesquelles choses ledit procureur demande qu’elles soient assignées audit comte (37). »
Ce qui, par le fait, eut lieu, du moins en partie; car, de ces différents revenus, le produit du sceau, de la cire du sceau et du droit du commun de la paix lui furent attribués, sans différer, par ce même évêque de Beauvais. Comme on n’aura pas de peine à le croire, cette décision n’était pas faite pour être favorablement accueillie par les bourgeois de Périgueux. Il leur était trop impossible de ne pas s’effrayer des funestes conséquences qu’elle ne pouvait manquer d’avoir et des dangers qu’elle devait nécessairement leur susciter, pour qu’ils ne cherchassent pas à en empêcher l’exécution, par tous les moyens dont ils étaient à même de disposer. Ils s’y opposèrent donc avec énergie, et adressèrent au roi des réclamations si vives, si pressantes, qu’ils finirent par se faire écouter, et qu’au mois de janvier 1342, Philippe de Valois leur accorda des lettres confirmatives de leurs privilèges et franchises, dans lesquelles on lit:
« Nonobstant que pour le reste de l’assignation que nous devons faire à nostre cher et féal comte de Périgord, en compensation de la terre de Bergerac qu’il nous a cédée, nostre cher et féal l’évêque de Beauvais, nostre lieutenant au pays de Languedoc, ait ordonné, par ses lettres patentes, à certains commissaires d’assigner audit comte, ou lui attribuer en toute propriété, le patrimoine à nous appartenant sur le pariage commun entre nous, l’abbé et le chapitre de Saint-Front de Périgueux, et le droit du commun que nous sommes dans l’usage de prélever, tous les ans, dans la ville et ses dépendances, lesquelles lettres, relativement aux choses susdites, et tout ce qui a pu s’en suivre ou pourrait en résulter par la suite, nous voulons être de nulle valeur (38). »
C’était beaucoup sans doute d’avoir obtenu qu’une déclaration aussi explicite fût consignée dans des lettres de confirmation de privilèges; mais, pour que le succès fût complet, il fallait que ces lettres fussent approuvées et expédiées par la Chambre de Comptes. Or, elles portaient une trop rude atteinte aux intérêts et aux desseins de Roger-Bernard, pour que ce seigneur ou ceux qui agissaient en son nom n’intriguassent pas, sinon pour la faire rapporter, du moins pour en paralyser les effets. Aussi ne négligèrent-ils aucun des moyens dont ils purent disposer pour atteindre ce but. Et, par le fait, ils réussirent presqu’au delà de leurs espérances; car non seulement ces lettres ne furent pas expédiées sur-le-champ et ne l’étaient pas même au 18 mars, mais encore, ce jour-là, ils obtinrent un ordre, adresse au juge de Bergerac, Pierre Des-Combes (39), par lequel il lui était enjoint de citer le maire et les consuls aux Requêtes de l’hôtel, pour le mois de Pâques prochain venant (40); ce qui fut exécuté, à la grande satisfaction, sans doute, du comte de Périgord, à qui cet ordre dut faire croire que tout allait désormais marcher au gré de ses désirs. Cependant les illusions que cet incident avait dû faire naître et prolongeait sans doute en Périgord ne durèrent pas longtemps à Paris. Deux jours à peine s’étaient écoulés depuis l’expédition de l’ordre dont il vient d’être question, que le roi, fatigué sans doute des sollicitations dont on l’obsédait, se ravisa tout à coup et adressa au chancelier un mandement ainsi conçu:
« De par le roy, chancelier, savoir vous faisons que nostre entente n’est pas de bailler au conte de Pierregort ou a autres aucunes de noz rentes, profiz et emolumenz a nous appartenans en la ville de Pierregort; si vous mandons que aus consulz d’icelle ville vous faites délivrer noz lettres a eux octroïées, lesquelles sont en la Chambre de noz Comptes. Donné à Saint-Christophe-en-Halate, le 20e jour de mars, l’an (mil) CCCXLI (1342 N. S.) (41). »
Cet ordre était formel; et, après l’avoir lu, on est naturellement porté à croire que tout devait être fini. Il n’en fut cependant pas ainsi, et la citation n’en eut pas moins son effet. Ce qu’il y a même de plus extraordinaire, c’est que, trois jours après l’expiration de la quinzaine de Pâques, c’est-à-dire le 11 avril, lorsque, très probablement, on ignorait encore en Périgord ce qui s’était passé aux Requêtes de l’hôtel, où le maire et les consuls s’étaient présentés, Pierre Des-Combes, étant à Périgueux, dans le couvent des Frères-Mineurs, s’avisa de prendre une décision par laquelle il déclarait que, sans avoir égard à l’appel au roi par ses officiers municipaux, la ville paierait à l’avenir au comte le droit du commun de la paix, et lui obéirait comme elle obéissait auparavant au roi (42). Quelque étrange que fût cette décision, elle passa pourtant inaperçue, grâce à la tournure que les Requêtes de l’hôtel firent prendre à cette affaire. En effet, voici ce qui arriva. Comme on vient de le voir, le maire et les consuls, conformément à la citation qu’ils avaient reçue, s’étaient présentés devant les gens de ces Requêtes, au temps indiqué, avec les lettres et privilèges desquels ils entendoient s’aider contre ledit comte (43). Au lieu de les écouter et de reconnaître les droits que leur attribuaient les lettres de janvier, ces magistrats avaient renvoyé les parties devant l’évêque de Beauvais (44), qui, involontairement ou à dessein, laissa tout en suspens jusqu’au mois d’août. Encouragé sans doute par ces retards, et sûr probablement des bonnes dispositions du lieutenant du roi, Roger-Bernard se rendit plus pressant, et, le 6 de ce mois, obtint des lettres qui, par le fait, annihilaient tout ce que le roi avait accordé antérieurement à ses adversaires. Ces lettres chargeaient l’évêque de Beauvais de s’assurer si les privilèges réclamés par les bourgeois, et sur lesquels avait d’abord été fondé le refus d’accession par Philippe au don fait au comte, étaient aussi formels qu’ils le prétendaient, et, afin qu’on ne pût pas se tromper sur les intentions présentes du monarque, elles s’exprimaient en ces termes:
« Et ainsi est encore et a esté, par les illicites oppositions et frivoles desdits consuls et habitans.... retardée ladite assignation estre faite audit conte, en son grant grief et dommage, si comme il dit, pourquoi nous vous mandons. . . . . . . et commettons que, lesdites parties appelées par devant vous . . . . . . . sur toutes les choses dessusdites et les dépendances d’icelles et sur le fait et teneur desdits privilèges et de toutes les circonstances de débats et discords dessusdits, souverainement et de plein et sans figure de jugement, par l’inspection desdits privilèges ou autrement, ainsi comme bon vous semblera à faire, vous informés bien et diligemment et sans délai, et ce que vous en trouverez, avec vostre avis, nous reserviez féablement soubs vostre séel. . . . . . . afin que, sur ce, nous y puissions pourvoir de tel et si convenable remède comme bon nous semblera, etc. (45). »
Ces paroles étaient explicites, et constataient qu’une révolution entière, absolue, s’était opérée dans les dispositions de Philippe de Valois. Il y avait donc tout lieu de penser que son lieutenant entrerait complètement dans ses vues, et c’est ce qu’il fit en effet. Le résultat de l’enquête de l’évêque fut en tout point favorable aux projets du comte. Cependant, soit qu’il craignît que le roi se ravisât et ordonnât une contre-enquête qui pourrait lui devenir fatale, soit qu’il fût persuadé que, tout en le réintégrant dans l’assignation que lui avait d’abord faite l’évêque de Beauvais, Philippe y mettrait des restrictions ou lui imposerait des obligations qui pourraient le gêner dans ses projets ultérieurs, au lieu de s’adresser directement à lui, ce seigneur trouva plus commode et probablement aussi plus sûr d’avoir recours à Jean, duc de Normandie, alors lieutenant de son père en Languedoc, dont le caractère révélait déjà ses instincts d’aveugle affection pour la noblesse qu’il porta si loin durant son déplorable règne. Par le fait, il n’eut qu’à se féliciter de sa détermination; car ce prince, par ces lettres, données à Montpellier le 4 juillet 1344, lui adjugea purement et simplement les trois sources de revenu objet de sa convoitise. Mais, pour qu’il n’y eût plus à revenir sur cette décision, il fallait la sanction royale à l’œuvre de Jean. Cette sanction, qu’on aurait pu croire difficile à obtenir, ne se fit pas long-temps attendre; ces lettres furent confirmées, dans tout leur contenu, par le père de ce prince, en janvier 1345 (46).
Après un changement aussi solennel, après un aussi éclatant démenti donné à ses résolutions antérieures, certes on ne comprendrait pas, de nos jours, qu’il fût possible, non pas à un roi, mais à un homme, quel qu’il fût, d’oser faire encore une fois volte-face, et de condamner hautement et publiquement ce qu’il aurait tout récemment approuvé d’une manière aussi absolue. Il est malheureusement vrai de dire que ce qui ne manquerait pas de soulever aujourd’hui l’indignation générale paraissait tout simple et tout naturel au quatorzième siècle. Sous ce rapport même, le règne de Philippe de Valois, dans le cours de cette affaire, dépassa constamment les habitudes ordinaires. C’est ainsi qu’en février 1346, c’est-à-dire environ treize mois après la confirmation des lettres de Jean, ce monarque, par de nouvelles lettres, dans lesquelles il résumait minutieusement tout ce qui s’était passé depuis 1341, et prétendait que la confirmation accordée en janvier 1345 avait été subrepticement obtenue de lui ou de sa cour, révoqua l’assignation faite au comte, gardant pour lui tous les revenus adjugés, et déclarant qu’ils ne seraient jamais aliénés de la couronne (47).
Quelque rude, quelque funeste que fût ce nouveau coup, le comte de Périgord, loin de se décourager, ne montra que plus de persistance à marcher vers le but qu’il s’était proposé. Sans hésiter, il eut recours une seconde fois au prince Jean, et, chose à peine croyable, en obtint, au mois d’août suivant, d’autres lettres qui annulaient celles de son père, et le remettaient de nouveau en possession de tout ce dont il avait été déjà dépossédé deux fois. Mais ce qu’il y a de plus surprenant encore, c’est qu’il parvint, au mois de novembre de la même année, à les faire confirmer par le roi (48), qui, six mois après, ne se croyait déjà plus engagé; car, le 11 mai de l’année suivante, ce monarque, pour récompenser la belle conduite et le courage des habitants de Périgueux à l’encontre des Anglais, leur donna deux mille livres en remboursement de leurs frais, et, afin de subvenir aux réparations de leurs murs, à prendre, mille livres en trois ans, sur le gros commun qui lui était dû dans tout le Périgord, et les autres mille livres, en tant d’années qu’il en faudrait, sur le petit commun qui se levait pour lui en ladite ville (49). De sorte que, par le fait, à cette époque (mai 1347), le roi ne regardait plus le commun de Périgueux comme aliéné en faveur du comte (50).
A partir de ce moment, le feu croisé des lettres officielles resta suspendu jusqu’en 1351. Ce n’est pas que les démêlés entre la ville et le comte fussent terminés: loin de là; mais les formes judiciaires qu’ils revêtirent dès-lors diminuèrent de leur âpreté et de leur vivacité primitives. Les bourgeois surtout, satisfaits de la position que leur avaient faite les lettres de 1347, ne s’inquiétaient pas beaucoup des démarches du comte. Cependant Philippe de Valois étant mort (août 1350), Roger-Bernard, qui connaissait parfaitement le faible de son successeur pour la noblesse, ne perdit pas de temps, et, à l’aide de son frère le cardinal, chercha à se concilier l’estime et l’affection du nouveau monarque dont, à deux reprises différentes (1344, 1346), il avait reçu des marques du plus haut intérêt. Il réussit au gré de ses espérances, et fit même si bien, qu’indépendamment du don de plusieurs domaines importants qu’il lui octroya, dans le cours de la première année de son règne, Jean remit en vigueur, au mois de février 1352 (51), ses lettres d’août 1346, confirmées par son père au mois de novembre de la même année, et que celles de 1347 avaient annihilées. Mais ce n’était pas tout; la situation que les lettres de 1347 avaient faite aux bourgeois ne pouvait manquer d’être embarrassante pour le comte; car, dans ces temps de trouble et de guerre, il n’était pas facile de les déposséder d’un revenu consacré à des travaux d’utilité publique, d’autant que ce revenu avait été l’objet de longues contestations. Il était donc probable que ces bourgeois, qui jusqu’alors avaient lutté avec tant d’énergie contre ses intrigues, ne se laisseraient pas dépouiller sans résistance. C’est ce que comprit parfaitement Roger-Bernard: du moins est-il permis de le conclure de sa conduite ultérieure. Nous savons, en effet, qu’au lieu d’essayer d’entrer immédiatement en possession, il louvoya, et laissa les bourgeois dans une sorte de sécurité trompeuse, pendant plus d’un an, de sorte que, contre leur prudence ordinaire, le maire et les consuls cessèrent de se tenir en garde et de témoigner à son égard la sage défiance dont ils s’étaient toujours armés, et qui leur avait constamment fourni le moyen d’échapper aux pièges qu’il leur tendait. C’était évidemment ce qu’il désirait, et ce qui convenait le mieux à ses projets.
Aussi, quand les choses en furent au point qu’il souhaitait, il ne différa plus, et se mit en devoir (1353) de contraindre la ville à se soumettre, de gré ou de force, à sa volonté. Par le fait, le moment était bien choisi, et il eût été difficile de trouver jamais une occasion plus favorable. Son frère le cardinal, qui jouissait du plus grand crédit auprès du monarque, lui avait été d’un grand secours dans mainte occasion; ses amis étaient nombreux à la cour; sa famille était puissante, et lui-même avait l’affection de Jean; de plus, ses adversaires et lui se trouvaient placés dans un pays de frontière, où la guerre exerçait incessamment ses fureurs et ses ravages; enfin, on était aux approches de la moisson. Quel que fût le succès de son entreprise, il n’avait, à vrai dire, rien à redouter de la part de personne. Les tendances du roi de France ne pouvaient lui être que favorables, et, dans tous les cas, il lui restait toujours la ressource de passer à l’ennemi, si, indigné de l’excès de son audace, Jean s’avisait jamais de vouloir l’en faire repentir. Il n’y avait donc pas à hésiter, car toutes les chances étaient pour lui; du moins il pouvait le croire. Il sut conduire son entreprise avec tant de bonheur et de discrétion, que les bourgeois n’en eurent connaissance qu’au moment où toutes ses mesures étaient prises pour qu’ils ne pussent pas même essayer de lui faire résistance. Les premières nouvelles du danger qui les entourait parvinrent au maire et aux consuls le 21 juin. Ils en furent avertis « par quelques amis de la ville et divers personnages notables, hommes dignes de foi, désireux et ayant la volonté de prendre soin de son honneur et de ses intérêts, de faire connaître et d’éviter les pertes qu’elle pourrait encourir, et les périls évidents qui la menaçaient. Ces amis leur avaient appris qu’honorable homme, le seigneur comte de Périgord, avec toutes ses forces, facultés et amis, de l’obédience des deux seigneurs, le roi de France et le roi d’Angleterre, voulait et prétendait, à raison ou à tort, faire la guerre à feu et à sang contre le Puy-Saint-Front, et que son intention était de détruire, ruiner et arracher, par le feu ou par tout autre moyen dont il pourrait faire usage, tous les bleds et toutes les vignes qui appartenaient aux bourgeois, de remplir de soldats et de pillards toutes les églises et autres lieux des environs, et de ne rien négliger pour les accabler. Ils avaient ajouté qu’on pouvait, dès à présent, se faire une idée approximative de ses desseins, puisque déjà il avait fait garnir et occuper les églises de Chancevinel et de Treillissac, et que même il les avait fortifiées, ce qui suffisait pour causer des dommages irréparables (52). »
Ces détails communiqués aux principaux bourgeois, réunis à la hâte, le maire et les consuls firent remarquer qu’il n’était pas possible de résister sérieusement à une armée aussi puissante que celle du comte, au milieu du théâtre de la guerre, entre les deux rois, et par un temps comme celui qui courait, surtout si l’on voulait bien faire attention qu’on touchait à l’époque de la moisson et des travaux les plus nécessaires à la vigne. Ils proposèrent, en conséquence, de traiter avec Archambaud, de la manière la moins désavantageuse possible, ce qui finit par être convenu, d’un commun accord, quoique d’abord il y eût quelques opposants (53). Immédiatement après en avoir reçu le pouvoir, le maire et les consuls s’empressèrent d’entrer en pourparlers avec le comte, avec lequel ils étaient pressés d’en finir, pour se débarrasser de sa redoutable armée, prête à tout détruire. Cinq jours après (le mercredi suivant 26 juin), les bases d’un traité étaient posées et acceptées de côté et d’autre, avec promesse, de la part du maire et des consuls, d’obtenir l’approbation des trente prud’hommes composant le conseil de la ville (54). Cette approbation fut officiellement donnée le dimanche suivant (30 juin), non seulement par les trente prud’hommes, mais encore par un certain nombre de bourgeois et de citoyens influents (55). Toutes les formalités préliminaires une fois accomplies, on ne perdit pas de temps pour terminer, d’autant que le comte, selon toute probabilité, était aussi pressé de conclure que la ville elle-même, dans la crainte où il devait être de voir quelque incident imprévu déranger ses projets, au moment où il allait toucher le but de ses longs efforts. Le dimanche (7 juillet) fut choisi et accepté pour ratifier ce traité avec toute la solennité voulue, et le revêtir de toutes les formes authentiques exigées en pareille circonstance. Cet acte est d’une telle importance, et sa nature est si complexe, qu’il est indispensable d’en donner ici une analyse détaillée, sans laquelle on aurait de la peine à bien se rendre compte d’une partie des événements subséquents.
« Après avoir exposé et affirmé qu’il possède la moitié de la juridiction de la cour du célérier (56), commune entre lui, l’abbé et le chapitre de Saint-Front, dans la paroisse de ce nom, et avoir rappelé à quelle occasion et pourquoi le droit du commun lui avait été donné et confirmé par le roi Jean, le comte déclare hardiment qu’il est et a été depuis longtemps en paisible possession ou à peu près de ce droit, au vu et au su de tout le monde, sans débat ni contradiction de la part de qui que ce soit (57); qu’il ne s’en est jamais dessaisi, et qu’il n’a jamais fait aucun acte qui pût casser ou annuler celui qui va suivre, dont le but est de former une confédération avec le maire, les consuls et la communauté de Périgueux, et de leur être largement agréable. Pour cela, il leur cède à perpétuité cette moitié de juridiction et ce droit du commun, pour en jouir et user en toute liberté, moyennant une rente annuelle de cinquante livres de monnaie périgourdine payables, vingt-cinq livres à la Saint-Jean, et les vingt-cinq autres à Noël, plus un florin d’or d’acapte à chaque avènement d’un nouveau comte de Périgord, auquel ils déclareront en même temps qu’ils tiennent cette moitié de juridiction et tout ce commun de lui comme du seigneur direct, sans autre obligation ni devoir envers lui ou ses successeurs, sauf et réservée, en tout et pour tout, la volonté, le consentement et la permission du roi, dont il promet d’obtenir la ratification, la confirmation et l’approbation dudit traité, par des lettres scellées du sceau royal, voire même par des lettres du pape, si c’est nécessaire.
De leur côté, le maire et les consuls, du consentement exprès des trente prud’hommes, reconnaissent la vérité des assertions du comte, et acceptent l’acensement aux conditions imposées, mais également sous la réserve de la volonté et du consentement du roi, ajoutant que désormais, quand il y aura des proclamations dans la ville, dans la Cité ou dans les faubourgs, à son de trompe ou par le crieur public, à part celles qui regardent la couronne, elles se feront toutes au nom du comte, du maire et des consuls, et avec des panonceaux aux armes du comte, de la ville et du maire, sauf l’expresse restriction que, de cette manière de procéder aux proclamations, pas plus que de l’apposition de ses armes sur les panonceaux, il ne résultera pour le comte aucune juridiction haute, moyenne ou basse, ni aucune sorte de droit, et si, par hasard, il s’avisait jamais d’avoir quelque prétention ou d’apporter quelque entrave à l’action du maire et des consuls, que toute proclamation, faite durant la collision, sera nulle, et que ses armes seront effacées sur les panonceaux, sans toutefois que les autres clauses du traité cessent d’être obligatoires.
De plus, il est convenu entre le comte, le maire et les consuls, que tout premier appel, soit de la cour du consulat de la ville, soit de la cour commune, nommée du célérier, pour quelque cause que ce puisse être, lors même qu’on appellerait au roi ou à son sénéchal, sera porté, sans contrainte, à lui comte ou au juge des premières appellations qu’il doit établir dans la ville (58), lequel juge connaîtra des causes civiles et criminelles, et devra être originaire de la ville ou y habitant, sans que jamais les causes puissent être portées ni jugées ailleurs. On déclare du reste, quoi qu’il puisse arriver, que cette moitié de juridiction ni ce droit de commun ne sauraient tomber en commise ni être saisis ou mis sous la main des comtes. Il est convenu, en outre, que les contestations qui pourraient survenir seront soumises à des amis communs. Enfin, on s’engage de part et d’autre à tenir ce traité religieusement, surtout, répètent le maire et les consuls, parce que tout ce qu’il contient à pour but l’utilité et l’avantage du comte, du maire, des consuls et de la communauté. Quant aux habitants de la Cité, tout en y intervenant, ils ont soin de faire leurs réserves pour leurs droits, leurs immunités et leurs franchises, avec la condition qu’ils ne seront pas obligés de contribuer à la rente de 50 livres ni au florin d’acapte, ce qu’on leur accorde, sauf les cas d’appel et les proclamations avec les panonceaux aux triples armes (59), etc., etc., etc. »
Lors même qu’on ne saurait pas qu’une armée tenait la ville en échec, et par suite mettait le comte à même de dicter et d’imposer sans ménagements son impérieuse volonté, à la lecture seule de cet acte on comprendrait sans peine que le maire et les consuls étaient dans l’impossibilité d’agir librement. D’une part, c’est l’orgueil du plus fort qui respire dans les formes tranchantes employées pour exposer des faits mensongers, mais qui certainement ne seront pas démentis; de l’autre, au contraire, c’est la crainte de se compromettre ou d’irriter un adversaire puissant. On procède avec circonspection, on agit avec ménagement, tout en ne négligeant aucun des moyens préventifs dont on peut faire usage, et à l’aide desquels on espère échapper plus tard aux conséquences de la violence qu’on est obligé de subir, faute de pouvoir se prémunir dès à présent contre toutes les éventualités. Par bonheur pour la ville, ce traité si durement imposé ne fut jamais exécuté, grâce aux événements postérieurs.
Après que le comte eut obtenu ce qu’il convoitait depuis tant d’années, ou du moins lorsqu’il se crut arrivé au but si longtemps désiré, il ne fit plus difficulté de se retirer avec son armée, et de laisser les habitants de la ville et de la Cité à leurs affaires les plus urgentes, d’autant que, désormais, ce qui lui importait avant tout, c’était de s’assurer des dispositions du roi Jean. Or, il avait un moyen sûr de bientôt les connaître: c’était de solliciter l’autorisation d’établir à Périgueux le juge d’appel mentionné au traité. Sans perdre de temps, il fit les démarches nécessaires à ce sujet, et, à l’empressement avec lequel elles furent accueillies, il n’eut pas de peine à comprendre que Jean était resté le même envers lui. Le droit de constituer son juge d’appel lui fut concédé en janvier 1354 (60); mais, par le fait, il en fut de cette concession comme du traité: elle n’eut pas de suites. Tout allait donc au mieux pour le comte, lorsque la guerre se ranima plus ardente entre la France et l’Angleterre; de sorte que ces pauvres habitants de Périgueux, qu’on avait naguère encore dédaigneusement abandonnés à la convoitise de Roger-Bernard, devinrent tout à coup et fort à propos l’objet de la sollicitude et des prévenances de la couronne, qui dès-lors ne s’occupa plus des affaires du comte. Plusieurs tentatives avaient été faites de la part des ennemis, dans le but de s’emparer de la ville et de la Cité.
Le 14 mars, le sénéchal écrivit aux maires et aux consuls pour leur recommander de prendre toutes les mesures de sûreté possibles, de faire contribuer aux dépenses tous ceux qui y étaient obligés, de réparer les fortifications, de garder exactement leurs portes, d’avoir soin que le guet fût rigoureusement fait, en un mot de ne négliger rien pour conserver au roi ses fidèles sujets (61). Cette lettre, dictée plutôt par les circonstances difficiles que par un sentiment réel d’affection, fut pourtant le signal d’une sorte de réaction en faveur de la ville, qui, grâce aux longs malheurs déchaînés sur la France humiliée, finit par se tirer de la position désastreuse que les intrigues et les audaces du comte Roger-Bernard lui avaient si fatalement faite. L’année suivante, les Anglais, maîtres de presque tout le pays, inquiétaient trop vivement le roi pour qu’il négligeât aucun des moyens qui pouvaient contribuer à la conservation de ses états. Périgueux avait toujours montré la plus grande répulsion pour ces adversaires de la France et n’était jamais tombé entre des mains étrangères. Jean lui fournit avec une générosité calculée le moyen de résister aux nombreux périls qui l’entouraient (26 avril 1355) (62). Cependant, située dans la plaine et mal défendue par des fortifications insuffisantes, la Cité ne tarda pas à être surprise par les ennemis, qui s’y établirent, et cherchèrent, à l’aide de cette position, à s’emparer de la ville. Dans cette occurrence, le roi (mai 1356) s’empressa d’accorder de nouvelles faveurs au maire et aux consuls, en leur garantissant leurs droits et leur autorité, s’engageant en outre à leur rendre la Cité, aussitôt qu’elle aurait été reprise (63).
Les choses en étaient là, lorsque la funeste bataille de Poitiers suspendit les bonnes dispositions du roi à l’égard de Périgueux, mais rendit aussi désormais à peu près impossible la ratification du traité de 1353 et, conséquemment, l’exécution des lettres de janvier 1354. Il est vrai qu’à côté de l’avantage imprévu et si cruellement acheté que cet événement leur procurait, se trouvait une cause de nouvelles tribulations, dont l’effet immédiat fut de susciter aux bourgeois et aux citoyens un danger non moins réel et peut-être plus difficile à éviter que celui auquel ils échappaient. Je veux parler de la convoitise dont la Cité, toujours aux mains des Anglais, devint tout à coup l’objet delà part de la maison de Périgord. Ce fut le cardinal Hélie Taleyrand qui conçut le hardi projet de s’en emparer. Ce prélat était, comme on sait, un des hommes les plus importants de l’époque. Son mérite, ses richesses et ses hautes fonctions ecclésiastiques lui avaient assuré une grande influence. Ce qu’il y a même de curieux à signaler, et ce qui caractérise parfaitement les mœurs du temps, c’est que ce prince de l’église, dans ses longues relations avec la France et l’Angleterre, s’était toujours si bien ménagé l’affection des deux partis, qu’ils le regardaient réciproquement comme un ami dévoué, comme un zélé défenseur de leurs droits respectifs, quoique, au milieu de ses nombreuses occupations, il se montrât toujours beaucoup moins soucieux de leurs intérêts que des siens et de ceux de sa famille, dont il s’appliquait incessamment à augmenter les richesses et l’influence. Il n’avait jamais manqué d’intervenir officieusement dans toutes les affaires que son frère Roger-Bernard avait eu à traiter, soit avec la France, soit avec l’Angleterre, et constamment il avait trouvé le moyen de lui rendre favorables l’un et l’autre monarque. Il serait difficile de ne pas admettre qu’il vit avec douleur les événements, survenus depuis 1353, empêcher le roi de donner son approbation au traité du 7 juillet. Il y a tout lieu de penser aussi qu’il comprit sans peine que les retards causés par ces événements lui seraient irrémissiblement funestes, surtout quand, en 1356 (au mois d’août), Jean fit au comte des dons nombreux sans qu’il fût question de ce traité dans les trois actes qui les mentionnent (64).
Il dut dès-lors chercher à se ménager un moyen d’atténuer le mal et même de le réparer le plus tôt possible.
Or, quelle chance plus favorable pouvait-il espérer jamais que celle que lui fournissait la situation actuelle de la Cité? Evidemment, il n’y avait qu’à la reprendre sur les Anglais, et à se la faire donner par le roi. L’entreprise, il est vrai, présentait de véritables difficultés; car, indépendamment de ce qu’il fallait chasser les Anglais, besogne assez rude, et qu’il était aussi nécessaire de mener à fin l’expédition sans qu’on sût ailleurs qu’en France quel en était le véritable instigateur, il restait encore, après la victoire, les privilèges de l’antique municipe, devant lesquels le roi pourrait bien s’arrêter. Il faut en convenir, toutefois, le cardinal pouvait fort bien croire que les événements arrivaient à point pour seconder ses projets. La nécessité de résister à la grande armée du roi Jean avait forcé les Anglais à dégarnir les places qu’ils occupaient, et la bataille de Poitiers avait irrité le prince de Galles contre lui (65). Il profita de ces deux circonstances pour mettre son projet à exécution (66). Le succès fut complet en tout point, et des lettres du mois de janvier 1357 (67), par lesquelles Charles (depuis Charles V), alors lieutenant du roi prisonnier, lui faisait don de la place reconquise, vinrent dignement couronner son œuvre. Malheureusement pour lui, le maire et les consuls de Périgueux ne crurent pas devoir se laisser dépouiller sans faire résistance. Ils en appelèrent au parlement, et, le 12 août suivant, en obtinrent un arrêt par lequel les agents du cardinal, car lui-même il ne s’était pas mis en évidence, étaient déboutés de leurs prétentions sur un don subrepticement obtenu, et le maire et les consuls maintenus dans leurs droits et juridiction sur la Cité (68).
Cependant, comme il est rare qu’au milieu des troubles et du désordre, les lois soient obéies et la justice respectée, malgré cet arrêt et divers autres actes destinés à le faire strictement observer, la Cité ne fut pas réintégrée dans la communauté, et les agents du cardinal, qui avaient refusé de s’en dessaisir, continuèrent à y commander, en sorte qu’après le traité de Bretigny, la question était encore pendante.
Ce traité (69) avait suscité des antipathies et des résistances générales dans les provinces sacrifiées. En Périgord surtout, la répugnance à s’y soumettre s’était manifestée si énergique, si unanime entre le clergé, la noblesse et le tiers-état, que le roi Jean s’était vu contraint d’écrire directement à l’evêque et au clergé, au comte, aux vicomtes, barons, chevaliers et nobles, aux maires, jurés ou consuls du chastel, cité et pays de toute la contié de Peregort, le 27 juillet 1361, (70) et spécialement au maire et aux consuls de Pierreguis, le 12 août suivant (71), pour les engager à se soumettre à la dure nécessité qui pesait sur la France. Ces lettres avaient porté leur fruit, et toute la contrée avait fini par se résigner d’assez bonne grâce, sauf la réserve, par les habitants de Périgueux, que leurs privilèges seraient confirmés, et que la Cité, dont le cardinal de Périgord ou ses agents étaient toujours en possession, au nom du comte, malgré leurs réclamations et les ordres du roi de France, leur serait rendue dans le plus bref délai possible (72).
Cette demande, faite en présence des agents du cardinal, avait soulevé sur-le-champ, de leur part, une vive opposition. Ils étaient allés même jusqu’à prétendre que ce prélat possédait la Cité, par le don du prince de Galles (22 décembre) (73). Et, comme le débat s’était prolongé, Jean Chandos, lieutenant du roi d’Angleterre, chargé par ce monarque de prendre possession des provinces qui lui revenaient, en vertu du traité, après avoir reçu l’obéissance des habitants de la ville, avait ordonné que chacune des parties se mettrait en mesure de justifier ses droits, le premier lundi du carême prochain venant, jour qu’il leur avait assigné, pour les entendre, et juger le différend, en la ville même de Périgueux, mettant, jusqu’à cette époque, la Cité sous la main du roi d’Angleterre (74). Au jour désigné, Jean Chandos se rendit de nouveau sur les lieux, comme il l’avait annoncé, et fit appeler l’affaire devant lui; mais le maire et les consuls furent les seuls qui se présentèrent. Après les formalités requises en pareille circonstance, et aucune opposition ne s’étant élevée contre leurs légitimes prétentions, il les réintégra dans leurs droits sur la Cité le 23 mars 1362, et le lendemain les fit remettre en possession de leur antique seigneurie (75). L’année suivante (septembre 1363), la sentence de Chandos reçut une approbation publique et solennelle. Le prince de Galles, en sa qualité de prince de Guienne, confirma tous les droits et privilèges de la ville et de la Cité.
La décision de Jean Chandos portait un rude coup aux projets de la maison de Périgord; mais, quoique battue, elle était loin de renoncer à ses espérances; seulement, comme quelque temps avant que la justice de son nouveau suzerain la frappât, elle avait perdu son chef, elle dut nécessairement se soumettre en silence, et cacher son vif ressentiment, sous l’apparence d’une résignation menteuse, en attendant qu’elle pût réparer les divers échecs qu’elle venait d’éprouver coup sur coup.
Roger-Bernard était mort dans le cours de 1361 (76). Moins la moitié de la juridiction de la cour du célérier et le droit du commun, dont la possession paraissait désormais acquise pour toujours à sa famille, ce seigneur, sur la fin de ses jours, avait vu tous ses projets, tous ses triomphes apparents s’évanouir les uns après les autres. La leçon était des plus rudes, et il y a tout lieu de croire que ce ne fut pas sans une cruelle amertume qu’il reconnut l’impuissance de ses efforts, pendant plus de vingt années d’une lutte opiniâtre. Toutefois, en quittant la vie, il lui restait une consolation: c’était de voir son frère, le cardinal, lui survivre. Ce frère, évidemment, devait être, pour son jeune fils, un guide sûr, qui le dirigerait dans son début, lui apprendrait à éviter les nombreux écueils qui l’entouraient, et l’affermirait dans la résolution qu’il devait avoir déjà prise, de réparer les échecs éprouvés par son père et par son oncle.
De tout ce qui précède, il ressort que, dans leurs longs démêlés avec la ville de Périgueux, les comtes de Périgord procédèrent de deux manières essentiellement distinctes et parfaitement en harmonie avec les tendances générales des époques auxquelles elles se reportent. Dans le principe, c’est-à-dire dès le douzième siècle, ils affectent la puissance souveraine, se prétendent les seigneurs directs, les possesseurs immédiats du Puy-Saint-Front, et soutiennent avoir le privilège exclusif d’y commander en maîtres. Quoique leur autorité demeure constamment méconnue, quoique leurs tentatives soient toujours infructueuses, ils persistent pas moins dans leurs prétentions, pendant tout le treizième siècle, jusqu’à ce qu’enfin, se voyant battus sur tous les points, ils changent de systeme, et cherchent à obtenir de la faveur royale ce qu’ils n’avaient d’abord voulu posséder qu’en vertu de leurs prétendus droits. Cette seconde période se développe, avec un mouvement ascendant, durant toute la première moitié du quatorzième siècle. Les immunités, les privilèges, les dons leur abondent de toutes parts. Au milieu des guerres incessantes qui désolent la Guienne, leur fortune s’augmente et leur importance grandit. Roger-Bernard surtout se concilie d’une manière particulière l’estime de Philippe de Valois et de son fils Jean, qui le comblent de leurs bienfaits. Mais bientôt son bonheur l’exalte; son crédit, ou plutôt celui du cardinal, son frère, l’aveugle, l’enivre, et sa prospérité toujours croissante lui fait rêver l’asservissement de Périgueux; il se croit appelé à venger, sur cette ville, les ennuis, les déboires et les déceptions de ses aïeux. On a vu quelles furent les conséquences de ses nombreuses démarches et de ses longs efforts. On va voir que son désappointement, loin de décourager son fils, semble au contraire avoir excité son émulation. Quoique moins capable et moins bien secondé que lui, mais dans l’espoir sans doute de mener à bonne fin les projets de son père, il se jettera, tête baissée, dans les tentatives les plus hardies, et marchera à sa ruine, d’excès en excès, sans que rien puisse l’arrêter dans sa course, ni l’arracher au vertige qui l’entraînera.
(1) Fragmentum de petragoricentibus episcopis. Labbe, Nova Bibliotheca, mss., t. 2, p. 738.
(2) Je dis ou du moins la Cité, parce qu’il y avait dès-lors à Périgueux un autre centre de population qui, de très bonne heure, se constitua l’adversaire de la Cité, et qui, dans cette occurrence, aurait fort bien pu embrasser la cause du comte. J’en parlerai tout-à-l’heure.
(3) Dès l’origine du christianisme, les magistrats, le peuple et le clergé se trouvèrent naturellement mus par des intérêts communs et indissolubles: l’exercice du droit municipal et le concours des suffrages du peuple dans l’élection des premiers chefs ecclésiastiques. Bientôt même la forme employée pour la nomination du défenseur de la cité devint celle des élections épiscopales. (Renouard, Hist. du droit municipal, t.1, p. 143.) Dans le moyen âge, lorsque les formes municipales eurent subi partout plus ou moins d’altérations, les évéques, par le fait et la nature de leur élection, devinrent les défenseurs nés des cités. Ces fonctions, jointes aux divers autres droits qui leur étaient dévolus, leur permettaient d’exercer la plus haute influence. On concevra donc sans peine que les évêques de Périgueux aient été secondés par la Cité dans cette guerre avec le comte, d’autant qu’elle était faite dans l’intérêt de tous.
(4) Plus tard, je ferai connaître leur origine.
(5) Son organisation municipale date de la seconde moitié du douzième siècle.
(6) Frag. de petrag. episcopti. Labbe, Bibl. nov., mss., t. 2, p. 738.
(7) Frag. de petrag. episcopis. Labbe, Bibl. nov., mss., t. 2, p. 739.
(8) II faut nécessairement admettre qu’il s’en était emparé, puisque cette tour fut cause que le Puy-Saint-Front fut assiégé deux fois.
(9) Chronique du prieur du Vigeois. Labbe, Bibl. nov., mss., t. 2, p. 230.
(10) Les auteurs de l’ Art de vérifier les dates, t. 2. p. 379, disent que la tour fut démolie; mais le passage rapporté par le père Labbe n’est rien moins qu’explicite à cet égard, et les traditions historiques postérieures ne permettent guère d’admettre cette démolition. En effet, tout porte à croire qu’à cette tour remonte l’origine du château de la Rolphie, rasé seulement en 1391.
(11) Pendant que Richard Cœur-de-Lion était en Palestine, le comte de Périgord faisait des incursions dans les domaines de ce prince, lui suscitait des ennemis, et organisait une ligue entre la plupart des barons d’Aquitaine. (Voyez les sirventes de Bertrand de Born.)
(12) Mémoire en faveur de la ville de Périgueux. Les observations qu’on a produites dans ce mémoire se corroborent de détails qui trouveront leur place ailleurs.
(14) Précis historique sur les comtes de Périgord, p. 22.
(15) Recueil des titres et autres pièces justificatives employés dans le mémoire sur la constitution politique de la ville et Cité de Périgueux. Paris, 1775; in-4°, p. 33.
(16) Recueil de titres, etc., p. 54.
(17) Ibid., ib.
(18) Ibid., p. 5, et Bibl. du roi, mss., 8408. fol. 197 et 382.
(19) Recueil de titres, etc., p. 62.
(20) Ibid., p. 65.
(21) Ibid., p. 75.
(22) Ibid., p. 95.
(23) L’acapte était, dans le principe, un droit dû par le tenancier au seigneur direct, lors du changement du maître du fief. C’était une sorte de joyeux avènement. Dans la suite, il fut payé à la mort du tenancier comme à la mort du seigneur. (Voyez ce mot dans le Dictionnaire des fiefs, de notre compatriote Laplace. Paris, 1757. Un vol. in-8°.)
(24) Recueil de titres, etc., p. 108.
(25) Recueil de titres, etc., p. 121.
(26) Cette assertion était complètement fausse. (Voyez le Recueil de titres, etc., p. 95, et le Supplément, p. 33.
(27) Recueil de titres, etc., p. 184.
(28) Arch. du roy. Reg. du tr. des ch., coté 56, pièce 462. Le pariage était une association en communauté des droits, privilèges, juridictions, etc., entre deux, trois personnes, et même un plus grand nombre.
(29) Ibid. Reg. 50, pièce 7.
(30) Recueil de titres, etc., p. 187 et suivantes.
(31) Arch. de Pau. — Papiers du comté de Périgord.
(32) T. 2, p. 384. Voici, sans doute, ce qui a pu faire croire à une querelle entre le comte et les bourgeois. On trouve au parlement, à la date du 1er avril 1329, une affaire pendante entre la ville et Archambaud, fils d’un défunt comte de Périgord. Cet Archambaud, qui n’était autre que le chanoine de Périgueux, devenu abbé de Saint-Astier, persistait-il dans les réclamations faites en 1305 avec son frère; ou avait-il une nouvelle contestation avec l’autorité municipale? C’est ce dont les registres ne parlent pas. Ils nous apprennent seulement que, le 4 juin 1330, Archambaud fit défaut, par la bonne raison qu’il était mort, et que le comte Archambaud IV, son neveu, qui semblait vouloir poursuivre l’affaire, fit comme lui; de sorte que le maire et les consuls furent contraints de l’abandonner, malgré leur vif désir de la voir juger.
(33) Indépendamment du comte de Périgord et de Mathe d’Albret, il y avait encore plusieurs prétendans à tout ou partie de cette seigneurie.
(34) Celui qui avait eu lieu en 1245. Arch. du roy. Tr. des ch., cart. 298, et Reg. du tr. des ch., coté 31. Lettres des Prélats, n° 109.
(35) Cette localité n’est pas connue comme ancienne paroisse. C’est sans doute une altération de nom.
(36) Même observation.
(37) Pièce tirée des arch. de Pau. Bibl. du roi. Papiers Lépine, cart. des comtes de Périgord.
(38) Recueil de titres, etc., p. 242.
(39) Bibl. du roi. Papiers Lépine, cart. des comtes de Périgord.
(40) Le mois de Pâques ou la quinzaine de Pâques étaient deux expressions synonymes qui désignaient l’une et l’autre la semaine qui précède et celle qui suit la fête de Pâques. Il est à remarquer que l’ordre était daté du 18 mars, et que la fête se célébrait, cette année-là, le 31 du même mois. On verra bientôt que cette remarque n’est pas sans importance, car ces dates, si elles n’expliquent pas les tergiversations qui se produisent incessamment dans cette affaire, permettent du moins de les saisir avec plus de facilité.
(41) Arch. du roy. Reg. du tr. des ch., coté 73, pièce 318. — On aurait de la peine à croire à de pareilles contradictions; elles seraient même inexplicables si on ne savait que le parlement procédait souvent d’une manière, tandis que le roi agissait de l’autre. (Voyez le Reg. du tr. des ch., coté 72, pièce 246.) Il est donc fort probable que le comte avait eu recours au parlement pour neutraliser les démarches du maire et des consuls, qui, de leur côté, s’étaient adressés au roi. Voilà pourquoi, sans doute, la procédure que suscita cette affaire se prolongea jusqu’en 1347. (Voyez plus bas, p. 35.)
(42) Bibl. du roi. Papiers Lépine, cart. des comtes de Périgord.
(43) Recueil de titres, etc., p. 247.
(44) Ibid.
(45) Recueil de titres, etc., p. 247.
(46) Arch. du roy. Reg. du tr. des ch., côté 72, pièce 332,
(47) Arch. du roy. Reg. du tr. des ch., côté 72, pièce 444.
(48) Ibid, coté 66, pièce 197.
(49) Recueil de titres, etc., pièce 251.
(50) Isolés comme ils le sont des événements qui s’accomplirent de 1341 à 1317, ces détails pourront paraître à quelques personnes disposés avec un art perfide, pour mieux mettre en relief la mauvaise foi et l’immoralité des classes élevées au quatorzième siècle; mais ce serait une erreur que rien ne saurait justifier. Il est bien vrai de dire que l’expédition des Anglais en Guienne, en 1344, et leurs excursions en Périgord, ne furent pas entièrement étrangères aux odieuses tergiversations de Philippe de Valois et à l’aveugle obstination de Jean; mais elles ne sauraient suffire pour les excuser. Dans mon Histoire du Périgord, je fournirai sur ce sujet les plus amples détails, et l’on verra que je n’avance ici rien que les faits ne justifient pleinement.
(51) Arch. du roy. Reg. du tr. des ch., côté 81, pièce 173.
(52) Recueil de titres, etc., p. 261.
(53) Ibid., p. 262.
(54) Recueil de titres, etc., p. 282.
(55) Ibid., 286.
(56) La juridiction de la cour du célérier n’avait pas une origine bien certaine, de même que toutes celles qui venaient du moyen âge. Elle avait été mise en pariage avec le roi, en 1245, par l’évêque abbé de Saint-Front. L’acte de ce pariage (arch. du roy.; Reg. du tr. des chart., côté 31; Lettres des Prélats, n° 109) la fait s’étendre aux ventes, aux gages, aux revenus du marché, au péage du blé et de la farine, et aux places vides pour construire halles et maisons. J’en parlerai au long dans mon Histoire du Périgord.
(57) Il suffit de parcourir les actes pour s’assurer de l’inexactitude de cette assertion.
(58) Dans la délibération du 21 juin, il est dit que ce juge sera établi et que les appels auront lieu, pourvu toutefois que le comte puisse les obtenir du roi de France. (Dum tamen ipsas predictas appellationes a domino nostro Francie rege dictus dominus comes obtinere seu impetrare posset.) Voyez plus haut, Recueil de titres, etc, p. 263.
(59) Recueil de titres, etc., p. 265.
(60) Recueil des ord. des r. de Fr., t. 4, p. 276.
(61)Recueil de titres, etc., p. 258.
(62) Ibid., p. 292.
(63) Recueil de titres, etc., p. 294. Les termes dont se servait le roi dans ses lettres ne permettent pas d’hésiter à dire que ce monarque regardait la juridiction du maire et des consuls comme leur appartenant toujours, et par conséquent impliquent l’abolition de celles de janvier 1353.
(64) Arch. du roy. Reg. du tr. des ch., coté 90, pièces 6, 7 et 8. Il importe de rappeler ici qu’en dehors de la cession faite en échange de la seigneurie de Bergerac, le comte de Périgord, depuis la reprise de la guerre avec les Anglais (1344), avait obtenu des privilèges importants et de nombreux dons, tant de la part de Jean, duc de Normandie, lieutenant du roi en Guienne, que de la part de Philippe de Valois lui-même; en telle sorte que les trois lettres dont il est ici question, jointes à la permission d’établir un juge d’appel à Périgueux, donnaient à Roger-Bernard l’autorité d’un seigneur immédiat, moins la suzeraineté que le roi s’était réservée, sur plus de la moitié du Périgord. Il est vrai qu’il ne put jamais faire usage de cette puissance, malgré la confirmation de ces lettres par Charles, régent, en 1358, parce que toutes les concessions de cette nature furent abolies, peu de temps après, par une ordonnance générale, comme on le verra plus tard.
(65) Froissart, t. 1, ch. 62.
(66) C’est du moins ce qu’il est naturellement permis d’induire de la date des actes.
(67) Arch. de Pau.
(68) Recueil de titres, etc., p. 296.
(69) Parmi les conditions stipulées dans ce traité, qu’on peut lire dans Froissart, se trouvait, comme on sait, l’obligation de livrer aux Anglais le Poitou, la Saintonge, l’Angoumois, le Limousin, le Périgord, le Quercy, le Rouergue, l’Agenais, le Bigorre, le pays de Tarbes et la terre de Gaure.
(70) Recueil de titres, etc., p. 314.
(71) Ibid., p. 320.
(72) Ibid., p. 329 et 335.
(73) Recueil de tit., etc., p. 335.
(74) Ibid., ibid.
(75) Ibid., p. 345.
(76) L’Art de vérifier les dates, et le Précis historique sur les comtes de Périgord, par Saint-Allais (Paris, 1836, in-4°), le font vivre jusque vers la fin de 1368. C’est une erreur impardonnable, surtout pour les auteurs de l’Art de vérifier les dates, d’autant que les actes constatant qu’il n’existait plus en 1362 sont nombreux et précis. A ce propos, je crois devoir déclarer ici que cette inexactitude n’est pas la seule que les Bénédictins aient laissée se glisser dans l’article qu’ils ont consacré aux comtes de Périgord. Elles s’y multiplient, au contraire, de la manière la plus fâcheuse. C’est au point qu’on serait tenté de croire qu’un esprit malintentionné guidait leur plume dans ce travail.
CHAPITRE 1er.
ARCHAMBAUD V.
DE 1362 A 1368.
Il n’est pas possible de déterminer l’époque précise où Roger-Bernard cessa de vivre. Seulement, ce qu’il y a de bien certain, c’est qu’il n’existait plus le 2 janvier 1362 (1); et, comme il s’était marié en 1339 (2), à sa mort son fils ainé et successeur, Archambaud V, devait avoir à peine 22 ans, quoique marié lui-même depuis 1359 (3). Il serait donc bien difficile de s’expliquer pourquoi, dans les ouvrages qui parlent de ce successeur de Roger-Bernard, il a été surnommé le vieux, si l’on ne savait que les généalogistes, moins occupés de la vérité historique que pressés du besoin de trouver des contrastes pittoresques, l’ont ainsi appelé uniquement parce que, dans les actes ayant trait à la fois à lui et à son fils, il est toujours qualifié de l’épithète vieil, par opposition à l’âge de ce fils, qui toujours y reçoit celle de jeune.
Quelque temps après son avènement (15 février 1362), Archambaud V écrivit au roi d’Angleterre pour protester de sa fidélité et de son dévouement à toute épreuve, le priant de lui accorder ses bonnes grâces et sa protection. Cet empressement louable à remplir son devoir de vassal ne pouvait manquer de plaire à ce monarque. Aussi, le 22 mars suivant, pour donner au nouveau comte une preuve de son contentement, il adressa au sénéchal de Gascogne, au connétable de Bordeaux et aux autres officiers de la Guienne, des lettres par lesquelles, à la recommandation de révèrent père en Dieu le cardinal de Périgord, son très cher ami, il leur enjoignait de laisser à ce jeune seigneur l’entière possession et franche jouissance de tous les biens, héritages ou dons, provenant des rois de France Philippe et Jean, dont Roger-Bernard, son père, avait la possession, à l’époque de sa mort (4), jusqu’à l’arrivée en Guienne du prince de Galles, qu’il se proposait d’y envoyer (5). Ces deux documents ne sont pas sans importance. Le premier laisse pressentir la ligne de conduite que le nouveau comte de Périgord se proposait de suivre, évidemment d’après les conseils et sous l’inspiration de son oncle; l’autre, en nous instruisant d’une démarche du cardinal dont il ne reste pas de trace ailleurs, nous permet de nous faire une idée assez exacte de l’influence que ce prélat exerçait sur Edouard III, et nous révèle les desseins qu’il méditait. On comprend dès-lors quels services il était en position de rendre au jeune Archambaud, si la mort n’était venue le frapper au moment où il allait lui être le plus utile. Par malheur, il ne survécut que très peu de temps à son frère (6).
Dans les graves conjonctures où il se trouvait, c’était certainement une cruelle perte pour le comte. Elle aurait dû même lui être d’autant plus sensible, que, dans l’espèce d’isolement où elle le mettait, il lui devenait désormais bien plus difficile de se diriger sûrement au milieu des embarras qui le menaçaient de toutes parts, et de réparer les échecs nombreux que son père avait éprouvés.
Il ne paraît pas cependant avoir beaucoup regretté ce guide précieux: rien du moins n’autorise à le croire. Il semble, au contraire, que sa douleur fût très ordinaire, et que l’immense fortune dont il héritait lui fît promptement oublier celui qui la lui laissait (7).
On a vu que, peu de temps avant la mort du cardinal Hélie Taleyrand (8), le prince de Galles, en sa qualité de prince de Guienne, avait confirmé les privilèges et les franchises de Périgueux (9). Dans le mois précédent, le sire de Mucidan, qui déjà, du vivant de Roger-Bernard, s’était refusé à reconnaître le comte de Périgord pour son seigneur immédiat, avait directement rendu hommage au roi d’Angleterre et au prince de Guienne (10). Ces deux événements, dont le premier constituait un acte formel de garantie et de protection en faveur de la ville et de la cité, et dont le second établissait une preuve non équivoque d’insubordination du vassal envers son suzerain, ne pouraient manquer de causer de l’inquiétude au comte; le second surtout était fait pour le blesser profondément (11). Selon toute probabilité, ils durent faire naître en lui une vive indignation. Cependant, quels que fassent les sentiments qui l’agitassent au moment où il perdit son oncle, il est certain qu’entraîné par d’autres soins (12), il ne chercha point alors, ni de long-temps, à recommencer une lutte toujours fatale à ses prédécesseurs. Il dissimula donc son mécontentement, et ne parut s’occuper que du soin de mériter l’affection du roi d’Angleterre et du prince de Galles. Il y réussit même si bien, que, le 20 juillet 1364, il obtint d’Edouard III des lettres patentes confirmatives de l’échange de la seigneurie de Bergerac entre son père et Philippe de Valois (13), à peu près en même temps que le prince de Galles s’empressait d’aplanir les difficultés qu’on lui avait suscités au sujet de Montcuq, Maurens, Mouleydier, La-Tour-Blanche et d’autres localités situées hors du Périgord.
Le 29 décembre 1366, en lui écrivant pour qu’il fît délivrer à son sénéchal de Périgord et de Querçy, ou à ses représentants, les deniers du fouage imposés pour cette année, sur les habitants de son comté, le prince de Guienne l’appelait: Nostre chier et féal le comte de Pierregort (14). Il en fut de même lors de la querelle que lui suscita ce sénéchal au sujet du droit du commun qu’il était dans l’usage de percevoir sur différentes parties de la sénéchaussée, en vertu de l’échange de 1341, confirmé, comme on l’a vu, en 1364, et que pourtant on voulait l’empêcher de lever, malgré des ordres formels. Dans les lettres que le prince adressa, pour la seconde fois, à ce fonctionnaire, it s’exprimait ainsi:
« Ayant reçu la plainte de notre amé et féal comte de Périgord ….. nous vous mandons de nouveau de faire cesser sur-le-champ tous les empêchements, etc. (2 avril 1367) (15). »
Durant le cours de cette même année, le prince ayant consenti à passer en Espagne avec une armée, pour aider Pierre-le-Cruel à reconquérir son royaume, dont il avait été dépossédé par son frère bâtard, Henri de Transtamarre, à l’aide des Français, sous les ordres de Du-Guesclin, Archambaud V ne manqua pas de s’acquitter avec empressement, de son devoir de vassal, à l’imitation de la plupart des seigneurs de la Guienne, qui formaient un corps d’environ dix mille chevaux, assez mal discipliné, au dire de Froissart; car, s’il faut l’en croire: « Tous ces compaignons ne payoient pas tout ce qu’on leur demandoit, et ne se pouvoient abstenir de piller et de rober tout ce qu’ils trouvoient, et firent, environ Pampelune et aussi sur le chemin, moult de destourbier (16). » Du reste, hors le fait de sa participation à l’expédition d’Espagne et aux désordres commis sur la route, on ne trouve aucun renseignement ni sur le temps qu’il y passa, ni sur la part qu’il prit aux exploits de l’armée anglaise, ni sur la manière dont il rentra dans son comté. Tout ce qu’il est permis d’assurer, c’est qu’avant la fin de 1367, il se disposait à venger sur le seigneur de Mucidan les injures que son père et lui en avaient reçues; preuve incontestable qu’il devait être de retour dans ses domaines, vers le même temps où le Prince-Noir revint à Bordeaux (17).
Les comtes de Périgord et les sires de Mucidan abaient toujours été assez mal ensemble. Comme on l’a vu plus haut, Raymond de Montaut-de-Castillon II, chevalier, seigneur de Mucidan et autres lieux, avait formellement refusé de rendre hommage au comte Roger-Bernard (1360), prétendant relever directement du roi d’Angleterre (18). En janvier 1361, Jean Chandos avait voulu le mettre en demeure de se constituer le vassal d’Archambaud V (19), sans que pourtant les ordres par lui donnés à cet égard eussent abouti à rien, puisque, ainsi qu’on l’a déjà vu, au lieu de reconnaître le comte pour son seigneur immédiat, il fit plus tard hommage au roi d’Angleterre et à son fils, et leur prêta serment de fidélité entre les mains du prince lui-même, à Périgueux, le 13 août 1363 (20), c’est-à-dire moins de deux ans après l’avènement du successeur de Roger-Bernard. Mais là ne s’était pas arrêtée son insolence. En 1366, pendant qu’il rendait hommage au comte pour des biens situés sur la rive droite de la Dordogne (21), et par lui achetés à Gaston de Gontaut, aidé d’un grand nombre de ses amis, il s’était mis en possession, à main armée, des paroisses de Saint-Julien-de-Crampse et de Douville (22), dont Archambaud et lui revendiquaient réciproquement la justice (23). Cette manière de trancher la question, quelque blessante qu’elle fût pour le comte, n’avait cependant éprouvé d’abord aucune contradiction de sa part. C’était vers le temps où le prince de Galles s’apprêtait à passer en Espagne: le moment eût été mal choisi. Le comte avait donc cru prudent de différer sa vengeance jusqu’après le retour de cette expédition. Mais alors rien ne pouvait plus l’arrêter, et il ne voulut pas s’abstenir plus long-temps du plaisir de prendre sa revanche, et de punir, d’une manière éclatante, l’outrage qu’il avait reçu. Il arma donc, sans plus différer, et fit avancer des troupes contre son antagoniste; mais cette démarche imprudente, qui constituait un flagrant délit de contravention aux ordonnances en vigueur, eut des conséquences bien différentes de celles qu’il en attendait. Non seulement il ne se vengea pas, mais encore il eut la honte de se voir arrêté, par le sénéchal de Périgord, pour le prince de Guienne, qui le fit prisonnier à Périgueux, et se disposait à le poursuivre, comme violateur de la défense de porter les armes durant la paix, sans la bienveillante entremise du maire et des consuls, dont les démarches le tirèrent à temps de ce mauvais pas (24).
Tel était l’état des choses en 1368, Pour prix de son empressement à remplir ses devoirs de bon feudataire, le comte de Périgord ne comptait guère que affronts et des mauvais traitements. Il est bien vrai qu’on lui avait confirmé ses privilèges et les dons faits à son père; mais cette faveur, beaucoup plus apparente que réelle, se compensait et au delà par les égards prodigués à ses adversaires, et l’ordonnance publiée par le roi d’Angleterre, en 1362, à l’imitation de celle que le roi Jean avait rendue en 1360, relativement aux concessions de domaines royaux, etc. (25); car, non seulement on leur avait prêté aide et secours dans leurs prétentions, mais encore on avait consacré l’insubordination du vassal envers le seigneur, en admettant le sire de Mucidan à faire hommage à la couronne d’Angleterre. Ces mécomptes étaient bien faits pour indisposer Archambaud, à qui une intelligence fort ordinaire et un caractère essentiellement irascible ne permettaient guère d’être calme, dès l’instant que ses intérêts étaient en jeu. Son mécontentement devait donc avoir de la peine à se contenir, et ne pouvait manquer de faire explosion à la première occasion favorable qui se présenterait.
Ce fut au milieu de ces conjonctures que le prince de Galles eut la pensée d’établir un nouvel impôt, afin de parer au dénûment où l’avaient laissé son expédition d’Espagne et la mauvaise foi de Pierre-le-Cruel (26). Cet impôt, connu sous le nom de fouage, fit murmurer les populations de la Guienne, qui ne voulaient point s’y soumettre, et fut formellement refusé par une partie des seigneurs de cette province. L’indignation et la résistance qui se manifestèrent à ce sujet semblaient s’être produites tout exprès pour fournir au comte de Périgord le moyen d’agir en toute liberté. Par malheur il manquait de cette volonté ferme qui constitue l’énergie, et ne sut pas profiter de la circonstance. Au lieu de prendre franchement un parti et de suivre hardiment une ligne de conduite droite et ferme, il hésita et resta long-temps dans une irrésolution désespérante. Il est vrai que l’histoire, telle qu’on l’a faite, ne le présente pas sous un jour aussi défavorable; mais l’histoire et les faits sont loin d’être d’accord. Il suffira d’un simple rapprochement pour se convaincre de cette réalité.
Les chroniqueurs s’accordent à faire du comte d’Armagnac l’agent principal du mouvement qui se produisit alors en faveur de la nationalité française, et placent au second rang le comte de Périgord, son allié. Des actes authentiques parlent aussi d’Archambaud comme de l’un de ceux qui les premiers firent des démarches auprès du roi de France, mais en indiquant une certaine différence entre sa manière de procéder et celle des autres. Pour bien se rendre compte de la part qu’il prit à cette affaire, il faut d’abord examiner quelles furent les véritables causes de la réaction, et comment elle se produisit.
Par le traité de Bretigny (3 mai 1360), la Guienne, comme on sait, fut remise au roi d’Angleterre, pour la posséder en toute souveraineté. En 1361, ayant été informé que des seigneurs de cette province s’efforçaient d’établir des cours d’appel sur leurs domaines, ce monarque donna des ordres formels pour les en empêcher, et les punir, dans le cas où, après les défenses réitérées, ils n’obéiraient pas aux injonctions à eux faites, de sa part (27). L’année suivante, se croyant désormais pour toujours possesseur de ce pays, et voulant sans doute éviter de fournir même des prétextes à ses vassaux, il adressa à tous les sénéchaux des lettres ainsi conçues:
« Désirrantz de tout nostre cuer, touz noz subgiz de nostred. seignurie d’Aquitaigne estre governez par bon justice, et eulx relever, de tout nostre povoir, de paines, travailx et mises, avons pris ferme purpos de ordeigner, le plus tost que bonnement purrons, certein lieu esd. parties d’Aquitaigne, et certeins gentz, pur tenir le soverain ressort de toute nostred. seignurie d’Aquitaigne, lequiel lieu nous voudrions eslire le plus profitable que nous purrons, pur touz nozd. subgiz vous mandons et commandons que veues cestes présentes lettres, vous appeliez à certain jour par devant vous, en plus notable lieu de vostred. seneschalcie, touz les ercevesqes, évesqes, abbéés et autres prélatz et gentz d’esglise, notables, countes, viscountes, barons, chivalers et autres nobles, les maires, consulx et communes de vostre seneschalcie, et leur faites assavoir nostre attencion sur le fait dessusd., et leur requerrez, de par nouz, qu’il veullent aviser et nous conseiller, en quel lieu ou lieulx lour semblera que soit plus expédient et profitable à nozd. subgiz à tenir led. souverain ressort de nostre seignurie d’Aquitaigne dessusdite »;
ajoutant qu’ils eussent soin de lui faire parvenir les avis fournis à cet égard (28). Plus tard, le prince de Galles et de Guienne, à ce dernier titre, seconda, de tous ses efforts, le projet de son père, et nous verrons bientôt qu’il eut soin de faire ses réserves dans des lettres confirmatives d’un privilège de Périgueux (29). Il paraît cependant que la création de cette cour d’appel engendra ou qu’on lui suscita des difficultés assez nombreuses pour que, forcément ou par calcul, on y renonçât; et comme, pendant qu’on s’occupait du moyen de fonder cette nouvelle institution, les appels ressortissaient provisoirement à la cour souveraine de Londres, il fut décidé qu’ils continueraient d’être portés à cette cour. Cette décision, prise le 23 mai 1365, était accompagnée d’un correctif assez important pour autoriser à croire qu’elle rencontrait aussi de vives résistances, et faisait naître un sourd mécontentement. Il était dit que la cour du prince de Galles, qui portait le nom de grands jours de Guienne, déciderait en dernier ressort, sauf les cas extraordinaires, tels que déni de justice, lésion de droits, etc., etc. (30).
Toutefois, elle fut mise à exécution, et, durant l’année 1366, plusieurs causes furent portées devant la cour du roi à Londres, notamment une affaire relative au sire de Mucidan (31). Mais comme le sire de Mucidan était un des plus chauds partisans des Anglais, il n’y avait rien de surprenant dans sa démarche, sans signification à l’égard des hauts barons de la contrée, dont la conduite était en tout opposée à la sienne. Ce qu’il y a même de plus probable, c’est que ces seigneurs avaient soin de s’abstenir de faire de pareilles démonstrations, et qu’au fond ils regrettaient vivement que le vicomte de Limoges n’eût pas réussi dans l’initiative qu’il avait prise, se réservant sans doute de s’affranchir d’une pareille contrainte aussitôt qu’une occasion favorable se présenterait. Quant aux grands jours, on les avait acceptés, à en juger du moins par ce que nous savons (32).
Le second grief des grands seigneurs de Guienne contre les Anglais tirait son origine de la position que ces étrangers s’étaient faite dans la province. Tous y occupaient des emplois importants, y menaient un grand train de vie, et affectaient une supériorité dédaigneuse qui déplaisait souverainement aux habitants du pays (33). De son côté, le prince de Galles ne ménageait rien. Au moment de l’expédition d’Espagne, par un de ces bizarres caprices dont on ne se rend pas compte, il avait indisposé contre lui le sire d’Albret et, par contre coup, le comte d’Armagnac (34), son proche parent, qui avait dévoré l’injure non sans murmurer. Enfin, l’arrestation du comte de Périgord, dont il a été question plus haut, peu faite pour inspirer de la sécurité, avait sans doute contribué beaucoup à augmenter l’irritation devenue presque générale, si bien que, l’établissement d’un nouveau fouage, pour cinq ans, ayant été résolu, malgré l’opposition de Jean Chandos, qui prévoyait les graves conséquences qu’entraînerait après elle cette résolution impolitique, il devint évident, pour tous ceux qui voulaient y voir, qu’une rupture était imminente. C’est à peu près vers cette époque qu’il faut placer une anecdote rapportée par un chroniqueur comme s’étant passée à Angoulême. La voici avec tous les détails qui s’y rattachent:
« Et gaires ne demoura que le prince s’efforça de faire ressortir ou parlement d’Angleterre, à Londres, toutes les causes du duchié de Guienne, dont les contes d’Armignac, de Périgort ne peurent estre d’accord, et au prince en despleust fort, et dist parolles villaines au conte de Périgort, qui arguer ne le voult, à icelle heure; mais fort furent en doubte ceulx du conseil que, pour ceste injure, se tournassent les seigneurs contre le prince, qui, pour led. conte apaisier, lui envoya M. J. Chandos, lequel venu, faignant non venir de par le prince, lui ouvri les parolles de la response dud. prince, disant qu’il en desplaisoit à son conseil; auquel respondi le conte que des parolles du prince ne lui avoit en riens despieu, fors qu’il doubtoit que ses parolles eust prins en desplaisance, et que riens ne désiroit fors avoir sa bonne grâce, dont fut joyeux led. Chandos, et lui requist qu’il lui donnast à soupper, et cependant il appaiseroit le prince, dont fut le conte d’accord, et grant appareil fist faire pour le soupper. Si vint Chandos de vers le prince lui rapporter la response, et comment, au soir, il devoit soupper de vers le conte et autres seigneurs, dont fut bien joyeux le prince, qui, pour complaire au conte, dist que, sans mander, yroit avec les seigneurs soupper. Mais le soir, avant soupper, sans congié prendre du prince, s’en partirent les contes de Périgort et d’Armaignac, de la cité d’Angoulesme, et, sans repaistre ne séjourner, s’en alèrent à Montignac-le-Conte, en Périgort, et, par héraulx, firent lendemain savoir au prince que, tant par eulx comme par leur subgiez, ils entendoient leurs causes, par appel, ressortir ou parlement de France, dont l’ommage, par souveraineté du duchié de Guienne en parrie, appartient au roy de France, qui pouvoir n’a d’en autre court les faire ressortir, et tantost se mirent sus lesd. seigneurs que le prince prindrent à guerroïer, lequel se retray à Bourdeaulx, et tantost repassa la mer en Angleterre, ou maladie le prinst d’enflure (35). »
Comme on le voit, la conduite d’Archambaud, toujours incertaine et manquant de portée, lui avait été funeste en toute occasion, et lui avait attiré de nombreux déboires. Il avait même agi avec tant d’imprévoyance que, d’irrésolution en irrésolution, il se trouvait réduit à prendre un parti décisif, lui qui semblait s’être imposé la tâche de ne jamais aborder de front les difficultés. Ce résultat, si contraire à ses désirs, était la conséquence immédiate et rigoureuse de son irritabilité d’esprit, qui ne lui laissait pas la faculté de réfléchir, au milieu de ses emportements, et rendait sans effet les sages déterminations qu’il prenait, dans ses moments de calme. C’est à cette facilité de s’exalter, de se passionner à tout propos, qu’il faut attribuer les fautes continuelles qu’il commit dans la suite, et qui successivement finirent par le mener à sa perte.
(1) Bibl. du roi. Coll. Doat, vol. 243; Périgord, t,2, fol. 276. Notre compatriote l’abbé de Lépine, qui a tant recueilli sur le Périgord, et dont je cite si souvent les papiers, déposés à la bibl. du roi, a constaté la mort de ce seigneur, en marge d’une copie de cette pièce, faite de sa main.
(2) Le 3 février 1338 (V. S.). Bibl. du roi. Papiers Lépine, cart. des comtes de Périgord. Tiré des arch. de Pau.
(3) Le 11 février. Courcelles, Hist. généal. des pairs de France. t. 5, art. Mathas.
(4) On voit que le cardinal ne perdait pas de vue l’affaire qui avait préoccupé son frère, car il n’est pas douteux qu’il ne demandait la réserve des dons de Philippe et de Jean que dans le but de reprendre plus tard en sous-œuvre les projets de famille.
(5) Le 19 juillet 1362, il lui donna le duché de Guienne, sous la simple réserve de l’hommage-lige. (Fœdera, Litteræ et acta publica, ou Nouv. Ed. de Rimer, t. 3, part. 2, p. 667.) Walsinghan, p. 172, dit que ce prince partit, pour aller en prendre possession, vers la Purification de l’année suivante (2 février 1363); mais il est constant qu’il était encore en Angleterre le 28 avril. (Fœdera, litteræ, etc., t. 3, part. 2, p. 697.)
(6) Il mourut le 17 janvier 1364.
(7) La fortune du cardinal de Périgord s’élevait à plusieurs million de notre monnaie.
(8) Voyez plus haut, Introduction, p. 53.
(9) Recueil de titres, etc., p. 363.
(11) La conduite de Raymond de Montaut était d’autant plus blessante, que les seigneurs de Mucidan avaient été judiciairement reconnus vassaux des comtes de Périgord.
(12) Durant le cours de 1364, il eut à recueillir la succession de son oncle et à exécuter ou faire exécuter les nombreuses clauses de son testament, ce qui ne dut pas laisser que de lui donner beaucoup d’embarras. Dans la même année, il régla et solda la dot de sa sœur, mariée avec le fils du comte d’Armagnac. En 1365, il traita des affaires relatives à sa femme, Louise de Mastas.
(13) Arch. de Pau. Ce qui prouve qu’il suivait toujours les errements de son père et de son oncle.
(14) Bibl. du roi. Coll. Doat, vol. 244; Périgord, t3, fol. 4.
(15) Ibid., ibid., fol. 5.
(l6) T.l, chap. 237.
(17) Le prince de Galles revint à Bordeaux dans le mois d’août. Pierre-le-Cruel, qui lui devait d’être remonté sur le trône, lui manqua de parole pour l’argent qu’il lui avait promis, ce qui mit ce prince et son armée dans un grand embarras, et les fit rentrer en Guienne dans un entier dénûment.
(18) C’était à l’époque où il succéda à Auger de Montant, son père. (Courcelles, Hist. gén. des pairs de France, t. 3, art. Castillon, p. 86.)
(19) Bibl. du roi. Coll. Doat, vol. 243; Périgord, t. 2, fol. 272.
(20) Courcelles, Ubi supra, et J. Delpit, Documents français, p. 104.
(21) Arch.de Pau.
(22) Canton de Villamblard, arrondissement de Bergerac. Courcelles (Ubi supra) ne parle que de Saint-Julien-de-Crampse; mais le Livre noir de la M. de ville de Périgueux signale aussi Dousville. (Voyez le chapitre suivant.)
(23) Courcelles, Ubi supra.
(26) Ce prince s’était engagé à payer les frais de l’expédition des Anglais en Espagne; mais, comme on l’a vu plus haut (p. 63, note 2), il manqua à son engagement.
(27) Fœdera, litteræ et acta publica, ou Nouv. Ed. de Rimer, vol. 3, 2e part., p. 654. Les lettres du roi sont adressées au sénéchal de Limousin, et concernent seulement le vicomte de Limoges; mais il est très probable que ce seigneur n’était pas le seul qui eût fait une pareille tentative.
(28) Fœdera, litteræ, etc., vol. 3, 2e part., p. 682.
(30) Fœdera, litteræ, etc., vol. 3, 2e part., p. 766.
(31) Ibid., p. 791. Il est à remarquer que le sire de Mucidan suivit toujours le parti des Anglais.
(33) Froissart, ch. 473, t. 4, p. 154, éd. de Buchon.
(34) Ibid., t.1, ch. 233 et 235, éd. in-fol. Après avoir raconté le sujet du mécontentement du sire d’Albret contre le prince de Galles, Froissart ajoute : « Et véez cy forment la première fondation de la haine qui fut entre le prince de Galles et le sire d’Albreth ». Le comte d’Armagnac, oncle du sire d’Albret, apaisa le prince et son neveu, et les réconcilia en apparence; mais au fond le sire d’Albret n’en fut pas plus content.
(35) Secousse, Mémoires sur Charles II, roi de Navarre, t. 2, p. 644. On lit dans Froissart : « Furent plusieurs parlemens assemblez à Niorth, à Àngoulesme, à Poitiers, à Bordeaux et a Bergerat, et toujours maintenoient ……… que jà n’en payeroient, ne jà en leur terre souffrir ne le pourroient, et mettoient en avant qu’ils avoient ressort en la chambre du roy de France. De ce ressort estoit durement le prince courroucé …… Respondoient les Gascons et disoient qu’il n’estoit mie en l’ordonnance et puissance du roy de France n’oncques ne fut qu’il les peust acquitter du ressort, sans le consentement des prélats, des barons, des cités et des bonnes villes de Gascongne, qui ne l’eussent jamais souffert, ny ne souffriroient, si estoit à faire. » (T. 1er, ch. 246.) Ces paroles de Froissart suffiraient pour faire croire à l’authenticité du passage rapporté plus haut; mais le caractère du comte de Périgord y est peint avec une telle exactitude, qu’il serait difficile de ne pas en admettre les détails comme vrais, quoiqu’on ne trouve, nulle part ailleurs, rien qui serve à les justifier. Seulement, il est à observer que l’anonyme, tout en procédant avec ordre, a resserré les événements, et les fait marcher précipitamment vers la fin de son récit.
PÉRIGUEUX
DE 1363 A 1368.
Depuis 1360 jusqu’à la fin de 1363, Périgueux n’avait eu qu’à se louer des Anglais. Quelque résistance qu’il eût opposée au traité de Bretigny, quelque répugnance qu’il eût fait éclater pour la domination étrangère, les vainqueurs ne s’en étaient point montrés mécontents, et, de prime abord, dans la question relative à la cité, n’en avaient pas moins agi envers cette fière communauté avec une justice et une impartialité d’autant plus dignes d’éloges, que son adversaire était le cardinal de Périgord, dont l’influence ne pouvait être mise en doute. Ce procédé loyal, sans gagner son affection, avait dû nécessairement dissiper en partie les préventions de la municipalité, ou du moins l’avait obligée à reconnaître qu’il n’y aurait aucun avantage à bouder ses nouveaux maîtres, et que, dans la position où elle se trouvait, le seul moyen de résister efficacement aux périls qui l’entouraient, c’était de montrer elle-même la plus grande loyauté dans toutes ses démarches, et c’est ce qu’elle fit. Aussitôt donc qu’elle eut appris l’arrivée du prince de Galles sur le continent, elle s’empressa d’envoyer au devant de lui une députation, qui le rencontra à Poitiers, en sollicita et en obtint la promesse de la confirmation des libertés et franchises de la communauté. C’était en août 1363. On a vu qu’en septembre, Edouard, en sa qualité de prince de Guienne, avait confirmé ces libertés et franchises. Voici comment s’expriment ses lettres:
« Comme la rage des guerres et la discorde, qui durèrent si long-temps entre notre père et notre cher oncle le roi de France, avec perte de beaucoup d’hommes et de grandes dépenses, sont enfin apaisées par la paix qu’à l’aide de Dieu, nous sommes parvenus à conclure, et qu’entre nos autres villes et cités de notre principauté de Guienne, la ville et la cité de Périgueux méritent d’être exaltées et d’être maintenues et protégées dans leurs privilèges; nous, voulant entourer d’une gracieuse faveur lesd. ville et cité, ainsi que leurs maire, consuls et communauté, de notre grâce spéciale, nous louons, approuvons, ratifions, et par la teneur des présentes confirmons les coutumes, franchises, libertés et privilèges accordés et donnés anciennement et successivement par les rois de France, et confirmés par notred. oncle, auxd. ville et cité et auxd. consuls, en tant qu’ils sont raisonnables et non contraires à lad. paix (1). »
Cette manière de confirmer, au fond, ne signifiait pas grand’chose, puisque Périgueux (ville et cité) n’avait pas, à proprement parler, de libertés ni de franchises concédées par les rois, et que celles dont il jouissait, il les possédait de toute ancienneté et comme des droits inhérents à sa constitution; mais c’était la forme usitée dans ces sortes de confirmations, et cela suffisait. En 1364, le prince de Galles eut encore à s’occuper de cette communauté. Il s’agissait cette fois de donner une sanction nouvelle à un privilège spécial accordé, en 1347, par Philippe de Valois, et décidant en principe que les habitants de la ville et de la cité ne plaideraient plus qu’au sénéchal ou au parlement. Le prince, à ce propos, déclara qu’en vertu de la paix entre son père et le roi de France, il était obligé à tenir tout ce qui était spécifié dans les lettres de Philippe, et en ratifia le contenu, « sauf cependant, ajoutait-il, qu’ils (les habitants) devront être cités par notre procureur au parlement, qui sera institué par notre père, à cause de sa supériorité sur le duché de Guienne (2). »
Quand bien même il n’existerait pas une ordonnance du roi Jean, datée du mois de décembre 1360, portant révocation des concessions de toutes nobleces et seigneuries, rentes et revenues qui estoient du domaine royal et propre héritage du royaume et de la couronne de France, ou qui avoient ou dévoient avoir aucune nature ou condicion de domaine royal, depuis le règne de Philippe-le-Bel (3), et par conséquent mettant à néant tous les dons faits antérieurement à cette époque, il suffirait de la confirmation des lettres de 1347 par le prince de Galles pour constater que Périgueux avait conservé la plénitude de ces droits, quoique la moitié de la juridiction du célérier et le droit du commun restassent entre les mains du comte, qui les possédait, par droit d’échange, et non en vertu d’une donation. Aussi avons-nous vu que, malgré les lettres de Jean, le prince confirma le comte dans cette possession, la même année, et peu de temps après l’époque où il sanctionnait, en faveur de Périgueux, les lettres de 1347. Il est à remarquer, d’ailleurs, que le roi d’Angleterre fit, de son côté, en 1362, ce qu’avait fait Jean, en 1360; en sorte que la donation de la cité, par le prince de Galles, au cardinal de Périgord, sur laquelle se fondaient les agents de ce cardinal, devant Jean Chandos, à supposer même qu’elle fût vraie, se trouvait révoquée de plein droit (4); mais il ne paraît pas que cette donation ait jamais existé.
On a vu qu’en 1366, le prince de Galles avait réclamé du comte de Périgord les deniers d’un fouage établi sur ses domaines. Ce fouage, à ce qu’il parait, n’était pas seulement perçu sur les domaines du comte; on l’avait aussi exigé de la ville de Périgueux, malgré ses franchises, comme nous l’apprennent des lettres d’Edouard, comme prince de Guienne, du 9 octobre 1365, portant déclaration expresse que le fouage à lui accordé, pour cette année, par cette ville, ne portera aucun préjudice à ses privilèges et franchises, ni ne tirera à conséquence pour l’avenir (5). Ces lettres, datées de Périgueux même, permettent de supposer que ce prince y avait séjourné quelque temps, d’autant que nous savons qu’au mois d’août précédent, le comte de Foix lui avait écrit qu’il irait le rejoindre à Angoulême ou à Périgueux, dans le cours de septembre (6). Il y était également en avril 1366. Nous trouvons, en effet, que, le 18 de ce mois, durant son séjour parmi les Périgourdins, il fut décidé que les procès, entre le chapitre, le comte, le maire et les consuls, seraient renvoyés à Bordeaux, pour y être jugés, par le prince et son conseil, aux premiers grands jours qu’on y tiendrait (7).
Ces fréquentes visites du prince de Guienne à la capitale du Périgord, et la manière dont il la traitait, prouvent évidemment que, loin d’avoir démérité auprès de lui, cette communauté n’avait fait que gagner de plus en plus son estime et son affection, par sa conduite franche et loyale. Cela lui était d’autant plus facile, que le maire et les consuls avaient conservé toute leur liberté d’action municipale sur la ville et sur la cité, où ils imposaient des amendes, sans que personne leur contestât ce droit (8). Aussi, en 1366, prouvèrent-ils au comte qu’au milieu de tous leurs démêlés avec lui, ils n’avaient rien perdu de la considération méritée dont ils jouissaient auparavant. On se rappelle qu’à la suite de son attaque contre le sire de Mucidan, Archambaud V n’avait dû sa liberté qu’à leur obligeante entremise. Voici ce qui se passa dans cette circonstance: Le comte était à Périgueux, logé dans la maison d’un bourgeois appelé Labatut. Valquefara, sénéchal de Périgord pour le prince, s’y transporta, et, comme on l’a vu, le déclara prisonnier, par le motif qu’il avait mis en campagne des troupes, en armes, durant la paix, ce qui était expressément défendu par les ordonnances. Le maire et les consuls, par intérêt pour le comte, ou peut-être aussi pour lui prouver qu’on n’avait pas moins d’égards pour eux que pour lui, et même que leur influence était plus réelle que la sienne, prirent sa défense, avec chaleur, auprès du sénéchal, et mirent tant de zèle dans leurs démarches, qu’ils finirent par en obtenir sa liberté (9).
Quels furent les sentiments qui agitèrent le comte de Périgord en cette occurrence? C’est ce que les documents qui nous ont été conservés ne nous apprennent pas; mais, à en juger par son caractère et sa conduite ultérieure, le service que venaient de lui rendre le maire et les consuls ne put guère que lui causer de l’humeur. Son irritabilité, qu’on a vu déjà se manifester si violemment; son arrogance, qui se produira plus tard si impérieuse, durent nécessairement se sentir humiliées, en présence de la réalité, et peut-être n’y aurait-il rien de trop exagéré à dire que cet événement, loin de lui commander la gratitude, ne fut qu’un aliment de plus pour la haine qu’il avait vouée à la ville et à la cité. Par le fait, non-seulement il ne chercha en aucune manière à témoigner de sa reconnaissance envers le maire et les consuls, mais encore, au milieu de l’agitation que fit naître, quelque temps après, la rupture du traité de Bretigny, il évita constamment de se trouver en contact avec eux, sauf dans une circonstance où il fit, pour neuf ans, la remise du droit du commun aux habitants de la ville, qui le lui devaient, et encore est-il vrai, comme on le verra, qu’à l’époque où il leur fit cette remise, il n’était pas en Périgord, et que le motif qui le guida pouvait bien être tout autre que celui de la reconnaissance.
(1) Recueil de titres, etc., p. 363.
(2) Recueil de titres, etc., p. 364. Dans le cours de 1363, la peste ou des maladies contagieuses assez meurtrières avaient régné en France et surtout à Périgueux, comme on le voit par un bref du pape Urbain V, tiré des archives du Vatican (Bibl. du roi. Papiers Lépine, cart. Périgueux), portant la date du 15 des kalendes de décembre (17 novembre) 1363. Les maux endurés alors par les habitants de la ville et de la cité pourraient bien avoir, en partie, contribué à leur faire obtenir cette confirmation.
(3) Rec. des ord. des R. de Fr., t. 3, p. 442.
(4) Fœdera, litteræ, etc., vol. 3, 2e partie, p. 675.
(5) Bibl. du roi. Papiers Lépine, cart. Périgueux. Pièce tirée des arch. de la M. de ville.
(6) Ibid. Pièce tirée des arch. de Pau.
(7) Ibid. Extrait d’une pièce conservée dans les arch. de la M. de ville de Périgueux.
(8) Arch. de la M. de ville de Périgueux. Livre noir, fol. 12.
ÉVÈNEMENTS ACCOMPLIS
DE 1363 A 1368.
Jamais la France n’avait été si près de sa perte qu’après la funeste bataille de Poitiers; jamais autant d’humiliation n’avait pesé sur le trône et sur la nation qu’après le traité de Bretigny; et cependant, chose inouie, le roi d’Angleterre, enivré sans doute par tant de succès, ne sut pas ou ne voulut pas arrêter à temps ses prétentions. Non content des énormes sacrifices imposés au peuple, pour le rachat de son roi prisonnier, non content des concessions exorbitantes arrachées au monarque, pour prix de la paix, Edouard III ne daigna pas même se donner la peine de remplir les obligations qu’il avait volontairement consenties, et négligea d’envoyer à Bruges, en temps utile (1), ses commissaires, qui devaient s’y trouver avec ceux de sa victime, et faire la remise de la renonciation de leur souverain à la couronne de France, en échange de l’hommage et de la suzeraineté de la Guienne, dont le roi Jean se dessaisissait en sa faveur. Cette inexactitude, évidemment préméditée, et qui révélait les mauvaises dispositions du monarque anglais à l’égard de la couronne de France, lui devint fatale avec le temps, et fut la cause première d’un retour de fortune qui répara ou du moins fit complètement oublier douze années de malheurs. Cependant, cet incident s’était passé sans bruit, sans récriminations, de la part de Jean, dont la position ne lui permettait guère de se plaindre, en admettant qu’au fond il ne fût pas bien aise de cette maladresse, puisque, de son côté, ayant exactement tenu ses engagements (2), il n’avait réellement rien à se reprocher. La marche des affaires n’avait pas été interrompue, et les préoccupations produites par les événements subséquents n’avaient pas laissé le temps aux esprits de se rendre compte de ce qui s’était passé à Bruges. L’oubli même dans lequel cette petite difficulté était bientôt tombée semblait faire croire qu’il ne devait plus en être question. Mais quand, en 1368, Charles V, sollicité de recevoir l’appel des seigneurs de Guienne, porta son attention sur les faits accomplis depuis 1360, la question fut remise à l’ordre du jour, et devint une arme puissante dont le monarque français se servit avec d’autant plus d’avantage, qu’elle lui fournissait le moyen d’obtenir la réparation des maux appesantis sur la France, depuis si long-temps. Du reste, sans remonter au-delà de 1361, les griefs étaient assez nombreux et assez manifestes pour ne pas laisser passer l’occasion qui se présentait.
Mon but n’est pas de faire l’histoire de la rupture du traité de Bretigny. Je ne me propose pas de retracer ici les diverses péripéties de ce grand événement; mais, comme il se trouve mêlé à la querelle de la communauté de Périgueux avec Archambaud V, je ne puis me dispenser d’indiquer rapidement les démarches des seigneurs de Guienne, les négociations qui les suivirent, la conduite de Charles V durant ces négociations, et les motifs qui le déterminèrent à rompre avec Edouard.
La réaction qui finit par gagner toute la Guienne, et dont la conséquence fut la rupture de ce traité, se manifesta, comme on sait, en 1368, produite par la résistance d’une partie des grands du pays, opposés à l’établissement du fouage que le prince de Galles voulait lever sur les populations, en dédommagement des grandes dépenses occasionees par son expédition d’Espagne. Mais, il ne faut pas en douter, ce ne fut là que le prétexte, et les véritables causes du mécontentement général se rattachaient aux événements antérieurs dont je viens de parler. Un rôle, conservé aux archives du royaume (3), quoique moins explicite que les documents que j’ai déjà signalés, n’en sert pas moins à corroborer cette assertion. On y lit que le prince faisait aux barons plusieurs griefz ….. compulsions et contraites.
Les premières démarches des seigneurs de Guienne auprès du roi Charles V remontent au mois d’avril 1368. Le comte d’Armagnac, qui les dirigeait, se rendit immédiatement à Paris et sollicita vivement ce monarque d’accepter leur appel, ce qu’il ne voulut cependant pas faire sans avoir, au préalable, pris l’avis de son conseil. Il en résulta un délai de près de trois mois, fort désagréable pour le comte, plus pressé, chaque jour, de recevoir enfin une réponse du roi. Durant l’intervalle, divers autres appelants étaient venus à Paris, et même le sire d’Albret, par l’entremise de Charles V, y avait conclu son mariage avec Marguerite de Bourbon (4). Enfin, les appels furent reçus (5). Les archives du royaume possèdent la minute et l’original de l’acte qui fut la conséquence de cette acceptation (6). Les deux pièces portent la date du 30 juin. Le conseil qui précéda et prépara la rédaction de cet acte se composait de trente-sept personnes, dont les noms y sont inscrits.
En apprenant ce qui se passait en Guienne, il est à présumer que le roi d’Angleterre avait essayé, mais inutilement, d’arrêter le mouvement par l’interposition de son autorité. Plus tard, quand il sut que le roi de France avait accueilli les démarches des barons, il se hâta d’entrer en négociation avec Charles. Le rôle dont il a été parlé plus haut (7) contient les réponses du roi de France, au moyen desquelles on peut facilement apprécier la nature des demandes du roi d’Angleterre. Ce précieux document nous fait connaître, de la manière la plus exacte, tout ce que Charles mit de calme, de précaution, de prévoyance, de mûre réflexion et de fermeté dans sa conduite, en cette occurrence. C’est ainsi qu’il nous apprend qu’environ six mois après avoir accueilli les demandes des seigneurs appelants, ce monarque tint une autre assemblée de son conseil, où assistèrent quarante-huit personnes des plus marquantes, et unanimes pour déclarer qu’il était bien en droit d’user de ses souveraineté et ressort. Cette unanimité acheva de vaincre tous ses scrupules. Il repoussa résolument les réclamations du roi d’Angleterre, cita le prince de Galles à comparaître au parlement (8), et se mit à la tête du mouvement réactionnaire. Toutefois, avant de commencer les hostilités, il crut de son devoir, quelques mois après, de se rendre au parlement (mercredi 9 mai), et d’y exposer, en présence d’une assemblée nombreuse, comment il avait été requis, par les appelants de Guienne, comment il avait été conseillé de recevoir leur appel, et comment il leur avait octroyé ajournement contre le prince de Galles. Il fit connaître en même temps les réponses qu’il avait faites au roi d’Angleterre et les requêtes qu’il lui avait adressées; demandant aux assistants de lui déclarer franchement s’ils trouvaient qu’il eût mal agi. Le lendemain, jour de l’Ascension, en présence d’une seconde réunion, il fit répéter tout ce qui avait été dit la veille, et tous furent d’accord pour approuver sa conduite. Le jour suivant, une troisième assemblée, tenue dans la même salle, et à laquelle assistaient les représentants des villes (9), donna des éloges non moins unanimes à sa manière de procéder (10).
Après toutes ces mesures de précaution, il ne balança plus, et, sans autrement se préoccuper des menaces que lui avait faites le prince de Galles, au moment où on lui signifiait la citation (11), il déclara la guerre au roi d’Angleterre. Voyons actuellement quelles furent la conduite du comte de Périgord et celle des habitants de Périgueux dans toute cette affaire.
J’ai dit que nos annalistes et nos chroniqueurs s’accordent à faire figurer ce comte parmi les premiers seigneurs qui eurent recours au roi de France, dans le but de se soustraire, eux et leurs domaines, aux exactions du duc de Guienne. L’un d’eux même va jusqu’à prétendre qu’il se rendit à Paris pour y traiter avec le roi (12). Par malheur, les faits repoussent cette assertion. Il est bien vrai cependant que, dans l’original comme dans la minute de l’acte dont j’ai parlé plus haut, on lit en tête: « Ce sont les choses pourparlées (minute), traitées (original) entre nous Charles, par la grâce de Dieu, roi de France, d’une part, et les comtes d’Armagnac, de Pierregort, et le sire de Lebret, d’autre. » De plus, il est certain que, dans la minute, les treize premiers articles, et les dix premiers dans l’original, concordent avec le titre; mais il est également positif que les autres articles ne parlent pas du comte de Périgord (13); et, en réalité, c’est qu’il n’était pas à Paris, que même il n’y était pas encore allé ni ne s’était décidé à faire appel, à l’époque de ce traité (14). Nous savons, en effet, que les premières démarches furent faites par son frère (15); qu’au mois de novembre suivant, il n’avait pas formé de résolution bien arrêtée, et qu’en quittant le Périgord, au lieu de prendre le chemin de Paris, il s’en alla en Quercy (16).
Ce ne fut que le 13 avril 1369 qu’Archambaud V prit enfin le parti de donner son adhésion à l’appel. Il était alors à Caussade, en Quercy (17), où il créa quatre commissaires pour le représenter à l’assemblée tenue, dans la grande salle du parlement, les 9, 10 et 11 mai suivants. Or, telle avait été son hésitation jusqu’alors, qu’au moment de la nomination de ces quatre commissaires, ou, pour parler plus exactement, deux jours après, le prince de Galles confirmait les privilèges de son comté, dans la persuasion sans doute qu’il suffirait de cette gracieuse attention pour le retenir (18). En quoi il se trouva pourtant induit en erreur, puisque, dans le cours du mois de mai, ce seigneur se déclara ostensiblement contre lui, en se rendant à Toulouse, auprès du duc d’Anjou (19).
La nouvelle de la défection du comte parvint au prince de Galles à peu près en même temps que des renforts anglais arrivaient en Guienne, sous la conduite des comtes de Cambridge et de Penbrock (20). Dans son indignation, le prince donna l’ordre à ces troupes fraîches de marcher sur le Périgord, évidemment dans le but de tirer vengeance de la défection d’Archambaud. Les Anglais, n’ayant rien à craindre de Périgueux, qui n’avait pas encore bougé, pénétrèrent hardiment dans la province, et se dirigèrent sur Bourdeille (21), dont ils ne purent toutefois se rendre maîtres qu’après trois mois de siège; mais, pendant que cette place les tenait en échec, ils firent de nombreuses excursions et commirent beaucoup de dégâts dans tout le plat pays du comté, s’emparèrent du château de Roussille (22), en partie démantelé, et tentèrent de surprendre ceux d’Auberoche (23) et de Montignac (24), qu’ils menaçaient encore au moment où Périgueux se prononça (25). Ce changement dans les dispositions de la capitale du Périgord fut un véritable événement qui modifia brusquement l’état des choses. En l’apprenant, les Anglais ne jugèrent pas prudent de continuer leur séjour dans le comté, et, après avoir confié la garde de Bourdeille au sire de Mucidan, ils se retirèrent auprès du prince de Galles, qui résidait alors à Angoulôme (26).
Cependant, la colère de ce prince ne s’en était pas tenue aux ordres donnés aux comtes de Cambridge et de Penbrock. Voulant que la punition d’Archambaud fût aussi complète, aussi éclatante que possible, il avait déclaré son comté confisqué, et, le 26 juin, en avait fait don à son oncle par alliance, Regnaut de Pons, sixième du nom, vicomte de Turenne et de Carlat, seigneur de Ribeyrac, de Montfort, d’Aillac, de Carlux et autres lieux, qui lui était resté fidèle, pour le dédommager de la perte du vicomte de Carlat, dont les Français s’étaient déjà emparés à cette époque (27). Cette donation, pourtant, ne fut jamais que nominale; mais elle eut cela d’avantageux, pour la cause de la France, qu’elle contribua puissamment à mettre fin aux incertitudes et aux tergiversations d’Archambaud. Il est bien vrai que l’expédition des comtes de Cambridge et de Penbrock l’avait fait sortir de l’inaction désespérante dans laquelle il s’était tenu comme à plaisir; mais il est constant aussi que ce ne fut réellement qu’à cette époque qu’il prit une part active à la guerre (28), quoique, depuis un an bientôt, le roi de France lui eût fait les concessions les plus avantageuses. En effet, dès l’époque où le comte d’Armagnac et ses adhérents traitèrent avec Charles V, ou peu de temps après, Taleyrand de Périgord, frère puîné d’Archambaud, s’était rendu à Paris (29), ainsi qu’il a été dit plus haut, dans le but d’y négocier un arrangement pour son frère et pour lui (30), et ses démarches, conduites avec bonheur, avaient été couronnées d’un succès si complet, qu’un mois avant la seconde fois que le roi fit assembler son conseil (31), il avait obtenu, pour lui, sous le nom de prêt, douze mille francs d’or, et quarante mille francs, pour son frère, payables tous les ans, dans le cas où le comte appellerait, du moment où le prince de Galles lui aurait déclaré la guerre jusqu’à la fin de la lutte; lesquels quarante mille francs avaient commencé à courir dès le mois de mai 1369, où, comme on vient de le voir, les Anglais avaient envahi ses domaines. Toutefois, là ne s’étaient pas arrêtées les libéralités du roi à leur égard. Au mois de mars de l’année 1369, Louis, duc d’Anjou, au nom de Charles V, avait accordé à Taleyrand trois mille livres de rente annuelle (32), et le mois de mai suivant, c’est-à-dire au moment de son adhésion à l’appel, ce monarque avait confirmé tous les dons faits au comte par ses prédécesseurs (33).
Nous ne savons pas au juste l’époque de l’adhésion de Taleyrand. Il est à croire toutefois que les deux frères adhérèrent en même temps (34), avec cette différence que le comte s’éloigna du Périgord, après avoir rompu avec les Anglais, tandis que Taleyrand, du moment où il eut embrassé le parti de la France, retourna dans son pays natal, en qualité de lieutenant du duc d’Anjou, ne s’en éloigna plus, et ne cessa d’y seconder le mouvement qu’il avait contribué à faire éclater (35). Par ses instigations, par ses conseils, les villes et les barons sortirent de leur indifférence, et firent, successivement et au grand jour, leurs soumissions à leur roi naturel. Mais il est temps de s’occuper de Périgueux.
Comme la querelle dont le fouage fut le prétexte ne s’était primitivement engagée qu’entre les seigneurs et le prince de Galles, et que d’ailleurs, en vertu de ses franchises, la capitale du Périgord était naturellement exempte de ces sortes d’impôts, elle ne prit d’abord aucune part à ces démêlés, et demeura complètement en dehors de la réaction pendant 1368 et durant les quatre ou cinq premiers mois de 1369; mais quand, à la suite de l’assemblée tenue dans la grande salle du parlement, en présence des députés des villes, le 11 mai 1369 (36), le roi, par des lettres du 21 du même mois, eût ordonné au comte de Périgord et à ses adhérents de faire la guerre aux Anglais, sous peine de forfaiture (37); quand, en outre, le duc d’Anjou, le 8 juin suivant, eut signifié les lettres du roi au maire, aux consuls et aux habitants de Périgueux, il ne leur fut plus permis de rester impassibles spectateurs d’une lutte qui désormais allait être générale, et dans laquelle il fallait nécessairement que chacun prît parti. Toutefois, avant d’adopter une résolution, et sans autrement se préoccuper des ordres donnés et des injonctions faites par le duc d’Anjou, ils voulurent examiner sérieusement la question, afin de ne se décider qu’en parfaite connaissance de cause. Malgré la présence de Taleyrand parmi eux, qui certainement les pressait de son mieux, et ne manqua pas sans doute d’attirer leur attention sur le danger qu’ils couraient d’avoir à supporter de nouveau la charge qu’on leur avait forcément imposée en 1366 (38), s’ils ne se hâtaient de s’y soustraire, deux mois entiers s’écoulèrent avant qu’ils se déterminassent et donnassent leur adhésion à l’appel. Mais enfin, après ce long délai, cédant aux instances du lieutenant du duc d’Anjou, ils se prononcèrent, à la grande satisfaction du roi et au grand avantage du comte (39). Dès ce moment, ils secondèrent Taleyrand de tous leurs efforts, l’aidèrent à faire rentrer son frère en possession de ses domaines, et, grâce au poids dont ils furent dans la balance, les Anglais délivrèrent le pays de leur présence; le château de Roussille fut recouvré, et ceux d’Auberoche et de Montignac, sur le point de tomber entre les mains des ennemis, dégagés et rendus à Archambaud (40).
On pourrait croire que, pour les encourager à lui rendre ces services importants, le comte, dès le 21 août, comme on l’a vu plus haut, leur avait fait la remise, pour neuf ans, du droit du commun qu’il était dans l’usage de percevoir sur une partie d’entre eux, ainsi que nous l’apprend un acte émané du maire et des consuls, et portant la date du 12 décembre suivant (41). Toutefois, il ne serait pas impossible que d’autres motifs eussent guidé ce seigneur. Nous y reviendrons plus tard. On va voir, du reste, que ces services ne furent pas les seuls que lui rendirent les habitants de Périgueux.
Depuis la mort de Roger-Bernard, et surtout depuis celle du cardinal de Périgord, les deux frères, sans en venir à une rupture complète, avaient cependant eu quelques difficultés, au sujet de leurs intérêts respectifs, et n’étaient pas encore parvenus à se mettre d’accord sur leur partage, en 1369. Durant le cours de cette année et de la suivante, au milieu de toutes les vicissitudes de la guerre avec les Anglais, loin de s’entendre, ils s’étaient de plus en plus aigris, si bien que Taleyrand avait cru devoir s’emparer des châteaux d’Auberoche et de Montignac, et les tenait sous sa dépendance lorsqu’Archambaud revint en Périgord (42) (1370). Par les soins du maire et des consuls, ils se réconcilièrent (43), et le comte fut remis en possession de ses deux châteaux (44). De plus, et toujours par leur entremise, à la suite de cette réconciliation, il y eut, entre eux, une transaction, au sujet des prétentions de Taleyrand sur la succession paternelle, et un appointement relatif aux quarante mille francs d’or que le roi avait assignés au comte. Mais n’anticipons pas sur les événements.
Tout en rendant service au comte, le maire et les consuls ne négligèrent aucun des moyens propres à maintenir intacts les droits et franchises de la ville et de la cité à la fois, et à les mettre en garde contre les éventualités d’une attaque ou d’une surprise. Dès le mois d’octobre, ils avaient obtenu:
1° la confirmation, par le duc d’Anjou, agissant au nom du roi, de tous les privilèges, libertés, franchises et coutumes usités dans l’étendue de la juridiction de la communauté, avec la garantie expresse que, quand bien même le duché de Guienne passerait entre les mains d’un autre que le roi, ils ne cesseraient pour cela de relever directement de la couronne que de leur propre et exprès consentement (45);
2° la promesse qu’en dédommagement de la non-jouissance des domaines et rentes dont la ville et la cité ne pouvaient disposer, par suite de l’occupation des Anglais, il serait accordé aux maires, aux consuls et à chaque habitant une partie des terres conquises sur ces ennemis de la France, au prorata des pertes faites par chacun d’eux (46);
3° la faculté de circuler, eux et leurs marchandises, par tout le royaume, avec exemption d’impôts, droits, subventions, péages, etc., absolument comme les bourgeois de Paris (47);
4° la déclaration que nul des membres de la communauté ne pourrait encourir la confiscation, au profit du domaine du roi, pour quelque motif que ce fût, excepté les cas de lèse-majesté et d’hérésie (48);
5° la permission de recevoir durant la guerre et de faire circuler dans la ville et dans la cite toute sorte de monnaies d’or et d’argent (49);
6° l’engagement formel que, si on leur faisait la guerre, soit à la ville, soit à la cité, ou si on les menaçait l’une ou l’autre d’une attaque ou d’un siège, on leur fournirait des troupes de renfort, payées et entretenues aux frais du roi, tout le temps nécessaire (50).
Indépendamment de ces garanties et de ces faveurs accordées à la communauté, et consacrées par des lettres patentes revêtues des formes les plus authentiques, le duc d’Anjou, dans le cours de ce même mois d’octobre, déclara que les villes de Bordeaux, Bayonne, etc., ressortiraient aux assises de Périgueux, comme par le passé, ainsi que les assises établies dans différentes localités du Périgord (51).
Après tant de concessions et d’avantages solennellement stipulés, les habitants de Périgueux n’avaient plus à hésiter. Aussi, sans plus de retard, entrèrent-ils franchement dans la lutte et consacrèrent-ils noblement tous leurs efforts à la cause nationale. Le 30 novembre 1369, Charles V avait donné des ordres pour que les appelants, qui, malgré leur appel, se croyaient toujours obligés de rester soumis à l’autorité anglaise, cessassent de la reconnaître (52); mais ces ordres n’étaient pas ou étaient mal exécutés. Le 8 janvier 1370, le duc d’Anjou adressa au maire et aux consuls les lettres du roi, avec injonction très expresse de les faire publier à son de trompe, afin que personne ne pût en ignorer (53). Le 28 février suivant, ces fonctionnaires municipaux se rendirent sur la place de la Clautre (54), et y firent cette publication, avec toute la solennité possible (55). Peu de temps après (56), ils s’aperçurent que les murs de la cité étaient en mauvais état et tombaient presque en ruine, en sorte qu’il eût suffi d’un coup de main pour s’emparer de la place; ce qui aurait été fort dangereux et très dommageable pour le Puy-Saint-Front. Ils réunirent les habitants peur aviser au moyen de réparer promptement ces murs et de les mettre en état de défense, leur enjoignirent de ne pas apporter la moindre négligence dans les travaux à exécuter, ajoutant que l’urgence du péril les avait poussés à demander des secours aux chanoines de Saint-Front et à d’autres personnes ecclésiastiques, qui s’y étaient refusés; mais qu’en vertu des pouvoirs dont ils étaient investis, ils les y feraient contraindre, par les voies les plus promptes (57).
Sur ces entrefaites, c’est-à-dire vers la fin de mai ou au commencement de juin, une déclaration de guerre ayant été dénoncée aux Anglais, les hostilités éclatèrent; on se mit en campagne de part et d’autre; les troupes sillonnèrent le pays dans tous les sens, et le Périgord tout entier devint le théâtre d’une lutte sanglante et animée. Une des premières expéditions en règle, dirigée contre les Anglais, fut celle que le duc d’Anjou conduisit en personne dans l’Agenais et dans le Périgord. Le comte Archambaud accompagnait le prince, et se trouva au siège de Lalinde (58). Ce fut même très probablement après ce siège qu’il revint à Périgueux et traita avec son frère, qui n’avait pas cessé de seconder, par sa présence dans le pays, les efforts des amis de la France. Cependant, quels que fussent le zèle et l’intelligence de Taleyrand, quelles que fussent la prévoyance et la sagesse du maire et des consuls, la ville et la cité eurent à se ressentir des désordres que l’état de guerre entraîne après lui. La permanence des armées sur leur territoire leur causa des dommages assez grands pour que le duc d’Anjou se crût obligé de les indemniser; de sorte que, le 27 août suivant (59), en compensation des pertes que les bourgeois et les religieux de la ville de Périgueux avaient soutenues, par le fait de l’armée royale, qui avait séjourné ou séjournait encore dans la ville et ses appartenances, il leur fit don de 2,500 fr. d’or (60). Du reste, à part l’inconvénient du voisinage de troupes amies, inconvénient réel sans doute, mais dont on leur tenait généreusement compte, tout allait au mieux pour la ville et pour la cité. L’administration municipale, secondée par Taleyrand, avait si bien pris ses mesures, pour éviter les surprises et conserver le repos de la communauté, et la présence de l’armée, commandée par le duc d’Anjou, avait si complètement démoralisé les ennemis, que jusqu’en 1272 on n’eut à redouter aucune tentative de leur part. Mais la mort de Taleyrand, survenue dans le cours de cette année, la victoire du prince de Galles sur Limoges et l’éloignement de la province des forces françaises, ayant rendu le courage et l’audace aux Anglais, pendant quelque temps, ces étrangers et leurs partisans reprirent l’offensive, serrèrent de si près Périgueux et commirent des désordres tels, que le maire et les consuls, pour échapper aux dangers qui menaçaient bourgeois et citoyens, se virent contraints de composer avec eux, afin de tirer d’entre leurs mains quelques membres de la communauté qu’ils avaient faits prisonniers (61). Toutefois, le succès des Anglais ne fut pas de longue durée. Le retour des Français dans la Guienne, en mettant un terme à leurs excursions aventureuses, rendit la position de Périgueux meilleure, ranima le courage abattu de ses habitants, leur inspira une nouvelle confiance, et fit revivre en eux le zèle et l’activité passés; de sorte qu’à partir de ce moment, on les vit prendre une large part aux événements accomplis dans la province durant les deux années suivantes (62), tandis qu’il est douteux que le comte fût en Périgord en 1373, et que, pour sûr, il n’y était plus en 1374, puisqu’il faisait partie de l’expédition que le duc d’Anjou fit, cette année-là, dans la Haute-Gascogne (63).
En 1375, une trêve d’un an (27 juin 1375 — 30 juin 1376) ayant été conclue entre la France et l’Angleterre, le sire de Mucidan, le plus redoutable des ennemis de Périgueux, traita directement avec le maire et les consuls, s’engagea à laisser en paix la ville et la cité, et à ne troubler, en rien ni pour rien, les habitants de l’une et de l’autre localité, depuis le 22 juillet de cette année jusqu’au 22 juillet de l’année suivante (64). Trois mois et demi après l’expiration de cette trêve, c’est-à-dire le 8 novembre 1376, le maréchal de Sancerre se rendit à Périgueux, et marcha le lendemain avec un corps de troupes contre les châteaux de Saint-Astier (65) et de Grignols (66), devenus deux repaires des partisans des Anglais, d’où ils harcelaient sans cesse la ville et la cité. Les deux châteaux furent pris, et ceux qui les occupaient conduits prisonniers à Périgueux, où ils abjurèrent leurs antécédents, et se firent Français.
Dans l’intervalle de la trêve, le maire et les consuls, ayant expédié des députés au roi, en avaient obtenu la promesse d’envoyer le connétable Du-Guesclin en Périgord, à la tête d’une armée assez forte, pour en chasser les ennemis de la France. Cette promesse se réalisa en 1377. Le duc d’Anjou même commandait l’expédition, qui fut des plus heureuses, et fit rentrer sous l’autorité française plus de trois cents villes, bourgs ou châteaux de la Guienne (67).
Quel fut le rôle du comte de Périgord durant le cours de ces événements? C’est ce que l’histoire ne nous dit pas; mais, à en juger par certains détails qui se rapportent à l’année suivante, il est à croire qu’il n’y figura pas d’une manière très active, d’autant que la part qu’il y prit fut assez restreinte pour échapper à l’attention des chroniqueurs. Quant au maire et aux consuls, ils coopérèrent franchement et de tous leurs efforts à la délivrance du pays. Dès le commencement de l’année, ils s’étaient empressés d’octroyer un subside au duc d’Anjou, pour les frais de la guerre (68), et, dans le cours de la lutte, ils avancèrent à Du-Guesclin le montant de ses dépenses (69). D’un autre côté, ils s’appliquèrent à ramener au parti de la France tous ceux sur lesquels ils se trouvaient à même de pouvoir exercer quelque influence (70). En 1378, les hostilités continuaient toujours en Guienne; mais, comme les ennemis avaient été chassés du Périgord, Périgueux n’avait plus à s’en occuper. D’ailleurs, avant la fin de l’année, la guerre ayant changé de théâtre et s’étant transportée en Bretagne, le comte et la capitale du Périgord n’eurent plus qu’à se tenir en repos, et purent, tout à leur aise, régler leurs affaires particulières et communes.
(1) Fin novembre 1361.
(2) Jean avait eu soin d’envoyer ses commissaires à Bruges, où ils se tinrent un certain temps, attendant les commissaires anglais qui ne vinrent pas,
(3) Tr. des ch., cart. 654, n° 3.
(4) Arch.. du roy. Tr. des ch., cart. 477, n° 3.
(5) Ibid., cart. 654, n°3.
(6) Ibid., cart. 685, n° 39, et 293, n° 16.
(7) Le n° 3 du cart. 654 du tr. des ch.
(8) La citation est datée du 24 janvier 1369.
(9) La présence des députés des villes à cette assemblée a fait dire que c’était une réunion des états.
(10) Grandes Chroniques de France, t. 6, p. 273 (éd. de P. Paris).
(11) Il avait répondu à la citation qu’on lui avait signifiée, au nom du roi de France : « Nous irons volontiers ….. mais ce sera le bacinet en la teste et soixante mille hommes en nostre compaignie.» (Froissart, t. 1, ch. 248.)
(12) Froissart, t. 1, ch. 246.
(13) Arch. du roy. Tr. des ch., cart. 655, n° 39, et 293, n° 16.
(14) Le 30 juin 1368.
(15) Précis historique sur les comtes de Périgord, p. 38. La pièce est du 28 novembre.
(16) Mais seulement dans le cours de 1369.
(17) Bibl. du roi. Coll. Doat, reg. 242, Périgord, t. 1, fol. 661.
(18) Ibid. Reg. 244, Perigord, t. 3, fol. 19.
(19) Livre noir, etc., fol. 46.
(20) Froissart, t. 1, ch. 255.
(21) Canton de Brantôme, arrondissement de Périgueux.
(22) Commune de Douville, canton de Villamblard, arrondissement de Bergerac.
(23) Commune du Change, canton de Savignac-1es-Eglises, arrondissement de Périgueux.
(24) Commune et canton de ce nom, arrondissement de Sarlat.
(25) Froissart, t. 1, ch. 255, et Livre noir de la M. de ville de Périgueux, fol. 46.
(26) Ibid., ch. 265.
(27) Courcelles, Hist. généal. des pairs de France, t. 4, Famille de Pons, p. 36. Ce qu’il y a de piquant, c’est que Courcellcs, comme les autres, a adopté l’idée que Roger-Bernard vécut jusqu’en 1369, de sorte que c’est sur Roger-Bernard qu’il fait confisqucr le comté de Périgord par le prince de Galles.
(28) Il faut reconnaître avec Froissart que le comte avait pris les armes avant la confiscation de son comté, car c’est avec raison que ce chroniqueur place l’expédition des Français contre Thomas Wakefair, sénéchal de Rouergue, dont faisait partie Archambaud, dans le cours du mois de mai; mais il est certain aussi qu’il ne fit la guerre d’une manière soutenue que postérieurement au mois de juin, c’est-à-dire après la confiscation de son comté.
(29) Il y était au mois de novembre. Voyez Précis hist. sur les comtes de Périgord, p. 37.
(30) Ibid., p. 38.
(31) Ibid.
(32) Bibl. du roi. Papiers Lépine, cart. des comtes de Périgord.
(33) Arch. du roy. Reg. du tr. des ch., coté 100, pièce 431.
(34) On a vu plus haut que le comte n’adhéra définitivement qu’en mai, quoique Taleyrand eût fait des ouvertures, pour son frère et pour lui, dès la fin de 1368.
(35) Ce fut à son instigation que la ville de Périgueux, le sire de Badefol et autres se prononcèrent. Dans le traité avec le sire de Badefol, il est qualifie du titre de lieutenant du duc d’Anjou.
(37) Recueil de titres, etc., p. 374.
(39) Livre noir, etc., fol, 46.
(40) Ibid. Le château de Bourdeille seul resta entre les mains des Anglais jusqu’en 1377.
(41) Bibl. du roi. Coll. Doat, reg. 244, Périgord, t. 3, fol. 17.
(42) Livre noir, etc., fol. 46. Il est même dit qu’il tenait aussi ses autres châteaux.
(43) Ibid. Hélie Seguin, alors maire de Périgueux, assista même à leur arrangement.
(44) Ibid.
(45) Recueil de titres, etc., p. 369.
(46) Sup. au Recueil de titres, etc., p. 50; et Recueil sommaire de titres pour Périgueux, p. 48.
(47) Recueil sommaire, etc, p. 86; et bibl. du roi. Papiers Lépine, cart. Périgueux.
(48) Recueil de titres, etc, p. 384; et arch. du roy. Sup. du tr. des ch., cart. 864.
(49) Bibl. du roi. Papiers Lépine, cart. Périgueux. Tiré des arch. de la M. de ville.
(50) Recueil de titres, etc., p. 372.
(51) Bibl. du roi. Papiers Lépine, cart. Périgueux. Tiré des arch. de la M. de ville.
(52) Recueil de titres, etc., p. 366 et 380.
(53) Ibid., p. 379.
(54) Aujourd’hui place Marcillac. Il est question de cette place prèsqu’à toutes les pages des annales de la capitale du Périgord. Ce fut donc une idée bien fatale que celle dont le conseil municipal de Périgueux fut inspiré le jour où il imagina de débaptiser la plus ancienne et la plus historique des places de cette ville, pour lui donner le nom d’un administrateur éclairé, et à qui on devait sans doute un témoignage officiel de reconnaissance publique, mais qui, je n’en doute pas, eût été le premier à réclamer contre le vandalisme de ses concitoyens, si ses nombreuses occupations lui avaient laissé le temps d’étudier à fond la question. Fort heureusement pour Périgueux, les instincts populaires ont repoussé la nouvelle dénomination; mais cela ne suffit pas; il faut que la décision municipale soit rapportée, et que la fontaine qui est sur la Clautre continue seule à s’appeler fontaine Marcillac.
(55) Recueil de titres, p. 383. Il est à remarquer qu’un notaire de la ville présidait à cette proclamation; qu’il traduisait en langue vulgaire du pays les lettres, qui étaient en latin, et les transmettait, phrase par phrase, au crieur public, qui les répétait, devant les spectateurs, à haute et intelligible voix.
(56) Dans les premiers jours d’avril.
(57) Recueil de titres, etc., p. 436.
(58) Froissart, t. 1, chap. 283. Il est vrai que les détails fournis par ce chroniqueur ne sont pas d’une très grande exactitude; mais le fait en lui-même est exact, et cela suffit.
(59) Environ trois mois après la déclaration de guerre.
(60) Bibl. du roi. Papiers Lépine, cart. Périgueux. Tiré des arch. de la M. de ville.
(61) Bibl. du roi. Papiers Lépine, cart. Périgueux. Ces détails sont consignés dans des lettres de rémission à eux accordées, à cause de cela, par le duc d’Anjou.
(62) En 1374, notamment, ils fournirent 2,000 f. d’or pour le siège de Condat, canton de Champagnac-de-Belair, arrondissement de Nontron. Bibl. du roi. Papiers Lépine, cart. Périgueux. Tiré des arch. de la M. de ville.
(63) Froissart, t. 1er, ch. 318.
(64) Bibl. du roi Papiers Lépine, cart. Périgueux. Tiré des arch. de la M. de ville.
(65) Commune et canton de ce nom, arrondissement de Périgueux.
(66) Commune de ce nom, canton de Saint-Astier, arrondissement de Périgueux.
(67) Mabillon, Vetera analecta, p. 485 de l’éd. in-folio.
(68) Bibl. du roi. Papiers Lépine, cart. de Périgueux. Tiré des arch. de la M. de ville.
(69) Nous avons une obligation du connétable envers la ville. Bibl. du roi. Papiers Lépine, etc.
(70) Recueil de titres, etc., passim. Le maire et les consuls les faisaient jurer de ne plus faire la guerre à Périgueux et d’être fidèles au roi de France.
DÉMÉLÉS
DE 1378 A 1389.
On n’a pas oublié qu’en 1369 Archambaud avait fait remise, pour neuf ans, du droit du commun de la paix, à ceux des habitants de Périgueux sur lesquels il était dans l’usage de le percevoir. On sait aussi qu’au moyen d’un rapprochement entre cette concession et les événements accomplis ou près de s’accomplir, on pourrait, sans trop d’improbabilité, admettre que le comte avait été mu, dans cette circonstance, par des sentiments tout personnels (1). Mais cette supposition n’est pas la seule qu’il soit permis de faire. Il en est surtout une autre qui se présente d’autant plus naturellement, qu’elle se concilie mieux avec la tournure que prirent les affaires en 1378 (2). Voici les faits sur lesquels elle se fonde:
Nous voyons par le Recueil des ordonnances des rois de France que, partout où le droit du commun faisait partie du domaine royal, les officiers de Charles V, dans le cours de cette guerre, s’empressaient d’en faire la remise aux localités sur lesquelles il pesait, à la grande satisfaction de ceux qui en étaient affranchis. Cette remise avait lieu très probablement en vertu d’une décision du conseil, qui très probablement aussi avait prévu, dans cette décision, le cas où ce droit était devenu une propriété particulière, et avait indiqué, pour cette occurrence, une manière toute spéciale de procéder. Il en résulterait dès-lors qu’au lieu d’attribuer à la reconnaissance ou à un intérêt adroitement calculé la conduite du comte, il faudrait croire que son procédé fut un sacrifice obligé à la cause nationale que lui aurait imposé la sage politique de Charles V. On pourrait même prétendre, avec assez de vraisemblance, qu’une partie des 40,000 fr. d’or et autres gratifications que lui avait alloués ce monarque étaient tacitement destinées à l’indemniser de cette concession, qui, peut-être, aurait dû être perpétuelle, au lieu de temporaire qu’il eut soin de la faire. Quoi qu’il en soit, il est certain que, suivant la déclaration même du maire et des consuls, l’exemption n’avait été accordée que pour neuf ans, c’est-à-dire jusqu’en 1378, époque à laquelle, par suite de l’expiration du délai, il eût été tout naturel que ce droit fût perçu par Archambaud, comme par le passé, si la situation respective des parties ne se fût pas trouvée différente de ce qu’elle était en 1369. Il est bien vrai que les détails manquent à cet égard; mais il est hors de doute qu’un incident, une circonstance dont on ne saurait se rendre compte, puisqu’ils sont restés inconnus, en modifiant l’état des choses, avaient mis le maire et les consuls de Périgueux dans la position de ne pas s’astreindre, en 1378, aux engagements contractés par eux, envers le comte, en 1369, et les autorisaient à s’adresser au parlement, afin de faire régler, par lui, le différend survenu entre eux et ce seigneur, au sujet de ce droit (3). Une preuve certaine de la réalité d’une modification, c’est qu’en outre et en dehors de cette contestation, Charles V, à cette môme époque, soutenait que la redevance lui appartenait, et que le comte l’exigeait illégalement des habitants de Périgueux. Et qu’on n’imagine pas qu’il soit permis de mettre en doute cette prétention du roi, car elle se trouve formellement exprimée, à propos de l’action intentée au comte par la municipalité, dans le document le plus authentique qui nous ait été conservé, pour cette époque. En effet, voici ce qu’on lit dans les motifs du jugement rendu contre Archambaud V, au mois de février 1397:
« Lorsque, au mois de décembre 1378, le maire et les consuls eurent appelé à nous et à notre cour de parlement, et qu’il eût été défendu au comte et à ses gens, sous peine de mille marcs d’argent, d’oser se permettre d’exiger des habitants de la ville une certaine redevance qui nous appartenait, et qu’on appelait le commun de la paix; sans avoir égard à cet appel ni à cette inhibition, un certain Corneille, capitaine de La-Rolphie, et Jean Le Maigre, chambrier du comte, avec quelques autres complices, levèrent et prirent, par force et malgré lesdits habitants, ledit commun de la paix qui nous appartenait (4). »
Indépendamment du fait de la possession du roi clairement énoncé, il résulte de ce passage qu’en 1378, à la suite de la contestation survenue entre Archambaud et la ville, sans autrement se préoccuper des conséquences que pourrait avoir son manque de respect envers le parlement, et malgré la défense formelle à lui faite, au nom et en vertu du droit personnel de Charles V, ce seigneur, ou, pour parler plus exactement, deux de ses agents, procédant en son nom et pour son compte, forcèrent, à main armée, des habitants de la ville de Périgueux à payer la redevance en litige, c’est-à-dire se permirent de trancher violemment une difficulté que le parlement avait seul le pouvoir de résoudre, et substituèrent la volonté de celui qu’ils représentaient à l’action régulière de la loi. Dans les temps ordinaires, cette manière de procéder aurait suffi et au delà pour exciter le mécontentement et la colère de la communauté de Périgueux, dont la fierté et la susceptibilité furent toujours proverbiales; à plus forte raison, dut-elle soulever son indignation, dans cette circonstance. Et, de fait, en laissant de côté la part que le roi et le parlement prirent à cette affaire, il suffit de rapprocher la conduite de la ville de celle du comte, pendant les neuf années qui venaient de s’écouler, pour reconnaître qu’il était impossible de se montrer plus inconvenant et plus odieux que le furent les agents d’Archambaud, dans la revendication de ce droit contesté. On comprendra dès-lors, d’accord en cela avec tous ceux qui se sont occupés des annales du Périgord, que cet outrageant procédé, que cette violence inouie, en réveillant des haines toujours mal éteintes, pouvaient être et furent en réalité le point du départ des longs et sanglants démêlés entre Périgueux et le comte; démêlés funestes que la sagesse et la fermeté de Charles V auraient sans doute arrêtés, dès le principe, si les nombreux événements survenus à cette même époque et les troubles continuels des deux dernières années de son règne n’avaient produit une fatale diversion qui donna le temps à la querelle de s’envenimer, sans compter que, par une fatalité plus déplorable encore, la minorité de Charles VI et les agitations qu’elle produisit, conséquence immédiate et rigoureuse de la mort de Charles V, en laissant au comte la faculté de suivre impunément l’impulsion de son caractère, contribuèrent beaucoup à faire dégénérer en haine implacable et en lutte acharnée ce qui n’était peut-être primitivement qu’un malentendu, dont la défiance et le manque d’égard des parties l’une pour l’autre avaient seuls été la cause. Il faut convenir, du reste, que le moment était bien choisi pour porter un coup décisif à la ville et à la cité. Epuisées par les subsides qu’elles avaient fournis et par les pertes qu’elles avaient éprouvées, ces deux localités étaient mal protégées par des murailles en mauvais état, se trouvaient sans ressources pour les réparer, et manquaient de bras pour les défendre (5). Archambaud avait donc tout lieu de croire qu’il lui serait facile de les contraindre à se rendre à sa merci, au moyen des forces dont il pouvait disposer contre elles. Ces forces, composées d’aventuriers, pour la plupart recrutés dans les grandes compagnies, étaient cantonnées dans sept châteaux, d’où elles pouvaient s’élancer tour-à-tour, par bandes, pour tenter quelque coup de main, ou se réunir en masse afin d’attaquer la communauté à force ouverte. Ces sept châteaux étaient La-Rolphie, aux portes de Périgueux, suspendue comme une épée de Damoclès sur la ville et sur la cité; Auberoche, à deux lieues à peine, à l’est; Limeyrac (6), à quelque distance d’Auberoche; Fossemagne (7), touchant pour ainsi dire à Limeyrac et à Auberoche; Bourdeille, à deux lieues, à l’ouest; Roussille, à trois lieues, au midi; et Montignac, à huit lieues, au sud-est. Ajoutez à cela que le comte possédait, tout autour de la communauté, et dans un rayon fort rapproché, des domaines où ses troupes pouvaient se recruter, puiser d’abondantes subsistances, et trouver des refuges sûrs.
Pour résister à tant d’éléments de destruction, pour tenir tête à des forces aussi imposantes, Périgueux, désemparé, ruiné, dépeuplé même par les épidémies, n’avait au contraire que ses droits, les généreux élans que sa longue et glorieuse indépendance excitait dans les cœurs du petit nombre de ses habitants restés valides, ses murailles renversées et la protection d’une royauté à peu près sans force. Il ne recula cependant point, et, grâce à la fermeté de son corps municipal, à l’ardeur de sa population, aux sacrifices de tout genre que cette population sut toujours s’imposer à propos, il finit par triompher de son ennemi.
La première attaque ouverte que le comte ou ses agents dirigèrent contre la capitale du Perigord remonte à 1382, et paraît se combiner avec une expédition du sire de Mucidan, qui contribua à rendre la position de la communauté encore plus perplexe qu’elle ne l’avait été jusqu’alors. On lit dans les motifs du jugement de 1397: « En 1382 ou environ, Raymond Du-Perier et un grand nombre de ses complices de la garnison du château de La-Rolphie se portèrent en armes sur le lieu de Roquette, appartenant à la ville, l’attaquèrent violemment, s’en emparèrent, y mirent le feu, frappèrent et blessèrent cruellement la plupart des habitants qu’ils purent atteindre, ravagèrent ou pillèrent et s’approprièrent tout ce qu’ils y trouvèrent (8). »
Nous apprenons, d’un autre côté, que: « Le mercredi, la veille de la Fête-Dieu, 1382, le sire de Mucidan s’empara violemment du lieu de La-Rolphie, et le tint en sa possession durant l’espace de vingt jours, au bout desquels la communauté de Périgueux traita avec lui, et lui fit évacuer ce château, moyennant deux mille francs d’or (9). »
Enfin, le traité de la municipalité avec le sire de Mucidan pour l’évacuation de La-Rolphie, sous la date du jeudi après la fête de saint Jean-Baptiste (26 juin), qui nous a été conservé, dit expressément que ce château « avait été pris de vive force par les ennemis du roi, de la ville et de la cité, sous la conduite du sire de Mucidan (10). » Du rapprochement de tous ces détails, on pourrait conjecturer, sans trop d’invraisemblance, que l’incendie et le pillage du hameau de Roquette et la prise de La-Rolphie furent deux événements simultanés; car, si l’on veut bien se rappeler qu’à cette époque la guerre ne se faisait, le plus souvent, que par embuscades, surprises et trahisons, on conviendra aisément qu’il n’y aurait pas, ce semble, trop de témérité à supposer que le sire de Mucidan, l’ami des Anglais, l’ennemi du comte, de la ville et de la cité (11), était nécessairement toujours prêt à tenter quelque coup de main, se tenait avec soin en observation, et, profitant de l’excursion de Raymond Du-Perier sur Roquette, parvint à pénétrer, à l’improviste, dans La-Rolphie. Quoi qu’il en soit, il est certain que le maire et les consuls, reconnaissant, de prime abord, que le voisinage des Anglais était bien autrement dangereux que celui du comte de Périgord, n’hésitèrent pas à composer avec le sire de Mucidan, qui, en échange des deux mille francs d’or qu’il en reçut, leur remit directement le château, dont ils auraient par conséquent très bien pu rester les maîtres, mais qu’ils n’eurent pas le bon esprit de garder, on ne sait pourquoi. Nous trouvons en effet que le comte en avait été remis en possession peu de temps après, et qu’en 1383, la garnison était plus hostile que jamais à la ville et à la cité, comme on pourra en juger par les détails qui vont suivre.
La municipalité, que l’expérience avait habituée à se tenir sur ses gardes, et qui ne négligeait rien pour éviter les surprises et les attaques imprévues, avait été informée que les Anglais se disposaient à faire une tentative sur La-Rolphie, objet constant de leur convoitise. Se souvenant sans doute de ce qu’il leur était arrivé l’année précédente, le maire et les consuls crurent de leur intérêt et de leur devoir d’en donner avis au capitaine qui en avait la garde. Ce capitaine, en homme dévoué au comte, accueillit mal leur envoyé, et se répandit en injures contre le maire. Il y eut même plus: un certain Hélie Forestier, qui se trouvait avec le commandant du château, et à qui l’envoyé de la ville faisait observer que ce commandant avait tort d’injurier le maire, prit la parole et dit: « Par le sang que Dieu versa! certainement il a bien dit, attendu que le maire et tous les autres de la ville se mettent trop en avant. Oui, par le ventre de Dieu! le maire est trop rigoureux, et tous sont faux et méchants envers mon seigneur le comte, et lui prennent ce qui lui appartient; mais, pour sûr, il les fera tous pendre par la gorge, les uns du moins (12). »
Cette mauvaise humeur, ou, pour mieux dire, cette colère contre le maire, la ville et la cité, avait probablement plusieurs causes, telles que la confirmation des privilèges de la communauté et la faculté de faire partout justice des malfaiteurs, données par Charles VI, le 25 avril de cette année (13); l’autorisation de lever une aide, pour le produit en être employé aux fortifications de Périgueux, également accordée par ce prince, le 25 du même mois; et un don de deux mille livres qu’il fit, le 14 mai suivant (14), aux maire, consuls et habitants, en dédommagement des pertes éprouvées par le fait des guerres, et parce que plusieurs châteaux et forteresses, dans les environs de la ville et de la cité étaient occupés par ses ennemis. Ces deux dernières concessions surtout avaient dû irriter le comte et ses amis, car elles permettaient au maire et aux consuls de réparer leurs murailles délabrées, et par conséquent leur fournissait le moyen de mettre la ville et la cité à l’abri des coups de main.
Dans le cours de cette même année cependant, des menaces et des injures on ne tarda pas à en venir aux actions, et, vers le mois de novembre, une partie de la garnison de Montignac, sous la conduite d’un certain Mondon Dartensec, pénétra dans le bourg de Saint-Laurent-du-Manoire, dépendant de la juridiction de Périgueux, le parcourut dans tous les sens, s’empara de tout ce qu’elle trouva, brûla une maison et la chapelle du village (15).
Jusqu’alors la conduite du comte, quoique répréhensible et contraire aux ordonnances en vigueur (16), n’était pourtant pas impardonnable. Il avait sans doute fait la guerre sans en avoir le droit; mais il n’était pas sorti des conditions réglées pour les guerres privées, et il pouvait, en quelque sorte, trouver son excuse dans les habitudes du temps, dans le désordre de la société et dans la confusion que la présence des Anglais entretenait, sinon dans les lacunes de la législation relative à la matière, sur laquelle il n’y avait guères moyen d’équivoquer, vu sa clarté et sa précision. Mais une violence en amène toujours une autre, et, dès qu’on est une fois sur la pente fatale, il est bien rare qu’on s’arrête. En 1384, à peu près en même temps qu’une partie de la garnison du château de Montignac, sous les ordres de Raymond Du-Perier, commandant de La-Rolphie en 1382, se portait sur la paroisse du Change, s’emparait de l’église à force armée, la pillait, s’appropriait tout ce qu’elle renfermait, faisait prisonnier les gardiens chargés de la protéger, au nom du roi, et la livrait aux flammes, avant de se retirer (17), le comte, de son propre mouvement, n’écoutant que son fol orgueil et sa volonté désordonnée, sans l’autorisation du roi, établissait et faisait lever, à Montignac même, au détriment du trésor public, un droit de travers (18) ou péage sur les marchandises, les denrées et les personnes qui passaient par cette ville (19). En outre, ce qui était bien autrement grave, dans le cours de cette même année, des bandes de malfaiteurs, sorties de diverses forteresses appartenant à ce seigneur, se formèrent, et, sous le titre mensonger de gens d’armes du roi, se portèrent sur le Mont-de-Dome (20), où se fabriquait la monnaie royale, prirent violemment, s’approprièrent et emportèrent tout l’argent et tout le billon qu’elles y trouvèrent, tant celui qui appartenait à la couronne que celui qui était la propriété des industriels placés à la tête de l’entreprise, et, non contentes de cela, frappèrent et blessèrent les gardiens et les ouvriers de l’établissement (21). Et qu’on ne pense pas que tant et de si coupables excès envers l’autorité royale diminuassent en rien les outrages et les violences dont Archambaud et les siens abreuvaient la ville et la cité. On serait tenté de croire, au contraire, que ces excès mêmes leur servaient de stimulants. On va pouvoir en juger:
Au mois d’août, Olivier du Caslar, commandant de La-Rolphie, à la tête d’une partie de la garnison, se dirigea sur Saint-Laurent-du-Manoire, et mit le siège devant l’église, qui était fortifiée, et dans laquelle les habitants avaient cherché un abri. Cette résistance imprévue réveilla, dans les assiégeants, tous les instincts odieux dont ils étaient pourvus, toutes les mauvaises passions qui leur étaient familières. Furieux, ils jurèrent entre eux et se promirent solennellement de ne pas se retirer avant d’avoir tué, jusqu’au dernier, les hommes, les femmes et les enfants réfugiés dans cette église (22), et, en attendant le jour où ils pourraient accomplir cette funeste résolution, ils se mirent à parcourir les paroisses et les localités circonvoisines, se livrant au pillage, et se donnant le détestable plaisir de couper, à la hauteur des hanches, les vêtements de toutes les femmes qu’ils rencontraient (23).
Cependant, comme l’église de Saint-Laurent se défendait mieux et plus long-temps qu’ils ne l’avaient d’abord supposé, dans la crainte sans doute de quelque incident fâcheux, de quelque malencontreuse surprise, qui les forçât à s’en retourner comme ils étaient venus, ils finirent par consentir à traiter; mais ils se montrèrent de dure composition, et contraignirent les assiégés à leur livrer trente charges de froment, trente charges d’avoine, quinze barriques de vin, quinze charretées de foin, quatre quartiers de lard et beaucoup d’autres choses (24).
On comprendra sans peine tout ce qu’une pareille contribution de guerre devait imposer de privations à des paysans du quatorzième siècle, continuellement en butte aux mauvais traitements et aux spoliations de toute nature; cependant les pillards de La-Rolphie s’étaient à peine retirés, chargés de leur butin et de la rançon extorquée à de pauvres diables, dont la solidité des murailles d’une église avait seule sauvé la vie, que Jean Cotet, dit d’Auvergne, capitaine de Limeyrac, fondit à son tour sur cette même paroisse de Saint-Laurent, avec une bande nombreuse, la parcourut et la ravagea dans tous les sens, s’appropria tout ce qu’il trouva, tua une femme et emmena plusieurs prisonniers, dont il tira de bonnes sommes d’argent, en leur faisant subir les tourments de la torture (25).
Comme on le voit, cette malheureuse paroisse de Saint-Laurent était la pâture sur laquelle venaient tour à tour s’abattre les voraces oiseaux de proie d’Archambaud. Ils la dépeçaient et en dévoraient les lambeaux avec une joie sauvage, que les rancunes et les prétentions du comte, la situation de cette paroisse dans un vallon ouvert, dominé par des coteaux d’un accès facile, et son éloignement de Périgueux, expliquent assez, surtout quand on veut bien se rappeler qu’à cette époque, la capitale du Périgord était occupée à reconstruire ses murs désemparés, à remettre de l’ordre dans ses finances épuisées, et faisait des efforts presque désespérés pour éviter de se voir réduite à subir un traitement pareil à celui de 1353, peut-être même plus humiliant encore; car il devait être évident, pour tous les membres de la communauté, que ces nombreuses excursions dévastatrices auxquelles leur banlieue servait de théâtre, et qui se renouvelaient avec une rapidité effrayante, n’étaient que le prélude d’une attaque vigoureuse qu’on espérait devoir être décisive, méditée contre la ville et la cité, et pour le succès de laquelle on ne voulait rien négliger (26).
Sans doute il est à regretter que les renseignements nous manquent et que nous ne puissions pas apprécier la conduite des habitants de Périgueux dans une pareille occurrence. Il serait curieux de les voir, en présence de leur impitoyable adversaire, surveillant ses démarches, éventant ses projets, neutralisant ses efforts, lui suscitant des obstacles de toute nature, en un mot le mettant dans l’impossibilité de réaliser ses funestes desseins. Mais, par malheur, il ne nous reste de tout cela que les détails qui vont suivre, lesquels, joints à ceux qui précèdent, permettent à peine de se faire une idée, sinon exacte, du moins approximative, de leur position d’esprit, des intentions qui les animaient, de la courageuse fermeté qu’ils déployèrent constamment, et de l’énergie de leur résistance, qui grandit avec les difficultés.
L’année 1385 vit se renouveler les entreprises d’Archambaud contre l’autorité et la majesté royales, et redoubler ses efforts ainsi que les violences des garnisons de ses châteaux contre Périgueux et sa banlieue. En 1384, les partisans du comte s’étaient bornés à piller la monnaie de Dôme. Cette année, leur audace alla plus loin; ils tentèrent de s’emparer de vive force de la ville et du château, qu’ils attaquèrent audacieusement et en assez grand nombre pour qu’il leur fût permis de croire à une réussite; et, à vrai dire, ils s’en seraient très probablement rendus maîtres sans la vigoureuse résistance de la garnison, qui, résolue à mourir plutôt que de rendre la place, finit par les repousser, et les contraignit à se retirer honteusement (27).
Au mois d’avril, Olivier du Caslar, ce capitaine de La-Rolphie dont il a déjà été question, sortit de ce château, à la tête d’un fort détachement, et se mit à rôder autour des murs de Périgueux. Dans son excursion, il surprit un chanoine appelé Aimery de Laval, l’arrêta, le dépouilla de tout ce qu’il portait avec lui, s’empara même de sa personne, le força de le suivre comme son prisonnier, et voulut lui donner la mort de sa main (28). Dans le cours du mois de juillet suivant, il fit plus encore; accompagné d’un certain Pierre de La-Rivière et de quelques autres de ses pareils, il se présenta aux portes de la ville, défia le maire, les consuls et les habitants, au nom et par l’ordre du comte, et leur notifia que, nonobstant la main du roi mise sur ses revenus, par les soins du sénéchal, ce seigneur les ferait percevoir, sans plus se préoccuper de ce qu’avait fait ce fonctionnaire que d’un excrément de chien pourri (29).
Tant d’audace, tant d’insolence de la part du comte et des siens, ne peuvent s’expliquer que par le fait d’un changement de drapeau; sans cela, quelque passionné que l’on suppose l’aveuglement d’Archambaud, on ne saurait admettre qu’il eût jamais sérieusement osé engager, à lui seul, une lutte aussi acharnée contre Périgueux et le roi de France. Malgré les troubles et le peu d’influence de la couronne dans le pays, il serait difficile de comprendre autrement une pareille folie. Fort heureusement, sa défection à la bannière de Charles VI pour suivre de nouveau celle de l’Angleterre n’est pas une simple supposition; elle nous est positivement attestée par des faits consignés dans les documents du temps.
A cette époque, comme on sait, la France était couverte de châteaux et de forteresses. Dans chaque province, on les comptait par centaines, et celle de Périgord, dont le sol est fortement accidenté, ne le cédait certainement à aucune autre pour le nombre ni pour l’importance de ces petites citadelles. Il résultait de cette disposition du territoire que les étrangers qui en étaient les maîtres l’occupaient d’une double manière, systématiquement et officiellement, au moyen de troupes soldées et plus ou moins bien disciplinées; irrégulièrement et au gré du caprice et du hasard, par des bandes insubordonnées et turbulentes, qui vivaient de désordre et de pillage (30). On n’aura donc pas de peine à croire que si les expéditions qui se réitérèrent de 1370 à 1377 eurent pour résultat de forcer les armées ennemies régulièrement organisées à s’en éloigner, en attendant une occasion favorable de s’emparer de nouveau des villes et des places occupées militairement, et permirent d’y reconstituer, au nom de la France, une administration aussi bien entendue que le temps et les circonstances en donnaient le moyen, les Anglais, ou, si l’on veut, les ennemis du pays, loin d’en être complètement expulsés, durent s’y maintenir, çà et là, sur des points isolés, dans des châteaux situés à l’écart, et dont l’accès difficile faisait des retraites sûres, d’où ces étrangers, sortant à l’improviste, allaient porter au loin la terreur et la dévastation.
Il est assez probable qu’à partir de 1378, Archambaud se mit en rapport ou du moins consentit à ce que les garnisons de ses châteaux établissent des relations avec ces détachements d’aventuriers. Mais il faut croire aussi que ces liaisons, loin d’être ostensibles et hautement avouées, subsistèrent mystérieuses et cachées jusqu’à ce que, par suite de la minorité de Charles VI, la Guienne se trouvant moins surveillée et moins protégée par le pouvoir central, ces bandes éparses purent reprendre courage, et leurs amis ou alliés, désormais moins contraints, manifester, sans crainte, la sympathie qu’ils avaient toujours éprouvée pour elles. Il en résulte que les intelligences, jusqu’alors dissimulées, devinrent nécessairement des alliances à peu près publiques (31). En ce qui concerne le comte de Périgord et ses relations avec ces oppresseurs du pays, voici ce qu’on lit dans les motifs du jugement de 1397: « Au mois d’août de l’année 1385, Jean Girou, capitaine de Bourdeille, avait accueilli, dans ce château, des bandes de pillards anglais, avec le produit des courses par eux faites sur le territoire français, et plusieurs fois avait donné à manger et à boire à ces étrangers (32). »
Non content de tous ces excès, Archambaud, cette même année, volontairement ou par l’effet de son caractère irascible et impérieux, se suscita un nouvel ennemi non moins dangereux que les deux autres: les chanoines et le chapitre de Saint-Front. On a vu, dans l’Introduction, qu’en 1317, par les soins de Brunissande de Foix, un pariage s’était établi entre son fils et ce chapitre. Depuis lors, jusqu’au moment où Archambaud (vers 1385), eut l’incroyable prétention de vouloir posséder, à lui seul et en toute propriété, la juridiction de la cour du célérier (33), les comtes et le chapitre n’avaient pas cessé de vivre en bonne intelligence, et ces seigneurs, successivement, s’étaient toujours montrés fidèles observateurs des engagements pris en vertu de l’acte de 1317; mais, à cette époque, en s’emparant de cette juridiction, le rude adversaire de Périgueux ne se crut plus ou ne voulut plus se croire obligé de respecter son serment et les serments de ses devanciers. Il s’appropria tous les droits du pariage, en perçut seul les revenus, et y fit rendre la justice en son propre et privé nom, violentant, sans ménagement, tout ce qui voulait lui opposer quelque résistance (34).
Cependant le pays, chaque jour plus mal administré, voyait les courses des Anglais s’étendre et se multiplier dans tous les sens, et l’agitation, de plus en plus grande, propager incessamment l’anarchie parmi les populations de la Guienne. On n’aura donc pas de peine à comprendre que les calamités engendrées par la confusion et le pêle-mêle de la plus complète anarchie, jointes aux éléments de désordre qui n’avaient pour ainsi dire jamais cessé de subsister dans le Périgord, eurent bientôt fait, de cette contrée, un foyer de désolation, d’autant plus intense, que désormais, libre de toute contrainte, Archambaud pouvait se livrer, pour ainsi dire impunément, à tous les écarts, à tous les emportements de son aveugle ambition, et que les partisans du pillage et de la destruction, groupés autour de lui, prêtaient aide et appui à tous ses desseins avec un funeste empressement, dont les défenseurs de l’ordre et de la paix n’étaient plus là pour paralyser les effets, en protégeant les habitants contre les vexations et les violences auxquelles ils étaient en butte. En 1386 surtout, l’audace du comte parut s’accroître en raison de celle des pillards étrangers. Par suite de l’éloignement du duc de Berry et du comte d’Armagnac, son lieutenant, tous deux obligés de se rendre en France (35), dans le but de seconder une descente projetée sur les côtes d’Angleterre, le midi, presque tout entier, se trouva tout à coup à peu près dépourvu de surveillance, et eut à subir de nouveau toutes les violences de ces bandits impitoyables. Sans perdre de temps, Archambaud prit ses mesures pour mettre à profit cette bonne occasion et tirer parti, contre la ville et la cité, de l’espèce d’abandon où le départ du prince et de son lieutenant laissait leur vaste gouvernement. Pendant qu’une certaine partie de ses hommes marchait sur le château de Caussade, dans le voisinage de Périgueux (36), l’entourait, en entreprenait le siège, pillait les environs, faisait un grand nombre de prisonniers, et les forçait à se racheter à grands frais, un certain Mérigot d’Aire, ayant sous ses ordres quelques autres mercenaires et bon nombre d’Anglais qu’il avait appelés à lui, harcelait la capitale même de la sénéchaussée, pillait les environs, répandait la terreur partout, et emmenait pour une centaine de francs d’or de bestiaux enlevés aux citoyens et aux bourgeois.
Certes, il faut le dire, ces déprédations et ces ravages incessants étaient bien faits pour exciter la colère et soulever l’indignation du maire, des consuls et des habitants de Périgueux, et pourtant rien n’autorise à supposer de leur part une bonne résolution de se mettre en campagne et de repousser la force par la force. Ils avaient, il est vrai, deux excellentes raisons pour ne pas le faire. L’une, c’est qu’après les efforts et les sacrifices faits par eux pour réparer leurs murailles et mettre la ville et la cité dans le meilleur état de défense possible (37), leurs ressources pécuniaires étaient complètement épuisées; l’autre, on l’a vu plus haut, résultait de ce que la population valide, considérablement diminuée, manquait de confiance en elle-même, et redoutait de franchir l’enceinte qui la protégeait. Il ne faut donc pas supposer qu’ils demeurassent impassibles devant les pertes qu’ils éprouvaient, mais croire qu’ils dévoraient en silence les outrages sanglants que le comte et les siens leur prodiguaient, chaque jour, avec autant d’acharnement que d’impunité, puisqu’ils ne pouvaient les repousser ni punir leur audace, faute de ressources.
Du reste, en dehors de ces explications, qui se tirent de l’état moral et matériel de la ville et de la cité, il est une autre considération à faire valoir, qui n’est pas moins concluante, et sur laquelle il importe dès à présent d’appeler l’attention. La source d’où proviennent tous les renseignements qui nous ont été conservés sur cette grande affaire est unique: c’est l’arrêt rendu contre Archambaud V, en 1397. Les détails qui se trouvent consignés dans les motifs de cet arrêt sont tous d’une seule et même nature. Ils se bornent uniquement à résumer les excès et les crimes imputés à ce seigneur; d’où il résulte que ce document ne saurait autoriser à rien préjuger sur la conduite du maire, des consuls et des habitants, dont il ne nous fait connaître que les griefs, et que, pour apprécier cette conduite, ou du moins pour s’en faire une idée à peu près exacte, il faudrait posséder la contre-partie de cet acte. Et de fait, parce qu’ils ne s’aventurèrent pas en dehors de leur enceinte et qu’ils ne coururent pas la chance des combats, oserait-on conclure qu’insensibles aux maux qu’ils enduraient, ils subissaient patiemment toutes les violences auxquelles ils étaient en butte? Non, sans doute; ce serait par trop injuste, d’autant qu’on peut se faire une idée de ce qu’ils valaient par leur conduite dans d’autres circonstances. Or, voici un fait qui se rapporte à l’année dont nous nous occupons, et qui permet de constater dès à présent que, si l’audace du maire et des consuls était moins grande que celle du comte et de ses agents, du moins leur énergie savait se tenir à la hauteur des événements.
Enhardi sans doute par la conduite d’Archambaud et de ses amis, lejuge de la cour du célérier, cour que le comte prétendait posséder seul, comme on l’a vu plus haut, s’était avisé de défendre, sous peine de cinquante livres d’amende, à tous les habitants de la paroisse de Saint-Front, de faire ajourner qui que ce fût ailleurs que devant lui, sous le prétexte qu’agir autrement, c’était porter atteinte au droit de cette cour. Le maire et les consuls, instruits de cette prétention excessive, la combattirent sans hésiter, et exigèrent que ce juge reconnût publiquement qu’il avait outre-passé ses droits, à leur préjudice et au détriment de la communauté, en violant leur juridiction et en affectant une autorité qu’il n’avait pas (38).
Il est vrai que ce contre-temps n’empêcha pas ces projets d’empiétements de se renouveler l’année suivante; mais, sur ces entrefaites, un sergent qui avait ajourné un bourgeois de la paroisse ayant été contraint à payer l’amende au maire et aux consuls (39), en déclarant qu’il n’avait pas le droit de procéder comme il l’avait fait, le juge ne crut pas devoir pousser plus loin cette folle tentative, et avoua son erreur. Au commencement de 1387, les stipendiaires du comte, qui depuis long-temps ne respectaient plus rien, se livrèrent aux plus déplorables désordres. Dès le mois de janvier, Jean d’Auvergne, toujours capitaine de Limeyrac, se mit à courir le pays, à la tête d’une troupe de pillards, tua deux hommes de Limeuil et leur enleva trente bêtes de somme chargées de sel, fit prisonnier un bourgeois de Périgueux, appelé Marot d’Abzac (40), et donna ordre de le conduire devant le comte, à Montignac, où, après avoir subi divers mauvais traitements, il fut condamné à payer à ce seigneur six cents francs d’or pour sa rançon, et autres six cents francs pour la dépense qu’il était censé avoir faite, pendant sa détention, sommes qu’il fut contraint de réaliser avant d’être mis en liberté, sans compter qu’on lui imposa l’obligation de remettre entre les mains d’Archambaud le lieu de Beauregard, provenant du domaine royal et que sa femme possédait en vertu d’une donation du roi (41).
Si l’on avait pu ne pas ajouter foi au fait signalé plus haut, relativement au désordre dans lequel le pays était plongé; si l’on avait hésité à croire au nombre et à l’audace de ces bandes d’aventuriers et de pillards de toutes les nations, qui, sous le nom d’Anglais, parcouraient la province dans tous les sens, ne respectant rien ou du moins ne craignant que l’autorité du plus fort, le fait suivant ne saurait laisser de doute à cet égard, et dès-lors permettrait de comprendre l’impossibilité où se trouvait la communauté de lutter efficacement, tandis que le comte pouvait tout oser, tout entreprendre avec impunité. Le 27 juillet, le juge ordinaire de la cour du célérier, qu’on a vu l’année d’auparavant confesser ses torts envers l’autorité municipale, s’adressant au maire, lui exposa qu’à cause des guerres entre les Français et les Anglais, et des courses continuelles des ennemis, il n’avait pu tenir sa cour aux lieux ordinaires de ses séances, et lui demanda l’autorisation de l’établir dans l’etendue de la juridiction de la communauté, pour un temps déterminé. Convaincu sans doute de la vérité de ce que lui disait ce magistrat, le maire lui accorda sur-le-champ sa demande, mais pour cette fois seulement, et sans préjudice des droits de la ville et de la cité (42).
Quelque peu explicite qu’il soit, il est certain que ce renseignement a une véritable importance; car, quoique le seul de cette nature, il suffit néanmoins pour nous faire entrevoir tous les maux, toutes les calamités qui pesaient non seulement sur Périgueux, mais encore sur le Périgord tout entier.
On ne saurait disconvenir que la minorité du roi et les tiraillements de la régence ne fussent en grande partie cause des troubles qui régnaient partout et plus particulièrement dans la Guienne (43). Il n’y a donc pas lieu de s’étonner qu’on attendit la majorité de ce prince avec une vive impatience. C’était dans le cours de 1388 que Charles VI devait entrer dans sa vingt-unième année, et tout présageait que cette époque, pleine d’espérance et d’avenir, serait accueillie avec joie par la France entière. Toutefois, pendant qu’à la cour on se préparait à proclamer cette majorité, les surprises, les meurtres et le pillage désolaient toujours le Perigord et surtout la banlieue de Périgueux.
Dans le cours du mois de septembre, Archambaud, après avoir fait saisir et placer violemment sous sa main les cens et redevances appartenant au chapitre de Saint-Front, dans toute l’étendue de son comté, avec défense, sous certaines peines, d’en rien payer aux chanoines, ordonnait de percevoir, pour son propre compte, ces cens et redevances, qu’il s’appropriait, avec autant d’audace que d’injustice (44), tandis que Geoffroi Barry, capitaine de La-Rolphie, se portait sur Saint-Laurent-du-Manoire, avec une troupe de soldats dévoués, faisait le siège de l’église, dont il s’efforçait vainement de se rendre maître, et que Merigot d’Aire, avec une autre bande, rôdait autour de la ville, s’emparait de quatre bœufs et de quatre hommes, qu’il envoyait prisonniers à Montignac, où se tenait toujours le comte, à qui ces malheureux étaient contraints de consentir à payer dix francs d’or de rançon, somme considérable pour eux, et qu’ils ne purent compléter avant que l’un des quatre fût mort en prison (45). Au mois de novembre suivant, la garnison d’Auberoche fit à son tour une sortie, essaya de s’emparer de vive force de l’église de Sainte-Marie-de-Chignac, et spolia un grand nombre de personnes qu’elle rencontra venant de Périgueux (46).
Ce fut vers l’époque où la garnison d’Auberoche se livrait à ses odieux exploits que Charles VI prit les rênes de l’état, et, peu de temps après, conçut le projet de visiter le midi de la France, où sa présence était réclamée, pour mettre un terme aux souffrances des populations, cruellement tourmentées de toutes manières. Ce voyage eut en effet lieu dans le cours de 1389 et 1390 (47); mais, comme le monarque ne se rendit pas en Guienne, il ne put pas arrêter les désordres et les troubles du Périgord. Il est à remarquer même que, pendant qu’il se dirigeait sur Avignon, où il porta d’abord ses pas, le comte et ses partisans, loin de rien diminuer de leur audace, se livrèrent à des excès qui dépassaient tout ce qu’ils avaient fait jusqu’alors. C’est ainsi qu’au mois d’octobre, un sergent royal ayant voulu mettre à exécution un ordre émané de la couronne, en faveur du chapitre de St-Front, contre deux sujets d’Archambaud, il lui fut enjoint, au nom d’Archambaud lui-même, de s’en abstenir. On fit plus encore, on lui déclara formellement que, s’il essayait d’accomplir son message, ou mieux, s’il s’avisait d’exercer ses fonctions sur les terres du comte, on le ferait noyer (48). Ces menaces, on n’aura pas de peine à le croire, le forcèrent à se retirer sans avoir rien fait. Durant le mois de novembre, la garnison d’Auberoche, s’étant mise de nouveau en campagne, dirigea sa course vers Périgueux, et, sur le territoire de sa juridiction, dans le chemin public appartenant au roi, elle fit prisonniers deux marchands de la ville, leur prit seize bœufs gras qu’ils conduisaient avec eux, les entraîna violemment à Auberoche, où ils furent incarcérés, et dirigea les bœufs sur Montignac, où le comte les fit vendre à son profit (49).
Tant et de si odieux méfaits, toujours accomplis avec une entière impunité, en affermissant le comte dans ses prétentions, avaient enflé son cœur d’un orgueil que rien ne pouvait plus désormais modérer et qui le poussait aux plus folles entreprises; sans compter que, très probablement, les partisans du trouble et les ennemis de la France ne lui ménageaient pas les mauvais conseils et l’excitaient sans cesse, par de belles promesses, à s’engager dans la voie funeste qui le menait fatalement à sa perte. Aussi il est certain qu’à peu près vers le même temps, Archambaud, incapable désormais de dissimuler encore les étranges projets que son aveugle ambition lui avait suscités, et auxquels on ne voudrait peut-être pas croire s’ils n’étaient expressément énoncés dans l’arrêt de 1397, leva tout à coup le masque, et prit hardiment la résolution non pas de faire revivre les lettres que le roi Jean avait accordées à son père, en janvier 1354 (50), a la suite du fameux traité imposé à la ville et à la cité, le 7 juillet 1353 (51), ce qui était de toute impossibilité, non pas de remettre en vigueur celle de 1357, mais d’exercer sur tout le Périgord une souveraineté pleine et entière. A la vérité, c’était quelque chose d’exorbitant, pour ne pas dire un acte d’insensé, que de vouloir, dans un pareil moment, imposer son autorité à toute la province, quand son père, dans un temps beaucoup plus calme, n’avait pas pu obtenir, avec le concours de la volonté royale, que son pouvoir s’établît sur des localités éparses, dont la possession lui était attribuée par des lettres patentes. Cependant, tout entier à la pensée qui le dominait, et sans autrement se préoccuper des dispositions de Charles VI à son égard, il déclara audacieusement, à la face de tous, qu’il ne permettait plus désormais aux habitants de la sénéchaussée, quels qu’ils fussent, d’appeler de lui ou de ses officiers au roi ni à son parlement, proclamant et faisant proclamer en tous lieux qu’il était le seul roi et souverain seigneur de tout le pays; affectant par là de ne plus reconnaître la suzeraineté du roi de France, auquel il avait cependant prêté serment, à la suite de la rupture du traité de Bretigny. Et, pour qu’on ne se méprît pas sur le but qu’il s’était proposé, à l’imitation de ce qu’avait voulu faire son père à Périgueux, en 1354, il institua un juge d’appel, destiné à juger souverainement et en dernier ressort toutes les affaires de la sénéchaussée. Cette manifestation tyrannique avait quelque chose de si odieux à la fois et de si insolite, qu’on pouvait croire que les populations la repousseraient avec énergie, et pourtant la terreur qu’il était parvenu à inspirer, à l’aide de bandes qu’il avait à son service, était telle, que personne n’osa s’y opposer et en appeler à l’autorité royale, par la crainte des tortures et de la mort dont étaient menacés tous ceux qui tenteraient de faire résistance (52). Le silence régnait partout, et l’effroi était si général, que le sergent du roi dont il a été question plus haut (53) s’étant avisé de se transporter à Vergn, pour y exercer son ministère et y citer quelques personnes à comparaître aux assises du Périgord (54), Jean Bœuf-Cornut, procureur du comte, le maltraita de la manière la plus cruelle, et ne voulut pas souffrir qu’il exécutât les ordres dont il était porteur (55). De son côté, la municipalité de Périgueux ayant essayé de faire des réclamations et de se plaindre des violences et des mauvais traitements qu’avaient éprouvés divers membres de la communauté, Archambaud ne voulut pas même prendre la peine de donner la moindre explication.
Tel était l’état des choses au commencement du mois de novembre 1389, c’est-à-dire à l’époque du renouvellement du maire et des consuls, dont les fonctions acquéraient d’autant plus d’importance et devenaient d’autant plus difficiles, que les périls de la ville étaient plus grands et plus imminents. On va voir que les bourgeois et les citoyens, justes appréciateurs des événements et des suites qu’ils pouvaient avoir, comprirent parfaitement toute la gravité de la position, et que, loin de s’en effrayer, ils fixèrent résolument leur choix sur des hommes dignes, à tous les égards, de la confiance qu’ils mettaient en eux, par la fermeté de leur caractère, l’étendue de leurs connaissances et la vigueur avec laquelle ils s’employèrent à conjurer les dangers qui menaçaient l’indépendance de la ville et de la cité.
(2) Voyez plus bas, p. 108.
(3) Il pourrait bien se faire que, la question ayant été examinée, on eût reconnu, en vertu de l’ordonnance de 1360, que la cession de ce droit n’avait pas été faite légalement. Il faut également convenir que la querelle put avoir aussi pour cause les termes mêmes de la reconnaissance, portant que le comte avait fait remise à tous les habitants de la ville qui lui devaient, tandis peut-être que ce seigneur prétendait que tous les habitants lui devaient.
(4) Preuves, p. 14. On remarquera qu’ici comme ailleurs, il ne s’agit que de la ville, et que la cité n’est jamais mise en cause. Cela tenait è ses franchises, qui la déclaraient libre de toutes charges en dehors des obligations municipales.
(5) Voyez plus bas, p. 116. Les faits dont il est question se rapportent à 1383; mais, comme il s’agit 1° d’un don de deux mille livres, 2° d’une autorisation de lever un subside pour la réparation des fortifications, on doit croire que la ville et la cité étaient mal défendues depuis long-temps.
(6) Commune de ce nom, canton de Thenon, arrondissement de Périgueux.
(7) Commune de ce nom, idem, idem.
(10) Recueil de titres, etc., p. 441.
(11) On se rappelle ce qui s’était passé entre les comtes de Périgord et les sires de Mucidan, de 1360 à 1368. Leur animosité n’avait fait que s’accroître depuis cette dernière époque jusqu’en 1382; et comme, dans la guerre qui avait éclaté entre la France et l’Angleterre, le sire de Mucidan avait pris le parti des Anglais, il détestait aussi cordialement Périgueux que le comte de Périgord.
(13) Rec. des ord. des, R de Fr., t. 7, p. 1, et Rec. sommaire de titres, etc., p. 64 et 65.
(14) Ibid., p. 2, et ibid., p. 67. L’année suivante, pour le même motif, des lettres du roi ordonnèrent que le parlement terminerait promptement un procès intenté par la ville au frère du connétable Du-Guesclin, pour une dette de 300 1. qu’il ne voulait pas acquitter.
(18) C’est ce qu’on appelle aujourd’hui droit de transit, avec cette différence qu’actuellement il ne se paie que pour passer d’un état à un autre, tandis qu’autrefois on le prélevait de province à province, de ville à ville.
(20) Dome-Haute, aujourd’hui chef-lieu de canton, arrondissement de Sarlat.
(26) Pour ne pas s’étonner de voir Archambaud se livrer impunément à de si déplorables excès, il ne faut pas oublier que le Périgord était alors pays de frontière, que l’anarchie la plus complète régnait dans toute la contrée, et s’y perpétua jusqu’à l’expulsion des Anglais.
(30) Les détails que les chroniqueurs nous ont transmis sur ces bandes de pillards sont effrayants à lire. Leur nombre était immense; leur existence aventureuse les conduisait partout et les poussait incessamment au mal. Leurs bras et leurs épées appartenaient toujours à celui qui les payait le plus cher.
(31) Les registres du parlement font foi que les évêques eux-mêmes s’alliaient avec ces bandes malfaitrices, leur donnaient asile, à la condition d’avoir leur part au produit du pillage.
(33) lbid., p. 12. Il parait résulter des détails consignés dans le préambule du décret contenant l’envoi en possession de la municipalité de Périgueux, imprimé aux Preuves, dont il sera question plus bas, et qui résument les discussions antérieures à l’adjudication de ce décret, que Roger-Bernard, à qui Philippe de Valois avait cédé la moitié de la juridiction de la cour du célérier, n’avait possédé et ne pouvait réellement posséder cette moitié de juridiction qu’à titre provisoire et seulement comme usufruitier, tandis qu’Archambaud V s’en était prétendu propriétaire.
(34) Preuves, ibid. Il est dit que, depuis douze ans environ, le comte avait faussé son serment. Or, le jugement fut rendu en février 1397.
(35) Jadis les habitants de la Guienne et du Languedoc ne se regardaient pas comme Français, et ne pensaient point que leur pays fît partie de la France. De là cette expression aller en France, qu’ils employaient pour parler d’un voyage fait à Paris, expression encore en usage au moment de la révolution.
(36) Ce château existe encore. Il est situé dans la commune d’Antonne, canton de Savignac-les-Eglises, arrondissement de Périgueux.
(37) On verra plus bas que cet état était loin d’être aussi satisfaisant qu’on aurait pu le désirer,
(38) Supplément au Recueil de titres, etc., p. 90. Extrait du Petit Livre noir de la M. de ville, fol. 39.
(39) lbid., p. 92. Extrait du même livre, fol. 40.
(40) Preuves, p. 16. Marot ou Adhémar d’Abzac, damoisel, était seigneur de La-Douze, de Montastruc, de La-Cropte, de Bellegarde, de Beauregard, de Siorac, et d’une maison noble située à Périgueux, qui lui valait les droits de bourgeoisie. Le mot Marot, qu’on prendrait volontiers pour le diminutif d’Adhémar, pourrait bien être aussi un sobriquet, donné conformément à l’usage de ce temps-là, où chaque personne avait le sien. En sa qualité de bourgeois, Marot fut du nombre des otages fournis par Périgueux au sire de Mucidan, en 1382, après la prise du château de La-Rolphie par ce seigneur, pendant que la municipalité traitait avec lui, au nom de la communauté, pour le rachat de ce château.
(42) Livre noir, etc., fol. 30.
(43) Ces troubles sont signalés par tous les historiens. Ils étaient la conséquence de l’ambition des oncles du jeune roi, qui se disputaient le pouvoir et pressuraient le pays, a leur profit.
(47) Il partit de Paris le 2 septembre 1369, après avoir promis aux députés de Languedoc et de Guienne, qui étaient venus implorer la justice, au nom des deux provinces réunies en un seul gouvernement et qu’il réparerait les maux dont les pays qu’ils représentaient avaient long-temps été abreuvés.
(53) Il s’appelait Pierre de Meloye.
(54) Vergn faisait partie du comté de Périgord, et on conçoit sans peine que, dans le moment où Archambaud s’avisait de s’arroger le droit d’étendre sa juridiction à tout le Périgord, ses agents, qui lui étaient tous très dévoués, devaient se montrer fort irrités de tout ce qui s’opposait aux volontés de leur maître. La colère de Bœuf-Cornut était donc toute naturelle.
PRISE ET DÉMOLITION DU CHÂTEAU DE LA-ROLPHIE
1390 A 1391.
Les élections municipales, pour la ville et la cite réunies, se faisaient alors, tous les ans, le dimanche après la Saint-Martin. En 1389, c’était le 14 novembre. Ce jour-là, les suffrages se portèrent sur Bernard de Petit, licencié en droit; Hélie Blanquet, Raymond Sergent, Bernard de Cesseron, Guillaume Galabert, Fortanier de Verteville, Jean de Souillac, Fortanier de la Veissière, Arnaud de Castanet et Hélie Jardon. Le premier fut proclamé maire, et les neuf autres consuls (1). Dès son entrée en exercice, on put s’apercevoir que le nouveau maire, doué d’une grande énergie et plein de zèle pour les intérêts de la communauté, mettrait à la défendre toute l’ardeur et toute l’intelligence dont il était capable. On se souvient qu’en 1385 (2), lorsque le sénéchal eut saisi les biens d’Archambaud, ce dernier, sans autrement se soucier de cette main-mise, déclara, fort insolemment, qu’il n’en percevrait pas moins ses revenus, malgré le sénéchal et tous ceux qui voudraient s’y opposer; ce que très probablement il fit, comme il l’avait annoncé, au grand détriment de Périgueux (3). Quel était le nom de ce sénéchal? C’est ce qu’on ne dit pas; mais, en rapprochant ce fait de la démarche que Bernard de Petit fit, au nom de la ville et de la cité, pour ainsi dire immédiatement après son installation, on peut, sans trop d’invraisemblance, conjecturer qu’il était le même que celui de 1390. Voici ce qu’on lit dans un document de l’époque:
« Vers ce temps, le connétable d’Auberoche et Jean-le-François, accompagnés de dix-sept cavaliers, dirigèrent leur excursion vers Agonac, près du Caillou-de-Sept-Fons, et, à l’instigation d’un certain Chalneyro, laboureur, qui les guidait, ils firent prisonniers deux marchands, Michel Lachèze et Mondain-Lambert, s’emparèrent de vingt-cinq bœufs gras qu’ils menaient, les conduisirent à Montignac, les y vendirent et en remirent le prix à Archambaud. On fit ensuite courir le bruit que s’ils avaient fait cela, c’était uniquement parce que les habitants de Périgueux avaient rompu le péage (4), quoiqu’il n’en fût rien. Plus tard, 1es marchands, par ordre du comte, furent dirigés sur Roussille, pour y être détenus jusqu’à ce qu’ils eussent suffisamment financé. Ce grief et plusieurs autres, que les officiers royaux n’avaient pas même essayé de faire redresser, furent les motifs qui décidèrent messire Bernard de Petit, maire, et Bernard Favier, simple bourgeois, à se rendre à Toulouse auprès du roi (5), afin d’en obtenir la déposition du sénéchal, Pierre de Mornay, qui réellement eut pour remplaçant un certain Donavol, de Picardie (6), dont le premier soin, en arrivant en Périgord, fut de signifier au comte et à ses gens de mettre fin à leurs déportements et de rendre les marchands et le prix du bétail, sans que toutefois Archambaud fit le moindre cas de cette double injonction (7). »
Quoique ces détails ne rappellent pas la saisie de 1385, comme ils constatent évidemment beaucoup de négligence de la part du sénéchal, Pierre de Mornay, et comme nous savons en outre que ce même Pierre de Mornay avait déjà été sénéchal de Périgord en 1381, on peut fort bien admettre que le propos tenu par le comte, en 1385, s’appliquait à ce personnage, dont l’inertie habituelle enhardissait ce seigneur.
L’acte de vigueur de Bernard de Petit porta ses fruits; car, si le comte ne rendit ni les marchands ni le prix des bœufs, si ni lui ni ses partisans n’eurent l’air de vouloir se soumettre aux inhibitions du successeur de Pierre de Mornay, toujours est-il cependant que l’année 1390 ne vit pas se reproduire, aux abords de la ville de Périgueux, ces courses, ces pilleries et ces arrestations devenues si fréquentes les années précédentes: du moins n’en trouve-t-on aucune trace dans les documents qui nous sont parvenus. Mais les démarches du maire et de son collègue ne s’étaient pas bornées au redressement de ce grief; elles avaient eu aussi pour résultat d’obtenir du roi l’autorisation de forcer certains de leurs concitoyens à payer leur cote-part d’un impôt établi pour la réparation des murs de la ville, et qu’ils refusaient d’acquitter, sous divers prétextes. Les lettres qui concernent cette concession sont du 14 décembre, et font connaître le déplorable état de Périgueux, en même temps qu’elles nous révèlent toute la sollicitude de son premier magistrat pour assurer son repos, son indépendance, et le sauver des dangers, qui le menaçaient de toutes parts (8). Un autre fait qui prouve également et d’une manière invincible que tous ses efforts avaient pour objet cette unique pensée, c’est qu’à son retour, son premier soin fut de s’occuper du moyen d’obvier à l’état de délabrement où se trouvaient les finances de la communauté. La misère des habitants rendait la tâche difficile; cependant il ne s’en effraya pas, encouragea les consuls, et, d’accord avec eux, acensa, pour un an, à partir du 14 février (1390), deux sources de revenus, dont l’une ne se donnait pas habituellement à cens à cette époque de l’année (9). C’était une double ressource de plus pour parer aux besoins imprévus, et il n’eut qu’à se féliciter de l’avoir créée.
Un événement important, survenu environ six mois après, fournit à Bernard de Petit et aux consuls l’occasion de constater publiquement ce que leur patriotisme et leur zèle pour la conservation de la ville et de la cité avaient déployé de sagesse et de prévoyance dans toutes leurs actions. Comme on ne l’a pas oublié, les Anglais n’avaient jamais cessé d’occuper un certain nombre de places dans les provinces dont, en apparence, ils avaient été expulsés, durant le cours des huit années qui suivirent la rupture du traité de Bretigny; ils s’étaient surtout maintenus nombreux et fortement établis dans l’Auvergne, le Velay, le Gevaudan, le Quercy, le Rouergue, etc. Dès 1387 pourtant, le cornte d’Armagnac avait essayé de traiter avec eux, pour leur faire évacuer le pays, mais sans beaucoup de succès (10).
Dans le cours de 1390, la négociation fut reprise, et il fut définitivement convenu, le 28 juillet, qu’ils se retireraient tous, moyennant certaines sommes d’argent qu’on promit de leur payer (11). Il est très probable que, long-temps avant le 28 juillet, on s’était occupé de cette affaire; il y a même tout lieu de supposer qu’il en fut plus spécialement question durant le séjour du roi à Toulouse; comme on ne saurait douter pareillement qu’il y eut plusieurs moyens de proposés pour la mener à bonne fin. Quelque réservés que fussent tous ceux qui prenaient part à ces pourparlers, on ne saurait disconvenir néanmoins qu’il dut nécessairement y avoir des indiscrétions de commises, et, quoique la presse n’existât pas encore, nous savons à ne pas en douter qu’alors comme aujourd’hui les nouvelles couraient vite. Les Anglais ne manquèrent donc pas d’être bien renseignés, et par conséquent purent parfaitement se mettre en mesure contre toutes les éventualités (12).
Comme on doit bien le penser, il courut des bruits sur leurs projets qui changèrent souvent de nature, et durent jeter l’inquiétude parmi les populations. Au milieu du croisement des récits, le maire et les consuls de Périgueux, familiarisés avec mœurs et les usages de l’époque, et sachant parfaitement le cas qu’il fallait faire des engagements pris par des bandes d’aventuriers, auraient manqué de prévoyance s’ils ne se fussent prémunis contre les surprises et les attaques imprévues. Pour se mettre à l’abri de tout reproche, non moins que pour empêcher leurs concitoyens de se démoraliser, le 8 septembre, ils convoquèrent les prud’hommes et les habitants notables, dans le but de les instruire de leur conduite, de les informer de ce qui se passait, et de les engager à donner leur avis sur les mesures déjà prises et leurs conseils sur celles qui restaient à prendre. Ce fut le maire qui porta la parole, en son nom et en celui des consuls.
Il commença par dire que plusieurs fois, de la part de diverses personnes et par lettres closes, ils avaient appris que les Anglais, depuis long-temps établis en Auvergne et en Quercy, après avoir évacué les places qu’ils y occupaient, étaient sortis de ces pays et se proposaient de pénétrer dans le Périgord, avec le dessein de causer à la capitale de la province le plus de dommage possible, et même de tenter de s’en emparer par escalade, du côté de l’eau, par le passage existant entre la tour de la Boucherie et le moulin de Saint-Front, où les murs et les palissades étaient en très mauvais état (13) et ne pouvaient présenter qu’une faible résistance, en cas d’attaque, à moins qu’on ne se hâtât de les réparer. Parlant ensuite de ce qu’ils avaient fait, il leur expliqua comment ils avaient acensé les deux sortes de revenus dont il a été parlé plus haut, leur dit la faible somme d’argent qui se trouvait en caisse (14), et les pria de prendre une bonne et prompte décision, afin d’organiser la défense et de restaurer sans retard les murs et les palissades. Le caractère et la conduite du maire et des consuls, non moins que la franchise avec laquelle ils s’étaient expliqués, par l’organe de Bernard de Petit, leur concilièrent tous les suffrages des assistants. Après une délibération fort courte, l’assemblée fut unanimement d’avis qu’il fallait d’abord faire bonne garde, pour éviter les surprises; qu’on s’appliquerait en même temps à réparer promptement les murs et surtout le passage dont il avait été question, et que, pour cela, chaque chef de famille fournirait, tous les jours, jusqu’à l’achèvement des travaux, un homme et plus, si le maire et les consuls le jugeaient convenable (15); qu’en outre, on emploierait à ces réparations l’argent qui se trouvait en caisse, que l’acensement, tel qu’il avait été fait, aurait son cours pour l’année stipulée, et, quant aux revenus sur lesquels il portait, que postérieurement le maire et les consuls resteraient libres de les acenser ou d’en faire le recouvrement de la manière la plus utile à la communauté (16).
Quoique ces détails n’aient pas trait directement à la querelle de la communauté avec le comte, ils s’y rattachent pourtant beaucoup plus qu’on ne pourrait le croire de prime abord. C’est ainsi qu’en révélant les intentions des Anglais, ils conduisent tout naturellement à rapprocher ces intentions des dispositions d’Archambaud envers Périgueux, et font comprendre qu’il n’est guère permis de douter que les menaces de ces étrangers contre la capitale du Périgord ne se liassent très étroitement aux projets et aux violences de ce seigneur; comme aussi l’activité du maire et des consuls, et l’empressement des habitants à s’imposer tous les sacrifices propres à les garantir d’une surprise, prouvent évidemment qu’il ne s’agissait pas seulement pour eux des ennemis de la France, mais bien et par dessus tout d’ennemis personnels. A vrai dire, en , il est bien difficile de supposer que le comte les Anglais ne fussent pas parfaitement d’accord cette circonstance (17).
Quelque grand que fût le mécontentement de la communauté de Périgueux, quelque nombreux que fussent les outrages que lui avait fait subir le comte, quelque sensibles que pussent être les pertes qu’elle avait éprouvées, il n’eût cependant pas encore été impossible d’opérer un rapprochement entre les deux adversaires; ils s’en voulaient mutuellement et s’en voulaient beaucoup sans doute; mais ils n’avaient certainement pas jusqu’alors ressenti réciproquement cette haine implacable qui ne finit qu’avec l’extermination de l’un des deux champions. Les événements qui s’accomplirent en 1391, en rejetant bien loin derrière eux tous ceux qui les avaient précédés, aggravèrent la situation respective des deux partis, au point de ne plus laisser aucune chance probable de paix entre eux (18).
Un certain Geoffroi le Breton, originaire de Bretagne, appelé communément le Bretonnat, et l’un des aventuriers qui tenaient alors garnison à Auberoche, avait été fait prisonnier. C’était un misérable à qui tous les crimes étaient depuis long-temps familiers, et qui, avant de passer au service du comte et même de faire partie de la bande d’Amanieu de Mucidan, l’ennemi constant de la France, qu’il avait quitté pour Archambaud, s’était plusieurs fois déclaré Anglais et Français. Dans sa longue carrière de bandit, il avait toujours montré le plus grand empressement à détrousser les voyageurs inoffensifs et sans armes. Pour donner plus d’éclat à la justice exemplaire qu’ils voulaient faire de lui, les officiers royaux le firent pendre, le jour de la foire de la Saint-Mémoire (19), à un orme appelé l’orme des vieilles (20). Cet éclat donné à un châtiment mérité, la célébrité du coupable et l’affluence de la population étrangère à la ville que la foire avait attirée, et au milieu de laquelle se trouvait probablement plus d’un ami du comte, tout concourut à répandre rapidement le bruit de cet événement, de sorte qu’on le connaissait à Auberoche quelques heures après. Comme on peut bien le penser, la nouvelle en fut accueillie avec indignation par ceux du château, et il n’y eut qu’une voix pour accuser le maire et les consuls d’avoir été les instigateurs de cette exécution, dans le but de faire au comte un outrage sanglant. L’exaspération même devint bientôt telle, qu’avant la fin du jour, un détachement de la garnison prit les armes, se dirigea sur Périgueux, s’approcha des portes de la ville, du côté du faubourg de l’Arsaut, essaya d’y répandre l’alarme, dans l’espoir sans doute qu’au milieu du désordre causé par sa présence, il lui serait loisible d’exercer quelque acte de cruelle vengeance, soit par le meurtre, soit par le pillage.
Fort heureusement cet espoir se trouva déçu, et tout le mal que purent faire ces forcenés se réduisit à blesser un homme, devant l’hôpital, au moment où il y cherchait un refuge. On ne saurait dire si le comte était à Auberoche ce jour-là ; mais ce qu’il y a de bien certain, c’est qu’en apprenant l’exécution du Bretonnat, sa colère fut extrême, et qu’il donna des ordres pour qu’on ne laissât ni fin ni repos aux habitants de Périgueux. Il enjoignit en outre à Jean d’Auvergne, alors capitaine d’Auberoche (21), de prendre ses mesures pour détacher de l’orme des vieilles le corps du supplicié, et lui accorder les honneurs de la sépulture; ordre auquel ce capitaine s’empressa de se conformer, et qu’il exécuta avec un plein succès (22), sans que nous sachions du reste si ce fut le jour même de la Saint-Mémoire, ou le mardi suivant, 30 mai, que la garnison d’Auberoche fit également une pointe sur Périgueux, tua un homme, en blessa un autre, brûla, pilla et commit beaucoup de dégâts (23), ou le lendemain qu’elle se présenta du côté de Saint-Martin, blessa mortellement trois hommes, détruisit un moulin et répandit partout la terreur (24).
Ce qu’il y a seulement de bien positif, c’est que le cadavre fut dépendu, emporté et inhumé, que les courses des troupes du comte se multiplièrent, et devinrent si fatigantes, qu’on prit le parti de s’adresser directement à ce seigneur, afin de lui demander l’explication de cette recrudescence d’hostilités, et que deux habitants de Périgueux, Jean de Clarins et Arnaud de Pascaut (25), furent chargés de cette mission assez délicate (26). Ils se rendirent à Montignac, où il résidait alors, lui exposèrent le sujet de leur démarche; mais, pour toute explication, Archambaud leur déclara qu’il agissait ainsi dans le but de se venger de la communauté, qui avait souffert que les gens du roi fissent exécuter le Bretonnat. Sur quoi ayant voulu essayer de disculper la municipalité, les deux envoyés, oublieux sans doute du privilège que le roi lui avait accordé en 1383 (27), ou peut-être persuadés qu’il serait mieux de le passer sous silence, prétendirent qu’elle n’avait pas le droit d’empêcher les officiers du roi de faire justice du coupable. Mais vainement ils essayèrent de calmer le comte; il ne voulut rien entendre, et les laissa dans la nécessité de se retirer comme ils étaient venus.
Voyant que le seul moyen de conjurer l’orage, c’était de repousser la force par la force, la municipalité prit ses mesures afin d’éviter les surprises, et le maire, Guillaume de Botas, ne négligea rien pour organiser une forte résistance. Il fut vigoureusement secondé par Aimeric de Chabannes, lieutenant du sénéchal, qui remplaçait ce fonctionnaire, absent de la province. Le péril était grand, et la saison dans laquelle on se trouvait ne faisait qu’aggraver la situation. Sans plus différer, on prit le parti de s’adresser au roi et au parlement pour en obtenir aide et protection. Cependant, comme il y avait urgence, un certain Jean le Comte (28) fut en même temps envoyé à Saint-Jean-d’Angely, près de Robert de Béthune, vicomte de Meaux, lieutenant du sire de Coucy, alors capitaine-général entre Loire et Dordogne, lui fit connaître la fâcheuse situation où se trouvait la ville et le pria d’envoyer des troupes. Cette requête ayant été favorablement accueillie, le jour de Saint-Jean-Baptiste, entrèrent dans Périgueux trente bassinets et dix arbalétriers, sous les ordres d’un nommé Cantule ou plutôt Canteleu (29). Tout faible que fût ce secours, il parut cependant d’une véritable importance aux yeux des habitants de la ville et de la cité, dont il ranima le courage abattu. Et, de fait, cette petite troupe leur rendit les plus grands services, car, depuis son arrivée jusqu’à la Saint-Martin, elle ne cessa de combattre et de tenir tête aux partisans du comte.
De son côté, Archambaud se recruta aussi. Dans le courant de juillet, il reçut du Quercy 50 hommes de renfort commandés par Jean de La-Tour et ses frères, qui s’installèrent, le 15, au château d’Auberoche (30), d’où, chaque jour, réunis à l’ancienne garnison, ils couraient tenter quelques nouvelles surprises, et portaient le désordre, le pillage et la mort jusqu’aux portes de Périgueux. Dans leur première sortie, ils s’avancèrent jusqu’au pré des pauvres (31), et l’un d’eux fit cinq blessures à un habitant de la ville qui s’y promenait, le 23 (32), ils allèrent dresser une embuscade à un endroit appelé La-Borie de Guillaume du Tor (33), et envoyèrent des coureurs jusqu’aux portes de la ville, le 5 août, ils firent également une apparition, et tuèrent un homme (34). Ce même jour encore, ou plutôt le lendemain, ils se jetèrent sur la commune de Coursat, firent plusieurs prisonniers, emmenèrent les bestiaux qu’ils trouvèrent et rançonnèrent le pays (35).
Le 7, Geoffroi Barry, capitaine de La-Rolphie, se mit aussi en campagne, pillant et rançonnant les passants inoffensifs (36). Le 19 septembre, les deux garnisons d’Auberoche et de La-Rolphie chevauchèrent vers Périgueux chacune de son côté, enlevèrent des bestiaux et firent cinq prisonniers, dont l’un fut arrêté par eux dans le cimetière Saint-Georges (37). Le 28, ils reparurent encore devant la ville, firent trois nouveaux prisonniers, parmi lesquels deux femmes, et battirent beaucoup de personnes (38).
A tous ces excès, il faut en ajouter beaucoup d’autres, commis dans la province, pendant cette année, sans qu’on puisse préciser l’époque, tels que le rançonnement de Bergerac, le pillage du couvent de Ligueux, la violation de plusieurs églises, etc., etc. (39).
Durant les vendanges, on s’escarmouchait assez habituellement entre les Frères-Prêcheurs et la barbacanne de Taillefer. Un jour, la garnison de Roussille trouva le moyen de surprendre vingt-huit femmes chargées de raisins, qu’elle conduisit à La-Rolphie (40). Mais, quand la plus grande partie des récoltes eut été rentrée, quand le dégât fut moins facile à commettre et les surprises de plus en plus rares, le comte et ses partisans crurent le moment propice pour frapper un grand coup, et, d’un commun accord, conçurent le hardi projet de s’emparer de la cité, toujours mal défendue par des murs inachevés. L’attaque fut résolue pour le 20 octobre. L’expédition, forte de 160 à 170 hommes déterminés, se composait de la bande de Jean de La-Tour et des garnisons d’Auberoche, de Bourdeille, de Roussille et de La-Rolphie. Elle était dirigée par un certain Migasse, dit Virazel, qui portait le titre de sénéchal du comte. Dans sa marche, elle commit toutes sortes de désordres, arracha les vignes et les arbres, renversa les moulins et livra les habitations au pillage. L’attaque eut lieu à minuit; elle se fit sur la barbacanne de Taillefer, et dura jusqu’à la neuvième heure; mais tous les efforts des assaillants n’aboutirent qu’à rompre en plusieurs endroits le mur de clôture du couvent des Jacobins (41), et à pénétrer dans l’église, qu’ils furent bientôt forcés d’évacuer, par l’impossibilité où ils se trouvèrent de se maintenir dans cette position (42). Cependant, en cessant le combat, au lieu de rentrer dans leurs cantonnements respectifs, ils s’établirent pour un temps à La-Rolphie, et mirent la cité en état de siège (43). De leur côté, les habitants de Périgueux, fortement secondés par le petit renfort que leur avait fourni le vicomte de Meaux, ne négligèrent rien pour déjouer leurs desseins. Ils construisirent deux tours, placèrent des corps de garde sur divers points et fermèrent l’espace compris entre le jardin appelé de Roussel et les Jacobins, de manière à intercepter tout passage aux assaillants (44).
Durant le cours de ces opérations importantes, ils ne cessèrent d’avoir les armes à la main, car il ne se passait pas de jour qu’il n’y eût quelque escarmouche, quelque attaque plus ou moins sérieuses, dans le but de les contraindre à suspendre les travaux; mais, loin de perdre courage, ils supportaient les fatigues et les privations avec la plus rare persévérance. Par malheur, au milieu de ces collisions journalières et incessantes, cinq des combattants, envoyés par le vicomte de Meaux, furent faits prisonniers (45). Quoique faible en apparence, cette perte fut très vivement sentie. Elle fit comprendre qu’on ne sortirait de la situation fâcheuse où l’on se trouvait, sans des forces plus considérables et surtout sans l’entremise de l’autorité royale.
Comme on l’a vu plus haut, la sage prévision du maire et des consuls leur avait inspiré la pensée de se prémunir à l’avance contre toutes les éventualités, en députant vers le roi,, dans le but de lui faire connaître la véritable situation de la ville et de la cité, les pertes et les souffrances que les habitants des deux localités éprouvaient tous les jours, par suite de la guerre acharnée que leur faisait Archambaud, les graves embarras dans lesquels ils étaient, et la nécessité qu’il y avait de mettre un terme à l’odieuse conduite du comte, s’il ne voulait voir la communauté succomber sous les attaques incessamment dirigées contre elle. Ceux qui avaient été chargés de cette mission s’en étaient acquittés avec succès. Le tableau qu’ils avaient fait de l’affligeant état de détresse où Périgueux était réduit avait ému profondément le jeune monarque; car, pendant que son procureur-général près sa cour de parlement, d’accord et conjointement avec les représentants de la capitale du Périgord, adressait à cette cour une plainte au nom de la couronne, de la ville, de la cité, des chapitres de Saint-Étienne et de Saint-Front et de Guillaume de Botas, et en obtenait des lettres d’ajournement contre Archambaud et ses complices, portant la date du 15 juillet (46), ce prince, bien convaincu, d’après tout ce qu’il avait appris, que cette citation n’aurait d’effet que tout autant qu’elle serait appuyée d’un déploiement de forces, suffisant pour bien faire comprendre au comte qu’il fallait se soumettre, de son plein gré, s’il ne voulait pas se trouver dans le cas d’être obligé de céder à la contrainte, avait, de son côté, donné des ordres pour que des troupes fussent dirigées sur le Périgord et allassent promptement mettre fin à l’effusion du sang (47). Toutefois, soit négligence de la part de ceux qui devaient exécuter ces ordres, soit toute autre cause, le départ de ces troupes fut différé, et, grâce à des lenteurs inouies, elles n’arrivèrent à Périgueux que le 6 novembre suivant, sous les ordres du vicomte de Meaux, accompagné d’Aimeri de Rochechouard, sénéchal de Périgord, qui, pour la première fois, apparaissait dans sa sénéchaussée (48). Quelque fâcheux qu’il fût, ce retard eut cela d’avantageux, pour la cause des habitants de Périgueux, qu’à partir du 15 juillet, chaque nouvelle violence, chaque nouveau méfait du comte étaient non seulement un outrage et un grief de plus pour eux, mais encore constituait un nouveau crime envers la majesté royale et une nouvelle insulte envers le parlement.
Le petit corps de troupes commandé par le vicomte de Meaux se composait de 200 hommes d’armes et de 120 arbalétriers, sans compter les valets et autres goujats (49).
Dès son arrivée, le sénéchal, au nom du roi, fit requérir ceux de La-Rolphie de lui livrer le château (50), et envoya un exprès à Montignac pour signifier au comte la volonté de son suzerain, avec injonction de faire promptement connaître ses intentions à l’égard du commandement qu’il lui transmettait; mais la garnison de La-Rolphie répondit dédaigneusement qu’elle ne voulait pas rendre le château, et le comte, plus insolent encore, ne se donna même pas la peine de faire une réponse quelconque (51).
Pour comprendre l’orgueilleux refus de la garnison d’obtempérer aux injonctions du sénéchal, il faut nécessairement admettre qu’elle comptait sur un secours efficace, car autrement, quelque forte que pût être la place, on ne s’expliquerait pas comment ceux qui la défendaient auraient pu se déterminer à lutter résolument contre les troupes du vicomte de Meaux, aidées des habitants de Périgueux. Au moment où le sénéchal les somma de se rendre, ils n’étaient pas plus de 31 combattants, dix hommes d’armes, six arbalétriers, six pillards ou brigands (52) et six autres soldats, avec trois chefs, Geoffroi Barry, commandant supérieur, le sénéchal Migasse et un certain Mondisson de la Bovine, de Montignac (53). Or, en admettant même que ces 31 combattants, bien armés, bien rompus au métier des armes, fussent assistés par une cinquantaine de goujats ou de valets (54), on conviendra que c’était pousser l’audace bien loin.
La double tentative du sénéchal auprès de ceux de La-Rolphie et du comte ayant été faite et repoussée le jour même de l’arrivée des troupes, sans perdre de temps, on délibéra sur la détermination à prendre, et, avant la fin de la soirée, le siège du château comtal fut unanimement résolu. Dès le lendemain matin, jour de mardi (55), on se mit à l’œuvre. Les travaux furent conduits, de prime abord, avec une grande activité. Les premières opérations eurent pour but de disposer les troupes, d’établir les postes, et de former autour du château une ceinture avec des barricades, qui, en isolant complètement les assiégés, leur étaient tout espoir d’être secourus, et rendaient leur fuite à peu près impossible (56). On dressa ensuite deux brides (57), l’une aux Frères-Prêcheurs, l’autre à la tour des Arsits (58), dans la cité. On poussait le siège avec tant d’ardeur, que tous ces préparatifs furent terminés dans les vingt-quatre heures. Le mercredi 8, les deux machines tirèrent sur le fort toute la journée (59), et, comme le 9 on donna l’assaut, il est à croire qu’elles avaient fait d’assez larges brèches.
Ce jour-là, dès le matin, afin que l’attaque eût lieu avec toute la vigueur et l’ensemble désirables, on fit crier au nom du roi dans la ville et dans la cité, que tous, hommes et femmes, apportassent des fagots ou fascines pour combler les fossés, des échelles pour franchir les murs, et des pics pour les déblais. On recommandait en outre à ceux qui le pourraient, de venir en armes pour prendre part au combat (60). Ces ordres furent ponctuellement exécutés, et chacun fut exact au rendez-vous donné pour l’heure de prime (61). S’y trouvèrent à cheval le vicomte de Meaux, le sénéchal, Canteleu, commandant des 40 hommes venus de St-Jean-d’Angely; Arnaud de Barnabé, élu maire quelques jours après; Hélie Seguin, qui avait déjà été maire et consul plusieurs fois, et Bernard Favier, consul en 1388 et envoyé en mission à Paris, en 1389, au nom de la ville. Ces trois derniers étaient là pour diriger les secours fournis par la ville et la cité, veiller à ce que rien ne manquât aux assiégeants et faire disposer le matériel des échelles et autres objets nécessaires à l’assaut, selon qu’il serait ordonné.
Quoique vigoureusement poussé dès le début, cet assaut n’en dura pas moins tout le jour sans progrès bien sensibles. Les assiégés se défendaient avec une grande vigueur, et ne cédaient le terrain que pouce à pouce. Excités par cette résistance énergique, les assiégeants, bourgeois et soldats, rivalisaient d’ardeur; les femmes elles-mêmes ne s’épargnaient pas; elles parcouraient les rangs, pénétraient dans les tranchées, et, pendant qu’on hâtait les travaux et qu’on minait la place en trois endroits différents, elles distribuaient à tous ceux qui en avaient besoin de la nourriture et des rafraîchissements (62). Cependant la nuit était arrivée, et non seulement la place se défendait toujours, mais encore il était difficile de fixer le moment où l’on pourrait s’en rendre maître.
On se disposait donc à recommencer l’attaque le lendemain avec un redoublement d’efforts, de manière à ne pas laisser à la garnison le temps de se reconnaître, lorsque Migasse, ayant reçu ou fait des ouvertures, prit l’engagement ou la résolution de la livrer. Ce fut certainement l’un ou l’autre; mais, comme les documents du temps se bornent à signaler le fait, sans nous apprendre quel sentiment guidait le traître, on ne saurait décider s’il fut entraîné par la séduction ou poussé par son propre mouvement et la crainte des conséquences que pouvait avoir une folle résistance. On ignore également s’il mit ou non des conditions à sa trahison. Mais il parait positif qu’il introduisit les assiégeants dans le château, durant le premier sommeil (63); qu’il leur fournit le moyen de surprendre la garnison et de la faire prisonnière, moins quatre ou cinq hommes qui parvinrent à s’échapper, et qu’il eut la vie sauve avec un autre de ses complices, appelé Merigot-David, parce qu’ils donnèrent l’assurance qu’ils délivreraient ou feraient délivrer le bâtard du Mans, l’un des cinq prisonniers de la fin d’octobre, détenus au château d’Auberoche, et qu’en outre ils firent solennellement le serment de ne plus combattre contre les Français (64), serment qu’ils ne tinrent pas. La prise de possession du château eut lieu immédiatement par les troupes royales, et la journée du 10 se passa sans incident nouveau (65). Dans cette affaire, les bourgeois eurent sept ou huit blessés, dont trois seulement guérirent (66).
Le lendemain, jour de St-Martin, sans plus de formalités, les principaux des prisonniers reçurent le châtiment de leurs nombreux crimes et de leur rébellion obstinée contre l’autorité royale. Geoffroi Barry, Mondisson de-la Bovine, les nommés Barbe-d’Or et Drouyn, eurent la tête tranchée, sur la place du Coderc, furent écartelés et leurs membres exposés à la porte de Taillefer et à la porte du Pont, et sept autres furent pendus (67).
Cette année, comme on voit, la Saint-Martin était un samedi. Le lendemain, dimanche, furent faites les élections du maire et des consuls. Arnaud de Barnabé, que nous avons vu à la tête des bourgeois pendant le siège de La-Rolphie, fut élu maire. Il eût été difficile de faire un meilleur choix. Il n’était pas encore installé qu’il s’occupait déjà sérieusement de délivrer à tout jamais Périgueux du château, dont le trop dangereux voisinage lui avait toujours été funeste (68). Il est probable qu’il n’eut pas de peine à s’entendre avec Robert de Béthune, et que, d’un commun accord, ils ne virent, dans le propriétaire de La-Rolphie, qu’un vassal rebelle ayant fait résistance aux ordres du roi, les armes à la main, et reconnurent que son acte d’insubordination n’était pas suffisamment puni par la mort de quelques soldats plus ou moins obscurs, qu’il fallait infliger un châtiment au véritable criminel, et que le plus sûr moyen de le frapper d’une manière sensible, c’était de détruire son château. Nous savons cependant que le vicomte de Meaux, dont les instructions ne nous sont pas connues, ne jugea pas convenable de se servir d’un pareil prétexte; car, dans l’ordre qu’il adressa, le jeudi suivant, 16, au bailli du roi, à Périgueux, après lui avoir raconté les événements accomplis, depuis sa venue jusqu’à la prise de La-Rolphie, il ajoutait:
« Et, pour ce que led. fort est grandement demolus et affoulés, tant par les engins comme par diverses armes qui furent faites au combattement, et n’a nulle revenue de quoy il se peut garder ne reparer, sans grans mises et coustages du roy, et que les ennemis du roy se pourroient bouter dedans, et seroit grand dommage au roy et au païs s’il demouroit en piés, pour tant, nous, veu et considéré les choses susdites, du conseil et avis du séneschal et du juge du roy et de ses autres officiers par deçà, vous mandons estroitement et vous commettons, se mestier est, de par le roy, sur tout quant que li porriez meffaire, que, au plus tost que vous pourrez, après la réception de ces lettres, ladite forteresse de La-Rouffie, c’est assavoir tours, murs, houstel, motes et fossés, vous fassiez abbattre, démolir et du tout mettre à terre, par telle manière que jamais, dès hors en avant, dudit lieu en hors, guerre ne soit faite au roy ni à ses subjects (69). »
Cet ordre est daté de Périgueux même, ce qui semble laisser croire que le vicomte en appréciait toute l’importance et tenait à le voir mettre à exécution, non moins que le maire et les consuls. L’œuvre de destruction fut prompte et entière; car nous verrons, plus tard, qu’il ne restait que des matériaux, amoncelés sur l’emplacement même que le château avait occupé. Cette démolition, extrêmement avantageuse au repos de la ville et de la cité, permit à la communauté d’agir dès-lors avec plus de confiance et plus de liberté.
Cependant le vicomte de Meaux n’avait pas perdu de vue que le but de sa mission était non seulement de rendre la sécurité à la ville et à la cité, mais encore à toute la province. Le troisième jour après la prise de La-Rolphie, une partie des troupes se porta devant Roussille, sous les ordres d’un nommé Cartiel, avec le lieutenant du sénéchal, Aimeric de Chabannes, chargé de sommer la garnison de se soumettre aux ordres du roi (70). Faite à propos et vigoureusement conduite, cette démonstration produisit le plus heureux effet: la soumission fut prompte et entière, pour quelque temps du moins, et, afin qu’elle offrît plus de garantie, le seigneur de Grignols, alors attaché au parti de la France, se constitua caution des engagements pris (71). Dans cet intervalle, et très probablement le jour même que Cartiel et Aimeric de Chabannes prirent le chemin de Roussille (72), c’est-à-dire par conséquent avant de donner l’ordre de démolir La-Rolphie, le vicomte et le sénéchal se rendirent, de leurs personnes, à Montignac, auprès d’Archambaud, qui résidait habituellement dans cette ville, sans doute afin de s’assurer, par eux-mêmes, des dispositions de ce seigneur (73). Il ne reste pas de détails précis sur cette démarche de leur part; mais tout porte à croire qu’ils durent l’admonester sur sa folle conduite et sur les funestes conséquences qui pourraient en résulter pour lui; qu’ils lui enjoignirent de suspendre les hostilités, d’ordonner à tous ses partisans de cesser leurs courses et de s’abstenir de toute tentative de désordre, et qu’ils lui signifièrent de se rendre à Paris, en présence du parlement, conformément aux lettres de citation du 15 juillet, pour y voir juger ses démêlés avec la ville de Périgueux. Robert de Béthune et Aimeric de Rochechouard demeurèrent deux jours auprès de lui, pendant lesquels il accorda une trêve, donna sauf-conduit aux sujets du roi, promit d’envoyer devers le monarque et d’ester en droit par devant lui, après, en la semaine sainte (74).
Quand tout eut été ainsi réglé, et qu’on put croire que la paix, la tranquillité allaient succéder, dans le pays, à cette longue agitation et aux troubles sanglants auxquels il avait été en proie depuis tant d’années, le vicomte et le sénéchal se hâtèrent d’établir les troupes dans leur quartier d’hiver, et quittèrent la province (75). D’un autre côté, le maire, Arnaud de Barnabé, les consuls Guillaume de La-Roche et Hélie Sergent, et les bourgeois Pierre Artois et Bernard Favier, pour la communauté, les chanoines Aimeric de Laval et Pierre Chassarel, pour le chapitre, prirent tous ensemble le chemin de Paris, où ils se rendirent, dans le dessein de soutenir, devant le parlement, leurs plaintes respectives contre Archambaud. Il parait qu’Aimeric de Chabannes les y suivit aussi (76), de sorte que la province fut à peu près abandonnée à elle-même. En arrivant, ils y trouvèrent Pierre Coges et Guillaume Jaubert, envoyés par le comte, sans être porteurs d’aucun pouvoir officiel de sa part (77). Les parties comparurent plusieurs fois devant le conseil du roi; mais il ne leur fut pas possible de s’entendre, faute par les représentants du comte de vouloir rien prendre sur eux, sous le prétexte qu’ils n’avaient pas de mandat pour agir. Au bout d’un certain temps, ces représentants firent mieux encore, car non seulement ils cessèrent de se présenter devant le conseil, mais encore ils quittèrent Paris, sans autrement s’inquiéter de ce qui pouvait arriver après leur départ (78).
(1) Livre noir, etc. Un acte du 8 septembre de la même année (Rec. de titres, etc, p. 447) parle encore d’un autre consul, qui s’appelait Aimeric Juge, ce qui n’a rien d’extraordinaire, attendu que le nombre des consuls ne fut réglé d’une manière absolue que postérieurement.
(3) Puisque ses revenus lui aidaient à entretenir cette multitude de malfaiteurs qui désolaient le pays, rançonnaient les populations, mettaient tout à feu et à sang dans les environs de la ville et de la cité.
(5) A en juger par l’extrait assez informe d’un acte du 21 novembre 1389, fait par l’abbé de Lépine (bibl. du roi, cart. des comtes de Périgord). la municipalité aurait adressé des réclamations au comte, avant le départ de Bernard de Petit.
(6) Ce nom a été altéré; mais peu importe. Le point essentiel, c’est la destitution du sénéchal.
(7) Fragments des papiers du consulat, conservés par le chanoine Leydet. Bibl. du roi, cart. Prunis. Je saisirai cette, occasion pour dire qu’on a eu tort de donner à ces cartons le nom de Prunis, qui n’a rien fait pour l’histoire du Périgord, tandis qu’ils devraient porter le nom de Leydet, chanoine de Chancelade, collecteur de tout ce que Prunis trouva le moyen de s’approprier, et qu’il vendit, quelque temps avant sa mort, à la bibliothèque du roi.
(9) Recueil de titres, etc., p. 449.
(10) Histoire de Languedoc, t. 4, p. 400.
(11) Ibid.
(12) D’ailleurs, ils avaient des amis nombreux parmi ces masses de mercenaires, à la solde de la France et de l’Angleterre, qui, tout en se battant les uns contre les autres, ne laissaient pas que de conserver des relations entre eux.
(13) Tous ces détails prouvent que la ville et la cité, à bout de ressources, étaient travaillées par les dissensions, et que, soit ennui de voir se prolonger indéfiniment cete lutte, soit qu’au fond ils fussent partisans du comte, des membres de la communauté cherchaient à faire naître des embarras, sans doute pour en finir au plus vite.
(14) 24 l. 13 s. t.
(15) Cette vigoureuse résolution démontre de son côté que l’énergie de la municipalité et de la grande majorité des bourgeois et des citoyens n’avait point fléchi, et autorise a croire que les mécontents durent comprendre, en l’apprenant, qu’ils n’avaient qu’à se soumettre.
(16) Recueil de titres, etc., p. 447.
(17) Les Anglais ne vinrent pas; mais il est très probable qu’ils avaient d’abord le projet de venir, et qu’ils n’en furent détournés que parce qu’ils espéraient sans doute trouver mieux ailleurs.
(18) Le successeur de Bernard de Petit était Guillaume de Botas, que nous verrons plus tard exercer des poursuites, en son nom personnel contre Archambaud V, conjointement avec la ville de Périgueux, et dont la fille, si réellement il en avait une, figure, dans l’histoire romanesque du Périgord par Lagrange-Chancel, comme ayant été, de la part d’Archambaud VI, l’objet d’un amour frénétique. (Voyez Appendice, n° III.)
(19) On voit par là combien cette foire est ancienne à Périgueux.
(20) Livre noir, etc., fol. 48. On ne dit pas exactement où était situé cet orme; mais il est à croire qu’il était hors de l’enceinte de la ville, sur la rive gauche de l’Ille, comme cela paraît démontré par les détails qui vont suivre.
(21) Ce Jean Cotet, dit d’Auvergne, figure dans l’arrêt de 1397 et dans celui de 1399; ce qui prouve qu’il resta toujours très dévoué au parti des Archambaud. Preuves, p. 10 et 77.
(22) Fragments, etc.
(23) Livre noir, etc., fol. 48.
(24) Livre noir, etc., fol. 45.
(25) Fragments, etc; Arnaud de Pascaut était consul en 1388 (Livre noir). Quant à Jean de Clarins, il n’en est pas question ailleurs.
(26) Ibid.
(28) Il avait été consul en 1388, le fut de nouveau en 1392, 1396 et 1400 (Livre noir),
(29) Fragments, etc.
(30) Ibid. et livre noir, fol. 48.
(31) Ce pré était sans doute attenant au cimetière des pauvres, situé à l’est du chemin actuel des Barris.
(32) Le 23, et non pas le 3, comme le porte le Livre noir.
(33) Je n’ai pas pu savoir où était située cette borie ou métairie.
(34) Fragments, etc.
(35) Ibid.
(36) Livre noir, etc., fol. 45.
(37) lbid.
(38) Ibid.
(39) Bibl. du roi. Papiers Lépine, cart. des comtes de Périgord. Extrait des arch. de la M. de ville.
(40) Fragments, etc.
(41) On les appelait aussi Dominicains et Frères-Prêcheurs. C’est aujourd’hui le couvent des Ursulines.
(42) Livre noir, etc., fol. 46. Bibl. du roi. Papiers Lépine, cart. des comtes de Périgord. Extrait des arch. de la M. de ville, et Fragments, etc.
(43) Un acte d’août 1390, copié en partie par l’abbé de Lépine, dans les arch. de la M. de ville (bibl. du roi, cart. Périgueux), nous explique pourquoi les troupes du comte avaient choisi cet endroit pour point d’attaque: c’est que les travaux d’enceinte n’y étaient pas achevés. Preuves. p. 3.
(44) Fragments, etc.
(45) Ibid., etc.
(47) Bibl. du roi. Papiers Lépine. Il est vrai que la date de cet ordre n’est pas indiquée; mais elle ne saurait être postérieure à cette époque.
(48) C’est ce que semblent dire le Livre noir et les Fragments, etc.
(49) Fragments, etc. Livre noir, fol. 46. Seulement le Livre noir ne donne pas de chiffres.
(50) Fragments, etc.
(51) Ibid.
(52) Sorte de troupes à pied, années à la légère.
(53) Fragments, etc.
(54) On donnait ce nom aux gens indisciplinés qui suivaient les armées.
(55) Comparez le Livre noir, fol. 46, avec les Fragments, etc.
(56) Fragments, etc.
(57) Sorte de machine à lancer des pierres, dont on faisait usage à cette, époque. La bride, sur laquelle les auteurs ne donnent pas des détails très précis, était, ce semble, une espèce de baliste, lançant comme elle d’énormes blocs de pierre, au moyen d’un puissant système de bascule. Quelques savants prétendent cependant que la bride n’était autre chose que la bricole, qui elle-même n’était qu’une fronde d’une dimension colossale.
(58) La tour des Arsitz ou des Arsis n’est pas désignée dans la nomenclature des tours donnée par Taillefer (Antiquités de Vésone, t. 2, p. 630). L’abbé de Lépine, qui avait fait un travail pour reconnaître l’ancien état de Périgueux, ne parle que des Arsis joignant le chemin qui conduisait de la porte Limogeanne vers les Fossilhas, qui elles-mêmes confrontaient au chemin allant à Sorges. Quoiqu’on la dise positivement située dans la cité, il me paraît très probable cependant que ces détails doivent se rapporter à cette tour.
(59) Fragments, etc.
(60) Ibid.
(61) Chez les Romains, le jour se divisait en quatre parties: de 6 heures à 9 heures du matin, de 9 heures à midi, de midi à 3 heures, et de 3 heures au coucher du soleil. La première partie s’appelait prime; la deuxième, tierce; la troisième, sexte, et la quatrième, none. Cette division fut adoptée par l’église, qui la transmit au moyen âge, durant lequel elle fut généralement en usage dans la société civile.
(62) Fragments, etc.
(63) Fragments, etc.; c’est-à-dire dans l’espace de temps compris entre l’heure où l’on se couche jusqu’à minuit.
(64) Suppl. au Recueil, etc., p. 55 et Fragments, etc.
(65) Ibid. Le Livre noir s’exprime ainsi : « La Rolfia…. fo combatuda lo divendres après tot lo jorn, e al prim som, per forsa de mina, lo luoc fa pres. » Il en résulterait que l’assaut n’aurait eu lieu que le vendredi, et qu’il n’y aurait pas eu trahison.
(66) Fragments, etc. Au nombre de ceux qui moururent de leurs blessures furent Hélie Seigneur, qui avait été deux fois consul, un nommé Pierre de Faus, et le fils de Fortanier de Landric.
(67) Fragments, etc. Le Livre noir se borne à dire que les quatre premiers furent décapités. Voyez aussi Recueil de titres, etc., p. 451.
(68) Fragments, etc., et Recueil de titres, etc., p. 481. La tradition est ici d’accord avec ces Fragments.
(69) Bibl. du roi. Papiers Lépine, cart. des comtes de Périgord. Tiré des arch. de la M. de ville.
(70) Fragments, etc.
(71) lbid.
(72) Ce ne pouvait guère être que le même jour, puisqu’ils en passèrent deux auprès du comte.
(73) Fragments, etc.
(74) Fragments, etc.
(75) Ibid.
(76) Ibid.
(77) Ibid.
(78) Fragments, etc.
PROCÈS ET CONDAMNATION D’ARCHAMBAUD V
1393 A 1397.
La légèreté avec laquelle les envoyés d’Archambaud se conduisirent dans cette grave occurrence, l’affectation qu’ils mirent à s’éloigner au moment où l’affaire, pour laquelle ils étaient venus, ne pouvait manquer de prendre une tournure de plus en plus menaçante, autoriseraient à croire ou qu’ils avaient compté sur quelque incident habilement ménagé, au moyen duquel une diversion heureuse, en mettant tout en suspens, laisserait au comte le temps non seulement de se reconnaître, mais encore de se faire une position qui lui permettrait de conjurer aisément tous les orages; ou que, d’accord avec ce seigneur lui-même, ils n’avaient entrepris le voyage de Paris que pour lui donner la facilité de se remettre et de réparer plus commodément les pertes que lui avait fait éprouver le vicomte de Meaux, pendant qu’ils feraient des semblants de soumission, ou du moins qu’ils auraient l’air de négocier un arrangement. S’ils comptaient sur une diversion partant de la cour, leur attente fut complètement déçue; mais, s’ils n’eurent d’autre but que de gagner du temps pour que le comte pût se refaire et recommencer la lutte avec plus de chances de succès, il faut le reconnaître, ils réussirent en grande partie. A peine Archambaud se sentit-il débarrassé de ses ennemis, que, peu soucieux des engagements contractés avec eux, il reprit son train de vie, laissant ses stipendiaires courir le pays et le ravager comme par le passé. Durant cette recrudescence de révolte parmi ses garnisons, celle de Bourdeille, qui jusqu’alors était restée la moins célèbre, se fit plus particulièrement redouter par les déplorables excès auxquels elle se livra. Voici les détails qui peuvent servir d’explication à ce fait.
Dès le 15 septembre, ce seigneur avait confié le commandement du château de Bourdeille à un certain Naudonnet-Durat, surnommé de Périgord, chef de bandes, originaire de cette province (1), qui, par un acte daté de Montignac, s’était engagé à ne jamais rendre ce château qu’au comte ou à son représentant (2). Ce partisan, qui avait une réputation de famille à soutenir (3), se rendit bientôt redoutable dans tous les environs. Il n’y avait pas encore six mois qu’il était à Bourdeille, lorsqu’un vendredi, 1er jour de mars 1392, il se dirigea sur la paroisse de Champagnac, et y commit de tels ravages, que, trois jours après, on crut urgent d’informer contre le comte lui-même, tant les monstruosités dont Naudonnet et sa bande s’étaient rendus coupables avaient eu de retentissement (4).
Cependant que se passait-il à Paris? et de quel œil le roi et sa cour de parlement voyaient-ils la conduite d’Archambaud et des siens? C’est ce dont il importe de s’assurer sans plus de retard.
On n’a pas oublié sans doute que, dans le courant de juillet, c’est-à-dire pendant que les députés de Périgueux sollicitaient la protection et le secours du roi, l’attention du parlement avait été appelée sur les troubles du Perigord et les détestables excès dont le comte ou ses trop nombreux partisans s’étaient rendus et se rendaient incessamment coupables, au grand détriment de Périgueux et des habitants de la province. On se souvient aussi que cette cour souveraine s’était réunie pour entendre les réclamations des demandeurs et les plaintes formulées contre les accusés (5) par le procureur général, chargé de porter la parole au nom de tous. A cette première audience, ce haut fonctionnaire avait exposé que, malgré les ordonnances qui interdisaient formellement aux sujets de la couronne les guerres privées et les voies de fait entre eux, sous peine de la perte de leurs corps et de leurs biens (6), Archambaud, comte de Périgord, et ses co-accusés, hautement avoués par lui, en armes et à cheval, de jour et de nuit, avaient parcouru, en troupes, la banlieue de Périgueux et les localités circonvoisines; attaqué, blessé et tué les sujets et amis du roi; fait prisonnières un grand nombre de personnes, les chargeant de fers et les tenant incarcérées, afin d’en extorquer de grandes sommes d’argent, sous couleur de rançon ou autrement; saisi et gardé devers eux les bestiaux, partout où ils les avaient rencontrés, ainsi que toute sorte d’autres biens qu’ils s’étaient appropriés à la manière des voleurs; conduit et recelé le tout dans les forteresses, dont la garde leur avait été confiée par le comte, ou partout ailleurs, au gré de leurs caprices; que, non contents de cela, ils avaient démoli ou brûlé des moulins, des maisons, des granges et autres édifices du plat pays; enfin, qu’ils avaient commis des crimes si horribles et si détestables, qu’ils s’étaient conduits en ennemis si odieux, si barbares ou plutôt en brigands si infâmes, si féroces, tant envers les clercs qu’à l’égard des laïques, sans juste ni raisonnable cause autre que la volonté, l’ordre et la permission d’Archambaud, qu’on éprouvait une véritable douleur à dérouler sous les yeux de la justice de pareils méfaits, d’autant plus impardonnables qu’il avait été enjoint à ceux qui s’en étaient rendus coupables, de la part des officiers royaux et au nom du roi lui-même, de ne plus s’abandonner à tous ces attentats, et qu’au lieu de s’en abstenir, ils avaient opiniâtrement persisté dans leur malice et leur scélératesse, sans être retenus par la crainte d’outrager la majesté royale, ce qui constituait bien et dûment un exemple des plus pernicieux, une insulte à la justice, un scandale détestable, un crime de lèse-majesté, une rébellion à main armée, avec les circonstances les plus aggravantes, dont les conséquences avaient été la suspension des travaux de la terre, la désertion des champs par les laboureurs, l’absence des produits nécessaires à la nourriture et au bien-être de tous, et le danger toujours imminent, pour les habitants du pays, de succomber sous leur misère ou d’être exterminés, si l’autorité royale ne venait promptement à leur secours. Après cet exposé sommaire, mais très clair, il avait demandé instamment qu’on se hâtât de mettre fin à tant de maux en y pourvoyant de remède convenable. Sur quoi la cour lui avait octroyé, ce jour même, les lettres d’ajournement, dont il a été parlé plus haut, par lesquelles Archambaud V et ceux de ses complices, signalés comme les plus coupables, avaient été assignés à comparaître devant elle, le 27 novembre suivant (7).
On a vu dans le chapitre précédent quels événements remplirent l’intervalle de temps compris entre le jour de la date de ces lettres et celui qu’elles fixaient pour la comparution des accusés, au nombre de vingt-trois: Archambaud V, leur chef; Pierre Coges, Pierre de Grace, Guillaume Jaubert, Pierre du Barelh, Geoffroi Barry, capitaine de La-Rolphie; Colin de Bouville; Jean Cotet dit d’Auvergne, et Pierre du Pont, le premier capitaine, le second connétable d’Auberoche; Jean de la Tour, Jean le François dit le Moine, et moine en effet; Merigot d’Aire, Audoynet, capitaine de Fossemagne; Jean Girou, capitaine de Bourdeille; Alain du Marchez et Rigaut, le premier capitaine, le connétable de Roussille; Guillon Laurion, Jean Bastide, Cossaudo, Philipot, le bâtard de St-Pierre, Jean Buef-Cornut, procureur du comte, et Olivier Mercure (8). Au jour désigné, les plaignants seuls comparurent à l’audience: c’étaient les chapitres de St-Etienne et de St-Front, le maire et les consuls, ou leurs représentants, et Guillaume de Botas, dont les fonctions de maire venaient de cesser, mais qui agissait en simple particulier.
Quant aux inculpés, ce fut en vain que, conformément à l’usage, on les appela plusieurs fois à la porte de la chambre où se tenait la cour et à la table de marbre du palais. Ils ne se présentèrent point (9). Le lendemain, après que leur défaut eut été judiciairement constaté, les demandeurs développèrent l’accusation générale formulée en juillet, en prenant, comme alors, pour point de dépar les ordonnances contre les guerres privées, avec circonstances aggravantes, pour les défenseurs, que les deux chapitres, le maire et les consuls, Guillaume de Botas et tous les habitants de la ville et de la cité avaient toujours été et étaient encore justiciables et sujets du roi, et placés sous sa sauvegarde spéciale, solennellement proclamée et tellement bien signifiée au comte lui-même et à tous les siens, qu’il ne pouvait, sous aucun prétexte, arguer de son ignorance cet égard (10). Ils énumérèrent, avec précision et tous les détails nécessaires, les événements accomplis puis 1378 jusqu’alors, tels qu’ils sont rapportés plus-haut, en les groupant de manière à faire ressortir, dans tout ce qu’ils avaient de plus odieux, les crimes dont ils demandaient vengeance, et terminèrent en déclarant qu’ils n’aborderaient pas certains faits tellement détestables, qu’il était impossible de les décrire. Mais, placée comme elle l’était au milieu de leur plaidoyer, cette déclaration ne laissait pas que de faire de l’effet. Du reste, les droits en vertu desquels chacune des parties exerçait des poursuites se résumaient ainsi qu’il suit.
Le procureur général se proposait de faire infliger un juste châtiment au comte, pour le crime de lèse-majesté dont il était coupable à plusieurs chefs. Le chapitre de Saint-Front procédait en vertu du pariage de 1317, depuis long-temps violé, et dont la violation, jointe aux autres excès d’Archambaud et de ses partisans, lui avait causé des dommages considérables. Le chapitre de St-Etienne agissait à cause des pertes réelles que lui avaient fait éprouver les ravages commis sur ses domaines. La ville et la cité se fondaient sur leurs droits et leurs privilèges méconnus, leur indépendance menacée, les outrages par elles reçus, les mauvais traitements que plusieurs membres de la communauté avaient subis, et les violences du comte, qui depuis long-temps ne leur laissait aucun repos. Guillaume de Botas, de son côté, se plaignait d’avoir été dépossédé d’un domaine qu’il avait dans la châtellenie de Bourdeille, dont le comte s’était emparé et s’appropriait les revenus (11).
Tous demandaient en conséquence qu’on leur accordât le bénéfice du défaut, c’est-à-dire que les accusés fussent déclarés désormais non recevables dans leurs dires et dans leurs défenses, si jamais ils venaient réclamer d’être entendus; qu’ils fussent réputés atteints et convaincus de tous les crimes qu’on leur attribuait; qu’il leur fût enjoint de cesser la guerre et les voies de fait, avec exprès commandement de réintégrer la sauvegarde royale; qu’ils fussent contraints de restituer, à qui de droit, tous les biens, pris par eux, existant encore en nature, sinon leur valeur en argent au prix fort; qu’ils fissent amende honorable dans les lieux et selon la forme indiqués par la cour; qu’il payassent, à titre de dommages et intérêts, quarante mille livres parisis au chapitre de la cathédrale, soixante mille au chapitre de Saint-Front, cent mille aux maire consuls et communauté de Périgueux, et, pour les frais, vingt mille livres à chaque chapitre et quarante mille aux maire, consuls et communauté, sans compter ce qu’il plairait à la cour d’ordonner comme dédommagement envers leurs hommes et leurs sujets respectifs. Ils demandaient aussi qu’il fût fondé dans Périgueux dix chapelles ou chapellines, avec tout le matériel nécessaire au culte, quarante livres tournois de revenu annuel applicables à chacune d’elles et destinées à la célébration des divins offices, pour le salut et le repos des âmes de ceux qui avaient été tués dans le cours de la guerre (12). Elles demandaient enfin que le comte fût condamné à restituer à Guillaume de Botas sa terre et les revenus depuis qu’il n’en jouissait plus (13), ou leur valeur en argent, au prix fort; à lui faire une amende honorable, au gré de la cour, et à lui payer mille livres à titre d’amende utile, et mille livres pour ses frais. En outre, les chapitres, la communauté de Périgueux et Guillaume de Botas disaient, d’un commun accord, qu’ils devaient être crus sur parole, pour l’appréciation de ce dont ils avaient été spoliés par Archambaud et ses partisans et des pertes et dommages que ces malfaiteurs leur avaient causés. Ils requéraient, en même temps, que, si les coupables pouvaient être pris, ils fussent mis en prison, jusqu’à final paiement de ce que la cour leur adjugerait, à eux plaignants, paiement dont tous les co-accusés seraient déclarés solidaires, et qui s’effectuerait préalablement à la confiscation ou à l’amende ayant pour objet spécial de satisfaire aux droits du roi.
Ils insistaient encore, d’accord en cela avec le procureur général, pour qu’en punition de ces détestables crimes, et comme leçon salutaire pour l’avenir, les châteaux et forteresses du comte et de ses complices fussent démolis; que tous les cens, redevances, péages que ce seigneur levait sur les maire, consuls et communauté, sur Guillaume de Botas et autres habitants de la ville et de la cité, et sur les hommes et sujets des chapitres, fussent annulés et abolis; qu’il ne pût plus désormais, lui ni les siens, exercer aucune juridiction ni justice sur les sujets des chapitres, du maires, des consuls et de la communauté de Périgueux, ni sur Guillaume de Botas et ses successeurs; que la prévôté et la justice qu’il possédait dans la ville, en vertu du pariage, fussent adjugées aux maire, consuls et communauté (14). Le procureur général, de son côté, requérait qu’on infligeât à tous les co-accusés des châtiments et des amendes proportionnés aux outrages faits à la majesté royale, ajoutant qu’il laissait à cour de modifier comme elle l’entendrait les demandes qui lui étaient adressées, de même qu’il faisait toutes ses réserves, conformément à ses droits.
Après mûre délibération, la cour, au lieu d’accéder purement et simplement aux requêtes des parties plaignantes, cru devoir ne pas s’écarter des errements qu’elle suivait d’habitude dans de pareilles affaires (15), et trouva plus convenable de surseoir à sa décision et de renvoyer l’affaire au 20 février suivant (1392). En conséquence, elle fit expédier de nouvelles lettres d’ajournement, avec la clause expresse que, si les accusés ne comparaissaient pas au jour indiqué, le bénéfice du défaut serait adjugé, et les autres conclusions des demandeurs adoptées par elle. Le 20 février venu, les accusés, toujours récalcitrants, ne comparurent pas plus que la première fois; et pourtant la cour, au lieu de prendre une décision, remit au 18 juin suivant à se prononcer (16). Ce délai, que rien ne commandait, et qu’on aurait eu de la peine à justifier, s’explique pourtant par son rapprochement avec les événements qui nous sont connus. On n’a pas oublié sans doute qu’au mois de novembre précédent, le comte avait promis au vicomte de Meaux et au sénéchal de Périgord de se présenter ou se faire représenter devant le roi dans le cours de la semaine sainte (17), c’est-à-dire dans la première quinzaine d’avril 1392. Il est donc tout naturel de penser que les amis de ce seigneur agirent à Paris et se démenèrent tant et si bien, qu’ils obtinrent un sursis, tout de tolérance.
Qu’arriva-t-il cependant? qu’Archambaud ni son fondé de pouvoirs ne se présentèrent, durant la semaine sainte ni après Pâques, et que le parlement, qui peut-être n’avait pas déterminé jusqu’alors l’époque précise où il reprendrait l’affaire, se vit obligé de fixer le 18 juin. Quoi qu’il en soit, il est certain que, ce jour-là, il donna défaut, pour la seconde fois, contre le comte et ses adhérents, mais qu’en même temps, au lieu de passer outre, il fit expédier de troisièmes lettres d’ajournement, pour le 12 août suivant, avec toutes les clauses contenues dans les précédentes. La manière de procéder que cette cour avait adoptée, évidemment par suite de sa longue expérience des affaires, était sage sans doute; mais, dans cette circonstance, elle se trouvait être, par le fait, une sorte de prime d’encouragement accordée au comte et aux siens, qui, au milieu de leurs déportements, peu soucieux de formalités qu’ils ne connaissaient probablement pas, prenaient pour de la faiblesse la manière dont on procédait à leur égard et devaient nécessairement croire qu’on ne les menaçait que parce qu’on avait peur d’eux, d’autant que dans toutes les occasions on manifestait hautement la crainte qu’ils inspiraient.
Aussi n’en persistèrent-ils pas moins dans leur conduite passée, de sorte que, le 6 juillet, on dut expédier des lettres par lesquelles il était enjoint aux sénéchaux de Périgord, Limousin, Saintonge, Angoumois, Quercy et Agenais de se transporter sur les lieux, si en iceulx lieux ils pouvaient aller seurement, et de faire défense aux accusés de continuer leurs chevauchées, attaques, assauts, pillages, meurtres, rançonnements, etc. (18). Il serait difficile de dire si cette défense fut ou ne fut pas faite; mais ce qu’il y a de positif, c’est que les lettres qui la contiennent constatent, de la manière la plus évidente, qu’Archambaud et ses partisans ne respectaient rien, qu’ils n’avaient pas un seul instant cessé de mener la plus abominable conduite, et qu’ils continuaient à répandre la désolation et la mort dans toute la province.
Il est vrai que le désordre n’était pas qu’en Périgord, et qu’à cette époque, de désastreuse mémoire, la France entière se débattait péniblement dans des convulsions pour ainsi dire incessantes, qui, du pied du trône, où elles avaient leur source, se propageaient dans tous les sens. En vain, depuis qu’il tenait en main les rênes de l’état, Charles VI avait-il montré les meilleures intentions; ses oncles, jaloux les uns des autres, ennemis de ceux en qui le jeune monarque mettait sa confiance, et mécontents de se voir écartés des affaires, s’observaient mutuellement, attisaient les haines, suscitaient les mécontentements, et, dans leur insatiable avidité, enseignaient aux ambitions de tous les étages l’art d’opprimer les populations, de commettre les exactions et les violences les plus odieuses. Déjà même les factions s’agitaient en tous sens, et Paris, en particulier, était en proie à des troubles continuels. Les intérêts étaient divisés partout, et partout les rivalités et l’amour du changement se montraient au grand jour. Au milieu de tant de maux réunis, il suffisait donc d’un événement fortuit pour jeter le pays dans la plus horrible confusion, et c’est qui arriva, au moment où on s’y attendait le moins. Vers la fin de juillet, le roi se trouvait au Mans, avec une armée qu’il avait rassemblée, dans le dessein d’aller châtier l’insolence du duc de Bretagne. Un des premiers jours d’août, étant monté à cheval, et s’étant dirigé hors de la ville, il fut tout à coup frappé d’une maladie mentale qui le priva de ses facultés (19), laissa les rênes du gouvernement à la merci des oncles, et permit à leurs partisans respectifs de s’agiter en toute liberté.
La maison de Périgord, riche et alliée à des familles du premier ordre, comptait des amis puissants à la cour, dans tous les partis. Ces amis, de prime abord, durent comprendre tout l’avantage qu’ils pouvaient tirer de la circonstance, en faveur d’Archambaud V. Il est même probable qu’ils agirent avec d’autant plus d’empressement que le 12 août était moins éloigné, et qu’il devait leur paraître important de suspendre le cours du procès de ce seigneur avec Périgueux. Le succès couronna leurs efforts; c’est du moins ce qu’il est permis de croire, si l’on n’aime mieux supposer que l’incertitude et l’irrésolution des esprits, l’indifférence ou le peu d’empressement pour les affaires du pays eurent plus d’influence que les sollicitations et les intrigues.
Quoi qu’il en soit, il est certain que les accusés ne se présentèrent pas plus le 12 août qu’ils ne l’avaient fait les autres fois; que, malgré ce nouvel acte d’ insoumssiion, la cour ne donna point un troisième défaut contre eux; qu’au contraire, la cause fut maintenue (20) en état, et qu’il n’en fut plus question jusqu’au 12 mai 1393 (21), sans doute en raison des difficultés que les affaires d’état avaient suscitées au parlement. Car, à ne considérer que les habitudes de cet illustre corps, judiciaire à la fois et politique, qui fonda, pour ainsi dire à lui tout seul, l’unité monarchique en France, on aurait de la peine à comprendre comment, dans une pareille occurrence, il put montrer autant de longanimité. Il est bien vrai que la position importante qu’il occupait et le rôle qu’il avait à remplir, au milieu d’une société malade, dont les intérêts les plus chers étaient placés sous sa sauvegarde, permettraient, jusqu’à un certain point, d’excuser négligence avec laquelle il traita cette affaire. D’ailleurs, sans formuler une accusation en règle contre lui, ne pourrait-on pas admettre aussi qu’au milieu du désordre qui régnait partout, il était bien difficile à la magistrature de conserver intactes cette austérité de moeurs, cette sévérité de principes que commande la sainte mission qui lui est confiée, et que, si l’on n’osa pas lui demander ouvertement de se démentir elle-même, on dut néanmoins tenter de travailler les juges individuellement, et chercher à exciter leur intérêt pour ce qu’on ne manqua pas sans doute d’appelr les malheurs du comte? Les capitulations de conscience ne datent pas d’hier. Il est des concessions que l’on peut faire, des ménagements que l’on peut garder, sans blesser ostensiblement le devoir, sans manquer formellement à l’honneur.
Dans la circonstance qui nous occupe, par exemple, n’était-il pas raisonnable, n’était-il pas juste de prendre toutes les précautions possibles pour connaître la vérité, toute la vérité? et oserait-on blâmer la cour d’avoir fait usage de tous les moyens qu’elle avait à sa disposition pour s’éclairer, et ne juger l’affaire qu’après avoir entendu toutes les raisons pour et contre? Evidemment non. Et si, par hasard, on s’avisait de faire observer aux amis d’Archambaud et de ses adhérents que ces lenteurs, ces renvois multipliés n’avaient pas moins d’inconvénients pour le prestige de la majesté royale que pour la dignité du parlement, et que, de plus, ils nuisaient positivement aux intérêts de la communauté de Périgueux, des chapitres de St-Etienne et de St-Front, et de Guillaume de Botas, n’étaient-ils pas tout naturellement à même de répondre que les inconvénients signalés, quelque réels qu’ils pussent être, n’avaient pas et ne sauraient jamais avoir la gravité d’une condamnation trop sévère, par suite d’une précipitation intempestive ou d’un jugement inique rendu faute par la cour de s’être suffisamment informée?
Mais, en admettant qu’elles fussent goûtées, ces raisons ou d’autres à peu près de même nature, quelque plausibles qu’elles fussent, ne pouvaient, tout aut plus, que faire prolonger les délais. Or, ce n’était pas le compte des amis d’Archambaud. Le but qu’ils se proposaient n’était rien moins que d’emporter l’affaire, quels que fussent les obstacles qu’elle présentât. On ne s’étonnera donc pas si, pendant qu’on pratiquait les membres du parlement, on essayait aussi de circonvenir le roi ou du moins de gagner ceux qui étaient près de lui et qui pourraient le disposer à faire ce qu’on lui demanderait au premier moment favorable.
Immédiatement après son accident, on l’avait conduit à Creil (22). Un mois de repos et l’air pur qu’il respirait dans cette localité avaient, petit à petit, ramené le calme dans son esprit. C’était évidemment ce qu’on attendait avec impatience; car, dès le 7 septembre, c’est-à-dire presque aussitôt qu’on se fût aperçu qu’il recommençait à reprendre l’usage de ses facultés intellectuelles, on s’empressa de lui faire délivrer des lettres adressées au sénéchal de Périgord ou à son lieutenant, par lesquelles il déclarait que les domaines du comte, mis sous la main royale, à l’occasion du procès engagé entre lui, le chapitre de Saint-Front et la communauté de Périgueux, tout en restant séquestrés, seraient exploités et les revenus perçus par les soins des officiers de ce seigneur, jusqu’à Noël prochain venant, temps pendant lequel il était ordonné qu’il serait sursis au procès, à la condition néanmoins que le comte s’abstiendrait de toute voie de fait contre le chapitre et les habitants de Périgueux. Ce n’était pas sans doute une très grande faveur; mais ce changement officiel dans les dispositions du roi était un appel aux sympathies du parlement, d’autant que ce prince disait dans ces mêmes lettres que chacune des parties serait tenue d’envoyer alors (à Noël) « personne fondée suffisamment à comparoir par devant nous et noz amez et feaulx les gens de nostre grand conseil, pour illec traiter sur leurs débats et les mettre à accord, se faire se peut, et, ce non, pour procéder en nostredicte court de parlement ainsi que de raison sera (23). »
Ce premier succès auprès de Charles VI, en contribuant encore à mieux expliquer les lenteurs, les hésitations du parlement, permet aussi de se faire une idée des moyens employés pour tirer Archambaud de la déplorable position qu’il s’était faite, par son entêtement et son orgueil. Tout allait donc pour le mieux, et, pour achever l’œuvre si heureusement commencée, il n’y avait qu’à continuer de suivre la voie dans laquelle on s’était si heureusement engagé. C’était du moins ce que l’on pouvait croire. Aussi ne perdit-on pas de temps, et, le 29 novembre suivant, de nouvelles lettres, adressées par le roi au vicomte de Meaux, aux sénéchaux de Périgord, de Saintonge et d’Angoumois, en blâmant la conduite de Robert de Béthune et du sénéchal de Périgord, accordaient au comte une prolongation de sursis pour son procès, et de delai pour sa comparution. Cette pièce s’exprimait ainsi: « Nostre amé et féal cousin le comte de Pierregort nous a fait exposer que, sans ce qu’il ait aucune chose meffait ou offensé envers nous, nos gens ou subgiez, vous vicomte et séneschal de Pierregort, accompagnés de plusieurs gens, ses hommes et subgiez, estes allés, de fait appensé, en sa terre et en son pays, et, par force et violence, sans le appeller ou procéder par voie de justice, avez pris et encore détenez un de ses lieux, et ses gens avez occis et justiciez rigoureusement, contre raison et justice et en son estrange grief, préjudice et deshéritement, si comme il dit, requérant, sur ce, le remède de nostre provision, pour ce est-il que nous, pour certaines causes et considérations qui à ce nous ont meu, voulons et vous ordonnons que toutes ces choses et chacune d’icelles, d’une partie et d’autre, sursièent et demeurent en l’estat en quoy elles sont à pire (empirées) jusqu’au premier dymanche de caresme prochain venant, sans y plus avant procéder, par voye de fait ne autrement, durant le terme dessus-dit, et, dedans le jour de la Purification Nostre Dame prochain à venir, led. comte vendra, par devers nous ou y envoyera de ses gens, ayant pleine puissance de lui, pour nous pleinement informer du droit et de la justice qu’il se dit avoir es choses dessusdites (24). » Ces lettres sont fort importantes.
Elles font voir combien les partisans du comte avaient fait de chemin dans
l’esprit malade d’un roi, le jouet de ses courtisans.
Malgré les bonnes dispositions de Charles et malgré les promesses si solennellement faites par le comte, ce seigneur, comme cela devait être, ne se rendit pas à Paris, le jour de la Purification de la Vierge. Dans l’état où se trouvaient les affaires, c’eût été vraiment défier la fortune que d’entreprendre ce voyage, et ses amis avaient trop d’expérience des hommes et des choses pour le laisser s’exposer ainsi à des dangers que sa présence ferait incessamment renaître. Il resta donc en Périgord, sans même envoyer quelqu’un pour le représenter, ce qui n’eût pas empêché probablement que les excuses n’eussent abondé, pour justifier son absence, si toutefois l’état de santé du roi et les prochaines conférences de Leulinghen (25), dans lesquelles devait encore s’agiter la grande question de la paix entre la France et l’Angleterre, avaient pu laisser assez de loisir au conseil pour s’occuper des affaires intérieures, même de l’importance de celle du comte. Toutefois, il est vrai de dire qu’il ne reste rien de positif sur ce qui se passa, au sujet de ce procès, du premier dimanche du carême (23 février) à la mi-juin, époque à laquelle le roi retomba dans un nouvel accès de folie, qui dura, sans interruption, jusqu’à la fin de l’année, et ne lui permit par conséquent pas de reporter lui-même son attention sur les démêlés du comte avec Périgueux, pendant les six derniers mois de 1393.
En 1394, Charles V avait recouvré sa raison. Dès les premiers mois de cette année, une heureuse circonstance fournit à Archambaud une occasion toute naturelle de solliciter lui-même la bienveillance du roi. Dans le courant de 1390, Richard II d’Angleterre avait donné la Guienne en apanage à son oncle Jean de Gand (26), duc de Lancastre, sans que toutefois ce prince en pût aller prendre possession à cette époque. Son départ pour Bordeaux, toujours différé pendant quatre ans, avait été définitivement fixé au printemps de 1394; mais un incident, survenu au moment où il allait s’embarquer, le fit retarder de quelques mois (27). Il avait été précédé par Henri de Percy, son lieutenant, chargé sans doute de préparer les voies et de terminer les démarches commencées l’année d’auparavant par Jean Shakel. Dans cette occurrence, instruit des mauvaises dispositions des populations de Guienne (28) envers son oncle, le roi d’Angleterre, par Jean Shakel ou par Henri de Percy, écrivit non seulement aux villes et aux seigneurs du pays restés soumis à l’autorité anglaise, mais encore aux villes et aux seigneurs qui, sans reconnaître cette autorité, à laquelle ils s’étaient soustraits depuis la rupture du traité de Bretigny, se trouvaient pourtant situés dans la circonscription naturelle du duché, et qui, sans doute, par leur conduite équivoque, permettaient de supposer qu’il serait possible de les détacher du parti de la France. Par cette démarche, il espérait probablement concilier à son oncle l’affection des premiers et pousser les autres à se remettre sous l’obéissance du nouveau prince de Guienne. Le comte de Périgord était un de ceux qui semblaient ne plus tenir à la France depuis long-temps, et qu’on devait par conséquent espérer d’attirer facilement au parti contraire. Richard lui transmit donc un message qu’on serait tenté de croire être un message spécial (29). Mais, dans la situation où il se trouvait, Archambaud, sans doute à l’instigation de ses amis et conseillers, comprenant tout le parti qu’on pouvait tirer de cette pièce importante, au lieu d’abonder dans les vues du monarque anglais, la transmit immédiatement à Charles VI, en l’accompagnant d’une lettre de sa main, par laquelle, bien convaincu qu’il était de tout le plaisir que lui ferait cette démarche, il lui adressait une triple requête. Malheureusement ces deux précieux documents ne se retrouvent plus; mais on peut se faire une juste idée des prétentions du comte au moyen de la réponse du roi, que nous possédons, et dont voici la transcription:
« Conte de Pierregort, nostre amé et féal cousin, nous avons receu vos lettres, par vostre escuïer, Matrot Hélies, porteur de cestes (d’icelles) avec les lettres que nostre adversaire d’Angleterre vous a escriptes, et la créance, par escript, d’icelles lettres à vous exposée par Jehan de la Mothe, son message, ensemble la response que vous avez faicte, et une supplication a nous baillée de vostre part, par vostredit escuïer. Si sachiez que, en ce que lesdittes lettres de nostredit adversaire vous avez envoyées et (à) nous (avez) fait savoir ce qu’il vous a fait signifier, nous avons prins très grant plesir, et monstrez bien la bonne foy et loyauté que vous avez envers nous, ainsi comme tous-jours vous et vos progeniteurs avez eu, dont tant que plus nous sommes très contens de vous, et vous en savons très grant gré; et, pour ce qu’en laditte créance a contenu que plusieurs autres barons et nobles de nostre païs de Guïenne ont escript à nostredit adversaire qu’ils se veulent mettre en son obéissance et aussi que ledit nostre adversaire a envoyé sondit message devers vous et plusieurs autres qui point ne lui ont escript, pour savoir se vous et eux nous donneriez aide contre nostredit adversaire, quant est de vous, de qui très pleinement nous confions, nous tenons de certain que, ainsi comme toujours avez fait, vous ensuiverez vosdiz prédécesseurs, en gardant vostre loyauté envers nous, et, quant aux autres, nous vous prions que secrètement vous enqueriez qui sont ceulx qui ont escript à nostredit adversaire et aussi ceulx à qui il a envoyé sondit message, et d’iceulx, avec les nouvelles que vous en pourrez sentir, nous vueilliez certifier le plus brief que vous pourrez; et ceulx qui seront de vostre lignage ou ausquels vous aurez aucune affinité, vous vueilliez exhorter et induire qu’ils vueillent garder leur loyauté envers nous, car, à l’aide de Nostre Seigneur, quant nostredit adversaire vouldra aucune chose de nouvel entreprendre contre nous, nous y résisterons tellement que vous et tous nos bons subgiez en seront reconfortez et resjoïz. Et quant au dernier point de vostre requeste, contenant que nostre main soit levée de vos terres, nous, pour l’amour et affection que nous avons à vous, avons ordonné et voulons.... (30) nostre main vous recevez tous les fruiz et émolumens de vostredite terre, sans ce qu’aucun empeschement vous y soit mis, jusqu’à ce que autrement en soit, par nous, ordené. Quant a second point que nous fassions cesser et anuller le procès en quoy vous estes en nostre cour de parlement, comme vous savez, vous estes oudit procès, à la poursuite de partie, pour quoy, sans le consentement de laditte partie, ne s’en puet, selon raison et justice, aucune autrement faire. Et, quant au tiers point, que nous vous donnions licence que vous vous puissiez desdommagier, à forte main, contre voz subgiez, comme vous devez assez savoir, nous ne le pourrions faire, sauve justice, et seroit chose de dur exemple; mais toutes fois que, par devant nous ou en nostre cour, vous les vouldrez poursuir, nous vous ferons d’eulx si bon et si brief droit, que vous aurez cause d’en estre content, et autre response ne vous poons faire, sauve raison et justice, esquelles nous sommes tenuz à tous nos subgiez.
Donné à Paris, le 26e jour de juing (31). »
Si elle avait été accueillie, la triple demande d’Archambaud était de nature non seulement à réparer les échecs qu’il avait éprouvés, mais encore à lui faire une position au moins égale à celle de son père, dans ses plus beaux jours de succès. Sans doute il y avait beaucoup de hardiesse dans son procédé; mais, à tout prendre, il ne faisait que profiter de la position, en homme sinon habile, du moins bien conseillé (32). Le service qu’il rendait à la couronne était des plus importants, et méritait bien, en échange, des faveurs plus qu’ordinaires. C’était du moins ainsi que pouvaient et devaient raisonner ceux qui le poussaient dans cette voie. Leur attente, comme on vient de le voir, fut complètement trompée, et Charles VI ne crut pas devoir payer, par une triple injustice, la démarche du comte, qui, tout bien considéré, paraissait dictée plutôt par des sentiments personnels, étroits et rancuneux, que par l’élan généreux d’un patriotisme ardent et d’un dévouement sincère au trône de France. Aussi, loin de le satisfaire, cette réponse ne fit qu’irriter davantage ce seigneur. Cela résulte formellement de sa conduite ultérieure. Mais, avant d’aller plus loin, voyons ce qui se passait au parlement.
Quoique lente à expédier les affaires de la nature de celle-ci, cette cour n’en avait pas moins toujours marché vers le but qu’elle se proposait en tout temps: le châtiment du crime et la protection du faible. Les intrigues avaient pu produire des retards, faire naître des incidents; mais elles n’étaient pas allées jusqu’à interrompre le cours de la justice. Les amis du comte le savaient bien, et si, dès le principe, ils avaient obtenu qu’on multipliât les remises; si, plus tard, ils étaient parvenus à intéresser le roi à la question, c’était évidemment moins dans le but de différer la conclusion d’un procès odieux que dans l’espoir de soustraire, avec le temps, leur protégé à l’action de la loi; ou bien encore avaient-ils supposé qu’en faisant traîner l’affaire en longueur, ils amèneraient les adversaires à proposer, si l’on veut même à accepter, un arrangement, et qu’un accord homologué par le parlement mettrait fin à une querelle que tout supposait devoir être funeste à Archambaud, si elle ne se terminait pas à l’amiable ou par toute autre voie extrajudiciaire.
Cependant le long sursis obtenu en 1392 s’était écoulé, et le mois de mai 1393 était arrivé sans que l’état du procès se trouvât en rien changé. Le 12, l’affaire appelée de nouveau, un troisième défaut avait été donné, et un quatrième ajournement, lancé contre les accusés, avait renvoyé la cause au 4 août, sans qu’ils eussent aucunement cherché à prévenir les conséquences de leur insoumssion obstinée (33). Le délai fatal venait d’expirer, et la cour réunie se disposait à les déclarer contumaces, pour la quatrième et dernière fois, lorsqu’un incident qu’on pourrait croire avoir été calculé à l’avance, mais dont la cause était réelle, comme on le verra plus tard, fit suspendre la décision sur le point d’être prise, et renvoyer l’audience au 8 du même mois. Cet incident eut pour cause l’apparition, aussi tardive qu’inattendue, d’un ami d’Archambaud, du nom d’Aimeric de La-Roche, damoisel, l’un des co-possesseurs du château de Brusac (34), qui se présenta comme fondé de procuration du comte, et déclara, sous la foi du serment, qu’il avait laissé ce seigneur dans son château de Montignac, cassé, infirme, débile, et qu’il venait, par son commandement, devant la cour, aux ordres de laquelle il n’avait pu ni osé se rendre lui-même, à cause des nombreux périls incessamment suspendus sur les têtes des voyageurs, au milieu des courses continuelles des ennemis, qui, malgré les trêves, portaient partout la terreur et le pillage, la priant d’agréer les excuses de celui qu’il représentait devant elle, et de croire à la validité de ses empêchements (35). Le 8 arrivé, la cour ne se contenta ni des unes ni des autres, et prononça le quatrième défaut; mais, après cette déclaration, soit effet des circonstances, soit conséquence d’intrigues restées inconnues, elle laissa encore s’écouler trois ans et demi avant de se décider à rendre son jugement définitif. Ce qui porterait à croire cependant que les intrigues contribuèrent, par dessus tout, à faire différer si longtemps cet arrêt, c’est que les graves événements, accomplis dans les sept mois qui suivirent, ne purent pas altérer la bienveillance du roi pour le comte, ou du moins trouvèreat un contre-poids dans la démarche que ce seigneur fit auprès du monarque, à l’occasion de la lettre que lui avait écrite Richard d’Angleterre.
Voici d’assez importants détails relatifs à ces événements.
Vers la fin de 1393, entraîné sans doute par la turbulence de son caractère non moins que pressé par les besoins de sa position, et persuadé peut-être que désormais l’état de la santé du roi ne lui permettrait plus de s’occuper de ce qui se passait en Périgord, très probablement aussi déjà pleinement instruit des intrigues qui se tramaient en Angleterre au sujet de l’apanage du duc de Lancastre, et désireux de profiter de la circonstance, malgré l’assertion d’Aiméric de La-Roche en face delà cour, Archambaud, loin de rester tranquille dans son château de Montignac, et de s’y tenir à l’abri des courses des ennemis de la France, se livrait ou du moins permettait qu’on se livrât, en son nom, au désordre et à la violence comme par le passé; en sorte qu’au commencement de 1394, les plaintes contre lui étaient devenues si générales, si pressantes, qu’il fallut de nouveau avoir recours à la force pour mettre un terme aux maux qui désolaient le pays. Dès le 20 février, le roi écrivit au sénéchal, Jean d’Arpedène, pour lui faire savoir qu’il avait été informé, par le maire et les consuls de Périgueux, que, nonobstant les trêves, Archambaud commettait chaque jour plusieurs détestables crimes, etc., et lui enjoindre de signifier et faire commandement à ce seigneur qu’il ne fît procéder par voie de fait contre les exposans, avec ordre, si besoin était, d’employer contre lui la voye des armes (36). Peu de temps après, ce sénéchal et le vicomte de Meaux, en compagnie de Guillaume de Tignonville, conservateur des trêves en Guienne, à la tête de 200 hommes d’armes et de 150 arbalétriers, se rendirent à Montignac, pénétrèrent dans la ville, s’y établirent et se mirent en devoir d’assiéger le château. On était alors à la fin d’avril, comme nous l’apprennent des lettres de Robert de Béthune, portant la date du 27 de ce mois, adressées au maire et aux consuls de Périgueux, et qui s’expriment ainsi : « Nous vous mandons et commandons, de par le roi.... que vous nous envoyez prestement au lieu de Montignac, où nous sommes logés, toutes les gens, de quoi vous pourrez finer (faire réunion), c’est assavoir massons, pis, hoyaux, marteaux, charpentiers et tous autres hommes défensables à (sachant se servir de) hasches, coignées et tous leurs hernois quelconques, canons, cordes, artillerie et tous autres artifices que vous avez (37). »
Indépendamment de ce secours demandé officiellement, la ville et la cité avaient déjà fourni un contingent , parti avec les troupes royales, sous la conduite d’Aimeric de Chabannes, et, en arrivant à Montignac, établi devant le château, en face la porte de fer (38), Le siège ne fut pas poussé à bout. En voyant les préparatifs qu’on faisait contre lui, Archambaud crut prudent d’entrer en pourparlers. Le 15 mai, il transigea, et prit l’engagement formel que, de cette époque au 15 du mois d’août, il aurait fait vider toutes ses forteresses par les malfaiteurs qui les occupaient, et qu’il donnerait à garder Roussille, Auberoche et Bourdeille à des gens qui s’engageraient, par serment, à les maintenir sous l’obéissance du roi. Il promit en outre que désormais il ne permettrait plus aux garnisons de ces châteaux ni d’autres à lui appartenant de commettre le moindre désordre, le moindre dommage sur le pays du roi (39). Cette manière de s’exprimer, les noms des capitaines par lui désignés, qui, sans être aussi mal famés que beaucoup d’autres, avaient cependant pour principal mérite de lui être dévoués corps et âme (40), le soin qu’il prit de ne pas les faire comparaître, tout contribuait à inspirer des défiances à ceux qui traitaient avec lui. Cependant, par des motifs entièrement personnels, selon toute apparence (41), Robert de Béthune, le sénéchal de Périgord et Guillaume de Tignonville se contentèrent de cette déclaration, et s’engagèrent à lui rendre le lieu de Montignac et ses autres domaines, à ne rien négliger pour faire accorder des lettres de rémission à ceux de ses serviteurs qui jureraient d’être bons et loyaux envers la couronne, et à consacrer tous leurs efforts à le faire rentrer lui-même dans les bonnes grâces du roi, qui désormais lui aiderait à garder ses forteresses. Cette façon de procéder, la facilité avec laquelle les trois représentants de l’autorité royale avaient adhéré aux offres d’Archambaud, et l’empressement qu’ils mirent à quitter le pays, pour revenir à la cour, après avoir donné au comte des garanties et lui avoir fait les promesses les plus rassurantes, tout cela parut suspect.
Le roi et le duc d’Orléans leur firent mauvais accueil presque jusqu’à la disgrâce (42). Ils les blâmaient d’autant plus justement, que les événements ne permettaient de voir dans leur conduite qu’une grande légèreté ou une trahison flagrante. En effet, à peine avaient-ils quitté le pays, que le comte se fit un jeu de ses engagements, et n’en tint pas un seul, tandis au contraire que s’ils étaient restés quelque temps de plus à Montignac, non seulement ils l’auraient forcé à ne pas manquer à ses promesses, mais encore ils se seraient certainement rendus maîtres de sa personne, attendu qu’au moment même où ils se retiraient, Bernard de Petit, alors maire de Périgueux, se trouvait en mesure de répondre à l’appel qu’ils avaient fait quelque temps auparavant à la communauté (43), et se disposait à leur conduire des secours en hommes, en argent et en machines (44). Cependant la mauvaise humeur de Charles ne fut pas de longue durée. Le message qu’il reçut du comte quelques jours après, et dans lequel se trouvait la lettre du roi d’Angleterre, en dissipant le nuage, permit aux amis d’Archambaud de reprendre leurs démarches, et d’agir si bien et si à propos, qu’en peu de temps ils eurent ranimé, dans ce monarque, toutes les bonnes dispositions qu’il avait déjà manifestées en faveur de leur client; et il dut bientôt être démontré pour les Périgourdins que l’esprit faible du roi était trop bien circonvenu pour qu’ils pussent désormais espérer d’obtenir justice sans d’énormes difficultés.
Il est vrai qu’ils avaient un appui tout naturel dans le duc d’Orléans; mais il fallait que ce prince, essentiellement futile, prît à cœur leur affaire et confondît, pour ainsi dire, leurs intérêts avec les siens. En effet, dans l’occurrence difficile qui se présentait, il ne leur suffisait plus de la bonté de leur cause; il était aussi nécessaire de faire valoir, avec force et persévérance, toutes les raisons qui militaient en leur faveur. Fort heureusement le prince, qui leur avait déjà rendu quelque service, depuis l’origine de ce procès (45), se trouvait dans une position telle, qu’il lui était à peu près impossible de ne pas les seconder avec chaleur; car, indépendamment de ce qu’il avait à lutter contre ses oncles, jaloux de son influence sur le roi, son frère, et dont l’un, comme on vient de le voir, était le défenseur obligé du comte de Périgord, il lui importait essentiellement, comme comte d’Angoulême, de voir disparaître au plus tôt le foyer de désordre et de révolte, contre l’autorité royale, qu’Archambaud entretenait, depuis si longtemps, dans le voisinage d’une partie de ses domaines. Il connaissait d’ailleurs parfaitement l’affaire par les rapports antérieurs qu’il avait eus avec le maire et les consuls de Périgueux (46). Aussi, grâces à tant d’heureuses circonstances, non seulement sa bienveillance ne leur fit pas défaut, mais môme elle se trouva, par le fait, leur être acquise d’avance. C’est pour cela sans doute que nous l’avons vu dès le principe agir dans leur intérêt. Il en fut de même dans tout le cours du procès. Il ne cessa jamais de les protéger de son crédit et de son pouvoir. On reconnaît l’heureux effet de son influence protectrice jusque dans la lettre du roi, rapportée plus haut. La sévérité des principes qui concourent à la rédaction de cette lettre est trop nette et trop ferme dans la manière de s’énoncer, pour qu’on puisse douter de son origine. On voit au premier coup d’œil qu’un ami de Périgueux a passé par là, et qu’il a su inspirer la pensée royale, de manière à ne l’engager en rien vis-à-vis d’Archambaud. Le duc d’Orléans pouvait seul procéder de la sorte.
Comme on l’a vu plus haut, la réponse du roi, loin de satisfaire le comte, ne fit que l’irriter. Il n’avait pour ainsi dire jamais cessé les hostilités; mais, à la suite de cette réponse, elles eurent une véritable recrudescence qui motiva la lettre du maire et des consuls de Périgueux au duc d’Orléans signalée déjà, dans laquelle ils exposent à ce prince les maux auxquels ils sont en butte et les violences continuelles que le comte exerce contre eux, le suppliant de les aider auprès du roi, et de faire en sorte qu’ils obtiennent un bon arrest à rencontre dudit comte et de ses complices (47). Du reste, il faut le reconnaître, les doléances du maire et des consuls n’étaient que trop fondées, et il y a vraiment tout lieu de s’étonner qu’elles ne se manifestassent pas plus vives, plus pressantes, surtout quand on a lu des lettres patentes du roi, relatives au dénombrement de Périgueux, portant la date du 26 février 1395, dans lesquelles il est, dit que le nombre des feux a été extrêmement diminué depuis vingt ans ença par les grandes stérilités, mortalités et guerres, par les grandes pilleries des ennemis et les rompeurs de trêves, etc. (48).
On ne trouve pas de détails sur les hostilités pendant le cours de 1395; du moins les documents de l’époque n’en fournissent pas comme pour les années précédentes; ce qui, de prime abord, autoriserait à penser que la lutte fut moins vive que par le temps passé. Cependant, comme l’animosité de part et d’autre ne diminuait pas, après un peu de réflexion, on aurait de la peine à croire que les deux partis s’en fussent tenus à s’observer mutuellement. Cela est d’autant moins probable, qu’une sommation ayant été faite à la communauté d’avoir à payer au comte les vingt livres qu’elle lui devait annuellement à Noël, le maire et les consuls s’y refusèrent (49), et qu’on va voir le mal acquérir une nouvelle intensité en 1396. Il faut donc admettre que, si les renseignements nous manquent, c’est moins parce que les entreprises furent plus rares que parce qu’elles furent d’une autre nature que celles des années précédentes. Quant à la municipalité de Périgueux, ce n’était pas seulement avec le comte qu’elle avait des démêlés, mais avec tous ceux dont ses privilèges gênaient les prétentions. Cette même année 1395, elle fut obligée de solliciter du roi des lettres patentes pour contraindre le sénéchal de Périgord à la laisser exercer paisiblement son droit de justice, que ce fonctionnaire lui contestait (50). Depuis sa lettre du 26 juin 1394, Charles VI n’avait plus eu de rapports directs avec le comte de Périgord. Par suite du mariage de sa fille Isabel avec Richard, les inquiétudes qu’il pouvait avoir conçues à l’égard des seigneurs de la Guienne s’étaient à peu près évanouies; en outre, son état de santé, pendant le cours de 1395, ne lui permettait pas de prendre soin de son royaume. Les démêlés d’Archambaud avec Périgueux, les chapitres et Guillaume de Botas, ne pouvaient donc attirer son attention. Rien d’ailleurs n’autorise à supposer qu’on ait essayé d’obtenir de lui quelques nouvelles lettres, au moyen desquelles ce seigneur pût encore paisiblement continuer ses déprédations. Mieux portant en 1396, il n’eut cependant pas le loisir de se distraire des affaires publiques, et ne cessa de se partager, jusqu’au mois de septembre, entre le besoin d’apaiser les querelles religieuses qui agitaient la France, les préparatifs de son entrevue avec le roi d’Angleterre et les conférences qu’il eut avec ce monarque, avant de lui remettre la jeune Isabel (51).
On se souvient qu’en 1393, Aimeric de La-Roche avait déclaré à la face du parlement qu’il avait laissé Archambaud malade à Montignac. Quoique la déclaration d’Aimeric n’eût point été admise par cette cour, elle n’en était pas moins réelle, comme il a déjà été dit. Le mal avait même marché, depuis lors, avec une telle rapidité, qu’en 1396 (52) il était devenu incurable. Mais l’état de langueur et de dépérissement où se trouvait le comte, loin d’arrêter les désordres et les déprédations des bandes à sa solde, semblait au contraire exciter leur cupidité et leurs violences. L’année 1396 fut déplorablement mémorable par les ravages qu’elles commirent et les excès, en tout genre, auxquels elles se livrèrent. Elles débutèrent par une de ces audacieuses entreprises, par un de ces téméraires coups de main qui leur étaient si familiers depuis quinze ans, et dont le pays avait si cruellement à souffrir.
Le château de Caussade, comme on ne l’a pas oublié, avait été assiégé par la garnison d’Auberoche en 1386 (53), et les crimes qu’elle avait commis durant ce siège avaient été cause que ce château, dont elle n’avait pas pu se rendre maîtresse, avait été placé depuis sous la sauvegarde du roi. Malgré cette sauvegarde, vers l’Epiphanie, cette même garnison, étant revenue inopinément à la charge, s’empara violemment du manoir convoité, en blessa et fit prisonnier le commandant (54), et le conduisit à Auberoche, où il fut enfermé dans une étroite prison, ainsi que ses frères et ses cousins, qui étaient avec lui (55), et, après avoir été mis à la torture, pendu ignominieusement, malgré son appel au roi. Cet odieux exploit et le déplorable résultat qu’il avit eu remplirent d’indignation tous les cœurs honnêtes. Des plaintes furent portées au pied du trône, si vives, si pressantes, qu’au mois de septembre, le roi crut devoir donner l’ordre d’arrêter les coupables, partout où on pourrait les rencontrer, les lieux saints exceptés, et de les conduire devant le juge royal le plus voisin (56).
Ce grief ne figure pas au nombre de ceux qu’on trouve énoncés dans les arrêts de 1397 et 1399; mais les lettres du roi, avec exprès commandement de se saisir des coupables, pour être jugés, et une procuration de 1399, relative à Mosnier, ayant pour but de faire actionner Archambaud et de le contraindre à payer 39 l. (57), prouvent suffisamment qu’au lieu d’avoir été négligé, il fut l’objet de poursuites toutes spéciales, commandées sans doute par la nature du crime et différentes autres circonstances demeurées inconnues. Du reste, cet horrible guet-apens fut le signal des excursions dévastatrices, des pilleries et des cruautés, par lesquelles toutes les garnisons des châteaux du comte se signalèrent à l’envi, durant le cours de cette année, et qui se multiplièrent d’une manière si effrayante (58) vers le temps où Charles VI ordonnait de poursuivre les meurtriers de Mosnier, que ce prince et son parlement durent s’en émouvoir et prendre la résolution d’en finir avec ce seigneur, afin que son châtiment servît d’exemple. Il est à présumer pourtant que les démarches du duc d’Orléans, dont nous connaissons les bonnes dispositions pour Périgueux, et la faveur dont il jouissait, ne furent pas sans influence, dans cette détermination. Mais, comment qu’il en fût, il est certain que cette affaire, restée en état, depuis plus de trois ans, attira de nouveau l’attention, et qu’elle fut reprise, sinon dès la fin de 1396, du moins au commencement de 1397 (59).
C’était se résoudre un peu tard à frapper le crime et la révolte; mais, précisément parce qu’on avait tant tardé, on n’en montra que plus de fermeté dans l’exécution.
N’ayant plus rien qui l’entravât dans son allure, le parlement se réunit en audience solennelle le 3 février 1397, et rendit son jugement de la manière suivante:
« Sur les conclusions du procureur général, du maire, des consuls, de la communauté de Périgueux et de Guillaume de Botas, et par suite des quatre défauts prononcés contre les accusés, Archambaud et ses complices sont déclarés coupables de tous les crimes à eux imputés, avec la clause expresse qu’il ne leur sera jamais loisible de dire ou de faire, sous quelque prétexte que ce soit, rien qui leur permette de recommencer le procès. En conséquence, la cour les condamne, chacun solidairement et pour le tout, à réintégrer la sauvegarde royale, avec restitution à Guillaume de Botas de ses héritages, ensemble et de leurs revenus, depuis leur occupation jusqu’à ce jour; à fonder, dans la ville ou dans la cité de Périgueux, deux chapelles ou chapellenies, garnies de tout le matériel nécessaire pour l’exercice du culte, avec trente livres parisis de rente annuelle et perpétuelle chacune, dans lesquelles les offices divins seront célébrés pour le repos et le salut des âmes de ceux qui périrent, par leur fait ou par leur faute, et dont la collation appartiendra au roi et à ses successeurs à perpétuité; de plus, à payer aux maire, consuls et communauté, et à Guillaume de Botas, tant pour leurs biens pris, pillés et dévastés, que pour injures, dommages-intérêts et dépenses, la somme de trente mille livres tournois, et, s’ils peuvent être trouvés et appréhendés, à rester en prison jusqu’à ce qu’ils aient pleinement satisfait à toutes ces choses. Elle ordonne en outre que, d’abord et avant toute confiscation, il sera prélevé sur les biens des complices de quoi fonder et doter les deux chapellenies et de quoi faire face aux autres condamnations sus-énoncées. En ce qui concerne la vindicte publique, et pour satisfaire à la requête du procureur général, la cour, à l’exception du moine, qu’elle ne déclare solidaire qu’en tant qu’il s’agit des condamnations civiles, bannit à perpétuité du royaume de » France Archambaud et ses complices, et déclare à jamais confisqués les biens qui leur resteront, après satisfaction faite aux peines civiles qui leur sont imposées (60). »
Conçoit-on que ce jugement, si nettement motivé et si solennellement rendu, n’ait pas été une seule fois, je ne dirai pas cité exactement, mais rapporté à sa date précise? C’est pourtant ce qui est arrivé. Volontairement ou par ignorance, les historiens et les généalogistes qui se sont occupés de cette affaire ont dénaturé les faits, altéré les dates, avec un soin si minutieux, qu’on serait tenté de croire qu’ils avaient intérêt à procéder de la sorte (61); car il est impossible d’admettre qu’ils n’en avaient pas connaissance, puisque, indépendamment de l’original, conservé dans les archives de l’ancien parlement de Paris, et de sa transcription dans les registres de cette cour (62), il en existe aux archives de Pau sept exemplaires, soit en vidimus, soit en expéditions authentiques, sans compter différentes copies qui se trouvent à Périgueux ou ailleurs.
(1) On trouve aux arch. du roy., reg. du tr. des ch., coté 116, pièce 44 des lettres de rémission en faveur d’un certain Huguenin Lebeau, qui rapportent qu’en décembre 1369, 1e lundi de la semaine devant Noël, passa dans les environs de La-Ferté-sur Aube une compagnie de Bretons, de Gascons et autres, dont le capitaine s’appelait Naudonnet de Périgord. Ce pouvait être son père, comme ce pouvait être lui-même; car, dans l’information de 1392, il est aussi appelé Naudonnet de Périgord.
(3) Dans l’arrêt de 1399, on voit figurer un Arnaud Durat, aussi capitaine de Bourdeille, et Jean Durat, qui pouvaient être ses frères ou ses fils.
(4) Bibl. du roi. Papiers Lépine, cart. des comtes de Perigord. Extrait des arch. de la M. de ville.
(11) Sans qu’il fût aucunement question des amours romanesques du fils d’Archambaud pour sa fille.
(13) On ne dit pas depuis quand le comte s’était emparé du domaine que Guillaume de Botas avait à Bourdeille; mais il est à croire que cette spoliation remontait au moins au temps où Guillaume était maire probablement à l’époque de l’exécution du Bretonnat, et que c’était une représaille exercée contre lui par Archambaud.
(15) On voit par les registres du parlement et les autres documents judiciaires qui nous restent qu’on était alors dans l’usage de donner quatre défauts, de procéder à quatre enchères, et ainsi de suite, avant de rendre un arrêt définitif, de prononcer un décret d’adjudication, etc. C’est ce dont on pourra se convaincre dans le cours de cet ouvrage.
(18) Supplément au Recueil de titres, etc., p. 94.
(19) Juvénal des Ursins , Histoire de Charles VI.
(20) L’expression maintenir en état correspond à la locution accorder une remise, dont on fait plus particulièrement usage aujourd’hui.
(22) Petite ville du Valois, aujourd’hui département de l’Oise.
(23) Bibl. du roi. Coll. Doat, vol. 244; Périgord, t. 3, fol. 104.
(24) Bibl. du roi. Papiers Lépine, cart. des comtes de Périgord. Tiré des arch. de Pau.
(25) Petite ville de l’Artois, aujourd’hui département du Pas-de-Calais.
(26) Les auteurs écrivent Jean de Gaunt; mais M. Jules Delpit, qui a étudié sur les lieux les documents anglais, prétend qu’il faut lire Gannt, parce que ce prince naquit à Gand. Voir, au sujet des doubles n, ce qu’il dit: Documens français, Avant-Propos, p. vi.
(27) La mort de la reine Anne de Luxembourg.
(28) II y eut des négociations assez longues. Voyez le Catalogue des roles gascons, etc. t.1.; et Rimer, t. 3, partie 4, passim.
(29) Voyez plus bas la réponse de Charles VI au comte de Périgord, qui prouve que ce seigneur avait cependant répondu au roi d’Angleterre.
(30) Dans cet endroit, le parchemin est rongé. Il devait y avoir que de.
(31) Arch. de Pau. Cette date sans indication d’année présente une difficulté; mais, comme il n’est pas possible de placer cette lettre en juin 1393, époque où le roi était malade, comme elle ne concorderait pas avec les événements si on la supposait de 1392, j’ai dû me décider pour 1394, qui permet de tout concilier.
(32) Par tout ce qui précède, ou a pu reconnaître qu’Archambaud était un homme très ordinaire, qui faisait tout par boutade et sans suite. Il est donc a présumer que, dans cette occurrence, il fut aidé des lumières de ceux qui l’entouraient et en qui il avait confiance.
(34) Le château de Brusac avait donné son nom à une paroisse qui n’existe plus depuis long-temps.
(37) Bibl. du roi. Papiers Lépine, cart. des comtes de Périgord. Tiré des arch. de la M. de ville.
(38) Fragments, etc. Je n’ai pas pu savoir dans quelle direction était placée cette porte de fer.
(39) Preuves, p. 4. Cet engagement diffère de ce qui était consigné dans les registres de l’hôtel-de-ville de Périgueux, où on lisait que le comte s’engagea à ne faire dommage aux sujets du roi ni aux habitants de Périgueux, et qu’il donna deux mille francs pour les dépenses faites par la petite armée qui avait occupé Montignac. Fragments, etc.
(40) La suite du récit fera voir de quoi ils étaient capables.
(41) Les Fragments, etc., disent qu’en arrivant à Montignac, le vicomte de Meaux avait arboré l’enseigné du duc d’Orléans. En acceptant ce fait comme vrai, le seul moyen raisonnable de l’expliquer, ce serait de dire que ce vicomte, le sénéchal de Périgord et Guillaume de Tignonville étaient partisans du prince, qui, depuis deux ans déjà, avait pris en haine le duc de Bourgogne; car il n’est pas possible d’admettre l’opinion de ceux qui font convoiter le comté de Périgord par ce frère du roi, encore bien jeune et tout entier au plaisir, pour le réunir au comté d’Angoulême, dont ils prétendent qu’il était déjà possesseur, puisque ce comté ne lui fut donné que près de cinq mois plus tard (6 octobre 1394). (Arch. du roy. Tr. des ch,, cart. 359, n° 21.) Mais il y a plus; si cette convoitise avait existé dans l’esprit de Louis ou de son conseil, on n’eût pas commis la maladresse de la dévoiler en arborant ou en faisant arborer son enseigne dans une pareille occurrence. Ce qui probablement a inspiré l’opinion qu’on a émise à ce sujet, c’est qu’en outre du fait de l’enseigne arborée, on a trouvé aussi une correspondance de la ville avec le prince, dont on n’a pu se rendre compte. Il en sera question plus bas.
(42) Fragments, etc. On voit encore apparaître ici le duc d’Orléans avec une manifestation de mauvaise humeur contre les trois représentants de l’autorité royale, qui semblerait confirmer l’opinion émise sur son compte; mais n’est-il pas aussi naturel de penser que ce prince, dont les oncles du roi étaient jaloux, à cause de l’influence qu’il exerçait sur l’esprit de son frère, protégeait la ville par opposition au duc de Berry, dont l’alliance avec la maison d’Armagnac faisait un ami naturel de la maison de Périgord, comme on le verra plus tard? Une lettre du maire et des consuls de Périgueux, dont il va bientôt être question, ne permet pas de douter des rapports existant entre ce prince et eux. Le vicomte de Melun n’éprouva cependant pas une disgrâce; car, en juin, il avait mission d’aller en Angleterre, pour traiter la paix. (Rimer, t. 3, part. 4, p. 99.)
(44) Fragments, etc. Le Livre noir dit, en effet, que Bernard de Petit était maire en 1394.
(45) Voyez la note suivante.
(46) La lettre que le maire et les consuls lui écrivirent vers la fin de cette année, et dont il va être parlé tout-à-l’heure, dit expressément qu’ils lui en avaient adressé une autre antérieurement, peut-être à la suite de la composition du vicomte de Meaui et de ses collègues avec Archambaud. Ce fut là sans doute la cause du mauvais accueil que le prince ût à ce vicomte lorsqu’il reparut à la cour. Il est à croire cependant que les relations de ces officiers municipaux avec le frère du roi dataient de plus loin, et qu’elles remontaient à l’époque où il y eut scission entre lui et ses oncles.
(48 ) Recueil sommaire des titres, etc.. p. 68.
(49) Bibl. du roi. Papiers Lépine, cart. des comtes de Périgord. Extrait des arch. de la M. de ville. Les 40 1. de rente, dues au comte par la communauté, n’étaient pas payées depuis six ans, en février 1398. (Preuves, p. 37.)
(50) Recueil de titres, etc., p. 236. Il n’est pas facile de dire si les démêlés entre la communauté et Taleyrand de Périgueux, habitant de la cité, dont il sera question plus tard, commencèrent cette année-là ou l’année suivante. Il est assez probable pourtant qu’ils ne remontaient pas au-delà de cette époque, et voici pourquoi: En 1394, Taleyrand était consul pour la cité, et il avait pu voir de près tout ce qu’il y avait d’énergie et d’indignation dans les poursuites exercées par la municipalité contre Archambaud V. Comme sa famille devait beaucoup aux comtes, dont elle était un peu parente, il est à croire qu’il dut se décider dès-lors à prendre parti pour l’adversaire de Périgueux, ou plutôt que le comte, qui avait pris soin de son éducation, lui reprocha son ingratitude, en l’accusant de faire cause commune avec ses ennemis, ce qui sans doute lui fut très sensible et l’excita à faire défection à la communauté. Quoi qu’il en soit, voici ce qu’on lit dans le 13ème reg. du criminel (arch. du roy., sect. jud.) : « Taleran fu serviteur et chambellan du feu conte de Peregort, et le servoit et aidoit et confortoit, en disant que ledit comte estoit prince de Peregort et qu’il n’y devoit avoir point de séneschal, fors à la voulenté dudit conte.... Taleran tenoit les séaulx, et a séellé les saufconduiz, ou fait de la guerre contre le roy, et prenoit le chambellage, sachant que, de par le roy, estoit ce défendu, et tout ce est trouvé, par information, et doit Taleran savoir les secrez du conte plus que nul autre. »
(51) Elle était dans sa huitième année.
(52) Il mourut au commencement de 1397.
(54) Il était de Thiviers, et s’appelait Guillaume Mosnier.
(55) Fragments, etc. Il y est même dit que l’un des frères fut blessé.
(57) Arch. de la M. de ville.
(58) Cette série de crimes ne se trouvant énoncée que dans les motifs de l’arrêt de 1399, il n’en sera question, d’une manière détaillée, que dans le second livre.
(59) L’arrêt ne fut rendu qu’en 1397. (N. S.)
(60) Preuves, p. 28 et suivantes.
(61) Voici comment s’exprime Lagrange-Chancel, qu’on s’est si souvent plu à citer: « II fut pris par le comte de Meaux, en 1395, condamné, le 17 avril 1398, à perdre son comté et la vie. Le roi lui fit grâce de la vie. Le comte se retira en Angleterre, où il mourut. »
Comme on voit, il n’y a pas un mot de vrai dans tout cela. Dans l’Histoire généalogique et chronologique de la maison royale de France, des pairs et des grands officiers de la couronne, le père Anselme et ses continuateurs ont adopté l’opinion de Lagrange-Chancel. Les auteurs de l’Art de vérifier les dates renchérissent encore là-dessus. On lit, t. 2, p. 385 : « Trop faible pour tenir la campagne, il se renferma dans le château de Montignac, où il soutint un siège de deux mois. Après des efforts de valeur, il fut obligé de céder à la force et de se rendre. Conduit à Paris, le parlement instruisit son procès. Comme rebelle, il fut condamné au bannissement, par un premier arrêt, en 1395; et par un second, en 1398, à perdre la tête et son comté, objet de la cupidité du duc d’Orléans, qui, feignant au-dehors d’autres sentiments, eut l’air de favoriser le comte de Périgord, en lui donnant de l’argent pour passer en Angleterre. Il y mourut l’année suivante. » Comme on voit, c’est Lagrange-Chancel enjolivé. Cependant, il y a quelque chose de vrai: c’est le siège; seulement, il fut soutenu trois ans plus tard, par son fils, et non par lui. Saint-Allais, auteur du Précis historique sur les comtes de Périgord, Paris, 1836, a copié l’Art de vérifier les dates. M. l’abbé Audierne, dans son Précis historique sur la ville de Sarlat, Calendrier du département de la Dordogne, de 1838, p. 260, place sa condamnation au 18 avril 1398, et ainsi de suite. Tous sont tombés dans des erreurs matérielles qu’on ne peut pas s’expliquer.
(62) Arch. du roy., sect. judiciaire.
CHAPITRE 1er.
D’ARCHAMBAUD V; OCCUPATION DU COMTE PAR
ARCHAMBAUD VI; SA CONDUITE
1397.
Archambaud V, qui depuis des années ne sortait plus de Montignac, ne survécut pas longtemps au jugement rendu contre lui, si toutefois il était encore de ce monde quand ce jugement fut prononcé. Il y a tout lieu de croire cependant qu’il n’était pas mort au commencement de février 1397; car à Paris, le 15 mars suivant, son existence n’était même pas mise en doute (1). Mais il est à présumer qu’il avait cessé de vivre à la date du 15 mars, attendu que son fils, absent du Périgord au moment de son décès, n’y revint qu’environ deux mois après, et qu’il était en possession du comté dès avant le 28 avril (2).
Quand la mort vint le frapper, Archambaud V avait à peine cinquante-sept ans. C’eût été un âge peu avancé pour un homme doué d’une constitution ordinaire, sachant ménager sa santé, et dont la vie n’aurait pas été en butte aux plus violentes passions (3).
Pour lui, au contraire, c’était déjà la vieillesse, vieillesse anticipée, il est vrai, mais d’autant plus réelle qu’elle avait pour cortège de nombreuses infirmités dont il avait été assailli longtemps auparavant (4).
Ces terribles avant-coureurs d’une fin prématurée, ces rudes atteintes de la fatale destinée qui depuis plusieurs générations s’était appesantie successivement sur tous les membres de la famille (5), imposent toujours le respect et l’admiration à l’intelligence humaine. Il semble en effet que la Providence avait voulu faire pressentir à tous que le temps approchait ou cette race épuisée succomberait sous sa stérilité.
Archambaud V avait épousé Louise de Masta (Mathas), le 11 février 1359 (6). De ce mariage étaient nés:
1° Eléonore, mariée, du vivant de son père, à de Clermont, vicomte d’Aunay, seigneur de Mortagne;
2° Archambaud, connu sous le nom d’Archambaud l’impuissant, qui prit le titre de comte après lui, mais qui ne fut jamais reconnu comme tel par le roi de France;
3° Brunissande, qui, dans la suite, épousa Jean-l’Archevêque, seigneur de Parthenay;
4° Un second fils mort jeune, dont le nom n’est pas connu (7);
5° Et des filles, dont on ne dit pas le nombre, également mortes jeunes (8).
Au moment de sa mort, le comte n’avait auprès de lui que deux ou trois de ses vassaux les plus dévoués et Brunissande, sa plus jeune fille, qui jouissait de toute sa confiance, disposait des clefs de son trésor et gouvernait la maison à son gré (9).
Quand bien même sa vie tout entière ne serait pas là pour démontrer que ce seigneur était d’un naturel intraitable, ne connaissant d’autre loi que sa volonté, cette circonstance et le fait relatif à Catherine de Lamothe, à son père et à Gui de Rouffignac, suffiraient pour autoriser à penser que sa rudesse et son insociabilité avaient porté la désunion dans la famille. De plus, comme nous savons, par les documents du temps, que la mère et le fils étaient en Saintonge à cette époque (10), on pourrait supposer, avec beaucoup de vraisemblance, qu’il y avait une rupture, sinon violente du moins tacite et sans doute d’un commun accord, entre le père, qui avait conservé sa fille la plus jeune, et la mère, qui avait emmené son fils avec elle, en se retirant. Dans tous les cas, il est certain qu’ils étaient séparés, et qu’Archambaud VI ne vint en Périgord occuper le comté qu’après le décès de son père. Il établit son quartier-général à Montignac, où Archambaud V avait fixé sa résidence, dès l’origine de ses démêlés avec Périgueux, où il était mort, et où il avait été enterré, dans l’église du couvent des Cordeliers (11). Il avait, à cette époque, de trente à trente-quatre ans, c’est-à-dire à peu près dix ans de plus qu’Archambaud V, quand il succéda à Roger-Bernard; d’où il résulte que le surnom de jeune, dont les généalogistes se sont avisés de le qualifier, est au moins aussi bizarrement trouvé que celui de vieux attribué à son prédécesseur.
Comme on l’a vu, l’arrêt rendu contre Archambaud V et ses complices portait en substance qu’après le prélèvement de tous les frais, dépens, dommages et intérêts auxquels ils avaient été solidairement condamnés, ce qui resterait de leurs domaines séquestrés serait et demeurerait confisqué au profit de la couronne. De cette clause, il résultait formellement qu’à la mort du comte, en admettant même que la non-exécution de l’arrêt permît de soutenir que la confiscation n’était pas acquise, le comté de Périgord n’en restait pas moins sous la main du roi, et par conséquent ne pouvait être occupé par personne sans la levée de cette main-mise ou la violation flagrante des principes les plus essentiels et les plus sacrés des lois de la monarchie féodale. Néanmoins, il ne paraît pas qu’Archambaud VI s’en préoccupât beaucoup.Tout porte à croire, au contraire, qu’il se montra fort peu soucieux de ce qu’on penserait ou dirait de lui à la cour de France. Il est bien vrai cependant que la lenteur qu’il mit à se rendre à Montignac accuse quelque hésitation de sa part; mais il est positif aussi qu’une fois sa résolution prise, il ne s’inquiéta plus de rien, et marcha résolument dans la voie où il s’était volontairement engagé, sans trop se donner la peine de chercher à connaître l’état des choses. Il est également incontestable qu’il affecta toujours depuis de se croire naturellement appelé à succéder à son père. Toutefois, par cela même qu’il n’obtint, ne sollicita ni fit solliciter, en son nom, la remise des domaines qui constituaient le comté de Périgord, ce serait se servir d’une expression essentiellement impropre que d’appeler prise de possession l’insolente démarche au moyen de laquelle il se substitua au lieu et place d’Archambaud V. Il est constant, au contraire, qu’il se mit en flagrant délit d’usurpation, en s’appropriant, par la violence, et contrairement à tous les principes établis, le comté et ses dépendances, malgré le roi et le parlement, qui, comme il a été dit plus haut, ne voulurent jamais le reconnaître et ne consentirent, dans aucune circonstance, à le qualifier du titre de comte (12).
L’acte d’insubordination félone par lequel il débuta fut immédiatement suivi d’un événement qui révéla, dans tout ce qu’il avait de plus odieux et de plus répugnant, son caractère âpre, violent et intraitable.
On se souvient qu’à l’époque où le vicomte de Meaux, le sénéchal de Périgord et Guillaume de Tignonville occupaient la ville de Montignac, et tenaient Archambaud V assiégé dans son château, ce comte, atteint déjà des infirmités qui hâtèrent son trépas, et comprenant sans doute que la résistance ne pourrait lui être d’aucune utilité, se décida à traiter avec les trois représentants de l’autorité royale. Deux hommes, d’une fidélité à toute épreuve, Bertrand Dubois et Mondon Dartensec, qui se trouvaient auprès de lui et dont il goûtait les avis, avaient conseillé et négocié ce traité, fort heureusement conclu pour le délivrer du péril imminent auquel il était exposé. Depuis lors, Dubois et Dartensec, dont le sincère dévouement à leur seigneur ne s’était pas ralenti, n’avaient cessé de jouir de sa confiance (13). Ce traité s’était-il fait sans le consentement et malgré la volonté du fils; ou bien Dubois et Dartensec avaient-ils trouvé le moyen de s’insinuer dans les bonnes grâces du comte, au détriment du jeune Archambaud? C’est ce qu’on ne saurait dire; mais ce qu’il y a de certain, c’est que ce nouveau maître prouva, par sa conduite, qu’il leur avait voué une haine implacable. Trois jours après son arrivée à Montignac, sans aucune forme de procès, il fit arrêter, à minuit, Dubois, alors dans cette ville, le fit mettre quinze ou seize fois à la question, lui fit trancher la tête, malgré son appel réitéré au roi de France, et voulut qu’elle fût placée à l’endroit où, en 1394, l’on avait dressé la bannière du duc d’Orléans (14). En outre, il confisqua ses biens et chassa sa femme, sans lui permettre de rien emporter avec elle (15). Quant à Dartensec, il n’échappa sans doute à un sort pareil que grâce à son éloignement de Montignac: c’est du moins ce qu’il faut présumer, car il n’est pas question de lui.
La déplorable exécution de Dubois n’était que le prélude d’une série de désordres plus détestables les uns que les autres, et dont les conséquences devaient être terribles. A peine s’était-il défait du conseiller de son père, qu’il convoqua une partie de ses vassaux, les réunit aux bandes d’aventuriers qu’il avait à ses ordres, et parvint de la sorte à mettre en campagne une petite armée plus que suffisante pour désoler tout le Périgord (16) et causer de sérieuses alarmes à la ville et à la cité de Périgueux. Son but n’était cependant pas d’attaquer directement cette communauté. Pour le moment du moins, il se borna à faire crier partout qu’il défendait à qui que ce fût d’aller à Périgueux et d’y apporter ou faire apporter des vivres (17). Les amis d’Archambaud VI, parmi lesquels figurait en première ligne Hélie III, seigneur de Grignols, chambellan du roi, et, selon toute apparence, l’un de ceux qui avaient le plus contribué, par leur influence, à faire traîner en longueur l’affaire d’Archambaud V, s’étaient très probablement empressés de lui donner avis de la fâcheuse issue du long procès de son père. Ils avaient dû même lui faire connaître, avec détails, les dispositions du roi et de la cour à son égard. Cependant, au lieu de chercher, par sa conduite, à faire oublier les torts de son prédécesseur et à s’attirer l’indulgence du monarque, il prit le parti extrême de marcher sur les, traces d’Archambaud V, continua ses déportements, harcela Périgueux, et, moins de trois mois après l’arrêt, reprit le cours des expéditions dévastatrices dont le pays avait tant souffert (18).
Dans cette occurrence, le sentiment qui semble avoir dominé tous les autres, en lui, c’est le besoin de frapper rapidement tous ceux contre lesquels il croyait avoir une vengeance à exercer. Maîtrisé par sa vive impatience, et entraîné par l’ardent désir qu’il avait d’écraser ses ennemis; sachant d’ailleurs qu’Aimeric de Chabannes, lieutenant du sénéchal de Périgord, l’un des plus ardents amis de Périgueux, avait toujours été l’adversaire de son père, sans plus différer, il voulut décharger sa colère sur lui. En conséquence, le 28 avril (19), il se rendit en personne, avec des troupes suffisantes, devant le château des Chabannes (20), appartenant à Aimeric, et se mit en devoir de l’assiéger. A cette époque, et particulièrement dans la Guienne, chaque habitation un peu importante était fortifiée et avait sa garnison composée de mercenaires de tous les pays. Parmi les soldats chargés de la défense du château des Chabannes se trouvaient trois Anglais, qui, dès le lendemain, se mirent en rapport avec le comte.
Voici comment s’expriment à cet égard les lettres de rémission en faveur de Raymond de Laporte:
« Ledit Raymond se transporta (au château des Chabannes) pour savoir que lui vouloit ledit Archambaut, et y arriva environ heure de vespres; et le lendemain parla à ycelui Archambaut pour savoir sa voulente; lequel Archambaut tenoit et faisoit tenir siège devant l’hostel dudit Aymery des Chabannes …… mais assez tost aprez, ycellui Raymond estant avec led. Archambaut, il vint à lui un escuier nommé Almaury de Fumel, qui dist à ycellui Archambaut qu’il avoit oud. hostel dud. Aymery trois hommes tenans le parti du roy d’Angleterre (21), ausquelx il avoit parlé, et avoit tant fait avecques eulx que, se il les en vouloit laissier aler leurs corps ou (et) leurs biens saufz, lui livreroient led. hostel, dont led. Archambaut les asseura, et, pour ce, ilz lui …. livrèrent présentement led. hostel, et entrèrent dedens led. Archambaut et ses gens, et y entra led. Raymond, avec eulx, par le commandement d’icelui ….. et se les gens de dedens led. hostel ne l’eussent rendu aud. Archambaut et se fussent deffendus contre lui, led. Raymond n’avoit propos ne voulente de mettre bacinet en teste ….. et après que led. hostel fu ainsi rendu, comme dit est ….. icelui Archambaut fit encommencier à miner ycelui hostel, et demoura toujours ycelui Raymond avec led. Archambaut pour ceque l’en disoit que Amaniou de Mussidan, chevalier, tenant la partie des Anglois, assembloit gens d’armes pour venir combattre ycelui Archambaut, pour ceque entre eulx deux, de très long-temps, il avoit eu et a grant noise et discencion (22). Et fu led. Raymond en la compagnie dud. Archambaut jusques au premier jour de may. »
Ce jour-là, pendant qu’on continuait la mine, Archambaud se transporta devant Périgueux, au couvent des Frères-Prêcheurs, afin de parler à ces religieux, au sujet d’un tombeau qu’ils faisaient construire, pour le sire de Pons, dans une chapelle revendiquée comme étant la propriété des comtes de Périgord, et dans laquelle, selon lui, il ne devait point y avoir d’autres sépultures que celles de ces comtes, qui avaient largement financé pour sa fondation (23). Les lettres, dont on vient de lire un fragment, contiennent, sur cette affaire, les détails suivants:
« Il (Archambaud) se transporta devant Périgueux, pour parler aux Frères-Prêcheurs, sur ceque yceulx frères faisoient faire une sépulture pour le seigneur de Pons (24), en une chapelle de leur église (25), laquelle chapelle les comptes de Pierregort avoient fondée, en disant ausd. frères qu’ils avoient esté bien paiez de la fondacion d’icelle chappelle et qu’ilz n’y dévoient point faire d’autre sépulture. »
II passa environ les deux tiers de la journée (26) avec ces religieux, dans l’espoir d’en obtenir ce qu’il leur demandait; mais toutes ses instances furent inutiles; ils ne voulurent jamais se décider à faire démolir les travaux commencés.
Vers le soir, il revint aux Chabannes, sans d’ailleurs s’être livré à aucune violence, sans avoir essayé d’aucune démonstration sérieusement hostile, soit contre la ville, soit contre la cité; et, comme le château se trouva complètement miné à son retour, il le livra aux flammes, en mettant le feu aux pièces de bois qui soutenaient les armes d’Aimeric. Dévoré par l’incendie, le château s’affaissa, dans la nuit, et ne présenta bientôt plus qu’un monceau de ruines. Le lendemain, il reprit le chemin de Montignac (27); mais il s’arrêta à Auberoche (28), d’où il fit plusieurs excursions les jours suivants, et notamment sur le manoir de Gabillou (29), appartenant à Mondisson-Lachassagne, qu’il prit, pilla et fit abattre (30).
Cependant, au lieu de suspendre les poursuites et d’arrêter en faveur du fils les condamnations encourues par le père, comme tous ceux qui ont porté leur attention sur ce sujet n’ont pas craint de l’affirmer, on n’avait cessé de s’occuper très sérieusement, à Paris, des mesures à prendre pour que le jugement du 3 février sortît son plein et entier effet, et, le 15 mars, des lettres du roi avaient été adressées aux sénéchaux de Périgord, de Limousin, de Saintonge, d’Angoumois, de Quercy, de Rouergue, d’Agenais et de Bigorre, aux autres officiers ou à leurs lieutenants, et à tous et chacun les huissiers et sergents du parlement, leur enjoignant de le mettre à exécution, le plus promptement possible; de publier ou faire publier le bannissement, à la manière accoutumée; d’arrêter les coupables partout où ils seraient trouvés, excepté dans les lieux saints; de les livrer au dernier supplice, comme rebelles, et de défendre, sous les peines les plus graves, que personne leur prêtât aide, secours et protection (31). Tout formels et tout pressants qu’ils étaient, ces ordres restèrent pourtant trois mois sans recevoir même un commencement d’exécution, ce qui permettrait de penser que, dans cette occurrence encore, les amis d’Archambaud ne furent pas sans se donner du mouvement, à moins qu’on ne suppose le défaut de forces suffisantes, ou d’autres circonstances indépendantes de leur volonté, empêchèrent qui en étaient chargés de les accomplir sur-le-champ. Enfin, le 18 juin suivant, Jean d’Arpedène, sénéchal de Périgord, et Guillaume Le-Bouteiller, sénéchal de Limousin, se rendirent à Périgueux, accompagnés de cent hommes d’armes et de trente arbalétriers (32), pour de là se transporter partout où il y aurait à requérir et à faire des sommations, conformément aux instructions dont ils étaient porteurs. De Périgueux, ils allèrent d’abord à Bourdeille, dont le capitaine, Naudonet Durat, bien loin de se soumettre aux injonctions qu’ils lui firent, ne consentit pas même à les écouter, et se mit en mesure de leur résister vigoureusement, dans le cas où ils croiraient devoir employer la force. Ne voulant pas engager une lutte sanglante, et dont les résultats pouvaient être contraires à leurs désirs, ils revinrent à Périgueux, d’où le lendemain ou le surlendemain ils se dirigèrent sur Roussille, toujours commandé par Marchés. A leur approche, ce capitaine, le connétable Regnaut et quelques autres sortirent, et déclarèrent qu’ils informeraient Archambaud de ce qui arrivait, et que, si ce seigneur voulait obéir aux commandements du roi, ils continueraient de le servir et de garder la place, mais que, s’il refusait, ils lui retireraient leur serment, résolus qu’ils étaient de ne plus se maintenir en révolte contre l’autorité royale. Ils promirent en outre de donner réponse définitive le mardi suivant, 26 juin. Ce jour-là, les sénéchaux se représentèrent devant le château, avec leur troupe, plusieurs machines de guerre et trois cents hommes que la municipalité de Périgueux leur avait fournis, sur leur demande.
De son côté, Archambaud avait envoyé Jean de Clarens (33) et neuf ou dix gentilshommes, dont deux gendres de Jean, avec injonction de forcer la garnison à la résistance. Mais quand ils virent une énorme bride déjà dressée et tout l’appareil de guerre qu’on avait disposé autour de la place, ils n’osèrent persister dans la résolution d’abord prise par eux, et, quoique les hostilités fussent commencées, et que, dès le premier jour, le sénéchal de Limousin eût été blessé, ils lâchèrent pied le lendemain, laissèrent prendre possession du château au nom de Charles VI, et la garnison tout entière jura, sur les saints évangiles, que jamais elle ne s’armerait de nouveau contre le roi de France (34). Les sénéchaux avaient repris, le soir même, le chemin de Périgueux, où fut déposé Guillaume Le-Bouteiller. Le jour d’après, le sénéchal de Périgord se porta seul sur Razac (35), où commandait un Anglais, nommé Barbe-Blanche, venu de Courbafi (36), à la demande du comte. Cet aventurier ne voulant pas entendre aux sommations qu’on lui faisait, il fallut encore recourir à la force. Dès l’abord, on s’empara de l’église, et le jour suivant on prit la tour, avec un seul des hommes de la garnison, le reste ayant trouvé le moyen de s’échapper. La tour fut rasée et le prisonnier pendu (37). Auberoche ne se montra pas mieux disposé, et voulut repousser la force par la force. Aussi, sans chercher à s’établir devant cette place, pour en faire le siège, Jean d’Arpedène, qui agissait toujours seul, depuis la blessure de son collègue, s’en éloigna immédiatement pour se rendre à Montignac, où résidait Archambaud, qui fut requis par lui de se soumettre aux ordres du roi et de la cour; mais, loin de faire ou de transmettre par un autre une réponse quelconque, ce seigneur ne daigna se présenter ni envoyer quelqu’un à sa place, et, joignant la bravade à l’inconvenance de sa conduite, il fit sortir cinq ou six arbalétriers, qui tirèrent tant qu’ils purent contre le sénéchal et ceux qui étaient avec lui, pendant qu’on faisait les sommations légales, et blessèrent un capitaine (38). En présence de ce mauvais vouloir, Jean d’Arpedène, qui manquait d’argent (39), ne crut pas devoir essayer l’emploi de la force. Il se retira donc, sans coup férir, et revint à Périgueux, où il trouva le sénéchal de Limousin en voie de guérison. Vers le commencement du mois d’août, Guillaume Le-Bouteiller, se sentant parfaitement rétabli, partit pour Paris, accompagné d’Arnaud de Barnabé, député par la ville et la cité, dans le but de se procurer les ressources nécessaires pour mettre à la raison Archambaud toujours rebelle (40). De son côté, après avoir épuisé tous les moyens dont il pouvait disposer pour l’entretien de sa petite armée, le sénéchal de Périgord se vit bientôt dépourvu de tout à la fois. Dans cette conjoncture, il prit le parti de congédier ses hommes et d’aller rejoindre à Paris le sénéchal de Limousin et Arnaud de Barnabé; de sorte que la ville, la cité et le pays tout entier se trouvèrent privés de tout secours, dans un moment où la détresse et l’état d’épuisement de la communauté nécessitaient plus que jamais l’emploi de forces étrangères, pour la protéger contre les dangers qui l’entouraient (41).
En apprenant ce qui se passait, Archambaud se remit en campagne, et, après avoir réparé les petits échecs que lui avaient causés les sénéchaux, et fait rétracter le serment de la garnison de Roussille, il reprit l’offensive contre Périgueux, qu’il harcela, par des excursions continuelles et très habilement combinées, de sorte que les habitants, obligés de s’imposer, chaque jour, de nouvelles privations, se crurent perdus. Personne ne pouvait pénétrer jusqu’à eux, et, de leur côté, ils ne pouvaient, sans péril, s’aventurer hors de leurs murailles. Un certain Bernard Le-Roux, qui avait été consul (42), ayant voulu franchir les portes, soit pour affaires sérieuses, soit pour tout autre motif, fut fait prisonnier, conduit à Montignac, ou, après avoir été indignement torturé, il finit par avoir la tête tranchée (43). Telle était, du reste, l’exaspération d’Archambaud, qu’il ne craignit pas de porter la guerre jusque dans le Limousin (44), pendant qu’en Périgord il cherchait querelle à tous ceux qui lui paraissaient devoir être les amis ou les partisans de Périgueux. C’est ainsi qu’il s’en prit directement à l’évêque Pierre de Durfort, et qu’il l’attaqua dans son château de Plazac (45), où il alla l’assiéger, à grand renfort de troupes, dans l’espoir de s’emparer de cette place. Fort heureusement il avait affaire à plus rude parti qu’il ne l’avait soupçonné; et, non seulement l’évêque ne fut pas intimidé par cette démonstration hostile, mais encore il se défendit vigoureusement, et le contraignit à se retirer (46).
De leur côté, les représentants de la ville et de la cité (47), conjointement avec les sénéchaux de Périgord et de Limousin, n’avaient point quitté Paris, et ne se lassaient pas de demander qu’on mît enfin à exécution le jugement rendu, depuis près d’un an, contre Archambaud V et ses complices. Ils insistaient spécialement par rapport aux dommages et intérêts accordés à la communauté, et auxquels elle tenait par dessus tout, parce que le paiement de ces dommages et intérêts complétait le succès de sa cause. Toutefois, l’année finit de s’écouler sans qu’ils pussent rien terminer, ce qui ne laissa pas que de les inquiéter beaucoup, attendu que ces lenteurs rendaient la position de Périgueux chaque jour plus précaire, tandis qu’elles donnaient plus d’assurance à Archambaud, en l’autorisant à penser que ses amis, dont l’influence et la bonne volonté lui étaient connues, finiraient peut-être par faire tomber dans l’oubli cet odieux jugement. Fort heureusement ses adversaires avaient aussi les leurs, et, si les délais se prolongeaient, leur zèle se soutenait et se ravivait incessamment dans les difficultés mêmes qu’on leur suscitait. Ce qu’on n’avait pas pu faire décider en 1397 fut enfin résolu en 1398; de sorte que, si la lutte ne touchait pas encore à son terme, du moins il ne fut plus désormais permis de penser que l’arrêt porté contre Archambaud V resterait sans effet.
(2) Il se présente plusieurs difficultés au sujet de la fixation de la date précise de la mort d’Archambaud V. S’il fallait s’en rapporter aux Fragments conservés par le chanoine Leydet, Archambaud VI n’étant venu en Périgord que deux mois après la mort de son père, et les lettres de rémission d’un certain Raymond de Laporte, son vassal, en date de novembre 1397 (arch. du roy., reg. du tr. des ch., coté 152, pièce 233), nous apprenant qu’il était en possession du comté dès avant le 28 avril précédent, on pourrait dire qu’Archambaud V était certainement mort à la fin de février. Par malheur, ces Fragments sont pleins de confusion, et manquent parfois d’exactitude. Ici, pourtant, ils ne s’écartent pas trop de la vérité, puisque, en supposant qu’Archambaud VI était en Périgord dès le 20 avril, il pouvait n’être arrivé à Montignac que le 25, ce qui donnerait encore plus d’un mois et demi d’intervalle entre la mort de son père et sa venue. Mais voici qui est bien autrement embarrassant:
Dans le jugement rendu contre Archambaud VI, on lit (voyez Preuves, p. 79) que le 18 avril, il fut ordonné aux sénéchaux de Périgord, Limousin, Saintonge et Quercy, ainsi qu’aux autres juges royaux, d’informer contre ce seigneur et ses complices, ou, si l’on veut, seulement contre ses complices, sans qu’il soit aucunement question d’informations à faire contre Archambaud V, tandis que, par un arrêt rendu le même jour, ce même Archambaud V est condamné à une amende, à des dommages et intérêts et au bannissement perpétuel, avec perte de ses biens, déclarés confisqués au profit du roi. De sorte qu’on peut dire qu’il est considéré comme mort d’un côté et réputé vivant de l’autre, ce qui ne laisse pas que de donner à penser. Cependant, j’ai hâte de le dire, ces deux faits, tout contradictoires qu’ils sont, ne me paraissent pas inconciliables, et voici pourquoi. L’arrêt du 18 avril 1397 a trait à une affaire qui durait depuis plus de vingt ans, et qui, bien qu’elle eût perdu beaucoup de son importance, depuis la condamnation du 3 février, exigeait cependant une solution quelconque. Or, n’est-il pas à présumer qu’en apprenant que les désordres continuaient en Périgord, et que le fils d’Archambaud V s’était mis au lieu et place de son père, la cour, qui n’était pas officiellement informée de la mort du comte, et qui avait à frapper un coupable, s’empressa de rendre l’arrêt en question, avant de faire expédier l’ordre dont il est parlé plus haut, d’abord parce qu’il donnait satisfaction à ceux qui poursuivaient le comte depuis si long-temps, ensuite parce que c’était une arme de plus contre les révoltés, et enfin parce qu’il prouvait que la résolution de la couronne était bien arrêtée, et qu’il n’y avait pas de ménagement à attendre? Quoi qu’il en soit, il est hors de doute que le comte était mort avant l’arrêt du 18 avril.
(3) L’arrêt dont il a été question dans la note précédente nous apprend qu’indépendamment de son irritabilité naturelle, il avait aussi des penchants désordonnés. En voici le résumé: vers 1375, un de ses vassaux, appelé Jean de Lamothe, avait une fille unique du nom de Catherine, fiancée à Gui de Rouffignac. Cette fille, probablement belle, avait attiré l’attention d’Archambaud, qui voulut empêcher son union avec son fiancé. En conséquence, le jour que le mariage devait se célébrer, il se rendit sur les lieux avec une nombreuse suite, et, pendant deux fois vingt-quatre heures, s’efforça de pénétrer dans l’église où les deux jeunes époux étaient réunis avec leurs parents, pour cette solennité, mettant tout en œuvre pour s’emparer de Catherine et l’emmener avec lui. Cette tentative ayant échoué, et le mariage étant consommé, dans sa rage, il s’empara des biens qu’un oncle avait laissés à Catherine, en pilla et détruisit, par le feu, la principale habitation, se rendit maître de la personne de Jean de Lamothe, qui y faisait sa résidence, le tint prisonnier à Montignac, et perçut le revenu de tous les domaines provenant de l’oncle. Cité à comparaître devant le parlement, en décembre 1376, il fit deux fois défaut, dans le cours de 1377 et 1378, époque à laquelle Jean de Lamothe mourut. A la suite de cette mort, l’affaire, restée en état, ne fut reprise qu’en 1391, par Gui deRouffignac et sa femme, qui n’obtinrent pourtant les deux autres défauts qu’en 1393 et 1394, et l’arrêt définitif ne fut rendu que le 18 avril 1397. Par cet arrêt, le comte était condamné à reconstruire l’habitation qu’il avait incendiée, à restituer les revenus perçus ou leur valeur, et à payer deux mille cinq cents livres de dommages et intérêts à Gui deRouffignac et à sa femme, qui, ainsi que leurs sujets, cessaient, dès ce moment, d’être ses vassaux. De plus, son comté était confisqué et lui banni à perpétuité. (Arch. du roy., sect. jud., reg. du criminel, coté 14, fol. 179.)
(5) Ils mouraient tous jeunes.
(6) Courcelles, Hist. généal. des pairs de France, t. 3, art. Mathas, p. 17.
(7) II reposait dans l’église où fut enterré son père. Preuves, p. 138.
(8) Ibid., ibid. Personne n’a parlé de ce fils ni de ces filles.
(9) Fragments conservés par le chanoine Leydet.
(10) Fragments, etc.
(12) Je ne connais qu’un seul acte où il reçoive cette qualification. Ce sont des lettres de 1416, accordées à sa sœur Brunissande, par Charles VI, au sujet des domaines que sa mère, Louise de Mastas, lui avait laissés en mourant et qu’elle craignait qu’on lui contestât. Mais cela ne tire pas à conséquence, attendu que, dans ces cas, on reproduisait toujours les expressions mêmes de la supplique. Il est aussi appelé comte dans un procès, mais par un de ses partisans.
(13) Fragments, etc.
(14) Fragments, etc.
(15) Ibid.
(16) Fragments, etc., et arch. du roy., reg. du tr. des ch., coté 152, pièce 233. Ce sont les lettres de rémission en faveur de Raymond de Laporte, dont il a été déjà parlé, et dans lesquelles il est dit qu’Archambaud lui avait donné ordre de venir en armes.
(17) Fragments, etc.
(18) Ibid. Il se mit en campagne vers Pâques, qui, cette année, était le 22 avril.
(19) Les lettres de rémission en faveur de Raymond de Laporte (novembre 1397) disent formellement qu’Archambaud lui avait donné ordre de venir le rejoindre, et que, s’étant mis en route le 28 avril, il se rendit à Auberoche, où il apprit que, le jour même, ce seigneur, avec sa troupe, s’était porté sur le château des Chabannes. (Arch. du roy., reg. du tr. des ch., coté 152, pièce 233.)
(20) Commune de Sorges, canton de Savignac-les-Églises, arrondissement de Périgueux. Ce n’est plus aujourd’hui qu’une ruine.
(21) Anglais d’origine, ou du moins venant d’un pays soumis à l’Angleterre.
(22) On a vu plus haut qu’en effet il y avait mésintelligence entre les comtes de Périgord et les sires de Mucidan, qui, en réalité, avaient toujours tenu le parti des Anglais. Mais il est certain qu’ici il n’est parlé d’Amanieu et de son projet de courir sus à Archambaud VI que parce que ces lettres de rémission, selon l’usage, reproduisent les paroles mêmes de la supplique de Raymond de Laporte, dans laquelle il cherchait à atténuer ses fautes, autant qu’il le pouvait.
(23) Fragments, etc.
(24) Le sire de Pons avait épousé Marguerite de Périgord, sœur d’Archambaud V, dont il avait eu un fils, du nom de Regnaut de Pons, qui avait accompagné en Bulgarie Jean, comte de Nevers, et était mort à la bataille de Nicopolis, le 28 septembre 1396. C’était probablement en commémoration de ce fils que, sans doute à la prière de sa femme, ce seigneur s’était adressé aux Frères-Prêcheurs de Périgueux, et les avait priés d’ériger le tombeau en question, dans la chapelle des comtes de Périgord. On ne comprendrait pas autrement comment le sire de Pons aurait pu obtenir qu’on lui construisît un tombeau dans cette chapelle.
(25) Il parait que cette chapelle était en bois. Fragments, etc.
(26) Lettres de rémission en faveur de Raymond de Laporte.
(27) On lit dans les lettres de rémission déjà citées: « De là (des Frères-Précheurs), sans faire aucune force, pillerie ou roberie, en allant, demourant ou en retournant, s’en retourna led. Archambaut aud. hostel dud. Aymeri de Chabannes, lequel hostel il trouva tout miné, ainsi que fait faire l’avoit, et bouta le feu es pièces de bois qui sous-tenoient les armes, lesquelles armes arses (brûlées), led. hostel cheut tout à terre, dont il fu et est démoli et destruit, et le lendemain se transporta led. Archambaut aud. Montignac. »
(28) Ce sont les Fragments, etc., qui le donnent à entendre et qui disent même qu’il avait avec lui 120 hommes. Il pourrait bien se faire pourtant qu’il fût allé d’abord à Montignac et de là revenu à Auberoche, ce qui ne serait pas en contradiction avec les lettres de rémission, qui disent que Raymond de Laporte quitta Archambaud à Montignac.
(29) Commune de ce nom, canton de Thenon, arrondissement de Périgueux.
(30) Fragments, etc.
(32) Livre noir, etc., fol. 16. Les Fragments, etc., disent 120 hommes d’armes et 50 arbalétriers.
(33) Jean de Clarens était originaire de Saint-Laon-sur-Vézère. Il fut un de ceux qui firent hommage au duc d’Orléans, comme comte de Périgord, en août 1400.
(34) Livre noir, etc., fol. 46, et Fragments, etc.
(35) Chef-lieu de la commune de ce nom, canton de Saint-Astier, arrondissement de Périgueux.
(36) En Limousin (Haute-Vienne), canton de Châlus, sur les limites du Périgord.
(37) Fragments, etc.
(38) Fragments, etc.
(39) Ibid. Cette même raison pourrait bien avoir été cause du retard apporté à l’exécution des lettres du 15 mars.
(40) Fragments, etc.
(41) Fragments, etc.
(42) En 1307. Livre noir, etc.
(43) Fragments, etc.
(44) lbid.
(45) Commune de ce nom, canton de Montignac, arrondissement de Périgueux. Preuves, p. 83. Les troupes d’Archambaud tuèrent un des hommes de l’évêque, en blessèrent plusieurs autres, pénétrèrent dans une basse-cour, firent main-basse sur les blés, les vins, les lits, les couvertures, les joyaux et totis les autres objets mobiliers qu’ils purent rencontrer, en prirent pour 400 1., et, en se retirant, mirent le feu aux bâtiments.
(46) Fragments, etc.
(47) Arnaud de Barnabé et Jean de Comte.
SAISIE, MISE A L’ENCHERE, ADJUDICATION ET ENVOI
EN POSSESSION DU COMTE, A PÉRIGUEUX
1398.
Après bien des sollicitations et des démarches, le 12 février 1398 les représentants de Périgueux parvinrent enfin à faire expédier des lettres adressées au sénéchal de Périgord ou à son lieutenant, et au premier huissier du parlement ou sergent sur ce requis (1), destinées à mettre fin aux funestes lenteurs qui jusqu’alors avaient empêché le maire et les consuls de toucher sinon tout, du moins partie des dommages et intérêts alloués, le 3 février, à la communauté.
Elles portaient en substance que ces officiers municipaux, au nom de la ville et de la cité, avaient fait exposer au roi que naguère ils avaient obtenu certain arrêt, par lequel feu Archambaud et ses complices étaient condamnés à des amendes envers eux; que cet arrêt n’avait pas encore été mis à exécution, à cause de la désobéissance et révolte du fils de ce seigneur, et parce que, faute de biens meubles, on n’avait pu opérer de saisie, sans laquelle il ne leur profiterait en rien; que, pour effectuer cette saisie et vendre publiquement divers immeubles possédés par le défunt dans la ville et ses environs, et dont la vente ne pouvait se réaliser, si au préalable la signification n’en était faite à Archambaud fils, ce que les exposants ni autres fonctionnaires ne sauraient entreprendre seuls, sans péril pour leurs personnes, il était enjointe ces officiers de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire crier, subhaster et livrer au plus offrant et dernier enchérisseur les cens, rentes, possessions, héritages, devoirs et autres droits et revenus qui avaient appartenu au comte, etc. (2). Ces lettres, qui démontrent combien la municipalité de Périgueux avait de peine à en finir avec ce jugement, ont cela de plus inoui encore qu’elles semblent avoir été rédigées dans la pensée de transmettre à la postérité la preuve solennelle de l’état d’avilissement où se trouvait réduite la couronne de France, car on y parle, avec une sorte de complaisance, des périls auxquels peuvent être exposés ceux qui seront chargés d’accomplir les ordres qu’elles contiennent, attendu que ledit Archambaud (VI) est grant et puissant.
Le soin de les faire exécuter fut confié à un huissier du parlement, portant le nom de Guillaume de Lespine, qui partit immédiatement pour Périgueux, et y arriva le mardi, 26 du même mois (3). Doué d’une prudence plus qu’ordinaire, Lespine consacra le jour et le lendemain de son arrivée à prendre des informations sur les difficultés que présentait sa mission, sur les dangers qu’il pourrait courir, sur les obstacles qu’il aurait à surmonter. Le résultat de cette enquête préalable ne lui parut pas propre à inspirer toute la sécurité désirable; mais ce qui acheva de lui enlever le peu d’assurance qui lui restait encore, ce furent les courses audacieuses des partisans d’Archambaud, qu’il vit, à trois ou quatres reprises différentes, pendant ces deux jours, s’avancer jusqu’aux portes de la ville et de la cité, y escarmoucher, prendre et emmener prisonnières les bonnes gens d’icelle ville qui estoient es vignes et es autres labeurs (4). Dès ce moment, son parti fut pris et sa résolution bien arrêtée qu’il ne sortirait pas de l’enceinte de Périgueux, dans laquelle il pouvait instrumenter avec toute la légalité possible et sans s’exposer à aucun péril. En conséquence, le jeudi 28, accompagné d’Aimeric de Chabannes et d’un notaire royal, il se transporta au Mas-St-Georges (5), dans la cité et à La-Rolphie, où était né Archambaud V, et successivement il fit crier, au nom du roi, dans ces trois endroits, par le crieur juré de la communauté, qu’il était enjoint à Archambaut filz, et à touz les autres, à qui il pourrait toucher en général, que, pour faire exécution, paiement et satisfaction auxd. maire, conseulz et communauté de la somme de trente mil livres tournois, entre les autres choses, comme dit est, ilz lui baillassent biens meubles qu’il pût vendre et exploitier, jusqu’à pleine satisfaction (6). Personne ne s’étant présenté, le crieur, par son ordre, se prit encore à déclarer à haute voix qu’on faisait assavoir à ycelui Archambaut filz et à touz autres que led. huissier saisissait et mettait sous la main du roi les héritaiges, cens, rentes, justice, seignouries, maisons et possessions quelxconques qui jadix furent dud. feu comte, assiz en la ville et cité de Pierregueux et dedens le povoir d’icelle et environ d’icelle, dont voici l’état :
1° Une masure, située dans la ville;
2° L’emplacement du château de La-Rolphie, les matériaux provenant de la destruction de ce château et quatorze journaux de bœufs de terre labourable attenant à cet emplacement;
3° La prévôté que le feu comte avait à Périgueux (7), ainsi que la cour du prévôt, les péages, fours, laides (8), rentes qu’il possédait dans les paroisses de St-Silain (9) et de St-Martin (10), à Puy-Abric (11) et aux Clozaux (12), et tous autres rentes, servitudes, devoirs, émoluments, droits et revenus quelconques appartenant à ces prévôté et cour;
4° Quatre livres de rente, monnaie perigourdine, valant soixante-quatre sols tournois, avec les appartenances de cette rente, que le feu comte levait sur la laide de Jean et Pierre Maymin;
5° Quarante livres de rente de cette même monnaie perigourdine, équivalant à trente-deux livres tournois, que le comte percevait, chaque année, sur la communauté, savoir: vingt livres, à Noël, et les autres vingt livres, à la Nativité-de-St-Jean-Baptiste, avec un marabotin d’or, dû, par la communauté, à chaque mutation de comte, lequel marabotin, estimé environ vingt sols tournois, n’avait pas été payé depuis la mort d’Archambaud V, ni la rente acquittée depuis six ans ou environ;
6° Le commun de la paix qu’il percevait, de son vivant, sur différentes personnes de la ville;
7° Les rentes et chapsouls (13) qu’il avait dans la paroisse de St-Front, ainsi que les autres rentes et devoirs qui lui appartenaient dans la ville et dans sa banlieue;
8° La moitié de la cour du célérier (14), avec la juridiction, justice, plainte, faymidroit (15) et autres devoirs quelconques, à cause de cette moitié de cour;
9° Les rentes, bouades (16), seigneurie et droits dont il était en possession dans la paroisse de Champsevinel;
10° Les cens, rentes, bouades, seigneurie et tous autres droits qui lui étaient dus dans la paroisse de Treillissac;
11° Et généralement tous autres justices, juridiction et devoirs quelconques qu’il pouvait posséder dans la ville de Périgueux et sa banlieue (17).
Cette première opération terminée, Lespine ordonna au crieur de proclamer à haute et intelligible voix qu’il faisait en outre à savoir à Archambaud fils et à tous autres que, le lundi suivant, jour de marché à Périgueux, aux lieux où l’on était dans l’usage de faire les criées, et sur le marché même, publiquement, à voix, cry et son de trompe, il exposerait et mettrait aux enchères, une première fois, les héritages et possessions sus-énoncés, et qu’il procéderait de la sorte pendant quatre lundis de suite, jusqu’à l’adjudication définitive; que, s’il voulait, ou toute autre personne en son nom, s’opposer à ces expositions et mises aux enchères, lui ou les autres n’auraient qu’à se présenter pour être reçus dans leurs oppositions, si elles étaient raisonnables (18).
Dans la crainte que cette saisie et cette proclamation, quoique faites de la manière la plus solennelle et en présence de plus de quatre-vingts témoins, ne fussent pas cependant considérées comme suffisantes, le lendemain vendredi, 1er mars, autre jour de marché, elles furent réitérées sur la place de la Clautre, où alors comme aujourd’hui se tenaient les marchés, en présence d’une partie de la population des campagnes circonvoisines.
Le lundi 4, conformément à ce qu’il avait annoncé le jeudi et le vendredi précédents, Lespine, toujours accompagné du crieur juré, se rendit successivement sur la place de la Clautre, au carrefour des Salinières et sur la place des Graz (19), lieux où il était d’usage, à Périgueux, de faire les criées publiques, et, après avoir procédé, pour la première fois, à l’exposition et mise en vente des biens saisis, il fit dire de nouveau, et toujours par l’entremise du crieur public, que ceux qui voudraient enchérir ou s’opposer aux enchères pouvaient approcher. De toute l’assistance, quelque nombreuse qu’elle fût, une seule personne répondit à cette invitation: ce fut Guillaume de La-Roche, notaire, se présentant comme procureur fondé du maire, des consuls et de la communauté de Périgueux, en vertu d’une procuration en forme, portant la date du 29 novembre 1397. Il offrit de prendre ces biens, pour la somme de neuf mille quatre cents livres tournois, à déduire sur les trente mille adjugées par l’arrêt du 3 février (20).
La deuxième subhastation eut lieu avec la même solennité le lundi suivant, 11 mars, en présence de plus de deux cents personnes spécialement convoquées à cet effet, en outre de la population réunie sur le marché, sans qu’il fût fait d’autre nouvelle enchère. Seulement Jean Maymin, agissant pour lui et pour son frère, se présenta pour protester, au sujet des quatre livres de rentes qu’on disait avoir été perçues habituellement, par le comte, sur leur laide, et déclara qu’ils ne les avaient jamais payées et qu’ils ignoraient qu’elles fussent dues. Du reste, comme il n’avait d’autre but, en réclamant, que de faire réserve de ses droits et de ceux de son frère, sans autrement prétendre empêcher la mise en vente, on reçut la réclamation; mais il fut passé outre, et l’enchère continuée au lundi d’après (21).
Ce jour-là, 18 mars, le procureur des maire, consuls et communauté, sans y être obligé, par une surenchère, annonça qu’il ajoutait deux cents francs au prix déjà par lui consenti, lesquels deux cents francs il faisait porter sur La-Rolphie, qu’il déclarait vouloir payer sept cents francs, au lieu de cinq qu’il en avait d’abord offerts (22). Après cette déclaration, il y eut encore une protestation de faite, au nom du chapitre de St-Front, à l’occasion de tous les biens mis en vente. Le représentant des chanoines soutenait que ces biens leur étaient engagés, et que, depuis longtemps, ils avaient été mis sous la main du roi, en garantie de fortes sommes à eux dues par le comte; mais, sur la déclaration de ce représentant, que cette opposition, de même que celle de Jean Maymin, avait uniquement pour but la réserve des droits de ses commettants, on la reçut, sans autrement suspendre la mise en vente (23).
A la quatrième subhastation, au moment où Guillaume de La-Roche ajoutait de son propre mouvement deux cents francs de plus à son enchère, et annonçait qu’il prenait, pour douze cents francs, les quarante livres périgourdines de rente dont il n’avait d’abord offert que mille francs, comparurent quatre nouveaux opposants, parmi lesquels Guillaume deBotas (24). Leurs oppositions n’étant pas d’une nature différente des autres, on ne s’y arrêta pas davantage. Toutefois, malgré les instances de Guillaume de La-Roche, l’adjudication, au lieu d’être faite ce jour-là, fut remise au vendredi suivant, où elle eut définitivement lieu, pour le prix et somme de neuf mille huit cents livres.
Après cette adjudication solennelle, en présence de tous ceux qui avaient voulu y assister, il restait encore une formalité essentielle à remplir: c’était de faire homologuer la vente par le parlement, ou, en d’autres termes, d’obtenir l’envoi en possession, par un arrêt de cette cour, proclamant la validité des opérations de Lespine (25), sans quoi la communauté de Périgueux n’eût jamais possédé que précairement. Or, pour qu’on pût valablement décréter cet envoi en possession, il fallait que le fils du feu comte fût instruit légalement du jour où l’affaire serait appelée devant la cour, afin qu’il pût se présenter ou y envoyer quelqu’un à sa place, s’il le jugeait convenable, c’est-à-dire, par conséquent, qu’il était absolument nécessaire de le mettre en demeure, par une citation en forme.
Mais, si Lespine avait pu juger qu’il y avait un danger réel à s’aventurer hors de l’enceinte de Périgueux, lorsqu’il y était arrivé, pour faire la saisie, à plus forte raison devait-il être persuadé qu’il y aurait encore plus de périls pour lui à vouloir, immédiatement après la vente, se transporter au domicile d’Archambaud, qui regardait toujours comme siens les biens expropriés. Il connaissait trop la manière de procéder de ce seigneur et de ses partisans, et, depuis qu’il était à Périgueux, il les avait vus trop souvent à l’œuvre, pour douter du sort qui l’attendait, s’il tombait jamais entre leurs mains. Parmi les courses, les attaques et les surprises réitérées, dont il avait été témoin, il en était une surtout dont les suites déplorables avaient contribué à le raffermir, plus que jamais, dans ses habitudes de prudence et de précaution.
C’était le jeudi 7 mars, le troisième jour après la première subhastation. Plus de soixante cavaliers, partis du château d’Auberoche, s’étaient dirigés vers Périgueux, et s’en étaient approchés à une portée d’arbalète. A leur apparition, des vignerons, au nombre de cinquante, occupés à tailler les vignes des environs, avaient pris la fuite et cherché un asile dans une grotte voisine (26), espérant échapper ainsi au danger qui les menaçait. Par malheur, leur retraite ne s’était opérée ni avec assez de célérité ni avec assez de précaution; de sorte que, les ayant aperçus, et leur ayant couru sus, les soldats d’Archambaud en avaient tué un à coup d’épée, saisi vingt emmenés prisonniers, et fait périr les vingt-neuf autres, par l’asphyxie, en brûlant du soufre à l’entrée de la grotte (27).
Afin d’échapper à quelque acte de barbarie non moins funeste qu’ils n’eussent pas manqué d’exercer contre lui, s’ils se fussent emparés de sa personne, Lespine prit le parti de faire, pour cette citation, comme il avait fait pour la saisie et la mise en vente des biens. En conséquence, ce même jour de vendredi, 29 mars, sur cette même place de la Clautre et à la barrière de la ville, située près du pont, par où l’on passait pour aller à Montignac, et toujours par la bouche du crieur juré, il ajourna Archambaud à ester et comparaître, par devant la cour, le 29 avril suivant, pour, là, voir interposer et faire l’adjudication du décret des héritages vendus, avec commandement, de par le roi, à tous et un chacun, d’informer ce seigneur de cet ajournement. Du reste, pour que nul ne se permît d’arguer de l’ignorance du jour qu’il venait d’assigner, il fit également savoir à tous ceux qui avaient fait des oppositions qu’ils pourraient se présenter, ce même jour, et, s’ils avaient raisons valables à produire, pour empêcher l’adjudication du décret, qu’il leur serait loisible de les exposer à la barre. Enfin, pour que cet ajournement eût toute la publicité possible, Lespine le transcrivit sur une feuille de parchemin, qu’il scella de son sceau et cloua à la barrière même où il avait fait crier l’assignation (28).
Comme on le pense bien, Archambaud ne comparut ni n’envoya personne pour le représenter au jour indiqué. De sa part donc, point de difficultés. Mais il n’en fut pas de même des opposants intervenus durant la saisie et les subhastations. Le chapitre de St-Front surtout fit les plus énergiques efforts pour empêcher la validation de la vente, et obtenir que les droits, domaines et revenus saisis ne fussent pas adjugés. Les raisons qu’il produisait à l’appui de ses prétentions sont consignées dans le préambule du décret d’adjudication, et se résument ainsi :
Jadis, par ses exactions et ses violences, le comte de Périgord, Archambaud V, avait causé plusieurs torts et préjudices au chapitre et à ses sujets, et s’était efforcé de porter atteinte à certains arrangements contractés anciennement entre eux, par suite de quoi, déjà depuis longtemps, les chanoines lui avaient intenté un procès, l’avaient fait citer, et étaient parvenus à faire mettre sa terre sous la main du roi, avant que le maire, les consuls et la communauté se fussent déterminés à le poursuivre. Ils ne s’en étaient même pas tenus là, et, grâce à leur persévérance, ils avaient obtenu défaut contre lui, et réclamé le bénéfice de ce défaut, lorsque, à la requête du maire, des consuls et de la communauté, qui voulaient aussi intenter un procès à ce seigneur, ils s’étaient dessaisis, entre les mains des représentants de la ville et de la cité, de ce défaut, par eux obtenu, et du procès lui-même, afin que, d’un commun accord, les uns et les autres, ils pussent poursuivre leur adversaire; que depuis, la municipalité de Périgueux, gardant devers elle toutes les pièces, avait procédé seule contre Archambaud; que, de fait, la juridiction de la paroisse de St-Front, dans toute son étendue, leur appartenait primitivement; que, dans la croyance d’en pouvoir plus sûrement jouir, ils l’avaient mise en pariage avec un des prédécesseurs du roi Charles VI, à la condition que la moitié cédée ne pourrait pas être séparée de la couronne, ce qui n’avait pas empêché que, par la suite, elle ne passât aux mains du comte de Périgord; d’où il résultait, pour eux, un double intérêt à empêcher l’adjudication, d’abord parce que, si la portion afférente au comte tombait au pouvoir des consuls, il arriverait que leurs sujets deviendraient leurs co-associés, avec les consuls; en second lieu, parce qu’en restant en pariage avec le roi, leurs droits seraient mieux garantis que s’ils étaient confiés aux consuls. En conséquence, ils demandaient à être reçus dans leur opposition, ou, tout au moins, que leurs droits fussent réservés, et le maire et les consuls condamnés aux dépens.
De son côté, le procureur-général soutenait aussi que l’envoi en possession ne pouvait ni ne devait avoir lieu. A l’appui de cette assertion, il alléguait les raisons suivantes:
1° En vertu de la teneur même de l’acte de pariage, il n’était pas possible que les rois de France se dessaisissent des droits que cet acte leur avait attribués;
2° Roger-Bernard avait sans doute eu à sa disposition la moitié de la cour du célérier; mais il n’en avait réellement joui qu’en qualité d’usufruitier et afin de se payer d’une somme de dix mille florins qu’on s’était engagé à lui fournir, durant la guerre contre les Anglais, pour la garde et l’entretien de ses châteaux. Il ajoutait d’ailleurs que, si l’aliénation de la couronne eût été faite avec intention, ce qu’il n’était pas possible d’admettre, toutes les aliénations des domaines, depuis la mort de Philippe-le-Bel, ayant été révoquées et annulées par le roi Jean (29), la cession au comte de Périgord se serait trouvée être de nulle valeur. Quant aux autres biens et revenus saisis, il en faisait à peine mention, et se bornait à dire qu’ils devaient rester unis au domaine royal, sans expliquer par quels motifs il se croyait obligé de demander que l’adjudication du décret n’eût pas lieu, et que la communauté de Périgueux ne fût pas mise en possession de ces biens et revenus, à elle adjugés par Lespine, à la suite des enchères faites à Périgueux.
En tant qu’il s’agissait de ces biens, cette manière d’argumenter n’était pas très concluante. Aussi, les représentants de Périgueux (30), de même que les adversaires de la communauté, ne s’occupèrent-ils que de la question relative à la moitié de la cour du célérier. Ils soutinrent qu’Archambaud V et ses prédécesseurs avaient joui de la juridiction de cette cour pendant plus de quatre-vingts ans, et prétendirent qu’elle leur avait été concédée, en compensation des dommages que les guerres leur avaient fait éprouver (31); que si, en général, les aliénations avaient jadis été révoquées, la révocation ne pouvait pas porter sur celles dont l’utilité et le bon usage avaient été reconnus par la Chambre des Comptes. Ils ajoutèrent, en outre, qu’il ne pouvait y avoir aucun inconvénient à leur en faire l’adjudication, puisque cette juridiction pourrait rester confiée à un juge commun. Quant à la prétention qu’avait le chapitre sur les biens du comte, sous le prétexte qu’il avait commencé les poursuites avant la communauté, ils déclarèrent que la communauté avait fait des démarches antérieures aux siennes, et que c’était la faute des chanoines s’ils n’avaient pas recouvré les pièces du procès que la cour avait devers elle.
Les répliques du chapitre et du procureur général ayant été entendues, et Archambaud persistant à ne pas se donner la peine de faire acte de présence, après mûre délibération, et sans tenir compte d’une opposition de Regnaut, sire de Pons (32), la cour, le 19 juillet 1399 (33), se rangeant à l’avis du chapitre et du procureur général, en ce qui concernait la moitié de la juridiction de la cour du célérier (34), mais faisant droit aux raisons des représentants de la ville et de la cité, en tant qu’il s’agissait des autres biens, les adjugea à la communauté de Périgueux, et l’envoya en possession de toutes les choses subhastées, moins cette moitié de juridiction, pour sept mille huit cents livres, à déduire sur les trente mille qui lui étaient dues en vertu du jugement du 3 février (35).
(5) Dans le faubourg de Périgueux qui porte encore ce nom.
(7) Ibid., p. 37 et 102.
(8) Sorte de péages de la nature des octrois.
(9) Dont l’église occupait la place actuelle de Saint-Silain.
(10) L’église est située dans les dépendances du couvent de Sainte-Ursule.
(11) Au-dessus de la place Tourny.
(12) Non loin du pont de la Cité.
(13) C’est ce qu’on appelle aujourd’hui les lods et ventes.
(14) Preuves, p. 38 et 98.
(15) Terme de coutume et de jurisprudence féodale indiquant une juridiction. C’était la basse justice foncière, appartenant aux seigneurs
sur ceux qui leur devaient cens, rentes et autres devoirs. On dérive ce nom de jus infirmi dominii; on disait aussi semi-droit. Preuves, p. 38,104,128 et 132, note.
(16) Preuves, p. 38,103, 107 et 118.
(17) Ibid., p. 38 et 103.
(19) Naguère encore, elle s’appelait place du Greffe. C’est aujourd’hui la place Daumesnil, a laquelle s’applique, tout aussi justement, ce que j’ai dit pour la place Marcillac, p. 90, note 3. Place des Graz signifie place des degrés, ainsi nommée à cause de sa position et des degrés qu’il fallait descendre pour y arriver. Le nom de place du Greffe n’était que le résultat d’une altération de prononciation.
(25) On appelait cela faire l’adjudication du décret de la vente.
(26) C’était probablement la grotte qui porte actuellement le nom de Trou-de-l’Andrive, qu’on aperçoit fort bien de plusieurs points de Périgueux, et qui est assez spacieuse pour contenir cent personnes.
(28) Preuves, p. 66 et 67.
(30) Bernard Favier, Jean de Comte, Arnaud de Barnabé, Arnaud du Chastenet et Guillaume Faidit, dont il sera question de nouveau, plus loin.
(31) Par ignorance ou à dessein, les représentants de Périgueux confondaient le pariage fait en 1317 (voyez plus haut, p. 22) et la cession de la moitié de la juridiction de la cour du célérier, faite en 1341 (voyez plus haut, p. 27).
(32) Il réclamait, sur les prix des biens vendus aux enchères, sept mille florins d’Aquitaine, qui lui étaient encore dûs sur la dot de sa femme, Marguerite de Périgord, sœur d’Archambaud V. Preuves, p. 75.
(33) Cette date est la même que celle de l’arrêt contre Archambaud VI, comme on le verra plus bas.
(34) Le chapitre conserva cette cour en sa possession jusqu’en 1484, qu’il la vendit à la communauté 40 l.t. de rente, amorties plus tard moyennant 800 l.t. une fois payées. (Livre jaune de la M. de ville de Périgueux, fol. 43 et 54.)
SIÈGE ET PRISE DE MONTIGNAC
1398.
En voyant Archambaud VI s’abstenir de toute démarche, à l’occasion de la saisie et de la mise en vente des droits, biens et revenus jadis possédés par son père, à Périgueux et dans la banlieue de la ville, on eût pu être porté à croire que, plus calme, plus réfléchi, il avait fini par regarder le jugement de 1397 comme un fait accompli, un malheur désormais inévitable, qu’il fallait accepter, en s’abstenant d’en aggraver les conséquences, et que le meilleur moyen peut-être d’en finir, c’était de laisser à la cour le soin de donner, aux adversaires d’Archambaud V et aux siens, un commencement de satisfaction peu dispendieux et néanmoins essentiellement propre, sinon à complètement apaiser, du moins à beaucoup atténuer les exigences de leurs réclamations. Telles n’étaient cependant pas ses dispositions d’esprit. Incapable, au contraire, de se maîtriser, et ne voulant rien rabattre de ses prétentions à la souveraineté absolue sur le Périgord; ne comprenant pas même que l’état de confusion et d’anarchie où se trouvait le pays fût un danger de plus pour lui, au lieu de se résigner à subir la perte de revenus peu importants et de droits toujours contestés, dans l’ivresse de son orgueil indomptable, il eût regardé comme honteux pour lui de s’opposer, par les voies légales, à l’aliénation des biens saisis. Il était tellement convaincu qu’il ne devait pas s’abaisser jusqu’à faire usage de moyens semblables, qu’en apprenant ce qui s’était passé à Périgueux, pendant le mois de mars, et l’ajournement qu’on lui avait intimé, pour la fin d’avril, son premier soin fut de réunir un petit corps de troupes de cent vingt cavaliers et de quatre cents fantassins armés de guisarmes et de dards, fabriqués exprès et par son ordre, dans le but évident de répondre, par la guerre, aux poursuites judiciaires exercées contre lui. On était alors vers la fin de juin. A la tête de ces forces, qui ne laissaient pas que d’être imposantes, pour le temps et pour l’occurrence, il se dirigea sur Périgueux, et alla s’établir aux Frères-Prêcheurs, dont le couvent, comme on sait, touchait aux portes de la ville. Il y resta cinq jours, pendant lesquels, au milieu des rencontres plus ou moins sanglantes qu’il eut avec ceux de la communauté, il livra tous les environs au pillage, ravagea les jardins, arracha les vignes et les arbres fruitiers, mit le feu aux blés, et détruisit tout ce qui lui tomba sous la main (1).
Plus que jamais cependant on s’occupait, à Paris, de mettre un terme à ses ravages. On n’a pas sans doute perdu de vue qu’au mois d’août 1397, Arnaud de Barnabé, député par la ville et la cité, se rendit à Paris, avec le sénéchal de Limousin, afin de solliciter des secours plus efficaces contre les maux qui désolaient la province et sa capitale (2). Périgueux ne pouvait pas choisir de représentant plus actif et plus dévoué à ses intérêts, dans une circonstance où il fallait faire marcher de front trois affaires également importantes: d’une part, l’exécution du jugement rendu contre Archambaud V; de l’autre, la poursuite et la punition des méfaits d’Archambaud VI; en troisième lieu, le châtiment de la trahison de Taleyrand de Périgueux, qui avait déserté la cause de la communauté pour celle du comte (3). On a vu aussi que, cédant à ses sollicitations et à celles de Jean de Comte, son collègue, on avait autorisé la saisie et la mise en vente des biens possédés par le comte à Périgueux ou dans les environs, et qu’au moyen du produit de cette vente, le maire, les consuls et la communauté s’étaient trouvés plus tard désintéressés, pour une partie des dommages et intérêts qui leur avaient été alloués (4).
Pendant qu’Arnaud de Barnabé et Jean de Comte poursuivaient leurs négociations, avec fruit, Bernard de Petit avait été élu maire, pour l’année 1398 (5). Ce choix était d’un heureux présage. Doué d’une capacité peu ordinaire, plein de zèle et de résolution, et n’ayant rien de plus à cœur que les intérêts de la communauté, le nouveau maire devait être et fut en effet d’un puissant secours pour Arnaud de Barnabé et Jean de Comte. D’un commun accord, ces trois hommes ardents et dévoués donnèrent aux démarches, déjà commencées contre Archambaud VI et Taleyrand de Périgueux, une activité inaccoutumée, qui fit hâter le dénouement d’une déplorable lutte trop longtemps prolongée.
Ils avaient très bien compris que, pour mettre un terme aux maux dont le pays et Périgueux surtout étaient affligés, il ne suffisait pas d’empêcher, plus ou moins longtemps, Archambaud de continuer ses déportements, mais qu’il fallait le frapper dans son existence de puissant seigneur. Grâces à leurs instances, il fut résolu, en principe, à Paris, que des troupes seraient envoyées en Périgord, pour combattre la révolte, réduire l’insoumis, s’emparer de ses châteaux et de sa personne. C’était un grand pas de fait; mais, avec les intrigues qui s’agitaient autour d’eux, il y aurait eu imprudence, de la part des représentants de la communauté de Périgueux, à s’en tenir à ce premier avantage. Il paraît, du reste, qu’ils ne montrèrent pas la moindre hésitation à cet égard. Du moins, la suite des événements ne permet pas de le supposer, car il est certain qu’ils n’eurent fin ni repos que l’expédition ne fût en marche. Mais ce qui rendit leur tâche plus facile, et réduisit les amis d’Archambaud à l’impossibilité de détourner, même pour un temps, l’orage amassé sur sa tête, ce fut surtout la conduite de ce seigneur, qui, dans l’impétueux élan de sa fureur dévastatrice, ne craignait et ne respectait rien. Les nouvelles de ses détestables et monstrueux exploits, apportées coup sur coup à Paris, déconcertèrent les mieux disposés pour lui. En présence des crimes et des méfaits dont il se rendait incessamment coupable, il n’y avait plus rien à dire; il n’était plus permis d’essayer de détourner l’attention. Comme on le pense bien, Arnaud de Barnabé et Jean de Comte ne manquèrent pas de saisir ce moment propice pour presser le départ des troupes promises. Ils firent même si bien, que ce départ eut lieu avec une promptitude inaccoutumée (6).
Vers le temps où l’on prit le parti de céder aux justes réclamations des représentants de Périgueux, un illustre guerrier, absent depuis longtemps de son pays natal, venait de reparaître à la Cour de Charles VI. Ce guerrier, qui n’était autre que le maréchal Jean-le-Meingre, dit Boucicaut, après une campagne des plus meurtrières en Hongrie, et une rude captivité chez les Turcs, arrivait en France, brisé par la souffrance et les privations, mais précédé d’une grande réputation et toujours passionné pour les combats et pour la gloire. Soit qu’il le demandât, soit que son mérite et la connaissance qu’il avait de la Guienne lui valussent cette nouvelle preuve de confiance, il fut chargé du soin d’aller mettre à la raison le dangereux détenteur du comté de Périgord. C’était faire beaucoup d’honneur à Archambaud; mais Boucicaut, qui savait que la mission n’était pas sans péril, l’accepta avec empressement, et fit si bien ses diligences, qu’il était en marche vers la fin de juillet. Cette expédition, dont il est à peine question dans notre histoire, et dont les Mémoires, imprimés sous le nom du maréchal, ne rendent compte que très sommairement et très imparfaitement (7), dura pourtant plus de deux mois, pendant lesquels Archambaud opposa la plus vive résistance. Le laconisme de ces Mémoires laissant beaucoup à désirer, et, d’un autre côté, ceux qui ont eu à s’occuper du siège de Montignac, d’une manière plus indirecte, en ayant parlé dans des termes contraires à la vérité historique, les détails qui vont suivre diffèrent d’autant plus de ce qu’on a dit, qu’ils sont plus exacts et plus précis. Mais comme, à cette occasion, on a commis aussi des erreurs assez grossières sur les divers séjours de Boucicaut en Guienne, il est indispensable de commencer par rectifier ces erreurs.
Dans sa jeunesse, Boucicaut fit deux campagnes en Guienne. Depuis qu’il fut fait maréchal (1392) jusqu’en 1398, il alla une fois en Auvergne et deux fois dans la Guienne proprement dite. L’expédition d’Auvergne date de la fin de 1392. Le premier voyage en Guienne eut lieu en 1393, de compagnie avec le connétable d’Eu; l’autre, en 1394. Dans cette dernière circonstance, le maréchal était seul, et avait pour mission de s’entendre avec le duc de Lancastre, afin de faire rentrer dans le devoir quelques violateurs de trêves (8). Dans le cours de ces deux années, il ne s’occupa du Périgord directement ni indirectement. En 1395, il fut chargé d’une mission diplomatique (9). On a vu plus haut qu’il passa les années 1396, 1397, en Hongrie ou chez les Turcs, dont il fut quelque temps le prisonnier, et revint en France en 1398 (10).
Après ces détails, qui sont de la plus rigoureuse exactitude, on conviendra qu’il est impossible d’admettre que le maréchal, à une époque qu’on ne détermine pas, mais qui ne peut se rapporter qu’à l’année 1395, ait fait une première fois le siège de Montignac, non pas sur le comte de Périgord, mais sur les Anglais, qui, de leur côté, n’occupèrent jamais ce château, durant les règnes de Charles V et de Charles VI, comme on a pu s’en convaincre par tout ce qui précède (11). Voyons maintenant l’expédition de 1398.
Ainsi qu’il a déjà été dit, Boucicaut se mit en marche vers la fin de juillet. Il arriva devant Montignac, le 5 août, ayant avec lui 800 hommes d’armes et 2100 arbalétriers (12), les sénéchaux de Périgord, de Limousin, de Rouergue et d’Auvergne, Robert de Melun pour maréchal d’ost (13) et Guillaume d’Orgemont (14) pour payeur. On comptait, en outre, parmi les seigneurs qui s’étaient réunis à lui, Jean de Montagu, vidame de Laon, chevalier, conseiller, chambellan du roi et souverain maître de son hôtel; Jean Des-Bordes, aussi chambellan du roi, châtelain de Beauvais, fils de Guillaume Des-Bordes, en son vivant porte-oriflamme de France; Charles de Soubize; le seigneur de Commarque, en Périgord; plusieurs autres Périgourdins; 25 bourgeois de Périgueux, et 80 hommes du commun fournis par la municipalité (15). Le bagage de cette petite armée se composait de trois charrettes à quatre chevaux, servant à transporter le matériel de campement; d’un sommier chargé d’or; de cinq chariots de Flandre, à quatre roues et à huit chevaux, sur lesquels était placée toute l’artillerie, canons, épées, pavois, arbalètes et traits, et de 200 sommiers destinés au service journalier (16). De son côté, pour résister à ces forces, Archambaud, indépendamment des canons et autres armes défensives (17), avait réuni, dans son château de Montignac, environ cent hommes d’armes, tant Français qu’Anglais, bon nombre de ribauds, et de quatre-vingts à cent habitants de la ville (18).
Avant de commencer le siège, le maréchal fit des sommations à ce seigneur, lui donna connaissance des pouvoirs qu’il tenait du roi, lui reprocha sa félonie, les maux causés au pays, les attaques dirigées contre Périgueux, les outrages prodigués aux officiers royaux, et lui conseilla de se rendre à merci, en expiation de ses crimes (19). Loin de se montrer disposé à la soumission, Archambaud, pour toute réponse, fit lancer quantité de traits contre ceux que le maréchal avait chargés de lui faire ces ouvertures, de sa part, et ces traits furent dirigés avec une telle précision, qu’il y eut plusieurs hommes de blessés. Quelques-uns même furent si grièvement atteints, qu’ils moururent des suites de leurs blessures (20).
Voyant qu’Archambaud ne voulait pas se soumettre, et profondément indigné de l’action perfide dont il venait de se rendre coupable, Boucicaut, dès le lendemain de son arrivée, traça son camp, établit ses postes et prit toutes ses mesures pour un siège en règle (21). La position était difficile. Placé sur d’âpres rochers, le château de Montignac, d’une construction excellente, dominait une assez vaste plaine, la commandait de trois côtés, nord, est et sud, et s’étendait majestueusement, au moyen d’une enceinte allongée, flanquée de bonnes tours, jusqu’à la rivière de Vézère, qui lui fournissait de l’eau, et pouvait, au besoin, lui apporter commodément d’abondantes subsistances. A l’ouest, les dispositions du terrain étaient moins favorables à la défense; mais elles ne laissaient pas que de présenter des difficultés sérieuses. Le sol s’élevait brusquement et formait un plateau par où l’on arrivait à l’entrée principale du château, et au moyen duquel on pouvait le combattre, sinon avec une grande facilité, du moins sans désavantage. Pour paralyser les conséquences de ce grave inconvénient, sur ce point l’art était largement venu en aide à la nature. D’immenses travaux, d’une rare solidité, protégeaient les abords de la place, et leur donnaient une apparence des plus formidables. L’armée était arrivée par le plateau (22). Le maréchal avait donc pu, dès l’abord, apprécier tout ce que le fort présentait de sérieuse résistance de ce côté. Toutefois, en homme de guerre expérimenté, il dut nécessairement, et avant tout, reconnaître les lieux, et même en prendre une connaissance détaillée. Le résultat de son examen ne fut pas douteux. Il lui parut clairement démontré que l’ouest et l’est étaient les deux points essentiels, sur lesquels devaient porter tous ses efforts. Du plateau, il battrait vigoureusement les murailles et les tours; dans la direction opposée, il se rendrait maître du cours de la rivière, et, par là, couperait les vivres à la garnison, pendant qu’au nord et au midi des postes rapprochés interrompraient les communications. En conséquence, il ordonna qu’une double attaque aurait lieu (23).
La saison était magnifique, et l’armée abondamment fournie de vivres. Les habitants du pays rivalisaient de zèle, entre eux, pour ne la laisser manquer de rien (24). Sous ce rapport donc, le commandant en chef n’avait pas à s’inquiéter. Il pouvait prendre son temps et agir en toute liberté. Il n’en était pas de même sous le rapport des travailleurs. Il disposait bien d’un bon nombre de bras; mais il manquait d’ouvriers spéciaux, tels que charpentiers, tailleurs de pierres, carriers, terrassiers et manœuvres destinés à servir les machines. Il recruta cent cinquante carriers ou tailleurs de pierres, cent charpentiers et cinq cents hommes du commun, pour faire les travaux de terrassement et le service du siège, six chariots et cinq charrettes (25). Au moyen de ce renfort, il put faire dresser sept machines, quatre brides et trois couillarts (26), qu’on disposa, partie sur le plateau, partie de l’autre côté de la Vézère (27). De ces sept machines, Périgueux avait fourni la bride principale et un couillart. Cette bride, remarquable par ses dimensions et par la justesse de son tir, lançait six cents livres pesant et pouvait être mise en jeu jusqu’à quatre-vingt-neuf fois dans les vingt-quatre heures (28). Le couillart était moitié moins fort. Les autres machines, quoique faites avec moins de précision, ne laissaient pas que de lancer des masses énormes de pierres, sans compter les canons, dont le nombre et la portée ne sont pas connus, mais qui nécessairement devaient être aussi un moyen important de destruction.
Tous ces préparatifs demandèrent du temps, pendant lequel, très certainement, Archambaud, de son côté, dut prendre les mesures les plus énergiques pour rendre efficace la résistance qu’il se proposait de faire. Les documents originaux se taisent à cet égard; mais il n’est pas permis de croire qu’il se fût décidé à lutter contre une armée royale, s’il n’avait eu d’avance la précaution de se munir de tout ce qui pouvait lui être indispensable pour soutenir un siège. Il est d’autant plus probable qu’il avait prévu ce cas, qu’il s’était montré plus indigné contre les conseillers de son père, en 1394, lorsque le vicomte de Meaux et le sénéchal de Périgord étaient venus dans la ville. Il est donc vivement à regretter qu’il ne reste pas un récit circonstancié de ce qu’il fit et des détails précis sur les ressources matérielles dont il disposait (29).
Le premier jour que les machines commencèrent à jouer, elles firent un ravage auquel Archambaud était loin de s’attendre. Cependant il ne se découragea point, et, pendant quelque temps, il lutta avec énergie et essaya de paralyser les efforts des assiégeants, qui, de leur côté, battaient en brèche, sans relâche, la ville et le château.
La grosse bride, fournie par Périgueux, fut, de toutes, celle qui causa le plus de dommage. Ses coups, d’abord dirigés contre la grosse tour du château, appelée le Jacques, frappèrent si dru et si juste, que cette tour fut bientôt rompue et effondrée (30). Après le Jacques, elle ébranla et abattit, en partie, une tour ronde, et endommagea fortement les murs et les habitations de la ville (31). Le couillart, quoique moins terrible, fit aussi beaucoup de mal. Il démolit une tour, abattit des pans de mur et renversa des maisons (32). Les autres engins agissaient à l’avenant (33). De leur côté, les assiégés ripostaient de leur mieux, et, comme ils n’avaient pas de tours, de murailles ni de maisons à renverser, ils visaient aux hommes, et cherchaient à frapper, de préférence, ceux dont la position avait une importance spéciale. C’est ainsi qu’ils s’attachèrent, de prime abord, au trompette royal, dont le panonceau, aux armes de France, attira leur attention. Ils lui lancèrent une dondayne (34), qui, fort heureusement, ne l’atteignit pas. Du reste, soit que les ressources dont ils disposaient ne fussent pas suffisantes, soit que leurs machines se trouvassent inférieures à celles des assiégeants, sous le double rapport de la force et de la précision, leurs tentatives étaient bien rarement couronnées de succès, et c’est à peine si, de loin en loin, ils atteignaient quelques hommes.
Le siège dura environ deux mois, sans qu’Archambaud fit mine de consentir à se soumettre. Toujours plongé dans son obstination aveugle, il ne voulait rien écouter. A le voir prolonger, par des efforts inouis, une résistance que tout le monde reconnaissait être désespérée, on eût dit qu’il avait la conviction profonde qu’un secours imprévu viendrait le délivrer. A la fin cependant, ses murs ébranlés et en partie abattus, ses tours écroulées, sa ville de Montignac presque détruite, ses soldats tués, blessés ou épuisés de fatigues et de veilles, ses sujets ruinés et découragés, sans que personne, pour cela, parût vouloir se décider à lui prêter assistance, dessillèrent ses yeux, et la vérité tout entière lui apparut dans ce qu’elle avait de plus réel et de plus terrible. Il comprit qu’il fallait se résigner, et, bien malgré lui sans doute, il prit le parti de faire des ouvertures, pour essayer de traiter. Mais il était bien tard. Il y avait à croire, en effet, que le seul arrangement désormais possible, c’était qu’il se livrât corps et biens, et qu’il se mît à la merci du roi. Il s’en tira cependant mieux qu’il n’avait lieu de l’espérer, car il obtint la promesse formelle d’avoir la vie sauve, et il fut permis à ses partisans de s’éloigner avec leurs chevaux et leurs armures (35). Aussi n’en demanda-t-il pas davantage, et, sans plus différer, il se livra, et rendit Montignac au maréchal, qui en prit possession, au nom de Charles VI, et en donna le commandement à un capitaine appelé Philippot du Mesnil-Regnart avec une garnison suffisante pour le défendre contre les surprises et les attaques de toute nature.
Quand la prise de Montignac fut connue, les partisans d’Archambaud se découragèrent, et, sans faire résistance, remirent successivement, entre les mains du maréchal, les châteaux qu’ils occupaient. A mesure qu’on lui en faisait la remise, Boucicaut y mettait des troupes et des commandants dévoués au roi. Le capitaine à qui fut confié Auberoche s’appelait Jeannot Helyas; celui de Bourdeille, Jean de Chambrillac (36). Les noms des autres ne sont pas connus.
Durant le siège, Archambaud avait auprès de lui sa jeune sœur Brunissande (37), qu’on a vue pour ainsi dire gouverner Montignac, du vivant de leur père, ce qui autoriserait à penser qu’elle partageait tous les sentiments de son frère, et qu’elle était restée avec lui pour l’aider et le seconder dans sa lutte contre Boucicaut. Cela est d’autant plus probable, qu’après la reddition de Montignac, Brunissande ne le quitta point, et qu’elle demeura prisonnière comme lui, entre les mains du maréchal, qui les garda l’un et l’autre, tout le temps qu’il mit à rétablir l’ordre dans les châteaux du comte, les conduisit en Saintonge (38), quand tout fut rentré dans le devoir en Périgord, et les remit aux mains de Regnaut de Pons, sixième du nom, vicomte de Turenne et de Carlat, seigneur de Ribeyrac, de Monfort, d’Aillac, de Carlux, etc., conservateur des trêves pour la France, lieutenant du roi dans les provinces de Poitou, Saintonge et Angoumois, qui reçut mission expresse de conduire Archambaud à Paris et de le mettre à la disposition du roi, le 1er février 1399 (39).
Quoique incomplets, ces détails ne laissent pas que d’être importants; et, bien qu’ils soient en contradiction, sur plusieurs points, avec les Mémoires de Boucicaut, ils ont néanmoins cela d’essentiel, qu’en dehors de la circonstance des sœurs du comte qu’il aurait fait conduire à Paris (40), ils confirment l’ordre donné par le maréchal au sujet du comte, ordre qui s’explique naturellement, puisque nous savons qu’après son expédition en Périgord, au lieu de revenir directement à Paris, ce qui eût été une faute, Boucicaut resta dans la Guienne, pour observer et tenir en respect les agitateurs, bien persuadé sans doute qu’il était de son devoir de ne pas s’éloigner avant de s’être assuré de la disposition générale des esprits, et convaincu que sa présence pouvait seule maintenir le pays tranquille, et empêcher les Anglais, ou du moins les bandes de pillards qui désolaient la province, d’exploiter l’arrestation du comte, à leur profit. Dans cette occurrence, il était donc tout simple qu’il se débarrassât de son prisonnier, afin de pouvoir agir plus librement et plus rapidement. Dès-lors, quoi de plus rationnel que de le remettre à un lieutenant du roi, conservateur des trêves en Guienne, ayant double qualité pour lui inspirer toute confiance, et même, à vrai dire, le seul, par sa position officielle, à qui ce dépôt pût être convenablement confié? On va voir cependant que le sire de Pons, pas plus que le maréchal de Boucicaut, ne conduisit ni fit conduire Archambaud à Paris. On n’a pas oublié de quelle manière s’expriment les Fragments conservés par le chanoine Leydet et les lettres de rémission en faveur de Jean de Chalmon. Il suffirait des deux passages rapportés plus haut pour qu’on ne pût pas mettre en doute que la promesse faite par Boucicaut ne fut point une promesse vaine, et que des lettres, émanées de l’autorité royale, la réalisèrent quelque temps après.
Mais, indépendamment des détails fournis par les documents en question, il existe une troisième pièce, plus explicite encore. C’est une lettre du 22 mars 1399, écrite de Paris, par les députés de la communauté (41), au maire et aux consuls de Périgueux, par laquelle ils leur apprennent que quelques-uns d’entre eux ont lu les lettres de grâce d’Archambaud (42). Il n’y a donc pas possibilité de mettre en doute la réalité d’une rémission royale, comme conséquence de la capitulation de Montignac, et, si cette rémission ne se retrouve pas, c’est probablement par le motif qu’elle ne fut jamais délivrée ni enregistrée (43); d’où l’impossibilité matérielle de déterminer l’époque précise où elle fut concédée. Il est certain cependant que sa date ne saurait être postérieure au 1er février 1399, car, sans cela, la conduite du sire de Pons, dans cette circonstance, serait une véritable trahison, puisque, au lieu de conduire Archambaud à Paris, comme il en avait pris l’engagement, il le laissa partir seul, à cette époque, et s’en aller à Bordeaux, d’où il se rendit auprès de Bernard VII, comte d’Armagnac (44), son cousin, gendre de Jean, duc de Berry, oncle du roi, qui le prit sous sa protection et se mit généreusement à l’œuvre pour lui, probablement dans la persuasion qu’il pourrait le tirer d’embarras, au moyen de l’influence que lui permettait d’exercer sa qualité d’allié de la famille royale. Et, de fait, peu de temps après qu’Archambaud fut arrivé auprès de lui, ils prirent ensemble le chemin du Berry, se rendirent probablement auprès de Jean (45), qui faisait alors sa résidence à Bourges, sans doute afin de s’entendre, avec lui, sur la direction à donner aux démarches à faire pour arracher ce seigneur au sort funeste qui le menaçait, obtenir sa grâce, et lui rendre, s’il était possible, la possession de ses domaines. Une fois bien d’accord avec le prince, et le sauf-conduit demandé pour Archambaud et ceux de ses complices qui l’avaient suivi ayant été obtenu, les deux cousins quittèrent Bourges, et se dirigèrent sur Paris, où ils arrivèrent avant les représentants de la communauté de Périgueux. Quant à Brunissande, comme il n’est plus question d’elle, à partir du moment où elle fut conduite en Saintonge avec son frère, il est à croire qu’elle se rendit, dès-lors, auprès de sa mère, qui, selon toutes les apparences, n’avait pas quitté ses domaines, depuis qu’elle s’y était retirée, du vivant de son mari.
(1) Fragments, etc.
(3) Voyez plus haut, p. 210, note.
(4) II est à remarquer que ce fut là tout ce qu’ils retirèrent des deux arrêts obtenus par eux contre Archambaud père et fils. Ce n’est pas cependant qu’ils eussent renoncé aux réclamations et aux poursuites (Preuves, p. 108). Nous trouvons même (Livre jaune de la M. de ville, fol. 55) qu’ils sollicitaient encore en 1491 le paiement des 40,000 l. qui leur avaient été allouées, à titre de dommages et intérêts, par l’arrêt du 19 juillet 1399, contre Archambaud VI.
(5) Livre noir, etc.
(6) Ce fut probablement alors qu’Arnaud de Barnabé quitta Paris pour retourner à Périgueux, et fut remplacé par Bernard Favier, que nous verrons désormais agir avec Jean de Comte, resté toujours le représentant de Périgueux, durant toute cette affaire.
(7) « Sitost que le mareschal fust arrivé en Périgort, il manda au comte qu’il se meist en l’obéissance et volonté du roy, et demandast pardon du grand mespris que vers luy faict avoit, et que, se ainsi le vouloit faire, que luy mesme pourchasseroit sa paix vers le roy, et le prieroit que il lui voulust pardonner; mais de tout ce ne feit nul compte, ains espia son point, et saillit sur les gens du mareschal, à belle escarmouche; mais toutes fois ce fut à son pis, car il fut laidement rechassé en sa forteresse, et non pourtant y fut blessé messire Robert de Milly, qui estoit et est de l’hostel du mareschal.
De cestz désobéissance et oultrecuidance que le comte de Périgort faisoit contre le roy fut moult indigné le mareschal, et dit qu’il luy vendroit cher sa folie. Si meit tantost le siège, par très belle ordonnance, devant le chastel de Montignac, qui est une très forte place, et semblerait comme imprenable; et là estoit led. comte. Et manda querre engins et trait de partout, et en fit faire tant qu’il en fut bien garny. Puis les feit dresser; si prirent à lancer si grosses pierres d’engins et de canons, contre les murs, que tous les estonnèrent, et si druement que l’un coup n’attendoit l’autre, dont ils abatoient la muraille à grands quartiers; tant que, en deux mois que dura le siège, furent si bien battus que mieulx ne pouvoient; et bien veirent ceulx de dedans que tenir ne se pourroient, et que remède n’y avoit qu’ils ne feussent pris, par vive force. Si conseillèrent au comte que il se rendist, laquelle chose, quand plus n’en peut, il feit, et se soubmist à la volonté du roy et à l’ordonnance du mareschal; et aussi se rendirent au roy tous ses chasteaux et villes, et le mareschal, comme saige chevetaine (capitaine), y meit très bonnes gardes, et très bien les garnit; et le comte et ses sœurs, qui avec luy feurent prises, envoya en France au roy, lequel luy pardonna ses mesfaits, pour ceque il luy cria mercy, et promist d’estre, de là en avant, bon François. De laquelle chose il se parjura, car assez tost après se partist, sans congié, et s’en alla en Angleterre, dont puis ne retourna. »
(Mémoires de Boucicaut, ch. 29. Coll. de Mém. sur l’Hist. de France, par Petitot, t. 6, p. 479.)
(8) Mémoires, ch. 21. Voyez plus haut, p. 193.
(9) Arch. du roy. J. 518, et Histoire de Boucicaut, p. 57.
(10) Mémoires, ch. 22-29.
(11) Précis historique sur la ville de Sarlat, par M. l’abbé Audierne (Calendrier du département de la Dordogne, de 1839, p. 59.). Il est évident que M. l’abbé Audierne veut parler de l’expédition du vicomte de Melun, que des détails inexacts, fournis sans doute par quelque document peu fidèle, lui auront présenté comme un siège fait contre les Anglais.
(12) Les Mémoires de Boucicaut (ch. 29) disent: « Le roy ordonna que le maréchal irait aud. pays, et avec luy meneroit huit cents hommes d’armes et quatre cents arbalestriers, et en prendroit deux cents qui estoient jà devant pour la garde du pays, et par ainsi seroit mille hommes d’armes qu’il auroit. (Coll. des Mém.pour l’Hist. de Fr.) Il y a là deux erreurs. D’abord, il n’amena pas avec lui 400 arbalétriers, mais seulement 200 (Livre noir, etc., fol. 46). Quant aux deux cents hommes d’armes qu’il devait prendre dans le pays, il ne pouvait pas les y prendre, puisqu’il est constant qu’ils n’y étaient pas. Dans tous les cas, il est bien certain qu’ils n’étaient point devant.
(13) C’est-à-dire maréchal de son armée.
(14) Fils de Pierre d’Orgemont, chancelier de France sous Charles V.
(15) Quatre-vingts fantassins, propres à tout faire.
(16) Livre noir, etc., fol. 46, et Fragments, etc.
(17) Preuves, p. 126. C’est l’inventaire de l’artillerie après la prise du château.
(18) Ce nombre est fixé approximativement, d’après le Livre noir, l’arrêt contre Archambaud VI et les Fragments. Ces derniers disent qu’il avait avec lui 80 étrangers et plus de 80 habitants de Montignac.
(19) Livre noir, etc., fol. 46. On lit dans un article de M. A. de Gourgues, ayant pour titre: Découverte de tombeaux et d’une médaille au château et à l’église de Bannes (Annales agricoles et littéraires de la Dordogne, t. 2, p. 160): « Lorsque le maréchal Boucicaut vint mettre le siège devant Montignac, qui est, dit-il dans ses Mémoires, une forte place et sembleroit comme imprenable, il fit sommer, à haute voix, Archambaud et ceux qui avaient suivi la malheureuse fortune de leur comte. Limart de Losse fut un des noms que le trompette appela de la place de Roque-Taillade, sous une grêle de viretons et de dondaynes. » Je ne sais pas où M. de Gourgucs a puisé ce renseignement; mais, pour sûr, je n’en ai trouvé trace nulle part. De plus, il me paraît complètement en contradiction avec les mœurs et les usages du temps. D’ailleurs, Ademar, et non pas Limart de Losse, ne figure au procès ni dans aucun des documents qui s’y rattachent; il n’est même pas nommé parmi les gentilshommes envoyés à Roussille en juin 1397 (Voyez plus haut, p. 238). On ne s’expliquerait donc pas comment il aurait eu l’honneur d’être appelé, par ordre de Boucicaut, à supposer qu’il y eût eu réellement un appel.
(20) Livre noir, etc., et Fragments, etc.
(21) Ibid.
(22) Naguère encore il restait des traces de l’ancien chemin royal qui venait aboutir au château.
(23) Livre noir, etc., fol. 46.
(24) Fragments, etc. Il y est même dit qu’il faisait si beau, qu’il se passa deux mois et trois semaines sans pluie.
(25) Livre noir, etc., fol. 46.
(26) Le couillard était une sorte de baliste de petite dimension, dont la forme paraît avoir donné naissance à la coulevrine moderne. On lit dans l’Histoire de Charles VI, par J. Juvénal des Ursins (année 1405): « De faict y mirent le siège et y assortirent canons et coullars et autres engins.... Endommageoient fort ceux de dedans les coullars, par où on jettoit grosses pierres et pesantes. »
(27) Livre noir, etc., fol. 46.
(28) Livre noir, etc., et Fragments, etc,
(29) Ces renseignements seraient d’autant plus précieux, qu’indépendamment des notions importantes que nous y puiserions, ils nous apprendraient probablement aussi que des promesses perfidement faites, plus encore que la confiance en ses propres forces, l’avaient engagé dans celte lutte désespérée.
(30) Livre noir, etc., fol. 40.
(31) lbid.
(32) Livre noir, etc., fol. 46.
(33) Pour se faire une idée du dégât, voir Preuves, p. 123.
(34) lbid. La dondayne ou dondaine était une sorte de flèche de la nature du vireton, et désignée avec d’autres traits de ce genre par le terme générique de vire. Dans le reg. du tr. des ch., coté 160, pièce 230 bis (Arch. du roy.), on lit: « Led. Jehan respondi qu’il ne avoit nulles vires pour tirer, à quoy Nicolas respondi qu’il en avoit et lui en bailleroit, et lui bailla une dondaine.... Led. Nicolas tira le premier.... et ala quérir sa vire qu’il avoit traicte.... et ainsi qu’il estoit illec, led. Jehan tendi son arbalestre, et, après ce qu’il ot mis sa dondaine en coiche pour tirer et qu’il la bessoit, pour prendre sa visée, lad. dondaine eschappa. » Il est a remarquer qu’on appelait aussi dondayne une machine propre à lancer des boulets de pierre : c’était une sorte de bride, baliste ou catapulte des anciens.
(35) Les Fragments, etc., s’expriment ainsi: « Il se rendit luy et tous ses lieux à la mercy du roy de France, en ce que luy fut promis que son corps ne mourroit point…. et toute la ribaudaille et meurtriers que led. comte tenoit, s’en allèrent, leurs vies saulves, en (avec) leurs chevaux et armeures. » On lit dans des lettres de rémission (mai 1402), en faveur de Jean de Chalmon, qui avait demouré en la compaignie de Archambaud de Pierregort es chasteaux et forteresses de Montignac, de Auberoche, Rousseille et de La-Rouffie : « Attendu que, quant la délivrance dud. lieu de Montignac fu faite, par nostre amé et féal chambellan et mareschal Jehan le Meingre, dit Boucicaut, remission fu, par nous, faite ausd. Archambaut et à ses complices, etc. » (Arch. du roy. Reg. du tr. des ch., coté 157, pièce 47.)
(36) Preuves, p. 110, 112 et 113. Les Fragments, etc., disent Piquet à Montignac, Chatard de Vieulet à Auberoche et P. Bochard à Bourdeille.
(37) Fragments, etc. Et non pas ses sœurs, comme disent les Mémoires de Boucicaut
(38) Fragments, etc.
(39) Livre noir, etc., fol. 46.
(40) Les Mémoires du maréchal disent positivement qu’il fit conduire le comte et ses sœurs à Paris, ce qui n’est pas exact.
(41) Bernard Favier, qui avait remplacé Arnaud de Barnabé et Jean de Comte, qui étaient antérieurement à Paris; Arnaud de Barnabé, Arnaud du Chastenet et Guillaume Faidit qui, sur la demande de Favier et de Comte, étaient allés les rejoindre. (Fragments conservés par le chanoine Leydet.)
(43) Les députés de Périgueux empêchèrent que les lettres fussent, expédiées, par l’énergie avec laquelle ils combattirent les intrigues et les sollicitations des amis d’Archambaud, qui, non contents de lui voir la vie sauve, voulaient lui faire rendre ses biens.
(44) Fragments, etc.
(45) Ibid.
PROCÈS D’ARCHAMBAUD
1399.
Au milieu des nombreuses questions politiques et religieuses dont il avait à s’occuper, et malgré les circonstances difficiles dans lesquelles il s’était souvent trouvé (1), le parlement ne négligea jamais les affaires judiciaires. Aussi, dans aucun cas, sa rigide équité ne fit-elle défaut à personne. L’arrêt du 3 février 1397 en est une preuve incontestable. Longtemps l’action de la loi était restée en suspens; mais, quand le moment de frapper fut enfin venu, cette haute cour de justice prit sa détermination avec le calme et l’impartialité qui la caractérisaient.
Dans l’intervalle qui s’était écoulé depuis la mort de son père jusqu’à l’arrivée d’Archambaud VI à Montignac, et très certainement aussi avant cette mort, mais postérieurement à la prise du château de Caussade, les déportements et les violences des partisans de la famille, loin de se ralentir, s’étaient continués au contraire aussi nombreux et aussi détestables que par le passé; de sorte qu’en se mettant au lieu et place de son prédécesseur, le nouveau détenteur du comté avait non seulement continué la révolte contre les lois et la majesté royale, mais encore encouru, de prime abord, l’application d’une peine aussi rigoureuse que celle de son père; car, en sa qualité de seigneur immédiat des bandes armées soumises à ses ordres, il avait assumé sur lui la responsabilité de tous les excès et de tous les méfaits commis au nom et sous la bannière du comte de Périgord. Le parlement se trouvait donc obligé d’intervenir encore une fois et de poursuivre dans le fils les crimes qu’il avait punis dans le père. Il le devait même d’autant plus, que la conduite de ce seigneur, indépendamment de tout ce qu’elle avait de répréhensible, au point de vue féodal, était une violation flagrante de la majesté de ses arrêts, violation essentiellement maladroite de la part d’Archambaud, qui ne devait pas être sans savoir que, tout en attirant sur lui les rigueurs de cette cour, jalouse, à bon droit, de son autorité, elle exciterait aussi la colère et l’indignation de tous les amis sincères de la monarchie.
Tant d’inconséquence et de présomption serait à peine compréhensible si l’on ne savait déjà qu’à un esprit très ordinaire il joignait un caractère violent et passionné, jusqu’à l’aveuglement. Il ne lui fallait certainement pas un grand effort d’imagination pour comprendre qu’il ne pouvait manquer de se nuire beaucoup en procédant comme il le fit, et pourtant il est certain qu’il ne sentit pas combien ses folles démarches allaient lui susciter de graves embarras, en mettant les protecteurs qu’il avait à Paris dans l’impossibilité de lui être utiles. On pourrait objecter, il est vrai, qu’il se souciait peu de ce qu’on dirait ou ferait à Paris; que la bienveillante entremise de ceux qui lui témoignaient de l’intérêt ne lui importait guère, puisqu’en prenant possession des domaines paternels, sans l’autorisation préalable du roi Charles VI, il avait volontairement rompu avec la France, et que, par conséquent, il ne devait plus compter et ne comptait plus en effet sur les anciens amis de sa famille, mais sur une protection plus efficace, plus puissante que la leur. Que résulterait-il cependant de cette façon d’expliquer son empressement à se compromettre, dès son apparition en Périgord, de manière à ne plus pouvoir reculer, sinon une preuve plus évidente encore de son défaut d’intelligence et de son incapacité dans l’appréciation des hommes et des choses? Car, en admettant qu’il eût des promesses formelles de secours, de la part de l’Angleterre, ce n’était pas une raison pour mécontenter, à plaisir, toutes les populations, sur lesquelles il voulait établir son autorité, et c’est pourtant ce qu’il fit. Sa conduite envers elles fut même si déplorable et si odieuse, qu’il finit par attirer sur lui une animadversion presque générale (2). Instruit de tout ce qui se passait par les représentants de Périgueux, et non moins qu’eux sans doute désireux d’en finir avec la révolte, le parlement se hâta de prendre des mesures bien faites pour fournir matière à réflexion à tout autre qui, moins aveugle et moins passionné qu’Archambaud VI, aurait eu la sage précaution de se rendre compte de sa position. En effet, il avait eu à peine le temps de se reconnaître, si toutefois il était déjà en Périgord, que cette cour, ainsi qu’on l’a vu plus haut, reprenait un vieux procès contre son père, le condamnait itérativement au bannissement perpétuel, avec confiscation de ses domaines, comme s’il était encore de ce monde, et le même jour, 18 avril 1397, probablement dans la même séance, donnait des ordres pour recommencer les poursuites contre les complices de son père et subsidiairement contre lui (3). Certainement cette double détermination du parlement était significative, et néanmoins elle ne paraît pas avoir exercé la moindre influence, en bien, sur les actions ultérieures d’Archambaud. On serait plutôt tenté de croire qu’elle augmenta la surexcitation de son orgueil insensé, et qu’elle lui inspira la fatale pensée de se maintenir plus obstinément encore dans la voie périlleuse où il s’était engagé avec tant d’imprévoyance.
Cependant, munis de l’ordre donné le 18 avril, les sénéchaux de Périgord, Limousin, Saintonge et Quercy, et les autres justiciers de ces quatre sénéchaussées, sans perdre le temps, informèrent secrètement sur les crimes et maléfices d’Archambaud et de soixante-cinq de ses principaux complices, appelés Arnaud Durat, capitaine de Bourdeille; Jean Cotet dit d’Auvergne (4), capitaine d’Auberoche; Bos de Chambrillac, Bertrand de la Gandelie, maître Guillaume Jaubert, Bernard du Pont, Raymond Guibaut, Olivier Mercure, le Clerc de Muret, Cossaudou, Philipot, Bastide, Jean-le-Normand, Bernard de St-Pierre, le gendre de Bernard de Massaut, Thomelin-Delage, La-Verdure, Tire-Aiguillette, Jean Durat, Peirot Marchès, Vidalot Marchès, Alain Marchès, Colet, Mercan, Ramonet (5), Mondon d’Ale, Robinet Le-Grasset, Bernard de Massaut, Maron de Sarrazac, Guignadre, Gironnet, Mondon, valet du clerc de Muret; le Bâtard-de-St-Pierre, Jean Barbe-de-Bouc, Naudin, Laurent, Robert Le-Clergon, Bernard de Mortiers, Jean Damourettes, Guillaume-le-Blond, Femel, Martin-l’Espagnol, Guillams, Jean Gumel, Jacques Balestier, Guillemain, Perrot-Escala, Hennequin A-La-Poulaine, Guillot Corne-Guerre, Gaillardet de Larcherie, Mondonnet du Pont, Guillaume et Rampnoul de Villebois, Mondon-le-Français, Jean-le-Normand, Jean de La-Bermondie, Le-Camus, Jean Balestier, Naudigot, Jean Morel, Jean de Ste-Foy, Denis, Perron Breton, Audoynot, capitaine de Foussemagne, et Martial Balestier (6). Il leur était expressément recommandé d’arrêter partout où ils les trouveraient, excepté en lieux saints, et de faire prisonniers, pour les mettre à la disposition de la cour de parlement, tous ceux qu’ils pourraient atteindre et que l’instruction, la clameur publique ou de véhémentes présomptions autoriseraient de croire à leur culpabilité; et, dans le cas où ils ne pourraient pas s’emparer de leurs personnes, de les ajourner, devant la cour, pour répondre aux accusations que le procureur général, au nom du roi, le maire, les consuls et la communauté des ville et cité de Périgueux, et Aimeric de Chabannes, voudraient articuler contre eux. En vertu de quoi, et parce qu’ils ne purent être appréhendés au corps, les accusés, à la suite des informations dont il a été question plus haut, furent cités à comparaître, en parlement, le 25 août suivant (7). Ce jour, comme on devait s’y attendre, les accusés ne s’étant pas présentés, sur la requête du procureur général, du maire, des consuls, de la communauté, d’Aimeric de Chabannes, de Hugues de Montéléon et de Mondisson de La-Chassagne, leurs adhérents, le 29 de ce mois, ils furent tous proclamés défaillants, et, par de nouvelles lettres, que la cour fit expédier, sans désemparer, sous peine de bannissement, de confiscation de leurs biens et d’être proclamés coupables de tous les crimes et méfaits dont ils étaient accusés, ajournés devant elle, afin d’y voir procéder à l’adjudication du bénéfice de leur défaut, et y répondre civilement aux demandes des poursuivants (8). Malgré cette injonction et les menaces qu’elle portait avec elle, ils continuèrent à se montrer récalcitrants, ne firent point acte de présence le 15, et le 17 furent déclarés en défaut, pour la seconde fois, mais seulement sur la demande du procureur général, du maire, des consuls, de la communauté et d’Aimeric de Chabannes, les autres s’étant retirés de la plainte et ayant renoncé à poursuivre (9).
Après avoir obtenu ce second défaut, les plaignants présentèrent à la cour un mémoire où étaient énoncés, tout au long, leurs nombreux griefs contre les accusés. Toutefois, avant de résumer ces griefs, tels qu’ils sont reproduits dans le jugement, il est important de rappeler ici que ce mémoire, à l’imitation des ordres donnés, par la cour, aux quatre sénéchaux, reprend les faits, pour ainsi dire, au moment où les avait laissés l’arrêt prononcé contre Archambaud V, ce qui produit d’abord une sorte de confusion, contre laquelle il faut se tenir en garde, si l’on veut bien saisir la suite des événements, dont quelques-uns ne peuvent s’appliquer qu’aux partisans du comte, et constituent des crimes commis avant qu’Archambaud VI eût remplacé son père. Du reste, toutes les distinctions nécessaires pour rendre le récit clair et facile seront faites avec soin. Voici comment s’exprime l’arrêt: Archambaud, fils du défunt comte, vassal du roi et son sujet, conjointement avec ses complices et fauteurs, formant les garnisons des châteaux de Montignac, Auberoche, Bourdeille, Roussille et autres lieux, en haine et mépris de l’arrêt porté contre Archambaud V, avant et après la prononciation de cet arrêt, contrairement aux ordonnances, aidés de plusieurs Anglais et autres ennemis du royaume, firent de nombreuses chevauchées, dirigèrent des attaques sur divers points, commirent des meurtres, des crimes, des méfaits de toutes sortes, et ne cessent encore de se comporter hostilement contre la ville et la cité de Périgueux, les sujets du roi et les autres villes de la province, au mépris de toute équité, au préjudice et au péril de la chose publique (10).
Sans préciser rien, cette accusation générale, par où débute le jugement, ne permet pas, comme on voit, de mettre en doute que, dans le cours du procès, il sera question de tous les excès, violences et actions criminelles dont les amis et partisans du père et du fils se seront rendus coupables, depuis une époque antérieure à l’intrusion d’Archambaud VI; et, de fait, on y remonte jusqu’en 1396. On y lit que, le 9 septembre de cette année, ceux du château d’Auberoche, s’étant dirigés sur Asturs, s’approprièrent violemment tout ce qui leur tomba sous la main, et en particulier quatre ânes, de la valeur de douze livres, appartenant à Jean Tenal et à Geyraud Meynart; que, dans le cours du mois d’octobre, en chevauchant aux alentours de Périgueux, ils prirent quatre bœufs gras, du prix environ de 24 1., dont étaient propriétaires Ytier Sirventon et Guillaume Bertin, bouchers de la ville; qu’à Journiac, dans le chemin royal, ils arrêtèrent Remond de La-Lande et Remond Le-Bloy, et leur enlevèrent deux chevaux chargés de poissons et autres marchandises, estimé le tout 25 l.; que, le mardi après la St-Martin (14 novembre) ou environ, ayant fait prisonniers Jean et Gérard Des-Combes, ils les jetèrent dans un ignoble cachot, d’où ils ne sortirent que longtemps après, moyennant six francs d’or de rançon; que, le même jour, ils revinrent dans la paroisse d’Asturs, la parcoururent et pillèrent dans tous les sens; que, dans le cours du même mois, la paroisse de Coursac fut pareillement le théâtre de leurs funestes exploits, et que, parmi le butin qu’ils y firent, se trouvaient sept ânes, de la valeur d’environ 25 1., et quatre chevaux, chargés de froment, qui en valaient trente; qu’ils s’approprièrent également deux bœufs et un âne au détriment de Guillaume Le-Sicart, de la paroisse de St-Aspre, estimés 481.; qu’ils ravirent à un prêtre pèlerin, du nom de Nicolas de Gastenin, huit couvre-chefs, trois draps d’autel, trois burettes, trois livres d’épices et une houppelande, valant le tout environ 24 1.; à un autre pèlerin de St-Jacques (11) et à sa femme, deux écus et un coutelas; à Bernard Gintrac, Hélie Baladet et Hélie Raymond, vingt-deux boisseaux de froment et quelques autres biens meubles; à Guillaume, André et Bernard Besuech, quatre ânes, de la valeur de 10 fr.; à Pierre de Puylong, deux chevaux, de la valeur de 12 fr.; à Etienne de Puychenin, un mulet et un âne, du prix de 8 fr. (12).
Ces détails, rattachés à des dates certaines, et se rapportant tous à une époque où Archambaud VI ne s’était pas encore substitué à son père, prouvent qu’au quatorzième siècle, il était de principe de rendre les seigneurs solidaires des actions de leurs sujets, et de faire retomber sur le dernier possesseur de la terre la responsabilité des fautes et des méfaits que l’action de la loi et la justice du suzerain n’avaient pas encore atteints, quoiqu’ils se rapportassent à une époque antérieure à son entrée en possession. Les accusations qui vont suivre ne se rattachent pas à des dates certaines; mais elles paraissent avoir pour objet des événements postérieurs à la mort d’Archambaud V, et par conséquent accomplis depuis l’occupation du comté par son fils.
Dans leurs excursions aux abords de Périgueux, les partisans d’Archambaud VI, ayant pénétré dans la maison d’un citoyen, appelé Régnaut de Barnabé (13), située hors des murs de la communauté, en violentèrent le gardien et sa femme, malgré qu’elle fût enceinte, et s’approprièrent différents objets mobiliers, de la valeur de 12 1. Ils s’emparèrent de deux chevaux, appartenant à Bernard de Gandassal (14), estimés 20 1.; ils dépossédèrent divers habitants de Périgueux de quinze ânes, du prix de 33 fr. Un jour, ayant rencontré un vieillard de 60 ans, ils le blessèrent à mort, et s’emparèrent de cinq bœufs, valant 30 1., dont il avait la conduite. Un autre jour, ils tuèrent impitoyablement Jean Couderc, homme honnête et paisible, malgré toutes les protestations qu’il put leur faire. Plus tard, ils assassinèrent lâchement un autre vieillard de 80 ans. Ailleurs encore, ils pendirent le nommé Jaffegarde, avec sa ceinture, qui, fort heureusement pour lui, se trouva trop faible pour soutenir le poids de son corps, et se rompit, pendant qu’il respirait encore. Dans une autre circonstance, ils blessèrent deux laboureurs. Enfin, mainte et mainte fois, ils maltraitèrent des habitants de Périgueux et des lieux circonvoisins, en emprisonnèrent un grand nombre, les forçant à payer de grosses rançons; en blessèrent quelques-uns si grièvement, qu’ils restèrent estropiés tout le reste de leur vie. L’un d’eux même, appelé Hélie Jardon (15), fut si horriblement martyrisé, qu’il mourut des suites des tortures qu’ils lui firent endurer.
Ajoutez à tout cela qu’ils causèrent les plus graves dommages à tous ceux qui tombèrent entre leurs mains.
Comme on le voit, tous les moyens leur étaient bons, et ils procédaient le plus souvent à la manière des voleurs de grands chemins, arrêtant tous ceux qu’ils rencontraient, quelles que fussent leur condition et leur manière de voyager. Argent, bijoux, vêtements, armes, harnais de chevaux, couvertures de lits, draps en pièce, objets mobiliers de toute nature, etc., etc., tout leur était bon, tout excitait leur convoitise. On doit comprendre, par là, combien était grande la terreur qu’ils inspiraient, et combien les maux qu’ils répandaient sur leur passage étaient multipliés et divers. Du reste, le nombre de leurs victimes était prodigieux. Il faut même le dire, les expressions dont se sert l’arrêt autorisent à croire qu’il devait être d’autant plus considérable, qu’ils ne s’attaquaient pas seulement aux habitants de la ville et de la cité ou à leurs partisans, mais qu’ils s’en prenaient aux habitants du pays en général, et rendaient toute la province solidaire de la haine qu’ils portaient à sa capitale (16). Voici des faits qui permettront de se faire une plus juste idée de leur conduite à cet égard. Ils paraissent se rapporter à une époque postérieure au mois de mars 1397.
Un jour, ils parcoururent la paroisse de Chignac en tous sens, y prirent quantité de meubles et sept bœufs, de la valeur de 24 livres; plus tard, ayant envahi Sorges et Négrondes, ils en emmenèrent les bestiaux et tout ce qu’ils purent rencontrer; ils firent de même à Sarlande, à Saint-Pardoux et en divers autres endroits; enfin, ils s’emparèrent de la ville de St-Astier, la pillèrent et en détruisirent les portes (17).
Mais ce n’est pas tout. Comme rien ne pouvait plus les arrêter désormais, le pillage eut pour conséquence nécessaire le sacrilège, et ils ne tardèrent pas à s’en prendre aux églises elles-mêmes, alors toutes plus ou moins bien fortifiées, et servant de retraite aux populations des campagnes, dans les cas d’alarme. Celle de Saint-Paul-de-Dronne fut la première qu’ils attaquèrent. Quoique assez forte, elle fut bientôt réduite et livrée au pillage. Tout ce qu’elle renfermait devint la proie de ceux qui se trouvaient là. Celles de Sorges et de Négrondes eurent le même sort, ainsi que celle de Corgnac. Ils firent même plus à Sarlande. Arrivés à l’improviste, pendant qu’on disait la messe, ils se ruèrent dans l’intérieur, et s’emparèrent des ornements, de l’argent, des joyaux et de tout ce qui s’y trouvait. C’est ainsi qu’ils répandaient partout la terreur et la désolation, imitant, dans leur conduite et dans leurs actions, les grandes compagnies, dont la plupart d’entre eux avaient fait partie (18).
De son côté, Archambaud s’était permis non seulement de recevoir des hommages, mais encore d’exiger, de ceux qui les lui rendaient, la promesse, par serment, qu’ils l’aideraient et défendraient envers et contre tous, et spécialement contre le roi de France. Il avait en outre accordé, de son propre chef, des suspensions d’armes, délivré des saufs-conduits aux sujets de ce monarque, comme on le fait en pleine guerre, sans qu’il en eût aucunement le droit. Bref, lui et ses adhérents s’étaient rendus coupables des crimes les plus odieux, avaient partout semé la misère et le désespoir, ruiné le pays et réduit les populations à la déplorable nécessité de renoncer aux travaux des champs et de déserter leurs demeures, pour échapper aux tourments et aux vexations de toutes natures qu’elles avaient à subir, quand elles tombaient entre les mains de ces rapaces vautours. Ils avaient surtout causé les plus grands préjudices au maire, aux consuls, à la communauté de Périgueux et à Aimeric de Chabannes, dont le château, pillé et incendié, comme on l’a vu plus haut, et un moulin très considérable, qu’il possédait dans la paroisse de Savignac-les-Eglises, n’étaient plus que deux monceaux de ruines (19). En conséquence, d’accord en cela avec le procureur général, les exposants demandaient qae les accusés fussent déclarés coupables d’avoir publiquement et illicitement porté les armes, formé et conduit des attroupements d’hommes de guerre, commis des vols, des rapts, des homicides et autres méfaits, perpétré le crime de lèse-majesté, allumé des incendies, et affecté de se montrer rebelles et désobéissants à l’autorité royale, sans respect pour sa sauvegarde et ses ordonnances, qu’ils avaient témérairement violées. Ils demandaient encore que, comme contumaces, ils fussent déclarés à jamais exclus de pouvoir reprendre l’affaire, présenter leur défense, et faire valoir des raisons quelconques pour se justifier. Ils demandaient en outre et avant tout que, dans cette occurrence, comme lors de la condamnation prononcée contre Archambaud V, la cour posât en principe le rétablissement de la sauvegarde royale et la restitution des produits du pillage. Subséquemment, en ce qui concernait Aimeric de Chabannes, ils concluaient à la reconstruction de son moulin et de son château, et au rétablissement de ces deux propriétés dans leur état primitif, plus le montant de tout ce qu’aurait pu produire le moulin, ou à une somme de trente mille livres, à dix mille d’amende utile et à dix mille de dommages et intérêts; en ce qui concernait le maire, les consuls et la communauté de Périgueux, à cent mille livres d’amende utile et à cinquante de dommages et intérêts; et, enfin, envers tous, à l’amende honorable et aux frais et dépens; pour à quoi les contraindre, ils seraient arrêtés et mis en prison, et leurs biens séquestrés et vendus. De son côté, le procureur général, au nom du roi, insistait pour qu’ils fussent punis dans leurs personnes et dans leurs biens, selon leurs démérites, et que, pour le repos des âmes des morts et les pertes éprouvées par les parents et les amis qui leur avaient survécu, on déterminât une indemnité, à percevoir sur les biens possédés par les accusés. Le maire, les consuls, la communauté et Aimeric de Chabannes requéraient, en outre, qu’il leur fût fait satisfaction de ce qui leur serait adjugé, avant que la confiscation fût opérée; qu’ils fussent à jamais exempts, ainsi que leurs hommes et sujets, de toute prestation de foi et hommage et de tous autres devoirs dont ils pouvaient être tenus envers les coupables; qu’ils ne relevassent plus désormais que de la couronne, et, si les coupables ne pouvaient pas être appréhendés au corps, qu’ils fussent bannis du royaume à perpétuité (20).
Quelque péremptoires que parussent les motifs des plaignants, quelque pressantes que fussent leurs conclusions, la cour ne jugea cependant pas convenable de s’écarter de ses habitudes, et ne trouva pas opportun de s’occuper de leurs demandes en ce moment. Elle sursit donc à l’adjudication du bénéfice de ces deux défauts, et, sans désemparer, ordonna que les coupables eussent à se présenter le 26 mars 1398. Mais, au jour indiqué, ils ne furent pas plus exacts que les autres fois; ce qui n’empêcha pas que, le 28 du même mois, immédiatement après la constatation du troisième défaut, de nouvelles lettres d’ajournement furent expédiées pour qu’ils eussent à comparaîtra le 28 décembre suivant (21).
Les choses en étaient là quand les excès d’Archambaud et de ses adhérents nécessitèrent l’emploi de la force armée, et contraignirent le roi à faire marcher le maréchal Boucicaut, avec un corps de troupes, contre ce seigneur, qu’il assiégea, comme on l’a vu, et prit, à Montignac, dans l’intervalle compris entre le 28 mars et le 28 décembre; en sorte que, le jour où il aurait dû comparaître avec ses complices, il était entre les mains du sire de Pons, et ses partisans dispersés ou morts, ce qui n’empêcha pas la cour de prononcer, le 29, un quatrième défaut, sans d’ailleurs passer outre à la poursuite de l’affaire (22). Du reste, cela s’explique parfaitement grâces aux détails que nous possédons sur les démarches, les sollicitations et les intrigues qui se croisèrent, dans tous les sens, à partir du moment où Archambaud se trouva prisonnier.
Pendant l’instruction du procès, et durant tout le temps qui s’écoula depuis la mise en accusation jusqu’à la prise de Montignac, Périgueux n’avait entretenu à Paris que deux procureurs fondés, Arnaud de Barnabé, remplacé vers le milieu de 1398 par Bernard Favier, et Jean de Comte. Mais, quand Archambaud, forcé de se rendre à Boucicaut, eut été, par le fait, dépouillé de ses domaines, les amis de ce seigneur s’agitèrent si vivement et se montrèrent si empressés à neutraliser les effets de l’expédition du maréchal, que les deux agents de la communauté demandèrent instamment qu’on leur adjoignît Arnaud de Barnabé, Arnaud du Castanet et Guillaume Faidit (23), ce qui leur fut accordé, mais non pas peut-être avec toute la diligeace désirable; car, lorsqu’ils arrivèrent à Paris, en compagnie d’Aimeric de Chabannes, que ses intérêts y appelaient aussi, Archambaud et le comte d’Armagnac y étaient déjà depuis quelques jours. Ces quelques jours d’avance avaient été même si bien employés, à l’aide des personnages influents qu’on était parvenu à mettre en jeu, avec le plus heureux à-propos, que Charles VI avait consenti à faire pleine et entière grâce au comte de Périgord, et qu’on avait rédigé les lettres qui la contenaient, auxquelles il ne manquait plus que le sceau, lorsque les nouveaux représentants de Périgueux survinrent, avec Aimeric de Chahannes, et, par leur présence, coupèrent court aux intrigues. Au surplus, la dépêche qu’ils écrivirent à leurs commettants, quelques jours après leur arrivée, subsiste, et fournit une juste idée des progrès que le comte avait faits dans l’esprit du roi et des grands de sa cour. Elle nous apprend que ce seigneur et ses complices circulaient librement dans Paris, sans qu’on voulût consentir à les arrêter, malgré les démarches faites auprès du chancelier, à cause du sauf-conduit qu’ils avaient obtenu; qu’Archambaud assistait souvent aux audiences que les envoyés de Périgueux obtenaient; que ses amis et serviteurs se rencontraient continuellement avec eux; que le comte d’Armagnac cherchait à ménager une entrevue entre les deux parties, mais que, sur l’offre faite par les envoyés de lui exposer leurs griefs contre son cousin, il leur répondit ne pas vouloir les entendre; que, du reste, les représentants de la communauté espéraient, avec la grâce de Dieu, de faire bientôt prononcer l’arrêt, mais que cependant ils n’avaient pu obtenir qu’on leur fît justice de Migasse, de Gironnet, de Gandilh (24), et d’autres partisans d’Archambaud. On y lit encore: «Aucuns grands seigneurs nous ont dit, en particulier, que, pour sûr, Archambaud ne recouvrera aucune partie de ses domaines, d’ici à ce qu’il ait satisfait et contenté tous ceux qui se plaignent de lui (25). » Cette lettre est datée du 22 mars, et signée de cinq noms indiqués plus haut.
Les lettres de rémission accordées à Archambaud VI étaient évidemment la conséquence de ce qui s’était passé au moment où il s’était livré à Boucicaut, puisque, en rendant Montignac, il avait obtenu qu’il aurait la vie sauve. Cette assurance lui avait été sans doute renouvelée avant qu’il quittât la Saintonge, pour aller en Armagnac; et, lorsqu’il se rendit à Paris, le sauf-conduit qu’on lui accorda fut une troisième garantie qui ne lui permit plus d’avoir d’inquiétude à cet égard. Mais il y avait loin de là au recouvrement de tous ses domaines, et pourtant c’était à cela que tendaient les démarches de ses amis, au moment de l’arrivée des envoyés de Périgueux. Tous les renseignements s’accordent là dessus, et l’arrêt du 19 juillet lui-même s’exprime de manière à ne pas permettre d’en douter. La cour, y est-il dit, pour certains motifs et empeschements, avait sursis au jugement et différé de le rendre, pendant quelque temps (26).
Il est donc bien constant, bien avéré, que, jusqu’alors (22 mars 1399), la vie d’Archambaud ne fut jamais en jeu, et que, par conséquent, il ne put y avoir de peine de mort prononcée contre lui. Nous verrons si, dans le cours des trois mois qui s’écoulèrent encore avant que le parlement rendît son arrêt définitif, il ne se passa rien qui autorise à croire qu’on revint sur cette question. Mais, avant d’aller plus loin, il importe d’exposer ici sommairement les démêlés de la communauté avec Taleyrand de Périgueux.
On a vu qu’en 1394, Taleyrand de Périgueux avait été l’un des deux consuls de la cité. Depuis lors, et probablement dans le cours de 1395, il avait ouvertement pris le parti du comte de Périgord. Il était resté avec Archambaud V jusqu’à sa mort, et, postérieurement, avec Archambaud VI jusqu’à Pâques 1398 (27). A cette époque, il était allé à Paris, y avait sollicité et obtenu des lettres de rémission, quoique les représentants de Périgueux, le procureur général du roi et Aimeric de Chabannes, l’eussent fait assigner antérieurement, et eussent même obtenu trois défauts contre lui. Fort heureusement les requérants, informés à temps de ses démarches, s’étaient opposés à ce que ces lettres lui fussent expédiées, de sorte que l’affaire avait été portée au parlement, pour y être débattue. Il ne s’agit pas de faire connaître ici le résultat de ce procès, qui se prolongea au delà de 1400, mais de résumer les renseignements que les débats fournissent sur l’affaire d’Archambaud VI.
Ces débats, qui eurent lieu en janvier et février 1399 (28), nous apprennent que Taleyrand avait continué auprès d’Archambaud VI les fonctions de chambellan, qu’il exerçait auparavant auprès d’Archambaud V; qu’il avait eu une mission de ce seigneur, et qu’il soutenait ne relever que de lui. L’intervention d’Aimeric de Chabannes au procès autorise en outre à penser qu’il figura, d’une manière très active, à la destruction du château de ce lieutenant du sénéchal, Enfin, des lettres du maire et des consuls de Périgueux à leurs représentants à Paris (29), en l’accusant de n’avoir quitté Archambaud VI, ni jour ni nuit, et de l’avoir aidé de ses conseils, donnent à penser qu’ils redoutaient qu’on ne se servît de cette affaire accessoire comme d’un prétexte, au moyen duquel on différerait ou on ferait différer de prononcer l’arrêt réclamé contre Archambaud.
Quelque peu circonstanciés qu’ils soient, ces détails ne laissent pas que d’avoir de l’intérêt, car ils nous donnent une assez juste idée de l’état des esprits. On voit très bien, par là, que, de part et d’autre, on s’agitait avec ardeur, et que ceux de Périgueux surtout étaient dans de continuelles alarmes, tant ils redoutaient l’influence des amis et des partisans d’Archambaud, dont le pouvoir était grand et les ressources presque inépuisables.
Dans les Fragments conservés par le chanoine Leydet, on lit que les procureurs fondés de Périgueux trouvèrent si bien le moyen de paralyser toutes les démarches d’Archambaud VI, que, malgré de grandes dépenses, il ne recouvra rien, mais s’en alla de la cour tout esbay et courroucé, au mois de may, ayant avec lui quatre chevaliers et dix écuyers de livrée, parmi lesquels Taleyrand de Périgueux. Il se dirigea d’abord sur le Périgord, et se rendit ensuite à Bordeaux. Les lettres de rémission accordées en 1402 à Jean de Chalmon, l’un des partisans d’Archambaud, signalent le fait de la grâce accordée à ce seigneur et à ses complices, comme n’ayant jamais cessé d’exister depuis la prise de Montignac (30). On lit dans la partie narrative du jugement que le roi, par lettres patentes et closes, avait mandé à la cour de rendre le plus tôt possible son arrêt sur les faits exposés devant elle. Or, on a vu que, dans le réquisitoire prononcé par le procureur général, il n’était point question de la peine de mort. Il demeure donc bien démontré que la vie d’Archambaud ne fut pas plus en danger depuis le 22 mars jusqu’au moment où il quitta Paris, qu’elle ne l’avait été auparavant. De son départ à l’époque de la prononciation de l’arrêt, il ne s’écoula guère plus d’un mois, et il n’est pas probable que l’on crût devoir profiter de son absence, pour soulever inopinément la question de savoir s’il fallait ou non le condamner à mort (31).
L’arrêt fut définitivement prononcé le 19 juin 1399. Le voici dans tout son contenu: « La cour reconnaît qu’Archambaud et ses complices sont tenus et réputés atteints et convaincus de tous les crimes qui leur sont attribués, et les condamne à payer quarante mille livres tournois aux maire, consuls et communauté de Périgueux, et quinze mille à Aimeric de Chabannes; elle ordonne aussi que, s’ils peuvent être trouvés, ils seront saisis, appréhendés au corps et jetés en prison; de plus, elle déclare que les sommes allouées aux plaignants seront prélevées sur les biens des coupables, et acquittées, en commençant d’abord par les quinze mille livres d’Aimeric de Chabannes, et que, des quarante mille qui reviendront à la communauté de Périgueux, les dix premiers seront consacrés à faire célébrer des messes et accomplir d’autres œuvres pies, pour le repos des âmes des victimes des crimes et méfaits des condamnés, l’entretien et la subsistance de leurs veuves et de leurs orphelins; enfin, elle bannit à perpétuité les coupables du royaume, et confisque, au profit de la couronne, ce qui restera de leurs biens, après l’acquittement des dommages et intérêts assignés à Aimeric de Chabannes et à la communauté de Périgueux (32). »
Telle fut la fin de cette longue querelle, qui prenait sa source dans le développement de l’anarchie féodale, et qui se prolongea, pendant trois cents ans, avec les vicissitudes les plus diverses, jusqu’à ce qu’enfin, non pas une condamnation à mort, comme on l’a si souvent répété, mais un bannissement à perpétuité et une confiscation abattirent l’un des champions (33), sans toutefois lui faire complètement lâcher prise; car les circonstances dans lesquelles on se trouvait alors, et l’indulgence avec laquelle on le traita, lui permirent bientôt de prouver qu’il ne suffisait pas de l’avoir mis au ban du royaume pour qu’il fût hors de combat.
(1) La folie du roi, les querelles religieuses et les mésintelligences des princes, etc., lui imposaient l’obligation d’avoir l’œil à tout.
(2) Preuves, p. 79 et 88.
(4) Ce personnage avait amassé beaucoup d’argent, au métier de pillard, et s’en était servi pour se faire des protecteurs. Il existe une lettre fort curieuse à son sujet, que je crois devoir transcrire. Elle est de G. Dupont, secrétaire du duc de Berry, aux maire et consuls de Périgueux. La voici: « Très chers seigneurs…., m’avez escrit que je parle à monseigneur le séneschal d’Auvergne du faict de Coutet.... Vous plaise savoir que, pour l’argent qu’il a gagné mauvaisement, il a de grands amis, et en France et en ce pays, et ay entendu que, de nouveau, il a eu rémission du roy, et pour (ce) je crois qu’il ne morra point; et,de par deçà, il n’a ennemis que le pouvre Héliot Mousnier (probablement le fils de Guillaume. Voyez plus haut, p. 212), Peurutin Langel et moy, qui, pour amour du païs, y ay fait et fais ce que je puis. Le 17 may 1399 (et non pas 1395, comme l’a cru l’abbé de Lépine). » (Bibl. du roi. Papiers de cet abbé, carton Périgueux. Tiré des arch. de la M. de ville.) Il est à remarquer que Jean Cotet était alors en prison. (Livre noir, etc., fol. 8 bis,)
(5) II est probable que c’était le même que celui dont il est parlé dans divers documents du temps, et qui était de Sors, hameau situé sur les bords de la Dordogne, dans la commune d’Alles, canton de Cadouin, arrondissement de Bergerac. Il avait été conservateur des trêves, en Auvergne et Rouergue, pour les Anglais, de 1388 à 1389, en 1390 et en 1392, et, durant les premières années du quinzième siècle, il se rendit redoutable dans tout le Périgord.
(6) Voici sur quelques-uns de ces noms des détails tirés du Livre noir de la M. de ville, fol. 8 bis: Cossaudou, emprisonné; Thomelin-Delage, pendu; La-Verdure, idem; Jean Barbe-de-Bouc, noyé; Jean Gumel, mort; Guillaume et Rampnoul de Villebois, idem; Jean de La-Bermondie, pendu; Jean de Sainte-Foy, idem. Boson de Chambrillac rentra plus tard en grâce, et fit hommage au duc d’Orléans, comme comte de Périgord, d’une maison et de terres qu’il possédait dans la chàtellenie de Bourdeille.
(11) Il s’agit de Saint-Jacques-de-Compostelle, alors fort en renom.
(13) Probablement le parent et peut-être le frère d’Arnaud de Barnabé.
(14) C’était un marchand de Périgueux, qui faisait de grandes affaires, pour ce temps-là.
(15) II avait été consul en 1394 (Livre noir, etc.). C’était aussi un marchand.
(16) On a même vu plus haut, p. 239, qu’ils allèrent guerroyer jusqu’en Limousin.
(18) Comparez leurs noms avec ceux que donne Froissart, etc.
(19) Preuves, p. 79, 82 et 87.
(23) Fragments, etc. Preuves, p. 68. Arnaud de Barnabé avait été maire en 1391-1392; il le fut de nouveau en 1399-1400. Arnaud du Castanet ou du Chastenet et Guillaume Faidit avaient été plusieurs fois consuls.
(24) Ils ne figurent pas au procès.
(27) Ibid., 13e reg. du criminel, fol. 402, et 14e reg., fol. 269.
(28) Ibid., ibid.
(29) Suppl. au Recueil de titres, etc.. p. 48.
(30) Arch. du roy. Reg. du tr. des ch., coté 157, pièce 47.
(31) J’ai insisté sur ce point, parce que tous les auteurs ont adopté et reproduit, comme un mot d’ordre, le fait d’une prétendue condamnation capitale.
(33) La manière dont Lagrange-Chancel a raconté la vie d’Archambaud VI et ses démêlés avec Périgueux est si étranger et si fantastique, dans son étrangeté même, que j’ai cru devoir reproduire l’article en entier, à la fin de ce volume. (Voyez Appendice, n° 3.)
CONCLUSION
1399-1430.
On a vu qu’Archambaud avait quitté Paris environ un mois avant l’arrêt du 19 juin, et que de cette capitale il était allé à Bordeaux, en passant par le Périgord. S’il faut en croire les détails qui nous ont été conservé, il séjourna fort peu de temps dans cette ville, et s’embarqua, non pour la Bretagne, comme il l’avait annoncé partout sur sa route, mais directement pour l’Angleterre (1). En arrivant dans cette île, il apprit que le roi Richard dirigeait en personne une expédition contre les Irlandais, et partit immédiatement pour l’Irlande. Peu de temps après, une révolution ayant éclaté, et Richard ayant été détrôné par Henri, comte de Derbi, fils de Jean, duc de Lancastre, proclamé roi, le 30 septembre, sous le nom d’Henri IV, il s’éloigna de Richard, et prit parti pour Henri. Au moment où, par suite de ce revirement, les vassaux se trouvèrent dans l’obligation de renouveler leur serment et de prêter foi et hommage au nouveau suzerain, Archambaud, le sire de Duras et quelques autres seigneurs de Guienne étaient alors à Londres.
Toutefois, l’ex-détenteur du comté de Périgord fut, à peu près, le seul d’entre eux qui se décida à remplir immédiatement le devoir de feudataire (2).
En apprenant ce qui s’était passé en Angleterre et le parti qu’avait pris Archambaud, Charles VI, pressé sans doute par les amis de Périgueux, et peut-être prévoyant aussi les entreprises aventureuses auxquelles le caractère violent et passionné de ce seigneur pourrait l’entraîner par la suite, donna immédiatement des ordres pour la démolition des châteaux de Montignac, Auberoche, Bourdeille et Roussille. Les lettres contenant ces ordres, datées du mois de novembre, furent apportées à Périgueux par un Périgourdin appelé Hélie Lascouts (3), et signifiées aux capitaines de ces châteaux, dans le cours de décembre. On commença par Auberoche; mais le commandant demanda et obtint un sursis (4). Il en fut de même pour Bourdeille. On se rendit ensuite à Roussille, qu’on acheva de désemparer (5). Quant à Montignac, il n’attira même pas l’attention. Sans doute, comme il avait été à peu près ruiné par le siège, on ne crut pas devoir se donner la peine de s’en occuper pour le moment.
Cependant les événements se compliquaient en Angleterre, et Archambaud y prenait chaque jour une part plus active, si bien qu’il avait fini par gagner les bonnes grâces d’Henri. Cette affectation à se vouer au service du monarque anglais, jointe à sa conduite antérieure, n’était pas faite pour lui gagner l’indulgence de Charles VI, profondément affligé du sort de Richard, et qui s’indignait des affronts qu’avait à subir, chaque jour, sa fille Isabel. Parfaitement instruit de tout ce qui se passait, et voulant sans doute en finir avec ce rebelle, le roi de France, dans le cours du mois de janvier 1400, prit le parti de disposer du comté de Périgord, et, par lettres du 23 de ce mois (6), le donna à son frère Louis, duc d’Orléans, comte de Valois, d’Ast, de Blois et d’Angoulême, qui, au dire des modernes, comme on l’a vu plus haut, l’aurait longtemps convoité, et même aurait eu l’infamie de pousser Archambaud V au mal, par ses perfides conseils ou par d’adroites suggestions, ne tendant à rien moins qu’à le compromettre irrévocablement (7). Dans cette donation, le roi dispose non seulement des domaines situés en Périgord, mais encore de ceux que les comtes possédaient jadis, dans diverses autres provinces. Cette détermination de Charles VI, prise sans réclamation de la part des amis d’Archambaud, et qui ne permettait pas d’élever, de doute sur les intentions de ce monarque, fut suivie, six mois après, d’un acte non moins important. Je veux parler de la prise de possession du comté, au nom du duc d’Orléans. Le procès-verbal de cette prise de possession, commencé le 26 juillet et terminé vers la fin du mois d’août, contient des détails précieux, qui ne sont que là, et au moyen desquels il devient facile de rectifier les erreurs commises par les historiens volontairement ou par ignorance (8).
Pendant ce temps, les trêves entre la France et l’Angleterre étaient jurées de nouveau, et l’ex-détenteur du comté de Périgord, peu soucieux de ce qui se passait en Guienne, se tenait à la cour d’Henri IV, se mêlant aux troubles que l’usurpation de ce prince avait suscités à l’Angleterre, et prenant part à diverses expéditions dirigées contre les Ecossais (9). Vers 1404, il revint sur le continent, et s’établit à Bordeaux, où il vécut dans une sorte d’isolement, qui ressemblait beaucoup à l’abandon. Il était réduit à n’avoir avec lui que deux domestiques (10). Ce fâcheux état de gêne se prolongea quelques années, sans qu’il vît sa position s’améliorer, quoique les Anglais et ses partisans restés en Périgord lui fissent espérer qu’il ne tarderait pas à rentrer en possession de ses domaines; mais, malgré diverses tentatives, il était encore à Bordeaux en 1413. (11) Ce ne fut qu’à l’époque de la rupture de la France avec l’Angleterre, pendant que le roi Henri V débarquait en Normandie, prenait Harfleur, pénétrait dans la Picardie, et gagnait la bataille d’Azincourt, qu’il put réellement se croire sur le point d’obtenir enfin une éclatante revanche; et pourtant les choses en étaient venues pour lui à un tel point, qu’au moment où ses espérances acquéraient quelque degré de probabilité, en France on le croyait mort, tant il était tombé dans la détresse et l’oubli (12).
Dès l’année 1412, malgré les trêves conclues avec le comte de Dorset, qui commandait alors en Guienne, les amis d’Archambaud et les partisans du désordre, qui ne s’étaient jamais complètement abstenus de courir le pays et de se livrer au pillage, chaque fois qu’ils en trouvaient l’occasion, avaient redoublé d’audace et répandu l’effroi jusqu’aux portes de Périgueux. Ils s’étaient même emparés de divers petits châteaux des environs, et s’y étaient établis assez fortement pour causer de l’inquiétude aux amis de la France (13). En 1415, ce ne fut plus de faibles bandes éparses, agissant séparément, qui parcoururent le pays, dépouillant les voyageurs isolés et se rendant maîtresses, par surprise, de quelques points fortifiés, mais sans importance. De véritables corps de troupes, sous les ordres de chefs officiels, se répandirent dans le Périgord, et s’emparèrent de plusieurs places fortes (14). Archambaud, comme on le pense bien, ne manqua pas de participer à ces expéditions. Un des résultats de cette première campagne fut la prise d’Auberoche (15), à laquelle sans doute il contribua de tous ses moyens. Les détails manquent sur cette campagne; mais ce qui ne permet pas de douter des efforts qu’il dut faire pour arracher ce château aux mains de ses ennemis, c’est qu’aussitôt après que les Anglais s’en furent rendus maîtres, il s’y établit, et en fit son quartier-général, pendant tout le temps que dura la lutte désespérée dans laquelle il s’était engagé.
A partir de ce moment, Périgueux eut beaucoup à souffrir; mais comme, de 1399 à 1413, on ne s’était occupé que de réparer les murs d’enceinte, de construire des tours et de fortifier les portes, l’inquiétude des habitants était moins forte que par le passé. Seulement ils étaient sur le qui-vive, et la nécessité de se tenir toujours en armes leur était très onéreuse.
Cependant, à part quelques divisions intestines survenues dans la communauté, et qui ne sauraient trouver ici leur place, plusieurs années s’écoulèrent sans que les choses se modifiassent en aucune façon. Ce n’était partout que surprises, escarmouches, vols et pillage. L’année 1424 vint enfin faire diversion à cette monotonie de trouble et de destruction. Le 30 mars, le maire et les consuls, ayant été informés que le capitaine d’Auberoche, qui, poussé sans doute par Archambaud, ne laissait pas passer de jours sans dresser quelque embuscade et tenter quelque surprise, avait dirigé vingt-trois cavaliers sur la paroisse de Saint-Laurent-du-Manoire, firent marcher contre cette petite troupe trente-neuf de leurs concitoyens de bonne volonté. La rencontre eut lieu en un endroit appelé La-Baconie ou Lieu-Dieu (16). Le combat se prolongea une grande partie du jour, et eut pour résultat la mort d’un des hommes de la garnison d’Auberoche, appelé Le-Bascol (le bâtard), des blessures pour la plupart des autres et la déroute de la troupe entière (17). Cette petite victoire, extrêmement honorable pour les habitants de Périgueux, fut comme le signal précurseur d’un grand succès que la communauté obtint dans le cours de cette même année.
Tout-puissants dans Paris et dans presque tout le pays situé au nord de cette capitale, maîtres de la plus grande partie de la Guienne et de la Gascogne, pendant que le jeune Charles VII, incertain de l’avenir, errait dans les provinces du centre, les Anglais, dans leur folle présomption, se croyaient appelés à dominer la France entière, qu’ils avaient si long-temps convoitée. Dans les environs de Paris, et partout ou ils avaient rencontré les partisans du nouveau roi, ils les avaient battus et leur avaient souvent fait éprouer des pertes considérables. Ceux qui se tenaient en Guienne ne voulurent pas rester en arrière de leurs frères du nord. Ils résolurent donc de se signaler par quelque bonne entreprise. Leur liaison avec Archambaud, et les relations que celui-ci avait nécessairement conservées avec quelques bourgeois, les déterminèrent à choisir Périgueux pour leur point de mire, et, le samedi après la fête de Noël (30 décembre), Jean Radcliffe, sénéchal de Bordeaux, vint s’établir aux Frères-Prêcheurs, avec 1,500 hommes, dans la ferme conviction que la place lui serait livrée par des traîtres avec lesquels il s’était abouché plusieurs fois. Mais le maire et les consuls, avertis à temps de ce qui se passait, déjouèrent le complot, firent arrêter et mettre à mort celui qui l’avait dirigé, et, par la vigueur de leur conduite et les mesures énergiques qu’ils prirent pour la défense de la communauté, forcèrent les Anglais à se retirer précipitamment, emportant avec eux la honte d’avoir échoué dans leur dessein (18). L’insuccès des Anglais et l’attitude de Périgueux n’étaient pas faits pour encourager Archambaud, qui, du reste, commençait à se faire vieux, et dont probablement la santé ne devait pas être des meilleures. Craignant que la mort ne vînt le frapper au milieu de sa mauvaise fortune, et moins résigné que jamais à son sort, il prit le parti, l’année suivante, de faire son testament. Ce testament, écrit à Auberoche, et portant la date du 22 septembre, résume trop bien les sentiments qui agitaient ce seigneur, il nous fait trop bien connaître les dispositions de son esprit, pour ne pas en reproduire ici toutes les parties essentielles.
« Sain de corps et d’esprit, etc., et après avoir fait le signe de la croix, nous ordonnons et disposons de notre personne et de nos biens, nous faisons notre testament et déclarons notre dernière volonté ainsi qu’il suit:
1° Nous donnons et recommandons notre âme et notre corps à Dieu, à sa mère et à la cour céleste, et voulons être enseveli dans le tombeau que notre père fit construire dans le couvent des Frères-Mineurs, de Montignac, et dans lequel il repose, avec notre frère et nos sœurs.
2° Dans le cas où nous mourrions sans enfants, nous instituons héritière de tous nos biens notre bien-aimée sœur, Eléonore de Périgord, et après elle Louise de Clermont, vicomtesse de Myal, sa fille, et à son défaut son fils aîné, et à défaut de son fils aîné la plus proche personne à qui la succession devrait revenir de droit; et, dans le cas où celui qui se trouvera hériter, au moment de notre mort, ne reconnaîtrait pas le roi d’Angleterre et de France, duc de Guienne, pour son souverain, nous déclarons expressément que nous ne voulons qu’il possède aucune partie de nos biens, avant qu’au préalable il se soit soumis à lui et lui ait prêté serment de fidélité (19). »
Il nomme ensuite pour son exécuteur testamentaire un certain Audry Jamard, damoisel, qu’il fait capitaine d’Auberoche après sa mort, et gouverneur de tous ses biens, avec expresse recommandation de ne les livrer à son héritier qu’après l’accomplissement rigoureux de la condition posée dans le deuxième paragraphe. Il recommande d’en surveiller l’exécution à sept personnes, toutes étrangères au pays, à l’exception d’une seule, qui était de la châtellenie d’Auberoche.
Tel était l’état d’exaspération aveugle où il était parvenu, que, malgré vingt-six ans de déceptions de toutes natures, il préférait vivre dépossédé, errant et sans considération, sous l’autorité anglaise, que de faire des soumissions au roi de France, qui certainement n’aurait pas manqué de lui procurer le moyen, sinon de récupérer ses domaines, du moins de refaire sa fortune et de reprendre son rang. Il y a même plus. Comme on vient de le voir, non seulement il s’obstinait à être Anglais, mais encore il voulait que ceux qui viendraient après lui fussent également Anglais, sous peine d’exhérédation. Et notez que, dans cette rage d’anglicanisme, il allait jusqu’à disposer de terres et de seigneuries dont il ne possédait pas un pouce.
On a dit qu’Archambaud était malade quand il fit son testament; mais on vient de voir le contraire.
Aussi est-il certain qu’il vécut encore quelques années, et qu’il ne mourut que vers 1430. Mais comme, à partir de 1425, il n’est plus question de lui, on ne saurait dire ce qu’il fit pendant les cinq ou six années comprises entre la date de son testament et l’époque de sa mort.
Les conséquences de la lutte acharnée entre Périgueux et les deux derniers Archambaud furent des plus déplorables, pour la province de Périgord. On conçoit, en effet, que les courses incessantes des bandes soldées par les comtes, que le ravage qu’elles portaient partout, que le pillage, le meurtre, l’incendie, qui leur étaient si familiers, durent non seulement répandre la terreur et la désolation dans toutes les directions, mais encore ruiner le pays et chasser les populations. Ce n’est pas ici le lieu de constater les résultats matériels de ces longues calamités; mais, pour donner une idée des maux qu’elles entraînèrent à leur suite, il suffira du passage suivant, qui terminera ce travail.
En 1437, les nobles du Bas-Limousin, s’adressant au vicomte de Limoges, qui venait de faire l’acquisition du comté de Périgord, s’exprimaient ainsi : « Ils (les nobles) vous prient, afin que le vicomte ne soit pas dépeuplé, que vous ne receviez pas leurs hommes dans le comté que vous venez d’acheter, qui est inculte et ruiné (20). »
(1) Fragments, etc.
(2) Fragments, etc.
(3) Ibid.
(4) Il ne fut démoli qu’en 1430.
(5) Fragments, etc.
(7) A dessein ou par ignorance, les historiens modernes ont tellement altéré la vérité, en ce qui concerne le rôle que le duc d’Orléans joua dans les querelles de Périgueux et des deux comtes, qu’il faut, une bonne fois pour toutes, rétablir les faits, conformément à la vérité historique. La première fois où l’on voit intervenir le nom du duc d’Orléans dans cette affaire, c’est en 1394 (Voyez plus haut, p. 204); et les événements qui se rapportent à ce fait prouvent évidemment qu’Archambaud V ne l’aimait pas, mais ne l’aimait pas parce qu’il prétait son appui à la ville et à la cité, et rien de plus. Cela n’a pourtant pas empêché de dire, je ne sais sur quelle autorité, que ce prince avait poussé ce comte à la révolte, et qu’ensuite il lui avait donné de l’argent pour passer en Angleterre. On a vu, p. 216 et 219, ce qu’il faut penser de cette assertion en tant qu’il s’agirait d’Archambaud V. Voudrait-on l’appliquer à Archambaud VI? Ce serait encore moins possible, car ce seigneur et le duc étaient mal dès le principe, et, dans aucun cas, le duc ne se gêna pour protéger ouvertement Périgueux. Cependant on pourrait persister à soutenir qu’il y avait convoitise de sa part, et qu’il y eut même de l’argent de donné. Convoitise, je ne le nie pas; car, comme comte d’Angoulême et ennemi du duc de Bourgogne, le prince devait désirer de posséder le comté de Périgord; mais il agissait ouvertement, et non pas en sous-main. Quant à l’argent donné, si réellement il y en eut de donné, ce ne fut qu’après que le comté lui eut été assigné, et même longtemps après. La vérité est que le duc d’Orléans ne devint comte de Périgord que par la faute d’Archambaud VI, qui, ayant poussé à bout Charles VI, permit à Louis d’en solliciter la donation, du roi son frère, sans avoir rien à se reprocher. (Voyez le préambule de ce don, et passim les notes de cet ouvrage.)
(9) Fragments, etc.
(10) Ibid.
(11) Ibid.
(12) Arch. du roy. Reg. du tr. des ch., coté 169, pièce 187.
(13) Livre noir, etc., fol. 80.
(14) Ibid., fol. 82, 83 et 85.
(15) La date n’est pas certaine, mais justifiée par les faits.
(16) Livre noir, etc., fol. 40. Dans le principe, cette localité recevait indifféremment l’un ou l’autre de ces deux noms. Ce n’est que plus tard que le dernier a prévalu.
(17) M. Charrière a fait de cet événement une nouvelle historique fort intéressante, qu’il a placée à l’année 1392; ce qui est une erreur, attendu que la véritable date est bien celle que je donne ici. Voici comment elle est exprimée dans le Livre noir, etc. : « Datum ultima die mensis martii, a Nativitate Domini M° CCCC XXIII° (1423 V. S.) (1424 N. S.)... Pontificatus domini Martini, pape, quinti anno quinto. » Si l’on pouvait avoir du doute sur l’exactitude de la première date, l’indication de l’année du pontificat de Martin V ne pourrait manquer de le dissiper) puisque cette année correspond très positivement à 1323-1324.
(18) Livre noir, etc., fol. 98,
(20) Bibl. du roi. Fonds des cartulaires, n° 135, p. 478.
GUERRES PRIVÉES
Tolérées dans le principe, faute de pouvoir être prévenues, les guerres privées attirèrent pourtant de bonne heure l’attention de nos rois de la troisième race. Ne pouvant couper court à un pareil abus, ils s’appliquèrent d’abord à en atténuer les effets, au moyen de quelques sages mesures prises d’accord avec ceux des grands barons qui leur étaient dévoués. Dans la suite, lorsque leur autorité eut grandi, ils essayèrent de le soumettre à une législation, bien imparfaite et mal observée sans doute, mais qui se régularisa avec le temps, et devint de plus en plus étroite. Plus tard enfin, quand ils se sentirent assez forts pour briser toutes les résistances, ils ne gardèrent plus de ménagements, et frappèrent d’interdiction ces luttes non moins odieuses que funestes. Il ne s’agit pas ici de faire un traité complet sur la matière, mais d’expliquer rapidement comment on procéda pour atteindre le but que l’on se proposait, et de résumer le plus brièvement possible les règlements et ordonnances en vigueur à la fin du quatorzième siècle.
Philippe-Auguste fut le premier qui aborda la question. Il était d’usage alors, dans les querelles de seigneur à seigneur, de mettre tous les parents en cause. Dès l’instant que la guerre était déclarée, on ne se faisait pas scrupule d’entrer brusquement en campagne, et d’aller surprendre, à des distances éloignées, les membres de la famille qui, n’ayant pas connaissance des événements, ne se tenaient point sur leurs gardes. Le procédé était révoltant; ce monarque ne voulut pas le laisser subsister. En conséquence, tout en admettant que les présents devraient immédiatement se tenir pour avertis, il établit une trêve de quarante jours, à partir du moment de la rupture, afin que les intéressés éloignés pussent être prévenus de ce qui se passait et fissent d’avance leurs apprêts de défense (1). Saint Louis fit revivre cette sage ordonnance, probablement mal exécutée de son temps, voulut que les parents seuls prissent part à la guerre, et décida que les présents comme les absents auraient quarante jours de trêve (2). Philippe-le-Hardi ne fit guère que maintenir ce qui existait avant lui (3).
Philippe-le-Bel osa le premier attaquer le mal de front. En 1296, il défendit les guerres privées tant qu’il serait en guerre lui-même avec les ennemis du royaume (4). Le 9 mai 1302, il détermina qu’il y avait guerre privée:
1° quand une ville se divisait et que les habitants se battaient entre eux;
2° quand une ville, un château, un baron ou tout autre seigneur faisaient la guerre à une autre ville, à un autre château, à un autre baron, etc, et réciproquement (5). En 1303 (1304 N. S.), il les interdit formellement à tout jamais (6). Toutefois, le 29 juillet 1314, il sembla revenir à l’idée de ne les défendre que durant les guerres royales, mais avec la clause importante sus paine de corps et d’avoir (7).
Tel était l’état de la législation au moment de la mort de ce prince. Incapable sans doute de la maintenir en vigueur, Louis-le-Hutin, par une fâcheuse exception, autorisa les guerres privées, entre nobles, dans la Bourgogne et le Forez, ce qui occasiona de très graves désordres (8). Jusqu’à Philippe de Valois, les successeurs de Louis X ne s’occupèrent pas de ces luttes intestines, toujours fatales au pays, ce qui permit aux nobles et aux populations de reprendre leurs anciennes habitudes, et de faire revivre la plupart des dangereux usages proscrits par les ordonnances.
Le 8 février 1330, pour des motifs qu’on ne fait pas connaître, mais qui probablement avaient leur cause dans la nécessité du moment, Philippe de Valois, suivant les fâcheux errements de Louis-le-Hutin, rétablit, en Guienne, les guerres privées, à condition qu’elles seraient déclarées et acceptées, et qu’elles cesseraient lorsque le roi serait lui-même en guerre (9).
Ces luttes intestines étaient la cause ou le prétexte d’une foule de violences et de méfaits. Il fut décidé qu’on ne pourrait abattre les maisons ni les moulins, rompre les étangs ni les greniers, tuer les chevaux ni les autres bêtes domestiques, briser les huches ni la vaisselle, déchirer les titres, répandre le vin, ni commettre d’autres semblables dégâts, sous peine d’amende et de réparation du dommage (10).
Jusqu’en 1361, Jean n’ajouta rien aux prescriptions imposées par ses prédécesseurs; seulement il les fit observer avec soin. Il remit même en vigueur la quarantaine le roi, qui semblait être tombée dans l’oubli (11).
A son retour d’Angleterre, ce prince (le 5 octobre 1361), rendit une ordonnance ainsi conçue: « Nous avons entendu que aucuns nobles et autres de nostre royaume, disanz estre privilégiez ou acoustumez de user de défiances et de guerres, les uns contre les autres, combien que ce ait esté plusieurs foiz, par nous, défendu, pour cause de noz guerres, veulent à présent, soubz ombre de la paix publiée en nostre royaume, et s’efforcent de faire défiances et guerres entr’eulx et de procéder, par voie de fait.... pour ce, par grant deliberacion, avons ordonné, en nostre conseil, et ordonnons, par ces présentes, que, non obstant lesd. privilèges ou usage des nobles, sur le fait desd. défiances et guerres, et que » nous ayons paix en nostre royaume, toutes telles » défiances et guerres et toutes voies de fait, contre toutes personnes et en quelconques païs que ce soit, en nostre royaume, cessent, d’ores-en-avant et pour cause, jusqu’à nostre especial octroy…. sur paine d’encourre nostre indignacion et estre reputez et tenuz désobéissanz et rebelles envers nous et la couronne, et en nostre mercy de corps et de biens. (12) »
C’était le retour formel à l’ordonnance de 1303 (1304 N. S.), et il semblait, après cela, que les guerres privées dussent être considérées comme à jamais abolies. Il n’en fut cependant pas ainsi. Dans le but sans doute d’exciter l’émulation des nobles contre les grandes compagnies qui ravageaient la France, et peut-être aussi pour satisfaire à l’exigence des états tenus à Amiens, en 1363, le 5 décembre de cette même année, Jean décida que les voies de fait n’auraient pas lieu pendant que les ennemis seraient dans le royaume (13), ce qui impliquait nécessairement qu’elles pourraient recommencer aussitôt après leur expulsion. Pendant qu’ils furent seuls maîtres de la Guienne, par suite du traité de Brétigny (1360-1369), les Anglais y interdirent ces guerres avec soin (14). De son côté, Charles V, trois ans après son avènement à la couronne, par déclaration du 17 septembre 1367, les défendit expressément entre tous ses sujets (15). Postérieurement, à mesure que la Guienne rentra sous l’autorité de ce monarque, le principe de cette déclaration dut s’étendre progressivement à toutes les parties de la province reconquise; mais, ne l’eût-il pas fait, les guerres constantes, la présence non interrompue des grandes compagnies sur le sol de la France, et l’usage des sauvegardes, qui s’était généralisé, ne permettaient, aux nobles ni aux autres, de se livrer à ces luttes intestines, et, par suite, dispensait la couronne de se créer de nouvelles armes pour prévenir ces détestables abus (16).
De tout ce qui précède il résulte que les principes invoqués par le procureur général, dans les poursuites contre Archambaud V et Archambaud VI, étaient constants, connus de tous, et ne permettaient pas d’hésitation à ceux qui avaient la charge de les appliquer. Sous ce rapport donc, le parlement ne fit que son devoir, en punissant le père et le fils des infractions aux lois de l’état dont ils s’étaient rendus coupables, volontairement et avec une persistance à peine croyable.
(1) Beaumanoir, ch. 60 (t. 2, p. 371). On appelait cela la quarantaine le roi.
(2) Rec. des ord. des R. de France, 1.1, p. 56.
(3) Dès le temps de ce monarque, on s’était occupé de déterminer dans quels cas il y avait guerres privées; mais ce ne fut que sous Philippe-le-Bel qu’on définit légalement ces guerres.
(4) Rec. des ord. des R. de France, t. 1, p. 328.
(5) Ibid., p. 344.
(6) Ibid., p. 390.
(7) Ibid., p. 538.
(8) Ibid., p. 559.
(9) Rec. des ord. des R. de France, t. 2, p. 61.
(10) Ibid., p. 395. Cette ordonnance, il est vrai, avait été faite spécialement pour le Vermandois.
(11) Ibid., p. 552. Ordonnance relative à la ville d’Amiens. On lit, à la page 408 du même volume, que comme, sous ombre de ces guerres, les nobles molestaient et pillaient le peuple, et quelquefois même prenaient et transportaient hors du royaume les sujets de leurs adversaires, de pareils excès leur furent défendus, sous peine de prison. On y lit aussi que ces guerres n’étaient permises, en Normandie, dans aucun cas.
(12) Rec. des ord. des R. de France, t. 3, p. 525.
(13) Rec. des ord. des R. de France, t. 3, p. 647.
(15) Blanchard, Compil. chronol., t.1, p. 148.
(16) Quelques auteurs parlent de deux déclarations portant règlement pour l’ordonnance du 5 octobre 1361, l’une du 19 juillet 1369, l’antre du 3 juillet 1371. Je les ai cherchées, sans les trouver.
JURISPRUDENCE DU PARLEMENT,
EN MATIÈRE DE GUERRES PRIVÉES, DE REVOLTES À MAIN ARMÉE
ET DE CRIMES DE LÈSE-MAJESTÉ.
On a vu que, dès 1314, les guerres privées avaient été défendues, sous peine de corps et d’avoir. Dans l’ordonnance du 5 octobre 1361, dont il a déjà été parlé, Jean, après avoir enjoint à ses officiers de mettre sous sa main les biens de ceux qui ne seraient pas rentrés dans leurs domiciles, et d’ajourner ces récalcitrants, par cri, au lieu où ils avaient coutume d’habiter, dit expressément qu’une fois qu’ils auront été mis en défaut, sans attendre autres appels ni dilations, ces officiers devront procéder à bannissement de leurs personnes et confiscations de leurs biens et à les tenir et publier désobés sans et rebelles contre nous et la couronne (1).
Dans son travail ayant pour titre: Traitez des droits du roy très chrétien sur plusieurs estats et seigneuries possédés par divers princes, et rédigé sur les documents originaux conservés au Trésor des chartes, Dupuy s’exprime ainsi, en parlant du crime de lèse-majesté: « Le vassal perd son fief pour avoir machiné la mort de son seigneur, pour l’avoir maltraité, pour luy avoir fait la guerre, pour avoir assiégé ses villes, pour l’avoir abandonné en péril, pour avoir attenté à la vie de son fils, pour ne l’avoir pas assisté, pour avoir refusé de lui faire serment de fidélité, et pour n’estre pas comparu aux assignations qui lui ont esté données par le seigneur (2). »
Le principe du bannissement et de la confiscation était donc introduit dans les ordonnances long-temps avant les procès d’Archambaud V et d’Archambaud VI. Reste à savoir maintenant si le parlement l’avait également adopté et consacré, comme base de sa jurisprudence, en cette matière. Ce sera le plus sûr moyen de décider si les modernes ont eu tort ou raison de prétendre que les condamnations portées contre ces deux seigneurs étaient d’une rigueur excessive et inaccoutumée (3).
En 1323, Jourdain de Lille, seigneur de Casaubon frère puîné de Bernard Jourdain, seigneur de Lille-Jourdain, après avoir obtenu grâce, pour dix-huit chefs d’accusation portés contre lui, avait repris sa vie de désordre et de violence, comme de plus belle. Il fut accusé d’avoir commis des homicides et des viols, d’avoir protégé des meurtriers, des pillards et des rebelles. On lui reprochait, entre autres, d’avoir tué, avec le bâton qu’il lui avait arraché des mains, un sergent royal, dans l’exercice de ses fonctions. Cité au parlement, il y comparut audacieusement, accompagné d’un grand nombre de seigneurs du pays. Ses principaux accusateurs étaient le vicomte de Lomagne et le sire d’Albret. Ayant vainement essayé de se justifier, après une détention préventive dans les prisons du Châtelet de Paris, par arrêt du parlement, il fut condamné à mort, traîné à la queue des chevaux et enfin pendu, la veille de la Trinité (4).
Certainement les crimes de Jourdain de Lille n’étaient ni aussi nombreux ni aussi détestables que ceux des deux Archambaud, et pourtant le supplice qu’eut à subir ce seigneur, en vertu de l’arrêt du parlement, fut bien autrement sévère que la punition infligée aux deux derniers descendants mâles de la maison de Périgord. Mais poursuivons.
Vers le milieu du quatorzième siècle, Louis de Sancerre, chevalier, seigneur de Menetou-Salon (de Morto-Sailhone), ayant eu un démêlé sanglant avec la ville de Bourges, et, par suite, une guerre assez longue et passablement meurtrière, ses adhérents et lui furent poursuivis judiciairement, cités au parlement de Paris, et firent plusieurs fois défaut. Après avoir épuisé toutes les formalités d’usage, la cour les condamna au bannissement, et déclara leurs biens confisqués au profit de la couronne (5); peine exactement conforme à celles qui furent appliquées, plus tard, aux deux Archambaud, et d’autant plus rigoureuse que, s’il fallait s’en rapporter au document dans lequel ces détails sont consignés, les premiers torts auraient été du côté de la ville de Bourges (6).
Le 12 mars 1390 (7), le parlement de Paris, ayant été informé que Jean Ier, duc de Lorraine, aidé de son fils, duc après lui, sous le nom de Charles Ier, et de plusieurs de ses sujets, réunis sous ses ordres, s’était porté en armes sur la ville de Neufchâteau, l’avait assiégée et prise d’assaut, sous le prétexte que les habitants devaient lui être soumis, et non pas obéir au roi, comme ils le faisaient, dirigea des poursuites contre ce seigneur et ses complices, et, le 17 juin 1391, rendit un arrêt que sa mort empêcha d’exécuter. Reprise en sous-œuvre, cette affaire fut instruite de nouveau, et Charles Ier eut à répondre, devant la cour, des violences qu’il avait commises, conjointement avec son père. On lui reprochait des désordres et des méfaits nombreux, et, entre autres,
1° d’avoir forcé les principaux habitants de Neufchâteau à faire la promesse de lui payer 10,000 fr., dont ils lui avaient donné 3,000 fr. comptant, pour se racheter de la mort qui les menaçait, car il avait amené avec lui un bourreau, pour leur trancher la tête;
2° D’avoir percé les murs de la ville, pour ouvrir une porte à son château, situé dans l’intérieur;
3° D’avoir, par lui ou par les siens, pillé et ravagé les localités des environs.
Pour des motifs restés inconnus, ce procès traîna si bien, qu’en 1406 tout était encore en suspens. Dans le cours de cette année, il y eut un traité conclu entre les représentants du roi, d’une part, et ceux du duc, de l’autre, par lequel ce dernier s’engageait à comparaître, en personne, devant Charles VI, et à se laver des crimes qu’on lui imputait et que ce prince devait lui faire nettement exposer en sa présence.
Malgré cet engagement formel, non seulement il ne comparut pas, mais encore il recommença ses courses et ses ravages. Sans respect pour la sauvegarde du roi, en 1409 il fit prisonnier quatorze bourgeois de Neufchâteau, et dévasta les environs de cette ville, dont il s’empara de nouveau, peu de temps après, réunit les habitants et leur arracha, par l’intimidation, la promesse de renoncer au procès qu’ils avaient avec lui. Mais, aussitôt qu’ils le purent, ils adressèrent de nouvelles plaintes au parlement, qui ne crut pas devoir différer plus longtemps de punir tant d’excès d’audace.
Après quatre défauts légalement constatés, et toutes les formalités d’usage ayant été strictement accomplies, le 1er août 1412, cette cour condamna le duc à payer aux habitants de Neufchâteau jusqu’à la concurrence de 50,000 1. t., à titre de compensation, pour les biens qu’il leur avait pris; à leur donner 20,000 1. t. de dommages et intérêts, à réintégrer la sauvegarde royale et à construire une chapellenie dotée de 50 1. t. de rente annuelle. De plus, elle attribua 40,000 1. t. aux habitants des environs de la ville, pour les dédommager de leurs pertes. Elle imposa aussi au coupable une amende, envers le roi, de 1,000 marcs d’argent, d’une part, et de 1,000 marcs d’or, de l’autre. Enfin, elle le bannit avec ses complices, et déclara tous ses biens confisqués au profit de la couronne (8).
Certainement cet arrêt et celui qui frappa Louis de Sancerre ne permettent pas de mettre en doute les tendances du parlement, et démontrent, de la manière la plus évidente, que sa jurisprudence était fixée depuis longtemps, à la fin du quatorzième siècle. Il en résulte aussi la preuve formelle que les peines infligées aux deux Archambaud étaient, en tout, conformes aux principes de cette jurisprudence, et par conséquent n’avaient rien d’insolite.
(1) Rec. des ord. des R. de France, t. 3, p. 526. Il est à remarquer qu’en cette matière le bannissement emportait toujours la confiscation.
(2) P. 143.
(3) Les auteurs de l’Art de vérifier les dates, Lagrange-Chancel, le Précis historique sur les comtes de Périgord, etc.
(4) Deuxième continuateur de Guillaume de Nangis.
(5) Arch. du roy. K, 48, n° 4.
(6) Ce sont des lettres de rémission ou de grâce, portant la date de 1360; et il est vrai de dire que ces sortes de lettres étaient toujours rédigées, autant que possible, de manière à atténuer les torts de ceux auxquels on les accordait.
(7) C’est-à-dire deux ans avant que le procès d’Archambaud V commençât.
(8) Les documents relatifs à ce procès sont aux arch. du roy., sect. hist., Tr. des chartes, cart. 681, n° 31-48, et l’arrêt est à la sect. jud., Parlement, reg. du criminel, coté 17, fol. 170.
HISTOIRE D’ARCHAMBAUD VI, PAR LAGRANGE-CHANCEL.
OBSERVATION.
J’avais d’abord pensé à rectifier, par des notes, les erreurs de Lagrange-Chancel; mais ces erreurs sont trop nombreuses, et je me suis bientôt aperçu que les notes dépasseraient l’étendue du texte. Je me borne donc à déclarer que tout ce qu’on va lire n’est qu’un roman fantastique sorti du cerveau de l’auteur, quoiqu’on en trouve le germe dans le père Dupuy (Estât de l’Église du Périgord, p. 125).
« Celui-ci (Archambaud VI) prit un malheureux entêtement pour la fille d’un bourgeois de Périgueux, nommé Guillaume Debotas. Son obstination à refuser tous les partis qu’on lui offroit, et les liaisons qu’il entretenoit journellement avec les parents de cette fille, faisoient naître dans l’esprit de son père des soupçons qui le conduisoient à d’affligeantes réflexions, sur tout ce qu’il avoit à craindre. Il ne trouva de consolation à ses peines que dans la part qu’il en fit à la dame de Duras. C’étoit celle de ses sœurs qu’il aimoit le plus tendrement. — Vous ne devez pas douter, mon cher frère, lui dit-elle, un jour, dans un entretien particulier, que la situation où vous êtes ne me pénètre d’une véritable douleur, et je ne puis m’empêcher de vous dire que je prévois la ruine de votre maison, si vous ne la relevez, par votre courage. Vous voyez que les services que vous avez rendus à la France n’ont abouti qu’à faire obtenir aux bourgeois de Périgueux les récompenses qui vous étoient dues, et que les anciens ennemis de votre maison ne cherchent journellement qu’à vous dépouiller de tous les droits que vous avez sur la capitale de votre état. Quel temps plus favorable pourriez-vous trouver pour sortir de la servitude où vous êtes? Un roi enfant, gouverné par quatre oncles, dont les intérêts opposés mettent le désordre dans tout le royaume; toute la noblesse qui soupire après un changement, pour rentrer dans ses privilèges; le soulèvement de Paris, les préparatifs qu’on fait en Angleterre, pour ramener la Guienne et la Gascogne à leur légitime souverain: tout cela ne vous apprend-il pas le parti que vous devez suivre? Le seul exemple du seigneur de Mucidan auroit dû vous ouvrir les yeux. Quels services ne rendit-il pas à la France après qu’il eût quitté le parti des Anglois? et quelle récompense en a-t-il reçue? Attiré à Paris, par les belles promesses qu’on lui avoit faites, il s’aperçut qu’on l’y faisoit garder à vue, et il vit bien qu’il n’avoit d’autre parti à prendre que de s’échapper secrètement et de retourner, en diligence, auprès du roi d’Angleterre, qui le combla de ses bienfaits.
Le moins que vous devez espérer de ce prince reconnoissant, est la suppression de ces privilèges dont les bourgeois de Périgueux se servent pour vous opprimer. Les liaisons que votre fils peut avoir avec quelques-uns d’entre eux ne doivent être regardées que comme des amusements de jeunesse, dont il se départira aisément, dès que vous lui aurez fait connoître ses véritables intérêts, et, quand même il seroit vrai que sa passion seroit assez forte pour le faire descendre à une alliance indigne de vous et de lui, vous n’avez qu’à lui chercher quelque parti capable d’effacer dans son souvenir un objet dont la condition et la beauté sont également médiocres.
Après plusieurs conférences que le comte et sa sœur eurent sur le même sujet, il fut arrêté que le seigneur de Duras seroit chargé de la procuration de son beau-frère, pour traiter avec le roi d’Angleterre; qu’ensuite il iroit négocier le mariage du jeune Archambaud avec la fille du seigneur de Villac. Il étoit chef d’une ancienne et puissante maison, dont Hélie étoit le surnom. Celui de Pompadour y fut ajouté, dans la suite, par l’héritier de cette grande maison, qui entra dans celle d’Hélie.
Le seigneur de Villac n’eut pas plus tôt accepté une proposition si avantageuse pour sa fille et si honorable pour sa maison, que le comte envoya chercher son fils, pour le disposer à ce mariage. Après lui avoir représenté, en père tendre et débonnaire, les égarements de sa jeunesse, il lui fit entendre qu’il avoit cru ne pouvoir les faire cesser qu’en l’unissant à une personne dont la beauté n’étoit pas la moindre partie de son mérite.
Le jeune Archambaud ne répondit à son père que par un silence qui prouvoit moins son obéissance que l’agitation de son cœur. Il retint toutefois ses larmes jusqu’à ce qu’il fût hors de sa présence et qu’il fût rendu à la chambre qu’occupoit le père Jean dans le château. Cétoit un religieux de l’ordre de Saint-François, qui avoit été son précepteur, et le comte l’avoit toujours gardé depuis dans sa maison, en qualité de son aumônier. Loin de se servir de son autorité pour réprimer les passions de son disciple, il ne s’étoit attaché qu’à gagner sa bienveillance, par des complaisances qui passoient quelquefois les bornes de son ministère.
Archambaud lui ayant exposé les commandements de son père, avec toutes les marques du plus affreux désespoir, le moine fut quelque temps sans lui répondre; mais, après avoir laissé passer le premier torrent, il lui représenta l’intérêt qu’il avoit de faire une alliance proportionnée à sa naissance; qu’il devoit bien sentir qu’une bourgeoise, quelque mérite et quelque beauté qu’elle pût avoir, n’étoit pas digne de cet honneur, et qu’il avoit d’autres moyens de la posséder, plus convenables à une personne de son rang.
Le moine, ayant ainsi ralenti l’impétuosité de son disciple, ne tarda pas de s’en faire un mérite auprès du comte, qu’il alla assurer de l’obéissance de son fils; mais il ajouta qu’il étoit nécessaire de profiter de ses bonnes dispositions pour le mariage proposé, et que, de peur que ses irrésolutions n’y missent obstacle, il falloit le conclure, par procureur, suivant l’usage pratiqué par les personnes du premier rang. Cet expédient fut approuvé, et le seigneur de Duras, qui avoit été chargé de proposer le mariage, prit encore la procuration de son neveu, pour le célébrer en son nom.
Tandis qu’on prenoit ainsi des mesures pour l’accomplissement d’un mariage dont les commencements ne sembloient pas promettre d’heureuses suites, Archambaud, de son côté, ne songeoit qu’à faire réussir les espérances dont son précepteur l’avoit flatté. Il avoit toujours compté que, s’il pouvoit avoir un entretien particulier avec celle qu’il adoroit, il lui feroit des proposition si avantageuses, qu’elle ne seroit pas insensible. Mais rentrée de sa maison lui avoit été interdite toutes les fois qu’il avoit voulu s’y présenter, et elle avoit refusé toutes les lettres qu’il s’étoit avisé de lui écrire; de sorte qu’il ne savoit plus quel expédient nouveau il devoit prendre, lorsqu’il vit une grande partie des domestiques de son père et des soldats de la garnison s’empresser à sortir du château et de la cité, pour se trouver au passage d’une procession qu’on faisoit en l’honneur de sainte Sabine.
C’étoit un ancien usage dans la ville de Périgueux que, lorsque les trop grandes sécheresses ou les pluies trop abondantes faisoient craindre pour les fruits de la terre, on portoit solennellement les reliques de cette sainte martyre, depuis l’église de St-Front jusqu’à une fontaine qu’on dit être sortie miraculeusement, dans la place qu’elle avoit arrosée de son sang. Cette pieuse coutume s’est conservée jusqu’à présent, avec des effets aussi miraculeux de la protection de cette sainte que ceux qu’opère sainte Geneviève des Parisiens, dans les mêmes calamités.
Archambaud se garda bien de laisser échapper une occasion si favorable à ses désirs. Il crut bien que la jeune Debotas, qui portoit le nom de Sabine, ne manqueroit pas d’assister à une cérémonie qui se faisoit en l’honneur de sa patronne. Il ne se trompa pas dans ses conjectures. Sabine marchoit immédiatement après le clergé, à la tête d’une troupe de jeunes filles vêtues de blanc et couronnées de fleurs. Celles dont Sabine étoit parée et le bon goût qui régnoit dans la simplicité de ses habits ajoutoient un nouvel éclat à sa beauté. Dès qu’elle fut auprès d’Archambaud, qui l’attendoit sur son passage, il se mit à marcher à côté d’elle, comme s’il n’avoit eu d’autre dessein que de suivre la file de la procession. Il s’étoit flatté que, durant la marche, il trouveroit quelque moment pour lui parler. Mais, à peine eut-il commencé de lui tenir quelque propos, que Sabine, lançant sur lui un regard fier et dédaigneux: —Retirez-vous, seigneur, lui dit-elle, et ne troublez pas la sainteté de cette cérémonie par des discours que l’honneur ni la religion ne permettent pas d’écouter.
Le ton élevé dont elle prononça ces paroles, et les efforts qu’elle fit pour dégager une de ses mains, sur laquelle il commençoit déjà de porter sa bouche, firent craindre à ceux qui venoient après qu’Archambaud ne voulût user de quelque violence envers elle. Ils s’avancèrent pour le repousser. D’un autre côté, les soldats et les domestiques du château, que la curiosité avoit attirés à cette fête, crurent qu’on en vouloit aux jours de leur jeune maître, et s’avancèrent aussi pour le secourir. Il y eut une rude mêlée, ou quelques bourgeois furent tués. Les autres, après avoir pourvu à la sûreté de Sabine, se retirèrent dans leur ville en assez bon ordre.
Les officiers de justice ne manquèrent pas de faire toutes les informations que demandoit la gravité de cette action. Tous ceux qui furent convaincus d’y avoir trempé furent décrétés, et la plupart de ceux qui eurent le malheur de se laisser prendre furent pendus ou condamnés à d’autres supplices. Le comte usa des mêmes représailles envers ceux de ses ennemis qui tomboient en son pouvoir. Les excès allèrent si loin, de part et d’autre, particulièrement du côté du comte, qui étoit soutenu par les Anglois, que les habitants de Périgueux furent obligés de recourir au roi, pour lui demander secours.
Aussitôt Eymeri de Rochechouard, sénéchal de la province, sur les ordres qu’il reçut de la cour, alla assiéger le château des Rolphies. Les habitants de Périgueux, qui souffroient beaucoup du voisinage de cette place, se joignirent au sénéchal, qui l’emporta par leurs secours. Fortanier de Landry, qui les commandoit dans cette action, y fut tué. Son attachement pour la France et pour ses compatriotes les rendit très sensibles à cette perte. On fit bon quartier aux soldats de la garnison; mais Guillaume Debarry, qui commandoit dans la place, eut la tête tranchée, par le commandement du sénéchal. Les habitants de Périgueux vouloient que le château fût rasé; mais le sénéchal jugea plus à propos d’y mettre une bonne garnison, jusqu’à qu’il eût reçu de nouveaux ordres.
Il marcha aussitôt vers le château de Roussille, dont la garnison faisoit des courses jusqu’aux portes de Périgueux. Le seigneur de Grignols, l’ayant joint en chemin, le fit changer de sentiment; car sur la parole qu’il lui donna, d’obliger le comte à rompre ses engagements avec les Anglois, et à renouveler ceux qu’il avoit faits avec la France; sur cette assurance, ils se rendirent ensemble devant le château de Montignac, où le comte étoit assiégé par Robert de Béthune, vicomte de Meaux, qui étoit alors lieutenant du seigneur de Couci, capitaine général, pour le roi, dans la haute et basse Guienne. Le seigneur de Grignols se donna tant de mouvement, pour son parent, qu’il fut reçu à composition, et que son château des Rolphies et les autres places lui furent remis, à condition que, dans trois mois, il renonceroit au parti des Anglois et paieroit 2,000 1. au maire de Périgueux, pour les frais qu’il avoit faits dans cette guerre.
Le comte devoit s’estimer heureux d’être sorti, à si bon marché, d’une affaire si épineuse, et il y a apparence qu’il auroit accompli, de bonne foi, les articles de ce traité, si des conseils ennemis de son repos n’avoient achevé d’offusquer les lumières de sa raison. Il avoit mis toute sa confiance en un jeune chevalier de la cité, qui se croyoit au-dessus de tous ses parents, parce qu’il étoit du nom d’une ancienne famille qui portoit le surnom de Périgueux, et que le nom de Taillerang lui avoit été donné à son baptême. Cet usage étoit assez commun dans les familles qui étaient particulièrement attachées à la maison comtale.
Ce jeune entreprenant, se voyant dans un temps de trouble et de confusion, où la raison du plus fort prévaloit à toutes les autres, crut pouvoir profiter de la conjoncture présente pour forcer ses propres concitoyens de tenir, en arrière-fief, relevant de lui, quantité de biens nobles qu’il possédoit, de toute ancienneté, à titre de franc-aleu, dans plusieurs endroits de la province, et particulièrement dans le territoire de leur banlieue. Dans cet objet, il se servit du pouvoir qu’il avoit sur l’esprit du comte, et de quelques troupes dont il lui laissoit la disposition, pour exercer toutes sortes d’hostilités sur ceux qui avoient le courage de défendre leurs privilèges. Les magistrats, indignés de ces nouvelles vexations, en informèrent de nouveau contre le comte, en 1394 et 1395, comme on peut le voir dans la bibliothèque du roi, à la page 129 de l’Inventaire des titres du Trésor de Montignac.
Alors le comte, voyant qu’on s’en prenoit directement à lui, ne garda plus aucune mesure. La même année 1395 est remarquable par l’hommage qu’il reçut de ce Taillerang de Périgueux, dont il crut favoriser les usurpations par cet acte simulé, de même date que les plaintes de ses parties; et, en conséquence, il fit faire le dégât, jusqu’aux portes de la ville, par les garnisons d’Auberoche et de Montignac.
Il était dans le dernier de ses châteaux, avec le même Taillerang, son conseiller ordinaire, lorsque le vicomte de Meaux reçut de nouveaux ordres du roi pour se saisir de leurs personnes, il se mit en marche, avec tant de secret et de diligence, qu’il lui fut aisé de les surprendre, dans une place, dont la garnison étoit actuellement occupée à ravager les environs de Périgueux. Après les avoir tous deux arrêtés, de la part du roi, il les fit conduire à Paris, pour y subir le jugement de la cour et y tenir prison, pendant l’instruction du procès.
Le premier soin d’Archambaud VI, après la disgrâce de son père, dont il se porta pour héritier, fut d’envoyer le père Jean vers Sabine, pour l’assurer qu’à présent, qu’il étoit le maître de ses actions, il vouloit lui faire connoître la pureté des sentiments qu’il avoit toujours eus pour elle; que l’autorité de son père l’avoit forcé de contracter un mariage qu’il n’avoit jamais consommé; que, par toutes les lois divines et humaines, ces sortes d’engagements étoient nuls, et qu’il alloit incessamment se pourvoir, au parlement de Paris, pour y faire lever l’obstacle qui s’opposoit à son bonheur. Le moine ne se contenta pas de faire valoir à Sabine tout ce qui pouvoit flatter sa vanité, en épousant le comte de Périgord; il voulut encore la tenter par les avantages que sa patrie ne manqueroit pas d’en recevoir, jusqu’à lui jurer, par serment, que la cession des droits de justice et de mouvance qu’il avoit sur la ville et sur la banlieue de Périgueux, seroit le premier article de leur contrat de mariage.
Sabine ne crut pas devoir déclarer ses véritables sentiments, de crainte de pousser le comte à des extrémités fâcheuses, si elle laissait trop paraître la haine qu’elle avoit pour lui. Elle se contenta de répondre à son envoyé, en des termes qui, sans lui donner d’espérance, ne la lui ôtoit pas entièrement.
Les amants sont ingénieux à se persuader ce qu’ils désirent. Le comte s’imagina que Sabine n’avoit pas cru devoir s’expliquer plus clairement, dans le doute où elle étoit de la dissolution de son mariage. Il ne songea plus qu’à hâter l’exécution de son dessein. Il n’avoit besoin, pour cela, que du consentement de la comtesse, et il ne crut pas trouver de grandes difficultés à l’obtenir. Le moine fut encore chargé de la commission. Il se rendit au château de Villac, où la comtesse avoit toujours demeuré, avec sa famille. Dès la première ouverture qu’il fit du sujet de son voyage, il la trouva très disposée à se prêter à tous les expédients qui pouvoient lui procurer la sortie d’une maison qu’elle voyoit sur son penchant et à deux doigts de sa ruine; de sorte que, de concert avec le comte, elle l’accusa d’impuissance, devant le parlement de Paris, et, par un arrêt solennel, son mariage fut déclaré nul, et on lui accorda la liberté d’en pouvoir contracter un autre. Cet arrêt fut presque aussitôt suivi de deux autres. Par le premier, du 17 avril de la même année 1398, Archambaud V fut condamné à perdre sa tête et son comté. Mais le roi changea la peine de mort en celle du bannissement, auquel il avoit été auparavant condamné, par arrêt de 1396. Après son élargissement, il se retira en Angleterre, où il mourut, de chagrin et de maladie. Dans le cours de la même année 1398, par un autre arrêt du parlement, le nommé Taillerang de Périgueux fut condamné au bannissement et à la confiscation de ses biens. Il fut élargi quelque temps après, en faisant les soumissions nécessaires, malgré que les seigneurs de Bourdeille, en qualité de ses héritiers, aient essayé de faire revivre des contestations si juridiquement terminées.
Archambaud apprit la teneur de ces trois arrêts consécutifs par plusieurs lettres qu’on lui écrivit de Paris, surtout par celles qu’il reçut de François de Taillerang, prince de Chalais et seigneur de Grignols, à qui sa charge d’échanson du roi donnoit un grand crédit à la cour. Ce seigneur lui faisoit un ample détail de tous les mouvements qu’il s’étoit donnés pour modérer la rigueur du jugement qui avoit été prononcé contre le comte, aussi bien que des ressorts qu’on avoit fait mouvoir pour faire comprendre le fils dans la condamnation du père; mais que le sujet qui avoit occasioné la dissolution de son mariage avoit été si incompatible avec le crime de rapt dont on avoit voulu le charger, qu’on avoit regardé cette dernière accusation comme une pure calomnie; qu’on avoit eu peu d’égard pour les relations prétendues qu’on l’accusoit d’avoir avec les Anglais, attendu qu’elles n’étoient fondées que sur de simples conjectures, et qu’enfin, dans les dispositions ou l’on étoit à son égard, son honneur et son intérêt demandoient qu’il se rendît incessamment à la cour, où l’on n’attendoit que cette marque de soumission pour le déclarer innocent, et le maintenir dans la possession de tous ses domaines.
Des conseils si salutaires n’auroient pas manqué d’opérer sur un cœur moins préoccupé que celui du comte. Comme il ne croyoit plus trouver de difficultés au dessein qu’il avoit d’épouser Sabine, il voulut, avant toutes choses, s’en assurer la possession, persuadé qu’après avoir contenté son amour, il travaillerait plus tranquillement, pour sa fortune. Mais il fut bien étonné d’apprendre que Sabine étoit promise à un de ses concitoyens, nommé Michel de Lachèze; que cette affaire s’étoit conduite fort secrètement, et que le lendemain le mariage devoit s’accomplir, en présence de peu de témoins, avant que les portes de la ville fussent ouvertes.
Le comte n’eut pas de peine à comprendre que tous ces ménagements n’avoient que lui pour objet; mais il crut prévenir le moment fatal, par l’enlèvement de Sabine. Le peu de monde qui devoit composer sa suite lui fit croire que, dans un temps où tous les autres seroient plongés dans le sommeil, un petit nombre de soldats, dont la bravoure et la fidélité lui étoient connues, suffisoit à l’exécution de son entreprise. Il ne trouvoit d’autre difficulté qu’à les introduire dans la ville, avant l’ouverture des portes; mais le père Jean leva cet obstacle, par la familiarité qu’il avoit avec un des portiers, qui étoit depuis long-temps à sa dévotion, et qu’il acheva de gagner par des présents.
L’aube du jour commençoit à poindre, quand les futurs époux prirent le chemin de l’église, avec le petit nombre de parents dont, ils étoient convenus, qu’Archambaud parut tout à coup, à la tête de ses soldats, et se mit en devoir d’enlever sa proie. Les bourgeois, réveillés par le bruit des armes, et avertis, par les cris qu’ils entendoient, du besoin qu’on avoit de leurs secours, se hâtèrent de se rendre auprès de leurs compatriotes. Ils ouvrirent d’abord le chemin de l’église à Sabine et à quelques femmes qui l’accompagnoient, et, après avoir fait fermer les portes, ils se jetèrent sur les ravisseurs.
Ceux-ci, furieux d’un obstacle qu’ils n’attendoient pas, firent un sanglant carnage de leurs ennemis. Cependant, comme leur nombre s’augmentoit et pouvoit s’augmenter encore, le comte crut qu’il étoit temps de regagner la porte où il avoit laissé une garde, pour la sûreté de sa retraite. Mais, ayant été poursuivi jusque-là, par ceux qui avoient le plus d’intérêt à s’opposer à sa sortie, il y eut un nouveau combat aussi sanglant que le premier. Michel de Lachèze y fut jeté par terre, d’un grand coup qu’il reçut sur la tête. Le comte ne voulut pas qu’on l’achevât. Il se contenta de l’amener prisonnier dans son château, et le chagrin d’avoir manque l’enlèvement de sa maîtresse fut modéré par la peine de son rival.
Le même jour, et durant quelques autres consécutifs, il fit faire le dégât sur les héritages de Guillaume Debotas et de quelques autres. Les fruits et les bestiaux enlevés, les maisons abattues ou incendiées, furent les premiers effets de la haine qui succédoit à son amour.
Les maire et consuls portèrent leurs plaintes au roi, contre cette nouvelle violence, et le parlement de Paris, qui, quelques mois auparavant, avoit condamné Archambaud, pour cause d’impuissance, le condamna cette fois pour crime de rapt. Il est vrai que les effets qui émanèrent de ce principe en aggravèrent tellement l’énormité, qu’Archambaud et ses complices furent condamnés, solidairement les uns pour les autres, à une rente annuelle de 30 1., pour la fondation de deux chapellenies où l’on feroit des prières pour ceux qui avaient été tués dans cette action, ensuite à la somme de 30,000 1. envers les maire et consuls de Périgueux, à la restitution des héritages et fruits perçus, par lesdits complices, envers Guillaume Debotas, et enfin au bannissement hors du royaume, excepté le moine, renvoyé à la justice de son ordre.
Le comte, bien loin de recourir à la clémence du prince pour tâcher de faire modérer la rigueur de cet arrêt, ne songea qu’à continuer d’exercer ses violences, par le secours des Anglois. Il renouvela le traité qu’ils avoient fait avec son père; il fit massacrer deux sergents chargés de la publication de l’arrêt et des autres actes de justice, dans les domaines qui lui appartenoient, autour de la ville. De 31 hommes qu’ils avoient pris pour leur escorte, il en fit tuer 9 à coups de lance, et suffoquer les 22 autres, par la fumée, dans une caverne, où ces malheureux s’étoient réfugiés.
Le roi, informé de toutes ces violences, le fit ajourner à comparoître, dans un mois, à son parlement de Paris, et, les citations lui ayant été faites, avec toutes les formalités requises, sans qu’il se mît en devoir d’obéir à son souverain, le prince envoya un mandement au sénéchal de la province de prendre prisonniers Archambaud et ses complices, partout où il les trouveroit, hors des lieux saints. Le vicomte de Meaux se rendit, en même temps, à Périgueux, prit et fit raser le château des Rolphies, qu’il avoit épargné la première fois, et Geofroy de Roye, qui en étoit le capitaine, fut condamné à perdre la tête, pour les maux qu’il avoit faits aux habitants de Périgueux. C’étoit, depuis quelque temps, une fatalité attachée à la défense de cette place. Toutes ces disgrâces ne furent pas capables de faire rentrer le comte en lui-même. Il étoit toujours occupé de son amour et de sa vengeance, et les garnisons qu’il avoit dans ses châteaux continuoient toujours leurs incursions. La situation où se trouvoit alors la France avec l’Angleterre fit craindre au roi et à son conseil que les mouvements qui s’étoient élevés eu Périgord s’étendissent plus loin, s’ils n’étoient réprimés dans leur naissance. Il y renvoya le maréchal de Boucicaut, qui ne crut pas cette commission au-dessous d’un homme de son rang et de son courage.
Quoique le comte eût rassemblé toutes ses forces et que le roi d’Angleterre lui eût envoyé quelques milices de la Gascogne, il ne se crut pas en état de tenir la campagne contre l’armée du maréchal, qui avoit déjà battu quelques détachements de la sienne. Il ne songea plus qu’à traîner la guerre en longueur, dans l’attente de quelque révolution favorable, et il distribua toutes ses troupes, sur les places qui tenoient encore pour lui.
Tandis que le maréchal étoit réduit à prendre des places dont la prise lui coûtoit souvent moins de temps que la peine de les raser, la jeunesse de Périgueux, qui vouloit avoir part aux opérations de cette guerre, obtint permission du général de faire le siège de Roussille. C’étoit une retraite pour tous les ennemis de leur ville, et, quoiqu’elle fût pourvue d’une assez bonne garnison, les assiégeants la prirent et la rasèrent, par ordre du maréchal.
Le château de Razac, où le comte ayoit aussi de bonnes troupes, eut le même sort et fut également rasé. On prit ensuite le fort château de Coursac, aux environs de Périgueux; mais on ne jugea pas à propos de le démolir comme les autres, et l’on se contenta d’y mettre une garnison capable d’arrêter les courses des ennemis.
Le maréchal, de son côté, après s’être emparé de Bourdeille, d’Auberoche et de tout le reste du comté, alla mettre le siège devant Montignac, ou le malheureux comte s’étoit retiré, comme dans son dernier asile. Après une longue résistance, il fut obligé de se rendre au maréchal, qui le conduisit dans les prisons de Paris. Il fut condamné, par le parlement, à perdre la tête. Son comté fut confisqué au profit du roi, et ce qu’il possédoit, dans la ville et banlieue de Périgueux, fut adjugé à ses habitants, pour partie de la somme de 30,000 1. non payée. »
DE LA MAISON DE VILLE DE PÉRIGUEUX
Renembransa sia que nos avem fach aquestas causas per lo comte Archambaut de Perregorc, de las quals e del bon servizi que nos li avem fach, nos ret malvat gueyredo, don Dyo lo page !
Premieyramen, mos senher de Valquaffara, seneschalc per lo prince, arrestet lo dich comte a Perreguer, en l’ostal de Labatut, per causa que lo dich comte avia trames gen d’armas à Dosvila, per causa que lo senher de Muychida tenia cort en son poder, e, cum fus bona patz, era deffendut portamen d’armas; e, non obstan lo dich deffendemen, el avia fach las causas dessobre dichas; e nos fezem partida am luy, contra lo dich seneschalc, en tan que, per causa de nos, el ac sa bona deliouransa. Et aysso fu l’an mil CCC LXVIII (1368.) etc.
(Livre noir de la maison de ville de Périgueux, fol. 46)
Die mercurii, in vigilia corporis Cristi, anno Domini millesimo CCC° octuagesirno secundo, dominus de Muissidano cepit violenter locum de la Rolphia et tenuit eum occupatum per espacium viginti dierum et composuit communitas ville petragoricensis cum dicto domino de Muissidano, duo milia francorum auri.
(Ibid., fol. 27 v°.)
Aquo, pel sanc que Dyos sagnet, mas ha be dich que trop se entramet lo mayer et tuch li autre d’aquest luoc; e, per lo ventre Dyo, lo mayer es trop rigoros, et tuch son fals et malvat a mossenher lo compte, e li tolen aquo seou; e certas enquera los fara tots pendre per la gola, los hus al menhs. (1383.)
(Ibid., fol. 31.)
RÉPARATION DES MURS DE PÉRIGUEUX.
Charles, etc., au sénéchal de Périgord, etc. Exposé nous ont les maire et consuls de Périgueux disant que, comme pour faire certaine quantité de muraille jusqu’à 300 toises ou environ, qu’ils ont fait faire, cette année derrenière passée, en la closture de nostred. ville, iceulx exposans avoient…. imposé, sur les limites d’icelle ville, et de la volenté de la plus saine partie d’eux, certaine taille dont lesd. habitans ou la gregneur partie d’eux ont payé ce qui leur en avoit esté imposé, excepté aucuns …. qui sont refusans …. attendu ce que dit est et que lad. ville, qui est à présent en aucuns lieux ouverte et en grant frontière et près de nos ennemis est aujourd’huy, tant pour les mortalités comme pour le fait de la guerre, si depopulée, qu’à peine peuvent-ils garder lad. ville ni faire les réparacions …. par quoy vous commandons de faire payer, etc.
Donné à Toulouse, le 14 décembre 1389.
(Tiré des arch. de la M. de ville de Périgueux. Bibl, du roi. Papiers Lépine, cart. Périgueux.)
ÉCHANGE ENTRE LA COMMUNAUTÉ ET LES JACOBINS.
Anno 1390, die 27a mensis augusti, …. Guillelmus senior, prior conventus Fratrum-Predicatorum, et Adhemarus de Lurat, procurator dicti conventus, et major et consules petragoricenses …. qui (consules) dixerunt habere necessitatem cadrorum pro complendo murum dicte ville quod fuerat inceptum inter turrim Sancti-Silani et turrim de la Agulharia, et quod dictus conventus …. habebat, prope dictum murum, in dicta villa, quoddam hospitium vocatum de Cayrel …. in quo hospitio erat certa quantitas quadrorum cayralium petrarum, fuste et tegularum …. omnia hec appreciata ad vigenti libras auri …. et quod dicta communitas …. habebat quoddam iter publicum juxta ortum seu clausuram dicti conventus quod non erat communitati necessarium; …. quod iter est latitudinis 17 pedum …. que dicte partes excambiaverunt inter se................................
(Tiré des arch. de la M. de ville de Périgueux. Bibl. du roi. Papiers Lépine, cart. Périgueux.)
NAUDONET DURAT, CAPITAINE DU CHATEAU DE BOURDEILLE.
You Naudonet Durat me hobligui et prometti, a la fe e al sagramen de mon corps, a redre lo castel e ‘l luec de Bordelha a mon senhor lo comte de Peregort ni a sos efans e a tot home que y venha per nom de lhui, portant son sert e especial mandamen; et you prometti e juri, sobre sanchs Diou evangelis, que, per neguna causa que mon senhor me fassa ni nulh autre, ni per deute, ni per promesa que mon senhor ni re del seu me dega ni a nulh altre ni me puesca deure en temps passat ni del temps a venir, que you ni nulh autre no lo li aretenha, et que you lo li reda en aissi cum dessus es dich, prodomalmen et leyalmen; e en fermetat d’aquestas causas, sageli am mon propri sagel. Escrich a Montinhac lo XV jorn del mes de setembre l’an mil e CCC e LXXXXI.
(Tiré des arch. de Pau. Bibl. du roi. Papiers Lépine, cart. des comtes de Périgord.)
DE FAIRE DES INHIBITIONS AU COMTE DE PÉRIGORD.
Charles … au séneschal de Pierregort …. Les maire et consuls de Pierregueux nous ont exposé que, comme nostre procureur général et eux ayent de piec’a, certain plait …. pendant et appointé en arrest en nostre court de parlement à l’encontre du conte de Pierregort et ses complices pour plusieurs … détestables, horribles et abominables crimes, excès et maléfices …. Non obstant defenses, inhibitions de par nous faites aud. conte …. et depuis certaines promesses et trêves faites et données par led. conte, icelui conte et ses complices, en persévérant tousjours de mal en pis, en rompant lesd. trêves, et en enfraignant son serment …. commet et perpetre chacun jour, plusieurs detestables crimes en grant … préjudice desd. exposans et dommage de nous … et de tout le païs … Pourquoy vous mandons, que fassiez commandement aud. conte …. qu’il ne fasse procéder par voye de fait contre lesd. exposans; et employez, si mestier est, la voye des armes, etc.
Donné à Paris, le XXe de février 1394. (N. S.)
(Tiré des arch. de la M. de ville de Périgueux. Bibl. du roi. Papiers Lépine, cart. des comtes de Périgord.)
ENVERS LE VICOMTE DE MEAUX, LE SÉNÉCHAL DE PÉRIGORD
ET GUILLAUME DE TIGNONVILLE.
Nos Guillelmus Calonis, locum tenens senescalli …. notum facimus vidisse litteras, etc.
Archambaut, per la gracia de Dio, compte de Pierregort,.... fazem assaber que, cum de prezent sian estat trames mossen Robbert de Bethuna, viconte de Meaux, luoc tenen del senhor de Cossi, capitani general de part lo rey el pays d’entre Leyre et Dordonha, mossen Johan d’Arpadena, seneschalc de Pierregort, et Herve Chaussi, huissier d’armas de part nostre senhor lo rey de Fransa, a nos lod. conte per far gitar et vogar certanas gens dels luocs d’Albarocha, de Bordeilla et de Rossilha, que porten damnatge al pays del rey, segon que ilh dezen, et nos dizem que los damnatges nos desplazen, mas que, per los perilhs de la guerra dels reys, non obstan las trevas, nos no avem ajuda del rey, meyanssan laqual ayam pogut gardar nostrasd. plassas, de que li plascha de nos ajudar cum las puescham gardar; tot aysso non obstan nos promettem, per la fe de nostre corps, que dius la assumptio de nostra Dona propdan venen, nos aurem fach vogar las gens e tots malsfazedors estans en lasd. forlalessas e chascuna d’aquelas et mettrem losd. luocs en mas de gens que los nos gardaran en la obedienssa del rey, nostre senhor, sens fraus, barat ni mal engenh, so es assaber que metrem Albarocha en la ma de Mondo Dartensa, Bordeilla, en las mas de Mars de Rofiac, Rossilha, en las mas de Migonet de Visazelh o de son fraire H. de Bartronet Danseran, losquals volem que juren e cascu de lor, en las mas deld. seneschal o de Ervé Chaussi ho del u de lor que lasd. fortalessas e cascuna de lor tendran en la obedienssa del rey, e promettem que delsd. luocs enfora ni d’autres que nos tenham de present ni al tems endevenidor no sera fach nul mal ni damnatge auras ni autras vetz el pays del rey. E per maior fermetat y avem metz nostre sagel.
Lo 15 mai 1394.
Visa fuerunt hec in villa Petragoricensi 19 maii, 1394.
(Tiré des arch. de la M. de ville de Périgueux. Bibl. du roi. Papiers Lépine, cart. des comtes de Périgord.)
AFFAIRE DU COMTE DE PÉRIGORD.
Noble Robert de Bethuna, vescomte de Meaux, luectenent, de mon senhor de Coucy, capitani general de par lo rey, nostre senhor, el pais d’entre Leyre et Dordonna, Johan Arpeden, senescalc de Pierregort, Guillaume de Trignonvilla, conservador de las presens trevas el pais de Guianna, cavaliers …. salut, cum no a gaire, lo rey nostred. senhor nos aia trames de ver lo conte de Pierregort, per l’explech de certana com …. de part lod. senhor, e sia en eychi que apres plusors requestas lod. conte aia mesas o promesas de mettre sas fortalessas ell …. rey, eychi com per lettras, sageladas de son sagel pot apareycher, nos dessus nomnats et cascun de nos, promettem, per la fe e sagramen de …. las lettras don dessus es facha mensio, a nos bayladas, de vogar e far vogar (vider et faire vider) lo luec de Montinhac et tota la terra deld. conte sens fraus …., barrat (tromperie) mal engen (méchanceté), ses far damnatge ni suffrir esser fach, per nul mandamen que nos aiam, o nos (o) alcu de nos, e si alcu bandimen …. e lla persona deld. conte, de sas gens o de sa terras per nos, nos las decassarem et mettrem al prumier estat; e am aysso promettem …. los servidor e hoficiens deld. conte que volran haver gracia et remicio del rey, nos la lor farem haver a nostre poder am …. de lor juraran de esser tos tems may bos et leyals enver lo rey, e outra eysso, nos dessusd. et cascu de nos promettem de …. aia lod. conte en sa bona gracia, et Ihi fassa ajuda per gardar sasd. fortalessas; e per maior fermetat avem aquestas …. de nostres propris sagels;
lo XV jorn de may, l’an M CCC IIIIXX XIV (1394).
(Tiré des archiv. de Pau. Bibl. du roi. Papiers Lépine, cart. des comtes de Périgord.)
Nostre très honoré et très redouté seigneur …. plaise vous savoir que si, comme n’a guères nous vous avons escript, le comte de Pierregort n’a voulu fére ne attendre choses qu’il avoit promis à messire le vicomte de Meaux, en la composition fête entre eux …. ses gens, complices, accompagnés d’aucuns Anglois qu’il a receptés et tient en son lieu d’Auberoche, nous prennent et deroubent hommes et bestial et vivres et autres biens qu’ils peuvent trouver, et nous font toute la plus forte guerre et domages qu’ils puéent, et mesmement ces jours derniers passés, aucuns desd. complices et Anglois demeurant à Auberoche sont venus à la heure de midi sur nous et nostre ville, ont pris et dérobé, à manière de guerre ouverte, certaine quantité de beufs arans, et nous menacent tousjours de faire pis …. pour quoy nous vous supplions qu’il vous plaise …. nous aider de vers le roy sur ces maux et guerres, et avec ce nous faire faire …. et donner un bon arrest que nous y devons avoir à rencontre dud. conte et de ses complices.
Escript à Pierregort le 31 octobre (1394).
Les vostres humbles maire et consuls de Périgueux.
(La date de l’année manque; mais c’est évidemment à la fin de 1394 que fut écrite cette lettre.)
(Tiré des arch. de la M. de ville de Périgueux. Bibl. du roi. Papiers Lépine, cart. Périgueux.)
Charles, etc., pour ce que, tant par information souffisante, …. comme par la relation et clamour de plusieurs nos officiers, gentils hommes, etc., de nostre païs de Pierregort …. qu’environ la Thiphaine derrière passée, Jehan Coutet, autrement dit d’Auvergne, Jehan Le-Normant, Olivier Mercure, Bernin de Saint-Pierre, Mondon d’Alle, Guillaume Cossaudou, Robinet le Grosset, Bernard de Massaut, Bertrandou de la Gandelie, Bernard du Pont, Marou le comte etc. et autres complices du comte de Pierregort qui pour lors demeuroient avec luy et en son chastel d’Auberoche, vinrent, accompagnés de plusieurs Anglois, rompeurs de tresves et autres malfaiteurs, devant le lieu de Caussade, près de nostre ville de Pierregueux, et prirent par force, à manière de guerre, led. lieu de Caussade, ensemble le capitaine ou le lieutenant du capitaine dud. lieu appelé Guillaume Mosnier, escuyer, qui tenoit et gardoit led. lieu de par nous et sous nostre main, et blessèrent durement led. escuyer et le menèrent pris et blessé aud. Auberoche, et là il fut plusieurs fois géhenné et très durement traité par Me Guillaume Jaubert et autres de sa compagnie, non obstant que ledit escuyer se dist estre nostre officier et s’appellast toujours à nous, et led. Jaubert ne voulut oncques obtempérer auxd. appellations, mais reprocha plusieurs fois aud. escuyer que pour le guérir des meaux qu’il souffroit pour vous (nous) il nous venist quérir en nostre ville de Paris
et plusieurs autres …. vilenies …., et finalement le pendirent. …. Nous qui nous voulons ces maléfices, dont nous avons eu en nostre cœur très grand courroux, estre ainsi passés sans en faire raison …. commandons (au 1er nostre sergent) que ceux qui coopérèrent à lad. prise et aud. meurtre tu prennes et arrêtes de par nous …. hors le lieu saint, et les amènes devant le plus prochain nostre justicier royal …. pour les punir. 18 septembre 1396.
(Bibl. du roi. Papiers Lépine, cart. des comtes de Périgord.)
CONTRE ARCHAMBAUD V, COMTE DE PÉRIGORD.
Carolus, Die gracia Francorum rex, universis presentes litteras inspecturis salutem: Notum facimus quod cum procurator noster generalis, pro nobis, nostre parlamenti curie exposuisset quod, licet omnes guerre et vie facti, inter nostros subditos faciende, fuissent et essent, sub pena perdicionis corporum et bonorum, per ordinaciones nostras regias, prohibito, nichilominus, ad ipsius procuratoris nostri, non solum ex fide dignorum relatu, sed ex fama publica et facti evidenti apparencia, noticiam devenerat quod Archambaldus, comes petragoricensis, noster vassallus et subditus necnon quamplures ejus in hac parte complices et confederati in castris et fortaliciis de Albarupe, de Fossa-Manha et de Rossilha et in aliis fortaliciis atque locis ejusdem comitis habitantes et conversantes, quorum facta seu maleficia dictus comes rata et grata habuerat et habebat, in armis et equis, tam de die quam de nocte, congregati, terram ville et patrie nostre petragoricensium ac loca circumvicina, more hostili discurrerant subditos et benivolos nostros invaserant, vulneraverant, nequiter occiderant et interfecerant et quamplures ex ipsis prisionarios ceperant, ligaverant, incarceraverant et ab ipsis magnas pecuniarum summas, causa seu colore redempcionis aut aliter, extorserant, perceperant et hahuerant, animaliaque et alia bona dictorum subditorum exponencium nostrorum, more predonio, rapuerant et ad dicta fortalicia ipsius comitis vel alibi, ad eorum temerariam volontatem, duxerant et portaverant ac sibi attribuerant, et, de hoc non contenti, molendina, domos, grangias et alia edificia plane patrie dictorum subditorum nostrorum ad terram prostraverant, ac ignis incendio concremaverant et eciam destruxerant, totque et tanta alia crimina horribilia, nephanda et detestabilia, ut hostes seu latrones publici, contra nostros regnicolas, tam viros ecclesiasticos quam alios, absque causa racionabili sive justa, de voluntate, precepto et permissione dicti comitis aut aliter, fecerant, commiserant et perpetraverant quod ea in auribus justicie condolebat enarrare, et, licet eisdem complicibus, ex parte nostra, per certos officiarios nostros, preceptum fuisset et injunctum ut ab ipsis criminibus perpetrandis desisterent et cessarent, ipsi tamen complices hoc facere recusaverant et contradixerant, ac erga nos inobedientes et rebelles se reddiderant, in suisque hujusmodi nephandis criminibus et maleficiis perpetrandis, longo tempore, perseveraverant et, non abhorrentes majestatem nostram regiam offendere seu ledere, continue perseverabant; que facta fuerant et erant in rei perniciose exemplum justicieque lesionem, scandalum et offensam, crimen lese-majestatis, rebellionem, armorum delacionem, vim publicam, furtum, roberiam, depredacionem et incendia committendo et perpetrando, ac predictas ordinaciones nostras regias infringendo aliasque multipliciter delinquendo. Pro quorum terrore seu periculo complicum et malefactorum, subditi nostri patrie supradicte suas agriculturas et alias operaciones ad eorum victum et ad bonum rei publice pertinentes et necessarias, erant coacti deserere, in viaque perpetue destructionis existebant et existere presumebantur, nisi, per nostram regiam potenciam, celeriter subveniretur eisdem; et ob hoc dictus procurator noster, super hoc, debite et sufficienter informatus, cum instancia requisivisset de opportuno justicie remedio, per dictam curiam nostram, super hoc, provideri; quapropter eadem curia nostra prefato procuratori nostro certas nostras litteras decima quinta die julii, anno Domini millesimo CCC° nonagesimo primo concessisset quarum virtute prefatus Archambaldus, comes petragoricensis, magister Petrus Coges, magister Petrus de Gracia, Guillelmus Jaubert, Petrus del Bareilh, Jaufridus Barric, capitaneus de Rouffia, Colinus de Buouvilla, Johannes Cotet, capitaneus d’Aubarocha, Petrus de Ponte, ejusdem loci constabularius, Johannes de Turre, Johannes Francisci, monachus, Merigotus d’Erria, Audoynetus, capitaneus de Fossa-Manha, Johannes Girou, capitaneus de Bordeilha, Alanus du Marchez, capitaneus de Rossilha, Rigaudus, constabularius ipsius loci, Guilhonus Laurion, quidam vocatus Bastida, quidam vocatus Cossaudo et quidam vocatus Phelippot, necnon quidam vocatus le bort de Sancto-Petro, Johannes Buefcornut, procurator dicti comitis, et Oliverius Mercurii, qui de predictis maleficiis complices principabiliores et culpabiliores existebant ac existere presumebantur, fuissent adjornati ut in eadem curia nostra, die vicesima septima novembris, anno nonagesimo primo predicto personaliter comparerent, dicto procuratori nostro generali ad omnes fines, et omnibus aliis qui se partem, super hoc, constituere vellent, ad fines quos eligerent, super criminibus et malefeciis antedictis et ea tangentibus, responsuri, ulteriusque processuri et facturi prout racio et justicia suaderent; et quia prenominati complices ad dictam vigesimam septiman diem novembris non venerunt nec se, in dicta curia nostra, personaliter, ut tenebantur, presentaverunt seu reperti extiterunt, pluries et sufficienter, ut moris est, ad hostium camere dicti parlamenti nostri et ad Tabulan marmoream palacii nostri regalis, Parisius, evocati, ipsi complices, ad instanciam et requestam dicti procuratoris nostri, necnon capitulorum ecclesiarum petragoricensis et Sancti-Frontonis petragoricensis ac eciam majoris, consulum et communitatis dicte ville et civitalis pretragoricensium ac Guillermi de Botis, civis seu habitatoris ipsius ville petragoricensis, qui dicto, procuratori nostro in premissis adheserunt, vicesima octava die dicti mensis novembris positi fuissent in defectu. Quo defectu sic obtento, dicti procurator noster et adherentes, prout quemlibet eorum tangebat seu concernebat, crimina et maleficia supradicta, contra dictos complices absentes et pro absentibus reputatos, lacius proposuissent et declarassent, et, ex eodern defectu, sibi certam utilitatem, per dictam curiam nostram, adjudicari preciissent et cum instancia requisivissent, asserentes quod, de racione et per ordinaciones nostras regias, omnes vie facti et guerre inter subditos nostros, sub pena perdicionis corporum et bonorum, fuerant et erant, in regno nostro, probibite, dictaque capitula et prefati major et consules ac Guillermus de Botis et omnes alii habitatores dicte ville et civitatis petragoricensium fuerant et erant nostri justiciabiles et subditi ac in et sub nostra salva et speciali gardia, solemniter et debite publicata, et adeo dicto comiti, ad ejus personam, suisque gentibus et officiariis et aliis, significata quod in contrarium ignorancia pretendi vel allegari non poterat vel debebat; et nichilominus idem comes, noster vassallus et subditus, ac ejus complices, capitanei et officiarii, nostri justiciabiles et subditi, predictis mojori, consulibus et habitatoribus, hostili more, guerram apertam et mortalem publice fecerant, quamplures ipsorum prisionarios ceperant et detinuerant, ac eis salvi-conductus litteras ut financias suarum redempcionum perquirerent, tanquam inimici capitales et publici, concesserant. Dicebant insuper quod anno Domini millesimo CCC° decimo septimo, certum pariagium vel associamentum concordatum, factum, promissum et juratum extiterat inter comitem petragoricensem, qui tunc erat, ex una parte, et capitulum Sancti-Frontonis, ex parte altera, occasione juridictionis et justicie subditorum et hominum ipsarum parcium; quod quidem pariagium partes ipse, medio juramento et sub obligacione bonorum suorum, observare promiserant et tenere, omnesque comites petragoricenses qui ex tunc fuerant, et presertim dictus Archambaldus, in suo adventu, promiserant et juraverant in eorum personis, dictum pariagium observare et nullatenus infringere; quibus non obstantibus, dictus Archambaldus, contra suum juramentum et fidelitatem, in qua nobis tenebatur, venire et attemptare non abhorrens, a tempore duodecim annorum citra, in suis castris et fortaliciis de Aubarocha, de Fosse-Maigne, de Roussilla, de Bourdeilla, de Roulphia et in aliis fortaliciis et locis ipsius comitatus, quamplures latrones, predones, murtrarios et alios criminosos homines male vite et fame, continue tenuerat et adhuc tenebat et fovebat qui terras nostras et dictorum capilulorum dicteque ville et civitatis petragoricensis, per modum hostilitatis et guerre, cum armis, publice discurrerant, omnia mala seu crimina, in guerris fieri solita, committentes et perpetrantes, crimen lese-majestatis incurrere non verentes. Proponebant insuper quod anno Domini millesimo CCC° octogesimo secundo vel circiter, Raymundus del Perier et quamplures ejus complices, de garnisione vel stabilimento fortalicii de Radulphie, ad dictum comitem pertinentis, per modum hostilitatis et cum armis patentibus, locum de Rocheta, existentem in et sub obediencia nostra, invaserant, ceperant ac ignis incendio destruxerant, et quemdam qui vocabatur Guillermus Lavit ac nonnullos alios ibidem existentes inhumaniter vulneraverant et verberaverant, bonaque ibidem existencia rapuerant depredatique fuerant ac sibi aplicaverant. Parique forma dicti Raymundus et sui complices ac alii eorum fautores loci de Montinhaco pertinentis ad dictum comitem, anno Domini millesimo CCC° octogesimo tercio, mense marcii, vel circiter, ecclesiam parrochialem de Cambio prope d’Alberoche, cujus custodes et homines erant nostri subditi et benevoli, vi armorum invaserant, ceperant et occupaverant, ac, raptis omnibus bonis in ipsa existentibus, ignis incendio combusserant; et insuper Mondo Dartensa et plures alii, ejus complices, de familia et gentibus dicti comitis existentes, et cum ipso in dicto loco de Montinhaco commorantes, circa mensem novembres anno Domini millesimo CCC° octogesimo tercio hostiliter et cum armis burgum Sancti-Laurencii de Manoire, subditum nostrum, cum armis, discurrerant et bona quecumque ibidem reperta ceperant et rapuerant, necnon in domibus Petri de Calez et capellam ipsius loci incendium posuerant et destruxerant; insuper, mense augusti, anno Domini millesimo CCC° octogesimo quarto, Oliverius de Caslar, capitaneus, pro dicto comite, dicti fortalicii de Radulphie, et nonulli sui complices predictam ecclesiam Santi-Laurencii de Manoire nobis subditam hostiliter obsederant, et inter se juraverant et promiserant se nullatenus ab inde recessuros donec omnes viri, femine et infantes, in ipsa ecclesia existentes, morte periissent, parrochiasque et loca vicina discurrerant et depredati fuerant, ac vestes mulierum, per eos repertarum, scinderant et usque ad nates a parte inferiori abreviaverant seu accurtaverant, et in hujusmodi obsidione tantam residenciam fecerant quod a subditis nostris, in dicta ecclesia residentibus, triginta summatas frumenti, triginta summatas avene, quindecim dolia vini, quindecim quadrigatas feni, quatuor bacones sive lardos et plura alia, violenter et per modum redempcionis, extorserant et habuerant. Ulterius proponebant quod mense septembres, dicto anno octogesimo quarto, Johannes d’Alvernh, capitaneus de Limeraco, pro dicto comite, et quamplures ejus complices dictam parrochiam de Sancto-Laurencio discurrerant et depredati fuerant, ac unam mulierem interfecerant, quamplures subditos nostros prisonarios ceperant, et ab ipsis nonnullas financias, per viam questionum et tormentorum, extorserant et habuerant, ac omnia bona ibidem reperta rapuerant et ceperant. Dicebant insuper quod anno millesimo CCC° octogesimo quinto, mense julii, vel circiter, dictus comes predictos majorem, consules et habilatores dicte ville petragoricensis fecerat, per dictum Oliverum de Caslar, capitaneurn de Radulphie, Petrum de Riparia et quosdam alios eorum complices, diffidari, ac eis notificari quod, non obstante manu nostra, in suis redditibus, per senescallum nostrum petragoricensem, apposita, dictos suos redditus levari faceret, nec super hoc abstineret, pro dicto senescallo, plus quam pro stercore canis immundo seu fetoso; menseque augusti subsequente, Johannes Girou, capitaneus de Bordelhe, pro dicto comite, Anglicos et inimicos nostros, cum suis predis, in discursu regni nostri raptis et habitis, receptaverat et eis cibos et pocula pluries ministraverat seu fecerat ministrari; et cum Helias Cauli, serviens noster, habilator dicte ville petragoricensis, cum certo executore nostrorum mandatorum el litterarum regiarum ad locum de Insula, circa annum millesimum trecentesimum septuagesimum octavum, pro debito sui officii, accessisset, Guillelmus Jagut, capitaneus de Bordelhe, pro dicto comite in odium associacionis hujusmodi, dictum servientem ceperat, et ad patibulum de Bordelhe suspenderat aut suspendi et impie mori fecerat; cumque dicto anno septuagesimo octavo, mense decembris, dicti major et consules, a dicto comite ad nos et ad predictam nostram parlamenti curiam, appellassent, dictoque comiti et suis gentibus, sub pena mille marcharum argenti, fuisset inhibitum ne ab habitatoribus dicte ville petragoricensis certam redibenciam que ad nos pertinebat et que vocabatur commune pacis, levare presumerent, attamen, eisdem appellacione et inhibicione non obstantibus, quidam vocatus Cornelhia, capitaneus de Radulphie, pro dicto comite, et Johannes le Megre, ipsius comitis camerarius, ac nonnulli alii eorum complices, dictum commune pacis ad nos pertinens, vi et violencia ac invitis dictis appellantibus, levaverant et habuerant; et una cum hoc anno millesimo trecentesimo octogesimo quarto, circa festum Pasche, dictus comes, sua ductus inordinata voluntate et absque licencia nostra, novum transversum seu pedagium, super mercaturas, bona et personas, per dictum locum de Montinhaco transeuntes, imposuerat et taxaverat ac de facto levaverat et levari fecerat, quod in prejudicium nostrum et rei publice redundabat. Ulterius dicebant quod dicto anno octogesimo quarto nonnulli malefactores de fortaliciis dicti comitis existentes, se dicentes et pretendentes fore gentes armorum pro nobis ad locum de Monte-Hominis (1) in quo erat fabrica monete nostre, accesserant ac totam pecuniam, totumque billonum ipsius loci, ad nos et ad mercatores dicte monete pertinentes, vi et violencia ceperant, rapuerant et secum detulerant, et ex hiis non contenti custodes et gentes ipsius monete verberaverant et vulneraverant; et deinde, anno octogesimo quinto subsequente, complices et adjutores ejusdem comitis, in suis castris et fortaliciis residentes, in maximo numero congregati dictum locum de Monte-Hominis (Dome) et castrum ipsius, qui locus et castrum ad nos, jure nostri proprii domanii, pertinebant, de precepto seu voluntate ipsius comitis impetuose, armorum virtute et potencia, invaserant, illudque castrum seu locum predictum cepissent et occupassent nisi resistencia virtuosa gencium nostrarum, dictum locum seu castrum custodiencium, obstitisset. Parique forma, anno millesimo CCC° octogesimo sexto, prefatus Mondo Dartensa, Bernardus de Guerra et quamplures alii familiares et gentes dicti comitis, fortalicium de Caussade, in et sub nostra subjeccione et obediencia existens, invaserant et agressi fuerant, et, ut illud caperent et occuparent, omnimodam suam diligenciam et potenciam adhibuerant, bona subditorum nostrorum, more predonio, ceperant et rapuerant, ac nonnullos homines ejusdem loci prisionarios ceperant et prisionarios duxerant, et ab ipsis plures redempciones et financias extorserant et habuerant. Insuper Merigotus d’Arrie, associatus pluribus Anglicis, inimicis nostris, et aliis suis complicibus, hostili more, prope dictam villam petragoricensem discurrentes, animalia subditorum nostrorum, usque ad valorem centum francorum auri, ceperant et rapuerant, ac, mense januarii, dicto anno octogesimo sexto, dictus Johannes d’Alvernh, capitaneus de Limeraco, et sui complices, duos homines de Limeilh, subditos nostros, interfecerant et occiderant et ab ipsis triginta bestias sale oneratas amoverant. Preterea, Johannes Cotet alias d’Alvernh, capitaneus de Limeraco, pro dicto comite, et nonnulli alii sui fautores Marotum d’Abzac, domicellum ac burgensem dicte ville, in et sub obediencia nostra existentem, incarceraverant et penes dictum comitem, ad locum de Montinhaco, prisionarium duxerant, et ibidem dictus comes ipsum ad redempcionem sexcentum francorum auri posuerat et taxaverat una cum aliis sexcentum francis auri, pro expensis ejusdem domicelli, que omnia dictus armiger exsolverat, et, una cum hoc, locum de Bello-Respectu, de domanio nostro existentem, quem uxor ejusdem domicelli, ex donacione regia, possidebat, in manu et potencia dicti comitis reddere et tradere compulsus extiterat, antequam posset a carcere seu detencione hujusmodi liberari. Insuper Gaufridus Barrilli, capitaneus fortalicii de Radulphie, pro dicto comite, et sui fautores et complices, mense septembris, anno octogesimo octavo, per modum hostilitatis et guerre prefatam ecclesiam Sancti-Laurencii de Manoire, invaserant et, viribus armorum, nisi fuerant occupare; dictusque Merigotus d’Arrie et complices ejusdem, prope dictam villam petragoricensem, quatuor boves et quatuor homines ceperant et ad dictum locum de Montinhaco, penes dictum comitem, duxerant, ab ipsisque decem francos auri dictus comes, causa redempcionis, extorserat et habuerat, ac unus ipsorum quatuor hominum in hujusmodi carcere seu detencione decesserat. Dictoque anno octogesimo octavo, mense novembris, fautores et complices ipsius comitis in ejus garnisione seu fortalicio d’Auberoche residentes, ecclesiam beate Marie de Chignaco, armorum potencia, capere nisi fuerant, et plures personas, a dicta villa petragoricensi recedentes, bonis suis disrobaverant; necnon, mense octobris anno millesimo CCC° octogesimo nono, gentes et officiarii dicti comitis, Petro de Meloya, dicto Roussignol, servienti nostro, minas intulerant, asserentes quod, si certum mandatum nostrum, ad requestam dicti capituli de Sancto-Frontone, contra Raymundum Tournier et Heliam Revel exequi, aut officium servientis, in terra dicti comitis, exercere presumeret, ipsum submergerent, pre quorum minis dictus Petrus recesserat, dicto mandato nostro nullatenus executo. Preterea, mense novembris, anno octogesimo nono predicto, Johannes Francisci, Bernardus de Ponte, constabularius d’Auberoche pro dicto comite, et nonnulli alii, hostili more, in itinere nostro publico et infra metas juridicionis dicte ville petragoricensis, Michaelem Andree, et Raymundum Lombardi, ipsius ville mercatores, sexdecim bobus pinguibus disrobaverant et spoliaverant, et ad dictum locum d’Auberoche, dictos mercatores prisionarios duxerant, dictosque boves idem comes ad dictum locum de Montinhaco duci et postmodum vendi fecerat, et precium vendicionis habuerat; ipseque comes pati noluerat nec volebat quod aliquis de partibus petragoricencibus, ab ipso vel ejus officiariis, ad nos vel ad dictam curiam nostram appellaret, ac se dixerat et dicebat ac jactabat palam et publice fore regem et dominum superiorem in tota patria petragoricensi, absque eo quod ibidem haberemus superioritatem aut ressortum, certumque judicem, pro appellacionibus decidendis et terminandis, constituerat et ordinaverat, a quo non permittebat ad nos vel ad dictam nostram curiam appellare, et, si forte aliquis a dicto judice appellaverat vel appellabat, prosecucionem, super hoc, facere, propter mortis periculum, ausus non fuerat nec audebat; et, quia dictus Petrus de Meloya, serviens noster, officium suum debite exercendo, certas personas, loci de Vernhio, ad assisias pelragoricenses adjornaverat, Johannes Buefcornut, alias Meigret, procurator et baillivus dicti comitis, in eodem loco, mense novembris anno millesimo trecentisimo octogesimo nono dictum servientem enormiter verberaverat, et insuper mense maii anno millesimo CCC° nonagesimo primo, in odium et contemptum hujus quod officiarii nostri regii quendam vocatum le Bretonat, de garnisione d’Alberoche, pro bono justicie, capi fecerant, gentes armorum dicti comitis, de garnisione predicta, prope dictam villam petragoricensem hostiliter discurrerant, et, in itinere publico, prope pontem ibidem existentem, tanquam iniquitatis filii, Johannem le Brochart, sexagenarium, interfecerant et occiderant, malaque malis accumulando, domum seu boveriam Arnaldi de Roucel, burgensem petragoricensem, situatam in parrochia Sancti-Laurencii de Manoire, incendio destruxerant, et Stephanum Raine, boverium dicte domus, et duas mulieres, in eadem domo existentes, ceperant et letaliter vulneraverant, ac omnia bona ibidem reperta, more predonio, ceperant et secum detulerant, et, in contemptum justicie, prefatum le Bretonat qui, pro suis demeritis, morti traditus fuerat, a patibulo dependerant et amoverant ac eciam inhumaverant; et, ante seu prope dictam civitatem petragoricensem discurrentes, tres homines, quemlibet septem plagis mortalibus, in quadam vinea, vulneraverant, pluresque habitatores dicte ville incarceraverant, et molas molendini dicti Arnaldi de Roussel, fregerant et ruperant, ac omnia bona ibidem reperta, ceperant. Preterea, mense junii subsequente, gentes armorum seu complices dicti comitis de garnisione d’Auberoche et de la Roussille et alii, per modum guerre, prope locum de Plazac, pertinentem ad episcopum petragoricensem, discurrerant, altis vocibus, tanquam inimici nostri, clamantes Guienne! et quadraginta animalia, tam boves quam vacas, vel amplius, ceperant, et ad dictum locum d’Auberoche duxerant; necnon, in itinere publico, prope locum de Montinhaco quendam equm ad Petrum de Ruppe, domicellum, pertinentem, una cum pluribus aliis bonis mobilibus ejusdem Petri, de valore ducentorum francorum auri, violenter et more predonio ceperant, et ab ipso unam bustiam abstulerant, in qua erant certe littere nostre, sigillo nostro majori sigillate, quas quidem litteras et sigillum suis daguis seu cultellis cuspideis et acutis penetraverant, et super imaginem nostram, in dicto sigillo impressam, conspuerant, et pedibus, ad terram, dictas litteras et sigillum conculcaverant, dicentes quod Deum abnegabant nisi dictas litteras et sigillum comburerent, in nostri vituperium et contemptum. Dicebant eciam quod, non obstante pariagio superius declarato, ad quod tenendum et observandum dictus comes fuerat et erat juramento astrictus, ut prefertur, ipse comes, circa festum nativitatis beate Marie virginis, anno Domini millesimo CCC° octogesimo octavo, omnes census, redditus et revenutas quos et quas dicti de capitulo Sancti Frontinis, in dicto comitatu petragoricensi, possidebant et habebant, ad manum suam posuerat, ac, sub certis penis, inhiberi fecerat ne dictis de capitulo aliquid exinde solveretur, ipsosque et ipsas, de facto temerario et injusto, suo nomine et pro ipso, levari et recepi fecerat et continue faciebat. Preterea, mense aprilis, anno millesimo trecentesimo octogesimo quinto, dictus Oliverius de Caslar, capitaneus de Radulphie pro dicto comite, et quamplures sui complices, prope dictam villam petragoricensem discurrentes, certos boves, pertinentes ad Aymericum de Valle, canonicum petragoricensem, violenter ceperant et secum duxerant, dictumque canonicum, dictus Oliverius de Caslar, gladio evaginato, interficere et occidere nisus fuerat; dictus eciam comes, contra suum juramentum et dictum pariagium veniens et faciens, justiciam communem dicti pariagii, inter ipsum et dictum capitulum Sancti-Frontonis communem, de facto ceperat, usurpaverat et occupaverat, ac emolumenta exinde proveniencia levaverat et adbuc levabat. Proponebant ulterius quod dictus comes terram quam dictus Guillermus de Botis, burgensis petragoricensis, habebat in castellania de Bordeilhe, de valore octoginta librarum per annum, ceperat et occupaverat ipsamque suo domanio applicare nisus fuerat et nitebatur, et exinde fructus, profectus et emolumenta levaverat et, de die in diem, levabat, necnon, tam per se quam per suos complices, fautores et confederatores, guerram publicam et apertam, contra majestatem nostram regiam dictaque capitula et prefatos majorem, consules et communitatem, terras, homines et subditos, fecerat et faciebat; in qua quidem guerra sive facto dampnabili, quamplures habita tores dicte ville petragoricensis et alii interfecti fuerant nequiter et occisi, malefactoresque seu complices hujusmodi nonnullas ecclesias et alia edificia ignis incendio combusserant et destruxerant, quamplures mulieres rapuerant ac preter et contra earum voluntatem carnaliter cognoverant, nonnullos subditos nostros et dictorum capitulorum, majorisque consulum et communitatis ceperant, incarceraverant, questionibus et tormentis posuerant, ad redempciones taxaverant et se redimere compulerant, enormiterque verberaverant et vulneraverant, ex quibus vulneracionibus, violenciis et tormentis, aliqui mortem subierant ac pre tormentis hujusmodi nonnulle mulieres earum interiora seu bodellos, per loca suarum naturarum, inhumaniter emiserant, necnon equos, boves, vacas et alia animalia et bona dictorum subditorum ac predictorum majoris, consulum et communitatis, hostili et predonio more, rapuerant et secum detulerant ac sibi attribuerant; totque et tanta alia crimina, scelera, delicta et maleficia enormia et detestabilia fecerant, commiserant et perpetraverant quod difficile esset ea particulariter declarare vel specificare, ut, per debitas informaciones, clarius apparebat, ac patriam petragoricensem adeo depopulaverant et destruxerant seu depauperaverant quod terre et hereditagia sine cultu et in deserto remanperant, dictaque patria fuerat et erat in via perpetue desolacionis et destructionis, nisi, per nos et dictam curiam nostram, super hoc, provideretur; et licet predicto comiti et ejus complicibus, ex parte nostra, pluries injunctum et preceptum fuisset ut a via facti et guerre et a criminibus hujusmodi penitus desisterent et cessarent, ipsi tamen hoc facere recusaverant et contradixerant, ac in eisdem criminibus perseveraverant et perseverabant, fuerantque et erant dicta crimina et maleficia adeo publica, notoria et manifesta, presertim in eisdem partibus, quod nullus ea potuerat aut poterat ignorare, nec eciam poterant aliqua tergiversatione celari, ac ea dictus comes fecerat, commiserat et perpetraverat, ac, per suos complices, fautores et confederatores, fieri et perpetrari preceperat et mandaverat, rataque et grata habuerat et habebat in premissis crimen lese-majestatis, murtra, occisiones homicidia, raptus incendia, sacrilegia, depredaciones, furta et latrocinia, vim publicam, conspirationes et congregaciones illicitas, armorum delacionem, inobediencias contra nos et mandata nostra committere et perpetrare non verendo, salvam-gardiam nostram infringendo, majestatemque nostram regiam offendere non verendo et alias multipliciter delinquendo. Insuper proponebant quod, post adjornamentum predictum, contra dictum comitem et suos complices superius nominatos executum, ac in odium et contemptum ejusdem, gentes armorum seu complices in garnisionibus, stabilimentis, castris et fortaliciis dicti comitis residentes, propter hoc coadunati, per modum hostilitatis et guerre, in maximo numero et cum armis patentibus, dictam villam et civitatem petragoricenses invaserant et aggressi fuerant, satagentes, totis viribus, ipsam intercipere et occupare, vineas et arbores fructiferas incolarum ejusdem absciderant, molendina, circumcirca dictam villam et civitatem existencia, fregerant, ruperant et destruxerant ac deteriora mala et inconveniencia quam antea commiserant et perpetraverant, murosque clausure Fratrum Predicatorum ipsius ville, in pluribus locis, ad terram prostraverant seu demoliri fecerant, ac bona et jocalia ipsius ecclesie ceperant et disrobaverant, predis et maleficiis consimilibus seu pejoribus, contra habitatores parrochie de Bertry subditos nostros, insequtis, quamvis eisdem dicti complices assecuramentum antea prestitissent, et in hujusmodi criminibus et maleficiis seu deterioribus dicti comes et ejus complices dictam patriam et ejus incolas, pro viribus, devastantes seu destruentes, perseveraverant ac perseverare et continuare nullatenus formidabant; et idcirco petebant et requirebant prefatus procurator noster capitulaque ac major, consules et communitas dicte ville et civitatis petragoricensium, et Guillelmus de Botis, prout quemlibet eorum tangebat et tangere poterat, talem utililatem, ex dicto defectu, sibi, per dictam curiam nostram, adjudicari, videlicet quod omnes et singuli complices et malefactores antedicti ab omnibus factis, defensis et racionibiis suis, si que vel quas, adversus eadem crimina et maleficia, dicere, proponere aut allegare quovismodo potuissent sive possent, omnino forent exclusi ac eciam cecidissent, de ipsisque haberentur, tenerentur et reputarentur pro convictis, superatis et condempnatis, et, hiis mediantibus, petebant et requirebant quod criminibus, maleficiis, adjornamento et defectu predictis unacum informacionibus, super hoc, factis, attentis et consideratis, prenominati complices et malefactores et eorum quilibet, insolidum et pro toto, prout in casibus criminum et maleficiorum, ut erat in casu presenti, fuerat et erat fieri consuetum, ad cessandum et desistendum ab omni via facti et guerre et ad reintegrandum dictam salvam-gardiam nostram, meliori modo quo fieri posset, ipsamque reintegrando, ad reddendum et restituendum prefatis capitulis, majori, consulibus et communitati ac eorum hominibus et subditis, omnia bona sua, per dictos complices et malefactores capta, levata et asportata, si in rerum natura estarent, alioquin eorum legitimum valorem et estimacionem, sub majori precio quo valuerant et valere possent, usque ad plenariam restitucionem et satisfaccionem eorundem, unacum fructibus, profectibus, revenutis et emolumentis levatis, vel que capitula, major, consules et communitas predicti, quatinus eorum quemlibet concernebat, levasse, percepisse et habuisse potuissent de suis hereditagiis, censibus redditibus et possessionibus, nisi obstitissent facta dampnabilia complicum et malefactorum predictorum, sub majori precio supradicto; necnon ad faciendum, plicandum et gagiandum dictis capitulis, majori, consulibus et communitati aliisque hominibus et subditis predictis qui, propter hoc, injurias, dampna et incommoda passi fuerant, emendam honorabilem, in locis ac modo et forma quibus dicta curia nostra ordinaret, et eciam, pro dampnis et interesse, erga dictum capitulum ecclesie cathedralis petragoricensis, in quadraginta mille libris parisiensibus, et erga dictum capitulum Sancti-Frontonis, in sexaginta mille libris parisiensibus, et erga dictos majorem, consules et communitatem, in summa centum mille librarum parisiensium, necnon, pro emenda utili, erga quodlibet dictorum capitulorum, in vigenti mille libris, et erga dictos majorem, consules et communitatem, in quadraginta mille libris, et, per beneficium seu reintegracionem dicte salve-gardie nostre, erga subditos et homines dictorum capitulorum, majoris, consulum et communitatis in premissis dampnificatorum, in emendis honorabilibus et utilibus, ad arbitrium nostre curie supradicte, et insuper ad edificandum et fundandum, in dicta villa petragoricensi, decem capellas seu capellanias, libris, calicibus, vestibus, ornamentis et aliis necessariis sufficienter munitas, qualibet ipsarum capellaniarum quadraginta libris turonensibus annui et perpetui redditus admortisati dotata in quibus capellaniis divina celebrarentur officia, pro salute et remedio animarum illorum qui, per dictos complices, in hujusmodi factis dampnabilibus, interfecti fuerant et occisi, per arrestum sive judicium dicte nostre curie, condempnarentur et condempnati compellerentur. Petebat eciam dictas Guillelmus de Botis quod idem comes condemnaretur et compelleretur ad sibi reddendum et restituendum dictam terram suam, una cum fructibus, profectibus, revenutis et emolumentis ejusdem, sub estimacione majoris precii, a tempore impedimenti, in ipsa terra, per dictum comitem, indebite appositi ac eciam in emenda honorabili, ad arbitrium dicte nostre curie, et in emenda utili mille librarum, ac, pro dampnis et interesse ipsius Guillelmi, in aliis mille libris. Requirebant eciam dicta capitula, dictique major consules et communitas ac Guillelmus quod, de bonis, per dictos complices captis, ablatis et habilis, tam super ipsos quam super homines et subditos antedictos, ac de suis dampnis et interesse, necnon de valore et estimacione eorumdem, attenta in premissis violencia, sibi, suo simplici juramento, absque alia probacione, crederetur ac, in eorum expensis dicti complices et eorum quilibet in solidum, ut prefertur, condempnarentur in prisioneque firmata, si capi valerent, detinerentur, quousque, de omnibus sibi, in hac parte, adjudicandis, foret integraliter satisfactum. De quibus omnibus et singulis requirebant, de et super bonis quibuscumque dictorum complicum seu malefactorum et eorum cujuslibet in solidum, solucionem et satisfaccionem assequi primitus et antequam, pro nobis aut alio quocumque, de et super ipsis bonis, causa confiscacionis vel emende, aliquid posset vel deberet exigi seu levari. Petebant ulterius quod, in signum perpetue memorie, attenta detestacione criminum predictorum, quod omnia castra et fortalicia dicti comitis suorumque complicum, fautorum et confederatorum, demolicioni et destruccioni perpetue subjacerent, et hoc eciam dictus procurator noster requirebat, quodque omnes census, redditus, pedagia et alia que dictus comes, super dictos majorem, consules, communitatem et Guillelmum ac super alios habitatores dicte ville et civitatis petragoricensium, necnon super homines et subditos dictorum capitulorum et eorum cujuslibet, levare et percipere consueverat et adhuc percipiebat et levabat, adnullarentur et abolirentur omnino ac, de ipsis, debitores predicti ac eorum heredes et successores quittarentur et liberarentur quittique et liberati perpetuo tenerentur, necnon quod homines et subditi capitulorum, majoris, consulum ac communitatis predictorum ac eorum cujuslibet, super quos dictus comes ejusve complices aut fautores seu confederati justiciam, juridicionem seu cohercionem habere consueverant, necnon dictus Guillelmus de Botis et ejus heredes et ab ipso causam habituri, a prefato comite suisque complicibus et fautoribus hujusmodi et suis successoribus ac eorum potencia, juridicione et justicia totaliter eximerentur, quodque prepositura et justicia ac omnia jura dicto comiti, in predicta villa et civitate petragoricensibus, per dictum pariagium, spectancia, tam super suos homines et subditos quam super homines et subditos dicti capituli Sancti-Frontinis ac eciam dicte ville et civitatis, eisdem capitulo Sancti-Frontis, majori et consulibus ac communitati adjudicarentur, ad se perpetuo remanere. Petebat insuper dictus procurator noster prefatos complices et malefactores et eorum quemlibet, erga nos, condempnari et puniri, in corporibus atque bonis aut in aliis emendis alque penis corporalibus, honorabilibus et utilibus, prout eadem nostra curia ordinaret, aut alia talis utilitas, ex predicto defectu, contra dictos complices, prefatis procuratori nostro, capitulis, majori, consulibus et communitati, per dictam nostram curiam, adjudicaretur qualis ipsi nostre curie videretur, protestando de addendo, diminuendo, mutando et corrigendo, in factis, peticionibus et conclusionibus suis supradictis, ante vel post conclusionem cause, si, per ea que jam facta fuerant et erant, in hac parte, predicte sue peticiones et conclusiones sibi forsitan non fierent, et adjudicarentur, dum et quociens eis videretur expedire; cujus defectus utilitatem dicta curia nostra micius, ut semper consueverat, procedere volens in hac parte, pro tunc adjudicare supersedisset, dictisque procuratori nostro, capitulis, majori, consulibus et communitati ac Guillelmo certas nostras litteras predicta vicesima octava die novembris concessisset, quarum virtute fuissent iidem complices adjornati ut, sub pena bannimenti a regno nostro, confiscacionisque bonorum suorum quorumcumque nobis applicandorum, necnon quod de predictis criminibus et maleficiis haberentur et reputarentur pro convictis et condempnatis, in prefata curia nostra, die vicesima mensis februarii, anno domini millesimo trecentesimo nonagesimo primo predicto, personaliter comparerent, dicti defectus utilitatem alias, ut predicitur, requisitam et in predictis litteris nostris declaratam, per dictam curiam nostram, adjudicari visuri, necnon eisdem procuratori nostro, ad omnes fines, capitulisque, majori, consulibus, communitati et Guillelmo de Botis, prout quemlibet ipsorum tangebat et tangere poterat, ad finem civilem, super criminibus et maleficiis antedictis et ea tangentibus, responsuri, ulteriusque processuri et facturi, prout racio et justicia suaderent, cum intimacione quod, si ad dictam diem venirent dicti complices sive non, ipsa nostra curia tunc, ad predictam utilitatem dicti defectus judicandum, bannimentumque et confiscacionem bonorum hujusmodi faciendum aut alias, procederet, ut sibi videretur expedire et esset racionis. Ad quam diem dicti complices non venerunt nec se, in dicta curia nostra, personaliter, ut tenebantur, presentaverunt seu reperti extiterunt, pluries ac sufficienter, more solito, ad hostium camere dicti parlamenti nostri, et ad Tabulam marmoream palacii nostri regalis parisiensis evocati, et, ob hoc, decima octava die junii, anno Domini millesimo trecentesimo nonagesimo secundo, ad requestam et instanciam dicti procuratori nostri, necnon majoris, consulum et communitatis ac Guillelmi de Botis predictorum, a consorcio dictorum capitulorum, quoad prosecucionem cause seu processus hujusmodi, disjungi et separari petencium et requirencium, positi extitissent in secundo defectu, per nostram curiam supradictam, dictique procurator noster, major, consules et communitas ipsius loci petragoricensis ac Guillelmus de Botis, sic disjuncti seu separati a predictis capitulis, ut prefertur, crimina et maleficia supradicta iterato declarassent, ac, in eisdem duobus defectibus, certam utilitatem sibi adjudicari petivissent et requisivissent, continentem, in effectu et substancia, omnia que, pro parte sua, fuerant, ut premittitur, proposita, declarata ac eciam requisita, et, super eadem utilitate, prefati procurator noster, major, consules et communitas ac Guillelmus de Botis certas nostras litteras, tam dicta decima octava die junii quam duodecima die maii anno millesimo CCC° nonagesimo tercio, a dicta curia nostra reportassent, et earum virtute, dicti complices, in predicta curia nostra, sub penis et cum intimacionibus antedictis, fuissent tam ad duodecimam diem augusti, anno dicto nonagesimo secundo, quam ad quartam diem ejusdem mensis augusti anni subsequentis, personaliter comparituri, adjornati, dictorum defectuum utilitatem adjudicari visuri, responsurique, processuri et facturi, prout superius est expressum. Quibus diebus dicti complices nunquam venerunt aut presentes vel in dicta nostra curia reperti personaliter extiterunt, more solito predicto debite et sufficienter evocati; quapropter iidem procurator noster, major, consules et communitas ac Guillelmus, dicta duodecima die maii contra predictos complices tercium defectum, a dicta nostra curia, reportassent. Dicta vero quarta die augusti, anno nonagesimo tiercio, Almarricus de Ruppe, domicellus, dicens se procuratorem dicti comitis petragoricensis, eidem nostre curie exposuisset, et, medio juramento, asseruisset quod dictum comitem, in suo Castro Montinhaci antiqum, ponderosum et debilem dimiserat, ad predictamque curiam nostram, de precepto dicti comitis, venerat, quodque, propter incursus et pericula inimicorum nostrorum, in partibus petragoricensibus hostiliter, treugis non obstantibus, discurrencium, dictus comes ad dictam nostram curiam personaliter accedere nequiverat, nec ausus fuerat bono modo, quibus de causis, satagebat idem domicellus prefatum comitem excusare seu essoniare; qua quidem essonia vel excusacione non obstante, quam dicta curia nostra nullatenus admiserat, dictus comes ejusque complices superius nominati, ad instanciam et requestam predictorum procuratoris nostri, majoris et consulum et communitatis petragoricensis ac Guillelmi de Botis, octava die augusti, dicto anno nonagesimo tercio, positi fuisssent in quarto defectu, per nostram curiam supradictam, prout premissa dicti procurator noster, major, consules, communitas ac Guillelmus de Botis asserebant, per litteras nostras, informaciones et expleta, super hoc, confectas et confecta, plenius apparere, et idcirco petebant et requirebant utilitatem, de predictis quatuor defectibus, superius declaratam, sibi, per dictam curiam nostram, adjudicari aut aliam, de qua dicte nostre curie videretur expedire, usum, stilum et observanciam dicte nostre curie, una cum pluribus racionibus, ad hujusmodi fines, allegando: Tandem, visis, per dictam curiam nostram, adjornamentis, relacionibus, expletis, defectibus et utilitate exinde requisita ac eciam informacionibus et aliis, in hac parte, agitatis atque factis una cum certis litteris nostris apertis et clausis, per quas eidem curie nostre mandavimus justiciam, super hoc, ministrari, consideratisque omnibus, circa hoc, attendendis et que dictam nostram curiam, in hac parte, movere poterant et debebant, convocatis eciam, propter hoc, consiliariis nostris laycis parlamenti et inquestarum, ut securius procederetur in hac parte, per arrestum ejusdem curie nostre, dictum fuit quod dicti procurator noster, majorque, consules, communitas et Guillelmus de Botis contra Archambaldum, comitem petragoricensem, magistrum Petrum Coges, magistrum Petrum de Gracia, Guillelmum Jaubert, Petrum del Barclh, Jauffredum Barrii, capitaneum de Rophia, Colinum de Buouvilla, Johannem Cotet, capitaneum d’Auberocha, Petrum de Ponte, ejusdem loci constabularium, Johannem de Turre, Johannem Francisci, monachum, Merigotum d’Aria, Audoynum, capitaneum de Fossamaingna, Johanem Girou, capitaneum de Bordelha, Alanum du Marchez, capitaneum de Roussillia, Rigaudum, constabularium ipsius loci, Guillonum Lauriou, quemdam vocatum Bastida, quemdam vocatum Cossaudo et quemdam vocatum Philippot, necnon quemdam vocatum lo Bort de Sancto-Petro, Johannem Buefcornut, procuratorem dicti comitis, et Oliverium Mercurii, complices et malefactores superius nominatos, talem utilitatem ex predictis quatuor defectibus reportabunt et habebunt, videlicet quod iidem complices, ab omnibus factis, defensionibus et racionibus suis, si que vel quas adversus predicta crimina et maleficia dicere, proponere aut allegare potuissent sive possent, omnino erant et sunt exclusi ac eciam ceciderunt, ipsaque crimina et maleficia tenuit et reputavit ac tenet et reputat, eadem curia nostra, pro verificatis seu averatis, et idcirco prefata curia nostra dictos complices et eorum quemlibet, in solidum et pro toto, ad reintegrandum dictam salvam-gardiam nostram et, ipsam reintegrando, ad reddendum et dimittendum dicto Guillelmo de Botis sua hereditagia supradicta, una cum fructibus, profectibus et emolumentis eorumdem, a tempore occupacionis et detencionis ipsorum usque ad plenariam liberacionem et restitutionem eorumdem, sub majori valore quo valuerant et valebant, necnon ad fundandum, in dicta villa seu civitate petragoricensi, duas capellas seu capellanias, calicibus, vestibus, ornamentis, libris et aliis, ad divinum servicium necessariis, munitas, qualibet ipsarum triginta librarum parisiensium, annui et perpetui rcdditus admortisati, dolata, in quibus capellaniis divina celebrabuntur officia, pro remedio et salute illorum qui, per factum et culpam ipsorum complicum, decesserant, ut prefertur, quarum collacio ad nos et successores nostros perpetuo pertinebit, et unacum hoc, erga dictos majorem, consules, communitatem et Guillelmum de Botis, tam pro suis bonis captis, depredatis et devastatis, ut est dictum, quam pro suis injuriis, dampnis, interesse et expensis, in summa triginta mille librarum turonensium, et ad tenendum prisionem firmatam, si reperiri et apprehendi valeant, quousque, de premissis, fuerit plenarie satisfactum, condempnavit et condempnat; ordinavit insuper et ordinat quod, de et super bonis quibuscumque dictorum complicum et eorum cujuslibet, capientur et levabuntur primitus et ante omnem confiscacionem, fondaciones et dotaciones dictarum duarum capellaniarum et alie condemnaciones superius declarate; in quantum vero punicionem justicie et dictum procuratorem nostrum tangebat atque tangit, eadem curia nostra dictos complices et eorum quemlibet tenuit et reputavit ac tenet et repulat pro convictis et superatis de criminibus et maleficiis supradictis, ac eosdem complices, excepto dicto monacho, quem dicta curia nostra in et sub predictis condempnacionibus civilibus dumtaxat comprehendit, a regno nostro perpetuo bannivit atque bannit, ac residuum bonorum suorum confiscavit et confiscat. In cujus rei testimonium nostrum hiis presentibus jussimus apponi sigillum.
Datum, Parisius, in parlamento nostro, die tercia februarii, anno Domini millesimo tresentesimo nonagesimo sexto, regni vero nostri decimo septimo.
(1) Ce mot hominis, quoique d’une écriture du temps, a été refait avec une encre plus foncée en couleur. C’est évidemment une faute, et il faut lire Dome, ce qui nous donne de Monte-Dome; et c’est, en effet, au Mont-de-Dome que se battait la monnaie du roi.
(Arch. du roy.t sect. Jud. accords, et Reg. du criminel, coté 14, fol. 171.)
SAISIE, MISE À L’ENCHÈRE ET ADJUDICATION
DES BIENS QUE LE COMTE DE PÉRIGORD AVAIT À PÉRIGUEUX.
A mes très chiers et très redoubtez seigneurs, mes seigneurs tenens le présent parlement du roy nostre seigneur, à Paris, Guillaume de Lespine, huissier dud. parlement, et commissaire d’icelui seingneur en ceste partie, le tout vostre, honneur, service et reverence avecques toute obéissance, mes très chiers et très redoubtez seigneurs, plaise vous savoir que, pour faire execucion sur les biens de feu Archambaut, jadiz conte de Pierregort, et autres ses complices cy après nommez, entre les autres choses de la somme de trente mil livres tournoys en quoy ycelui feu Archambaut, ensemble maistre Pierre Coges, maistre Pierre de Grace, Guillaume Janbert, Pierre del Barreilh, Jeoffroy Barrii, capitaine de la Rouffie, Colin de Beauville, Jehan Cotet, capitaine d’Auberoche, Pierre Dupont, conestable dud. Auberoche, Jehan de la Tour, Jean Françoys, moyne, Merigot d’Arie, Audoyn, capitaine de Fossemaigne, Jehan Girou, capitaine de Bordeille, Alain du Marchez, capitaine de Roucille, Rigaut, conestable dud. Roucille, Guillom Laurioul, un appellé Bastide, un appellé Coussaudou, un appellé Philippot, un appellé le Bourt de Saint-Pierre, Jehan Buefcornut, procureur dud. feu conte, et Olivier Mercury, touz complices d’icelui feu conte, ont este condempnez par certain arrest dud. parlement, le tiers jour de février, l’an 1396, au prouffit des maire, conseulz et communauté des ville et cité de Pierregueux, duquel arrest il m’est apparu, et à la requeste desd. maire, conseulz et communauté d’icelles ville et cité, et aussi par vertu de l’exécutoire ou exécutoires d’icelui arrest, desquelles les teneurs s’ensuivent:
Karolus, Dei gracia Francorum rex, senescallis petragoricensi, lemovicensi, xanctonensi, angolismensi, caturcensi, ruthenensi, agenensi et bigorre, ceterisque justiciariis nostris aut eorum loca tenentibus, necnon omnibus et singulis parlamenti nostri hostiariis et servientibus nostris ad quos presentes littere nostre pervenerint salutem: Cum, per arrestum tercia die mensis februarii ultimo elapsi, ad utilitatem nostram vel procuratoris nostri generalis, pro nobis, necnon majoris consulum et communitatis ville et civitatis petragoricensium ac Guillelmi de Botis, burgensis dicte ville petragoricensis, contra Archambaldum, comitem petragoricensem, magistrum Petrum Coges, magistrum Petrum de Gracia, Guillelmum Jaubertum, Petrum del Bareilh, Jauffredum Barrii, capitaneum de Rouffia, Colinum de Buouvilla, Johannem Cotet, capitaneum d’Aubarocha, Petrum de Ponte, ejusdem loci constabularium, Johannem de Turre, Joannem Francisci, monachum, Merigotum d’Eria, Audoynetum, capitaneum ce Fossa-Manha, Johannem Girou, capitaneum de Bordailha, Alanum de Marchez, capitaneum de Rossilha, Rigaudum, constabularium ipsius loci, Guillonum Lauriou, quemdam vocatum Bastida, quemdam vocatum Cossaudo et quemdam vocatum Philipot, necnon quemdam vocatum le Bort de Sancto-Petro, Johannem Beufcornut, procuratorem dicti comitis et Oliverum Mercurii, complices et malefactores in hac parte, prolatum, iidem complices et eorum quilibet, insolidum et pro toto, fuerint, erga dictos majorem et consules et communitatem, ad fundandum duas capellanias, qualibet triginta libris annui et perpetui redditus admortisati dotatas, necnon in summa triginta mille librarum turonensium et ad reddendum et dimittendum dicto Guillelmo de Botis sua hereditagia, per dictos complices occupata, una cum fructibus, profectibus et emolumentis eorumdem, a tempore occupacionis et detencionis ipsorum usque ad plenariam liberacionem et restitucionem eorumdem, sub majori valore quo valuerunt et valebunt, condempnati, et a regno nostro, excepto dicto monacho, perpetuo banniti, prout in eodem arresto premissa lacius continentur; vobis et vestrum cuilibet, tenore presencium, committimus et mandamus quatinus dictum arrestum, de quo liquebit, juxta ipsius formam et tenorem, eciam manu armata et militari, si sit opus, ac omnibus aliis viis et modis licitis quibus melius fieri poterit, execucioni debite demandetis, et una cum hoc bannimentum, de quo in eodem arresto fit mencio, in locis insignibus et publicis ad faciendum crida et preconisaciones assuetis, publicetis et publicari faciatis, ac eosdem complices, ubicumque in regno nostro, extra loca sacra, reperiri poterint, capiatis et captos, tanquam a regno nostro bannitos, vos judices et justiciarii puniatis et ultimo tradatis supplicio, justicia mediante; inhibeatis insuper, exporte nostra et dicte nostre curie, omnibus nostris atque regni nostri subditis et incolis, sub pena corporum et bonorum, ne quis dictos complices fovere, juvare, sustinere vel receptare audeat quomodolibet tel presumat; contrarium vero facientes, vos senescalli et justiciarii criminaliter aut civiliter, mediante justicia, taliter puniatis quod hujusmodi punicio ceteris transeat in exemplum. In quibus et ea tangentibus vobis et vestrum cuilibet ac deputandis a vobis senescallis et justicieriis aut alio vestrum, ab omnibus justiciariis et subditis nostris pareri auxiliumque consilium, vim, favorem et carceres preberi et prestari, quotiens opus fuerit, et super hoc fuerint requisiti, volumus efficaciter et jubemus. Datum, Parisius, in parlamento nostro 15a die marcii anno Domini 1396 (1397 N. S.) et regni nostri 17°.
Per laycos in camera. J. de Cessiéres.
Charles, par la grace de Dieu, roy de France, au séneschal de Pierregort ou à son lieutenant, et au premier huissier de nostre parlement ou nostre sergent qui, sur ce, sera requiz salut: Noz bien amez les maire, conseulz et communauté de noz ville et cité de Pierregueux nous ont humblement exposé que, comme ils aient n’a gaires obtenu, en nostre court de parlement, certain arrest, par lequel, entre les autres choses, feu Archambaut, jadix comte de Pierregort et plusieurs autres malfaitteurs et ses complices ont esté condempnez, envers lesd. exposans, en certaines amendes civiles, plus à plain déclairées oud. arrest, lequel, obstans plusieurs grans guerres, rebellions et desobéissances que a faittes et fait chascun jour oudit pays et ailleurs, Archambaut de Pierregort, fils dud. feu conte, et plusieurs ses complices et alliez, et aussi par deffaut de biens meubles, n’a peu ne ne pourroit estre mis à exécucion, se aucuns biens immeubles que led. feu conte avoit, tenoit et possedoit en lad. ville de Pierregueux et environ, n’estoient, pour ce, mis et exposez en vente, ce que lesd. exposans ne pourraient bonnement ne seurement faire, si comme on dit, senz le signifier et faire savoir à la personne dud. Archambaut ou à son domicile, où lesd. exposans ne autres noz officiers n’oseroient bonnement ne seurrement aler, senz péril de leurs corps, en nous requérant humblement, sur ce, nostre provision; pourquoy nous, attendu ce que dit est, vous mandons et commettons, par ces présentes, et à chascun de vous, si comme à lui appartiendra, que, pour mettre led. arrest à execucion, en defaut de bien meubles, vous faites, criez, subhastez et exposez en vente les cens, rentes, possessions, heritaiges, devoirs et autres droiz et revenues que avoit, tenoit et possedoit led. feu conte, en lad. ville de Pierregueux et environ, jusques à plaine satisfaccion, et, se besoing ou neccessité estoit de ce signifier et faire savoir aud. Archambaut, et que on deust, en ceste partie, lui faire aucuns adjournemens, commandemens ou autres exploiz à ce neccessaires, si les faites ou vous seneschal faites faire à sa personne, se apprehender le povez, ou à son hoslel et domicile, et il y soit seur accez, et sinon, à la personne de son procureur, s’aucun en a, et il y fait seur aler, et aux lieux notables plus prouchains de là où il a acoustumé demourer et converser, à jour de marchié, a haute voix et a son de trompe, et tout par la meilleur manière que faire se pourra, en faisant et parfaisant lesd. criées et subhastacions, jusques a l’adjudicacion du décret; et se, sur ce, led. Archambaut ou autres se opposent, attendu que led. Archambaut est grant et puissant, et aussi que c’est de l’execucion et des deppendences de l’arrest de nostred. court, a qui la congnoissance et interprétacion de ce compete et appartient, adjournez ou vous seneschal faites adjourner les opposans, c’est assavoir led. Archambaut, par la manière dessusd., ou cas qu’il s’opposeroit, et les autres opposans, comme il appartendra, à certain et compettent jour ordinaire ou extraordinaire de nostre présent parlement, non obstant qu’il siée et que les parties ne soient des jours dont l’en plaidera lors, pour dire la cause de leur opposicion, respondre, se mestier est, sur les choses dessusd. et leurs deppendences, auxd. opposans, et aussi pour veoir adjugier le decret des choses criées et subhastées par nostred. court, proceder et aler avant en oultre, selon raison, en certiffiant souffisamment aud. jour noz amez et feaulx conseillers, qui lors tendront nostred. parlement, dud. adjournement, et de tout ce que fait aurez en ceste partie; et, en leur renvoyant lesd. criées et subhastacions faittes et parfaittes aud. jour, lesquelles ainsi faittes, comme dit est, nous voulons avoir et sortir leur plain effect, et estre d’autelle valeur, en tant qu’il pourra toucher led. Archambaut, comme se les adjourncmens et autres exploiz, à ce nécessaires, avoient esté et estoient faiz à la personne d’icelui Archambaut; et voulons et mandons à nozd. conseillers que, par ycelles criées, ils procèdent sommèrement et de plain à l’adjudicacion du decret au plus brief que faire se pourra, comme de raison appartendra, car ainsi nous plaist-il estre fait et auxd. exposans l’avons octroyé et octroyons, de grace especial, par ces présentes, non obstans usaage et coustume de pays. Quant aux significations et adjournemens dessusd., touchant led. Archambaut, et quelxconques lettres surreptices empetrées ou à empetrer au contraire, mandons et commandons à touz noz justiciers, officiers et subgiez que à vous et à chascun de vous et aux commis et deputez de vous séneschal, en ceste partie, vous prestent conseil, confort et aide, et vous obéissent et entendent diligemment. Donné à Paris le 12e jour de février, l’an de grace 1397 (1398 N. S.), et le 18e de nostre régne. Par le roy, à la relation du conseil. Mercier.
Je, le mardi 26e jour du moys de février, l’an 1397 (1398 N. S.), me transportay en lad. ville de Pierregueux, où je feis, ced. jour et le mercredi ensuivant, 27e jour d’icelui moys, toute la diligence que faire se povait de savoir se je peusse trouver aucuns biens meubles qui fussent d’icelui feu conte ne des dessusnommés ses complices, et, pour ce que je n’en pos trouver aucuns, et que, par chevaliers et autres gens dignes de foy, je fus informez que seurement ou chastel de Montignac où Archambaut, filz d’icelui feu conte, fait son domicile, avecques lui les aucuns des complices de sond. feu père dessusnommez, et aussi pour ce que, moy estant yceulx deux jours en ycelle ville, je vis que plusieurs des gens dud. Archambaut, filz dud. feu conte, par troiz ou par quatre foiz, iceulx deux jours, vindrent courre devant lad. ville, faire plusieurs escarmuches, prendre et aprisonner les bonnes gens d’icelle ville qui estoient es vignes et es autres labeurs, je ne eusse osé ne peu aler oud. lieu de Montignac, pour faire a y celui Archambaut filz et aux autres dessusnommez, complices d’icelui feu conte, aucuns commandemens qui, pour faire mad. execucion, eussent esté neccessaires, que ce ne eust esté en grant péril de ma personne, et aussi que aucuns officiers je ne eusse trouvé ne peu trouver, oud. pays, qui eussent ne aient voulu ne ausé venir avecques moy, et que aussi je n’ay peu trouver ne apprehender aucune personne qui se deist ou demourast procureur d’icelui Archambaut filz, le jeudi ensuivant, derrenier jour dud. moys de février, l’an dessusd., appellez avecques moy noble homme, messire Aymery des Chabannes, chevalier, lieutenant du séneschal de Pierregort, maistre Helie Servant, notaire royal en ycelle senesehaucie, me transportay es lieux du Mas-St-George, et ou lieu de la Cité de Pierregueux. qui sont les lieux plus prouchains dud. lieu de Montignac, ou ycellui Archambaut filz fait son domicile, esquelx je ay peu seurement aler, et aussi ou lieu appelle La-Rouffie où ycelui feu conte nasqui, comme l’en dit, et, en son vivant et par avant sa mort, y faisoit son domicile, si comme on dit, et là en yceulx lieux, en tant que mestiers estoit, à voix, cry et son de trompe, ced. jour, par la bouche de Jehan de Léon, crieur juré d’icelle ville, publiquement fis commandement, de par le roy, nostre seigneur, aud. Archambaut filz et à touz autres, à qui il pourrait toucher en général, que, pour faire execucion, paiement et satisfaccion auxd. maire, conseulz et communauté, de la somme de trente mil livres tournois, entre les autres choses, comme dit est, ilz me baillassent biens meubles, lesquelx je peusse vendre et exploitier jusques à plaine satisfaccion, et pour ce que aucun, de par led. Achambaut filz ne de par les autres dessusnommez condempnez, ne se apparut qui aucuns biens meubles voulsist bailler, en deffaut de biens meubles, ced. jour, es dessusd. lieux, par la bouche dud. crieur, à voix, cry et son de trompe, publiquement fis assavoir, à ycelui Archambaut filz et à touz autres, que je avoie mis, prenoie et metoie en la main du roy, nostre seigneur, les heritaiges, cens, rentes, justice, seignouries, maisons et possessions quelxconques qui jadix furent dud. feu conte, assiz en la ville et cité de Pierregueux et dedens le povoir d’icelle et environ d’icelle; est assavoir une masure assise dedens lad. ville, tenent à la maison de Pierre de la Rivière, merchant d’icelle ville, d’une part, et à la maison Pierre Guillou et sa femme, d’autre, aboutissant, par derrière à la maison Elie de Marmoys.
Item la place ou masure appellée La-Rouffie, ou souloit avoir un hostel, si comme ycelle place se comporte, ensemble la pierre et matière estant en ycelle place et quatorze journeulx de buefs de terres arables entretenans à icelle place et masure.
Item le prévosté que led. feu conte avoit et possidoit ou son prévost pour lui, en ycelle ville de Pierregueux et dedens le povoir d’icelle avecques la court dud. prévoste, paiages, foires, laides, ventes, estaus, tant en la parroisse de Saint-Sillain de Pierregueux, comme en la parroisse de Saint-Martin, Puy-Abric et Les-Clozeaux et autres rentes, servitudes, devoirs, émolumens, droiz et revenues quelconques appartenans aud. prevosté et court.
Item quatre livres de rente à la monnoye de Pierregouzins qui valent à tournoys soixante quatre solz tournoys, avecques les appartenences d’icelle rente que led. feu conte avoit et levoit sur la laide de Jehan et Pierre de Maymin.
Item quarante livres de rente de la monnoye desd. Pierregouzins qui vallent à tournoys trente deux livres tournoys, lesquelles ycelui feu conte avoit acoustumé à prendre, chascun an, sur la communauté d’icelle ville, c’est assavoir vint livres de lad. monnoye de Pierregouzins au terme de Noël et les autres vint livres au terme de la nativité saint Jehan-Baptiste, avecques un marboutin d’or deu par led. commun, en mutacion de conte, qui vault vint soulz tournoys ou environ, avecques touz les arreraiges d’icelle rente deus de six années ou environ et marboutin dessusd., avecques tous autres droiz et devoirs, à cause d’icelle rente, appartenans aud. feu conte.
Item le commun que led. feu conte, au temps de son vivant, levoit et faisoit lever sur aucunes gens de lad. ville, avecques tous autrez droiz appartenons aud. commun.
Item les ventes et chapsoulz que ycelui feu conte levoit et prenoit en la parroisse de Saint-Front de Pierregueux, avecques autres ventes et devoirs que ycelui feu conte avoit et levoit en lad. ville et en tout le povoir d’icelle, avec leurs appartenences.
Item la moitié de la court nommée la court du Selerier, avecques la juridiction, justice, clams, faymidroit et autres devoirs quelconques, à cause d’icelle moitié, oud. feu conte appartenant.
Item les rentes, bouades, seignourie et droiz quelxconques que ycelui feu conte avoit et levoit en la paroisse de Champsavinel.
Item touz les cenz, rentes, bouades, seignourie et touz autres droiz et devoirs quelconques que ycelui feu conte avoit et levoit en la parroisse de Treslissac.
Item et généralement toutes autres justices, juridiccions et devoirs quelconques que ycelui feu conte avoit et possidoit en lad. ville de Pierregueux et ou povoir d’icelle, à quelque cause ou tiltre que ce feust ou peust estre, en défendant à touz en général que, sur yceulx, ne se veissent pour empirer ne autrement. Et ce fait, ced. jour, esd. lieux, par la manière dessusd. et par la bouche dud. crieur, fis assavoir aud. Archambaut filz et à touz autres que le lundi prouchain ensuivant, qui seroit jour de marchié en lad. ville de Pierregueux, es lieux acoustumez à faire criz et ou lieu dud. marchié publiquement, à voix, cry et son de trompe, pour première criée et première subhastacion, je exposeroie et metroie en criées et subhastacions les heritaiges et possessions dessus declarez, et ycelles criées et subhastacions feroie et parferoie, de lundi en lundi, jusques à quatre lundis ensuivans, jusques au décret bailler, et que, se contre ycelles, aucun, de par led. Archambaut filz ou autre, vouloit aucune chose dire ou proposer pour quoy ycelles ne deussent estre faittes et parfaittes ou soy opposeroit contre ycelles, qu’il venist auxd. jours et lieux, et il y seroit receuz.
Item, et ce fait, ced. jour d’abondant, ycelle, place de La-Rouffie, ensemble toutes les appartenences et appendences dessus declairées, manuelment je prins, et mis en lad. main du roy, nostred. seigneur, presens aux choses dessusd. maistre Guillaume Langlade, maislre Fortanier Roy, notaires publiques, Elie de Blanquet, Arnault du Chastennet, Elie de Busseil et Arnault de Bruzac, escuiers, et plusieurs autres, jusques au nombre de quatrevins personnes et plus; et, ce fait, ced. jour, fis commandement, de par le roy, nostre seigneur, aux dessusnommez et a tous autres en général et auxd. Elie de Busseil et Arnault de Bruzac, escuiers, à leurs personnes en espécial, qui s’en aloient au lieu d’Auberoche, comme ilz me distrent, que les commandemens, mains-mises et autres choses par moy faittes, en leurs présences, comme dit est, ilz feissent savoir aud. lieu d’Auberoche, au capitaine d’icelui lieu, afin que icelui cappitaine le feist savoir aud. Archambaut, et aussi le feissent savoir aud. Archambaut filz et à tous autres à qui il pourroit touchier, ou cas que veoir les pourroient, lesquelx et chacun d’eulx me respondirent que voulentiers le feroient, et en espécial me respondirent lesd. escuiers que, en passant par led. lieu d’Auberoche, voulentiers le diroient à Jehan Coutet, capitaine d’icelui lieu pour led. Archambaut filz, ainsi l’avoir oy, comme dessus est dit; et aussi pareillement aud. Archambaut filz et à touz autres à qui il pourroit touchier, ou cas que veoir les pourroient.
Item et ce fait, le vendredi ensuivant, premier jour de mars, l’an dessusd., avecques moy le dessusnommé lieutenant dud. séneschal, messire Guillaume Caillou, licencié en loys, juge pour le roy, nostre seigneur, en lad. séneschaucié de Pierregort, led. maistre Helie Servant, notaire dessusnommé, et plusieurs autres en ycelle ville, où estojt jour de marchié, me transportai au lieu dit le Claustre, où se faisoit le marchié d’icelle ville de Pierregueux, et là, par la bouche dud. crieur dessusnommé, publiquement, a voix, cry et son de trompe, et au jour de marchié, comme dit est, fis assavoir de rechief aud. Archambaut filz et à touz autres en général, les commandemens, mains-mises, en défaut de biens meubles et et autres choses dessusd., en faisant commandement à touz en général que toutes les choses dessusd. et par la manière que dessus est dit, feissent savoir aud. Archambaut filz et à touz autres à qui il pourrait toucher, ou cas que veoir les pourraient.
Item et ce faict, ced. premier jour, en ycelle ville de Pierregueux, à la requeste desd. maire, conseulz et communauté, manuellement et reaument mis en lad. main du roy nostre seigneur, les heritaiges, cens, rentes, prévosté, et autres biens dessus declairés, comme dessus verbaument l’avoie fait, en défendant aud. Archambaut filz et à touz autres en général que sur yceulx ne se veissent, pour empirer ne autrement.
Item et ce fait, le lundi en suivant qui fu quatriesme jour dud. moys de mars, l’an dessusd., par moy assigné aud. Archambaud filz et à touz autres, comme dessus est dit, me transportay en ycelle ville de Pierregueux, ou dessud. lieu appelle le Claustre, ou quel lieu estoit le marchié publique d’icelle ville, ou carrefour de Salineries et en la place ditte des Graz, es quelx lieux ou a acoustumé, en ycelle ville, à faire criz, et là, en yceulx lieux publiquement, à voix, cry et son de trompe et à jour de marchié, comme dit est, fis savoir, par la bouche du crieur dessus nommé, (que) pour faire paiement et satisfaccion auxd. maire, conseulz et communauté de lad. somme de trente mil livres tournois, entre les autres choses, comme dessus est dit, je exposoie et metoie en vente, pour première criée et première subhastacion, les heritaiges, cens, rentes, masures, prévosté, terres et autres devoirs dessus declairez qui jadix furent dud. feu conte, en faisant aussi assavoir, par led. cry, à touz en général, et par la bouche dud. crieur, que, se il estoit aucun qui, suryceulx, voulsist mettre aucun priz ou dire causes ou raisons valables pour lesquelles lad. criée et subhastacion ne deust estre faitte ou parfaitte, et aussi les autres en suivant, ou se vouldroit opposer contre y celles, qu’il venist avant, et il y seroit receuz; en oultre, par led. cry et à son de trompe, par la bouche dud. crieur, fis semblablement assavoir aud.. Archambaut filz et à touz autres en général que le lundi ensuivant, qui sera jour de marchié en ycelle ville, et onziesme jour dudit moys de mars, es lieux dessus déclairez, en ycelle ville, je feroie et parferoie la seconde criée et seconde subhastacion des dessusd. heritaiges, et que, se il estoit aucun qui voulsist dire causes ou raisons pour quoy ycelle ne deust estre faitte et parfaitte, qu’il venist avant, et il y seroit receuz. En faisant laquelle première criée et première subhastacion des heritaiges dessus declairez, pour ce que aucun ne vint qui, sur yceulx voulsist mettre aucun priz, vint et se apparut, pardevant moy, maistre Guillaume La-Roche, lequel, ou nom et comme procureur desd. maire, conseulz et communauté de lad. ville, fondé par une procuracion de laquelle la teneur s’ensuit:
Universis et singulis presentes litteras seu presens publicum instrumentum inspecturis, Bernardus de Petit, licenciatus in legibus, major, Helias de Blanqueto, Joannes Malaura, Arnaldus de Pasqualdo, Arnaldus de Castaneto, Guillelmus Galaberti, Aymericus Judicis, Fortanerius de Viridi-Villa, Fortanerius de Vaxeria, Helias Fayardi, Stephanus Gonterii et Helias Pinazelli, consules communitatis ville et civitatis petragoricensium, Bernardus de Cavo-Monte, Bernardus Faverii, Petrus Guilhonis, Helias de Cruce, notarius, Helias de Taurello, Geraldus de Borno, Guillelmus de Langlada, Guillelmus de Jaudo, Guillelmus de Jalat, Geraldus d’Aboirel, Arnaldus de Combis, Helias de Vinharier, barbitonsor, Johannes de Segui, Petrus de Ripperia, mercator, Petrus de Fonte-Columbi, Aymericus de Vilato, Johannes Flamenc, Geraldus de Belet, Oliverius de Ripperia, Guillelmus de Merle, bacallarius in legibus, Geraldus de Fabro, Bernardus Lunaudi, Fortanerius de Vineis, Fortanerius de Requiran, Helias de Viga, Geraldus de Podio-Razo, Johannes Adam, Helias de Themolato, Petrus Boni, Johannes Berna, Helias de Jaudo, Helias de Marmoys, Petrus Chastel, Leonardus Tibbaut, Mathias Bertholet, Fortanerius Nepotis et Johannes Jalot, dicte ville petragoricensis, salutem in Domino et litteris presentibus seu presenti publico instrument fidem plenariam adhibere: Noveritis quod nos dicti major et consules, burgenses et alii habitatores dicte ville superius nominati, in consulatu dicte communitatu, videlicet in camera dicti consulatus ubi negocia dicte communitatis tractare et expedire consuevimus, pro infrascriptis, ad sonum campane, ut moris est, insimul congregati, unanimes et concordes, gratis et sponte, ex nostris certis scienciis, pro nobis ac tota communitate et universitate dictarum ville et civitatis, et ipsius communitatis et universitatis nomine, facimus, constituimus, creamus ac eciam ordinamus nostrum et dicte communitatis ac universitatis procuratorem syndicum verum, certum, indubitatum, actorem, factorem, nuncium, yconomum et negociorum nostrorum et dicte communitatis ac universitatis gestorem legitimum generalem et nuncium specialem, videlicet magistrum Guillelmum de Rupe, notarium publicum dicte ville, litterarum presencium seu presentis publici instrumenti (latorem) exhibitoremque, reputamus ydoneum et fidelem ad exercendum negocia, infrascripta, nomine nostri et communitatis predicte, in omnibus et singulis causis, litibus et negociis nostris ac communitatis et universitatis predicte, tam a nobis dictis constituentibus, nomine communitatis et universitatis predicte, contra quascumque personas, quam a quibuscumque contra nos, quo supra nomine, et communitatem ac universitatem predictam, motis et movendis, devolutis et devolvendis, coram judicibus et personnis quibuscumque, ordinariis, extraordinariis, delegatis, subdelegatis, arbitris seu amicabilibus compositoribus, senescallis, bajulis, prepositis, commissariis datis vel dandis et aliis quibuscumque personis ecclesiasticis, secularibus vel mundanis, in quacumque dignitate vel sine dignitate constituas, dantes et concedentes, nos dicti constituantes, nomine quo supra, prefato procuratori syndico nostro, plenam et liberam potestatem et speciale mandatum agendi, pro nobis et dicta communitate et universitate nostris, nosque et ipsam communitatem et unitersitatem nostras ville et civitatis predictarum defendendi, conveniendi, reconveniendi, libellum seu libellos dandi et offerendi et oblatos suscipiendi, litem seu lites contestandi, contestationem litis prosequendi, jurandi in animas nostras et nostrum cujuslibet, tam de calumpnia quam de veritate dicenda, et subeundi cujuslibet alterius generis juramentum, ponendi, articulandi, interrogandi, posicionibus, articulis et interrogatoriis quibuscumque respondendi et responderi potendi, testes, instrumenta, litteras et quecumque alia probacionum genera, in modum probacionis, producendi, dicendique, contra producta, per partem adversam, ac obiciendi in testes, dicta testium et personas, crimina et defectus opponendi et probandi, exipiendi, replicandi, duplicandi, triplicandi, quadruplicandi, excepciones excommunicationis, tam a canone quam ab homine latas, et alias quascumque excepciones, tam odiosas quam famosas, tam dilatorias quam prohibitas, proponendi, probandi et veras esse jurandi, absolucionis beneficium simpliciter et ad cauthelam vel alias et restitucionem in integrum petendi et obtinendi ac concedendi, excusandi, excusaciones nostras et communitatis et universitatis predictarum veras esse jurandi, emendas gatgia, penas, muletas et quecumque alia, ad juridiccionem nostram et dicte communitatis ac universitatis spectantes et pertinentes, petendi, exigendi et requirendi a personis et locis quibuscumque, judicis officium, in omnibus in quibus convenit, implorandi, de facto et de jure, proponendi et allegandi, disputandi, renunciandi, concludendi, interloqutoriam et diffinitivam sentenciam seu sentencias, unam vel plures, audiendi et ab ea vel eis et alio quocumque gravamine, tam judiciali quatn extrajudiciali, illato vel inferendo, semel et pluries appellandi, appellacionem quoque seu appellaciones, unam vel plures prosequendi, innovandi et intimandi judici atque parti, apellos, seu libellos dimissorios semel, secundo, tercio ac sepe sepius et instanter petendi et obtinendi, locum seu loca, judicem seu judices et commissarios eligendi et impetrandi et in eis conveniendi ac suspectos recusandi, causas suspicionis et recusationis pretendendi, allegandi, proponendi et probandi, et, si apus sit, veras esse jurandi, ratificandi, disratificandi, expensas petendi, jurandi et recipiendi easdem, remissionem quarumcumque causarum, tam civilium quam criminalium, necnon et personas ad forum nostrum et dicte communitatis et universitatis spectantes et pertinentes, petendi et obtinendi et, de quibuscumque criminibus et delictis atque causis, tam civilibus quam criminalibus, jus nostrum et communitatis ac unitertitatis predictarum et curie consulatus nostri tangentibus, informandi ac informacionem faciendi, criminosos et delinquentes, quicumque sint et cujuscumque status et condicionis existant, capiendi, arrestandi, incarcerandi, captosque et arrestatos ducendi, et nostro ac dicte communitatis carceri mancipandi et intrudendi, et, ubi pertinuerit, si necesse fuerit, remittendi, quascumque supplicaciones et requestas, personis quibuslibet, nostro et dicte communitatis et universitatis nomine, faciendi et obtinendi amocionem et relaxacionem quorumcumque interdicti generalis vel specialis, et cujuscumque cessus sice cessacionis a divinis appositi et apponendi, petendi et obtinendi, et juramentum de stando et parendo mandatis sancte matris ecclesie et cujuslibet judicis seu auditoris prestandi et faciendi, forum declinandi, unum vel plures procuratorem seu procuratores syndicum seu syndicos loco sui substituendi qui, in premissis omnibus et singulis eandem et consimilem habebant potestatem, et substitutum seu substitutos seu substituendos ab eodem procuratore nostro, quociens et videbitur, revocandi, et iterato, si fuerit necesse, onus procuracionis hujusmodi in se reassumendi, et generaliter omnia alia universa et singula faciendi et exercendi que in premissis et quolibet premissorum et circa ea erunt necessaria seu eciam opportuna et que nos dicti constituentes et nostrum quilibet, nomine quo supra, faceremus et facere possemus, si, in premissis et quolibet premissorum, personaliter presentes essemus. et que potest et debet facere quilibet bonus, verus, certus et legitimus procurator seu syndicus, eciam si talia sint que mandati magis indigeant speciali seu generali, promittentes nos dicti constituentes et nostrum quilibet, nomine quo supra, sub ypotheca et obligacione omnium et singulorum bonorum communitatis predicte, dicto procuratori et syndico presenti et solempniter stipulanti, vice et nomine omnium quorum interest et intererit, nos et dictam communitatem ac universitatem ratum, gratum et firmum perpetuo habituros totum et quicquid, per dictum procuratorem et syndicum nostrum et substitutum vel substitutos seu pocius nunc substituendos ab eo et eorum quemlibet insolidum, in et super premissis et singulis et ea tangentibus, et tociens quociens nos vel nostrum alterum adesse vel abesse contigerit, actum gestumve fuerit, in premissis, vel alias quomodolibet procuratum sive gestum, cum clausulis, rem ratam haberi, judicio scisti et judicatum solvi et omnibus aliis et singulis clausulis ad hec necessariis ac eciam opportunis, ipsum procuratorem et syndicum nostrum et substitutum vel substitutos ab eo et quemlibet eorum insolidum relevantes, nos dicti constituentes, quo supra nomine, sub ypotheca et obligacione predictis, ab omni onere satisdandi, et hec omnibus et singulis quorum interest et interit et quibus significandum est, significamus et significari volumus nos dicti constituentes, quo supra nomine, per has presentes litteras seu per hoc presens publicum instrumentum, quas seu quod, de et super premissis, fieri fecimus, et sigilli dicti consulatus nostri, quo ad contractus utimur, munimine roborari. Actum et datum, in dicta camera dicti consulatus nostri, die 20a mensis novembris, anno Domini 1397, presentibus testibus Johanne Maymini et Helia Bruni, clericis et burgensibus dicte ville, ad premissa vocatis specialiter et rogatis, et me Fortanerio de Rege, clerico dicte ville petragoricensis, publico dicte communitatis et dicte consulatus curie notario, cui constat de rasuris superius factis in dictionibus ad gestorum quibuscumque, qui, premissis omnibus et singulis, dum agerentur in et per modum predictum, una cum supranominatis testibus, presens interfui stipulacionesque et obligaciones predictas, a dictis constituentibus, pro procuratore predicto et syndico suo et omnibus aliis quorum interest et intererit, recepi, et, de et super eis, has presentes litteras seu hoc presens instrumentum publicum inquisivi et recepi, quas seu quod, in hanc formam publicam redigendo, manu mea propria scripsi et signo meo publico dicte cornmunitatis et solito signavi requisitus, in fidem et testimonium omnium et singulorum premissorum.
En deduccion et paiement et pour faire satisfaccion d’autant de lad. somme adjugée par led. arrest, auxd. maire, conseulz et communauté d’icelle ville et cité, mist yceulx heritaiges, rentes, cens, prévosté, court, masures, laides, terres et autres choses dessus declairées à priz, à la somme de neuf mil quatre cenz livres tournois, est assavoir la dessusd. masure, assise dedens lad. ville, tenent à Pierre de La-Rivière, d’une part, et à la maison Pierre Guillou et sa femme, d’autre, et aboutissant, par derrière, à la maison Helie de Marmoys, mise à priz, par led. procureur, à cent livres tournois. Item, la place ou masure, appellée La-Rouffie, où souloit avoir un hoslel, si comme ycelle place se comporte, ensemble la pierre et matière estant en ycelle, avecques quatorze journeulx de beufs de terres arables, appartenens à ycelle place et masure, avecques toutes les appartenences d’ycelle place, mis à priz, par led. procureur, oud. nom et en deduccion, comme dit est, à cinq cenz livres tournoys. Item, le prévosté que ycelui feu conte avoit et possidoit ou son prévost pour lui en ycelle ville de Pierregueux et dedens le povoir d’ycelle, avecques la court dud. prévosté, paages, foires, laides, ventes estaus, tant en la parroisse de Saint-Sillain de Pierregueux, comme en la parroisse de Saint-Martin, Puy-Abric, les Clauzeaux et autres rentes, servitudes, devoirs, émolumenz, droiz et revenues quelxconques appartenant aud. prévosté et court, mis à priz, par led. procureur, aud. nom, et en deduccion, comme dit est, à la somme de deux mil livres tournoys. Item, quatre livres de rente, à la monnoye de Pierregouzins, qui valent à tournoys soixante quatre sols tournoys, avecques les appartenences d’icelle rente que led. feu conte avoit et levoit sur la laide de Jehan et Pierre de Maymin, mises à priz, par led. procureur, aud. nom, à cent livres tournoys. Item quarante livres de rente, de la monnoye desd. Pierregouzins, qui valent à tournoys trente deux livres tournoys de rente, que ycelui feu conte avoit acoustumé à prendre et prenoit, chacun an, sur la communauté d’icelle ville et cité, est assavoir vint livres, de lad. monnoye de Pierregouzins, au terme de Noël, et les autres vint livres au terme de la nativité de saint Jehan-Baptiste, avecques un marboutin d’or deu par led. commun aud. conte en mutation de conte, qui vault ou peut valoir vint solz tournoys ou environ, avecques tous les arrerages d’icelle vente, deuz de six années ou environ, et marboutin dessusd., avecques touz autres droiz et devoirs, à cause d’icelle rente et marboutin appartenens aud. feu conte, mis à priz, par led. procureur, et en deduccion, comme dit est, à la somme de mil livres tournoys. Item le commun que ycelui feu conte levoit et faisoit lever sur aucunes gens de lad. ville avecques tous les autres droiz et devoirs appartenens aud. conte, à cause dud. commun, mis à pris, par led. procureur, en deduccion, comme dit est, à la somme de mil livres tournoys. Item les ventes et chapsolz que ycelui feu conte levoit et prenoit en la parroisse de Saint-Front de Pierregueux, avec autres ventes et devoirs que ycelui feu conte avoit et levoit en lad. ville et en tout le povoir d’icelle, ensemble toutes leurs appartenences, mis à priz, par led. procureur, oud. nom et en deduccion, comme dit est, à la somme de mil livres tournoys. Item la moitié de la court nommée la court du Sellerier avecques la juridiccion, justice, clams, faymidroit et autres devoirs quelconques, à cause d’icelle moitié aud. conte appartenens, misa priz, par led. procureur, oud. nom, et en deduccion, comme dit est, à la somme de deux mil livres tournoys. Item les rentes, bouades, seignouries et droiz quelconques que ycelui feu conte avoit et levoit en la parroisse de Champsavinel, mis à priz, par led. procureur, oud. nom et en deduccion, comme dit est, à la somme de troiz cenz livres tournoys. Item touz les cenz, rentes, bouades, seignouries et autres droiz et devoirs quelconques que led. feu conte avoit et levoit en la parroisse de Treillissac, mis à priz, par ledit procureur, oud. nom et en deduccion, comme dit est, à la somme de quatre cenz livres tournoys. Item et généralment toutes autres justices, juridiccion et devoirs que ycelui feu conte avoit, levoit et possidoit en lad. ville et cité et ou povoir d’icelle, pour quelque crime ou delit qui feust commis ou perpetré, en lad. ville et ou povoir d’icelle, mis à pris, par led. procureur, oud. nom et en deduccion, comme dit est, à la somme de mil livres tournoys. Item et ce fait, ced. jour, esd. lieus, et incontinent, par led. cri et à son de trompe, fis assavoir aud. Archambaut et à touz autres en général que les heritaiges dessus declairés avoieut esté mis à pris, par led. procureur desd. maire, conseulz et communauté, à lad. somme de neuf mil et quatre cenz livres tournoys, par la manière dessusd, et que si il estoit aucun qui yceulx ou aucun d’yceulx voulsist enchérir oultre et par dessuz lesd. sommes et chacune d’icelles, et mettre aucun denier Dieu, qu’il vensist avant, et il y seroit receuz.
Item, et auquel jour de lundi, onziesme jour dud. moys de mars, l’an dessusd., par moy assigné audit Archambaut filz et à touz autres, comme dessus est dit, en continuant mad. execution, me transportay en lad. ville de Pierregueux, où estoit jour de marchié, est assavoir ou lieu dit le Claustre, où estoit le marchié publique d’icelle ville, et aussi es autres lieux dessus déclairez où l’en a acoustumé à faire criz, en ycelle ville, et là, présens et appellez avecques moy lesd. maistre Guillaume Caillou, juge dessusnommé, maistre Geraut Chevreul, procureur du roy nostre seigneur, aud. lieu, maistre Elie Servant, notaire dessusnommé, maistre Guillaume de Merle, bachelier en loys, Jehan le Conte, Pierre Bertran, maistre Guillaume de Langlade, maistre Fortanier Roy, notaires publiques, et plusieurs autres jusques au nombre de deux cenz personnes et plus, en ycelui marchié et es lieux dessusd., par la bouche dudit crieur dessusnommé, à voix, cry et son de trompe, publiquement et à jour de marchié, comme dit est, fis assavoir aud. Archambaut filz et à touz autres en général que, pour faire paiement et satisfaction auxd. maire, conseulz et communauté d’icelle ville et cité, de la somme de trente mil livres tournoys entre les autres choses, comme dessus est dit, je exposoie et metoie en vente, pour seconde criée et seconde subhastacion, les héritaiges, biens, cens, rentes, masures, court, prévosté, terres et autres devoirs dessus déclairez qui jadix furent dud. feu conte, en faisant assavoir à touz en général, par led. cry et son de trompe, et par la bouche dud. crieur, que yceulx héritaiges estoient mis à pris, par led. maistre Guillaume de La-Roche, oud. nom, et en déduccion et paiement, et pour faire satisfaccion auxd. maire, conseulz et communauté du tant de la somme de trente mil livres tournoys, à la somme de neuf mil et quatre cenz livres tournoys, par la manière dessus déclairée, et que, se il estoit aucun qui yceulx voulsist encherir ou sur yceulx et aucun d’eulx voulsist mettre aucun denier Dieu ou qui voulsist dire causes ou raisons valables pour lesquelles lad. criée ne se feist ou parfeist, qu’il venist avant et il seroit receuz. Et, en faisant lequel cry, vint et se apparut, par devant moy, esd. lieux, Jean de Maymin, lequel, pour et ou nom de lui et de Pierre Maymin, son frère, comme il disoit, protesta que, aux criées et subhastacions que je faisoie des quatre livres de rente dessus déclairées, que ycelui feu conte souloit prendre sur la laide desd. frères, il ne consentait point, et ycelle protestacion me bailla en escript, en un rolet de papier, en la manière qui s’ensuit:
Cum bona que quondam fuerunt Archamhaldi de petragoricinio, alias Talairandi, quondam comitis petragoricensis, ad instanciam et requestam prudentum et discretorum virorum dominorum majoris, consulum ac procuratoris unitersitatis ville et civitatis petragoricensium, per discretum virum Guillelmum de Lespina, commissarium, per illustrissimum dominum nostrum, Francie regem, in hac parte specialiter deputatum, voce preconia, scilicet ea que idem dominus quondam comes, in villa Podii-Sancti-Frontonis petragoricensis, tenebat et possidebat, venalia exponantur et, voce preconia, subhastantur, et in eisdem subastacionibus exponatur et declaretur quod ponuntur venalia et subastantur quatuor libre monete currentis renduales, prout asseritur, debite, licet minus vere, cum omni reverencia et honore, et citra injuriam loquendo cujuscumque, super laudam quam Johannes et Petrus Maymini, clerici, fratres, filii quondam Petri Maymini, clerici et burgensis dicte ville, habent, levant et percipiunt seu levare et percipere consueverunt in villa petragoricensi, indictis subhastacionibus declarate, est sciendum quod nos Johannes et Petrus de Maymino, fratres predicti, subhastacionem et proclamacionem predictas audientes, cum omni reverencia et honore dicti domini nostri regis et dicti sui commissarii et benivolencia ac reverencia cujuscumque, quorum interest, loquendo, prout tangit, dictas quatuor libras renduales et prout alias nostra interest, subhastacionibus et proclamacionibus predictis non consentimus, cum, re vera, ipsas quatuor libras renduales non debeamus, sed veraciter eas deberi ignoramus penitus et omnino, maxime quia nunquam fuit facta nobis fides quod debeantur, de aliquali legitimo documento, et eciam quia nos successimus, in locum alterius, et justam ignorancie causant censemur habere, nec tenemur, nec teneremur in aliquo, eciam ad illas quatuor libras solvendas, dato, sine prejudicio, sed non concesso quod, per predecessores nostros, fuerunt persolute, quia, si hoc facium fuerit, hoc fuit factum, cessante quacumque justa causa et cessante quocumque justo titulo, et eciam, si aliqualis possessio intervenit, quod non confitemur, illa habuit ortum, propter seviciam et potenciam dictorum comitum et gencium suarum, cui nullus de nostra condicione resistere poterat nec audebat, ac eciam, propter vim et metum dictis nostris predecessoribus et nobis illatas, que cadere poterant in constantem virum, propter quod et ex pluribus aliis causis et racionibus, loco et tempore proponendis, quas habemus, dicimus eas non deberi nec teneri solvere nec unquam ipsas fuisse debitas, licet parati sumus, juxta juris formam, de stando cuilibet legitimo documento; ceterum cum nos dicti fratres; in bonis predictis, jus, obligaciones et ypothecas habeamus, et exinde quamplures peccuniarum summe bene usque ad extimacionem trecentarum librarum turonencium, salvo jure calculandi et super majori vel minori summa, ex certis et justis causis, nobis debeantur, et, pro eisdem, nobis compelat jus ypothece, hec omnia et singula et alia jura et deveria que nobis competunt, dicto commissario et dictis dominis majori et consulibus ac procuratori predictis et omnibus aliis quorum interest, intimamus et notificamus et fieri volumus publicum et manifestum, pro conservacione juris nostri, eciam ne aliquis in futurum, de ignorancia crassa vel supina vel alias, valeat se tueri, et protestamur de petendo jus nostrum, dam et quando nobis expediens fuerit et neccesse.
Et auquel de Maymin je demanday se, par ycelle protestation, il se opposoit aux criées dessusd., ne estoil son entente de contredire ou empeschier l’adjudicacion du décret desd. criées qui se faisoient desd. hérilaiges, lequel de Maymin me respondi que non, requérant que ycelle protestacion je voulsisse mettre en mad. relacion, pour lui valoir ce que valoir lui pourroit, et auquel je respondi que volentiers ycelle je metroie en mad. relacion. Et led. procureur desd. maire, conseulz et communauté, oud. nom protesta au contraire, en requerant aud. notaire dessusnommé instrument de la response dud. de Maymin, lequel led. notaire lui octroya. Et ce fait, pour ce que aucun ne vint qui yceulx héritaiges et biens voulsist enchérir ne sur yceulx mettre aucun denier Dieu, selon la coustume dud. pays, par led. cry et à son de trompe, par la bouche dud. crieur, fis assavoir aud. Archambaut filz et à touz autres en général que le lundi prouchain ensuivant qui sera le dix-huitiesme jour dud. moys de mars, en ycelle ville, où seroit marchié publique et es lieux dessusd., je feroie et parferoie la tierce criée et tierce subhastacion des héritaiges, biens, droiz et possessions dessus déclairez, et se il estoit aucun qui voulsist dire causes ou raisons valables pour quoy ycelle criée ne deust estre faitte et parfaitte, qu’il venist avant, et il y seroit receuz. Et, ce fait, par led. cry et son de trompe fis commandement, de par le roy nostre seigneur, à touz en général que ces choses et chacune d’icelles feissent savoir aud. Archambaul filz et à touz autres à qui il pourroit touchier, ou cas que véoir les pourroient.
Item et auquel jour de lundi 18e jour dud. moys de mars, l’an dessusd., par moy assigné aud. Archambaut filz et à touz autres, comme dessus est dit, et en continuant ma dessusd. execucion, me transportay en ycelle ville de Pierregueux, ou lieu dit le Claustre, où estoit le marchié publique d’icelle ville, et aussi es lieux dessus déclairez, es quelx on a acoustumé à faire criz en ycelle ville, et là, présens et appeliez avecques moy, ced. jour, lesd. maistre Guillaume Caillou, juge, maistre Geraut Chevreul, procureur du roy, nostre seigneur, en la séneschaucié de Pierregort, maistre Helie Servant, notaire dessusnommé, maistre Guillaume de Merle, bachelier en loys, et plusieurs autres, jusques au nombre de cent personnes et plus, en ycelui marchié et lieux dessusd., par la bouche dud. crieur dessusnommé, a voix, cry et son de trompe, publiquement et à jour de marchié, comme dit est, fis assavoir aud. Archambaut filz et à touz autres en général, que, pour faire execucion, paiement et satisfaccion auxd. maire, conseulz et communauté d’icelle ville et cité, entre les autres choses, (de) la somme de trente mil livres tournoys dessusd., je exposoie et metoie en vente, pour tierce criée et tierce subhastacion, les héritaiges, cens, terres, masure, prévosté, court et autres devoirs dessus déclairez qui jadix furent dud. feu conte, en faisant assavoir à touz en général, par ycelui cry et son de trompe, et par la bouche dud. crieur, que yceulx héritaiges dessus déclairez estoient mis à priz par le dessusd. maistre Guillaume La-Roche, oud. nom, en deduccion et paiement, et pour faire satisfaccion, à yceulx maire, conseulz et communauté, du taut de la dessusd. somme, à la somme de neuf mil quatre cenz livres tournoys, par la manière dessus déclairée, et que, se il estoit aucun qui yceulx ou aucun d’yceulx voulsist enchérir ou sur yceulx voulsist metre aucun denier Dieu, ou qui voulsist dire ou proposer causes ou raisons valables, pour lesquelles lad. criée ou criées ne se deussenl faire et parfaire, qu’il venist avant, et il y seroit receuz. Et en faisant laquelle criée, et narrant les sommes auxquelles les heritaiges et biens dessus déclairez, chacun à part soy, estoient mis, vint et se apparut led. maistre Guillaume La-Roche, procureur dessusnommé, lequel, ou nom desd. maire, conseulz et communauté, sur la dessusd. place et masure nommée La-Rouffie, où souloit avoir un hostel, si comme ycelle place se comporte, ensemble la pierre et matière estant en ycelle, avecques XIV journeulx de beufs de terres arables et les appartenences d’icelle, comme dit est, mist une enchiére de deux cenz livres tournoys, en mettant icelle, qui, de première enchiére, n’avoit esté mise que à cinq cenz livres, la mist a sept cenz livres tournoys; et ce, par led. cry, fis assavoir à tous en général. Et ce fait, en outre, aud. cry, vint et se apparut, par devant moy, messire Pierre Fumat, prestre, procureur des chantre et chapitre de l’église de Saint-Front, dud. lieu de Pierregueux, fondé par une procuration, signée du saing manuel de maislre Elie Lacroix, notaire royal, non séellée, de laquelle il me apparut, lequel, oud. nom, fist, par devant moy), les protestacions déclairées en un rolle de papier, par lui à moy baillée, non signé non tabellioné, en la manière qui s’ensuit:
Vobis prudenti et discreto viro Guillelmo de Spina, hostiario curie parlamenti, Parisius, domini nostri regis Francie commissario, ut asseritis, ad requestam majoris et consulum ville et civitatis petragoricensium, super certis execucionibus vobit, prout dicitis, litteratoire commissis, regia auctoritate deputato, in bonis que quondam fuerunt spectabilis viri Archambaldi, comitis petragoricensis, faciendis, occasione alicujus summe peccunie in qua, in dicta curia parlamenti, extitit prefatus comes, ut dicitur, ad requestam majoris et consulum predictorum, versus eos condempnatus, et cum vos onus hujusmodi execucionis faciende, ut commissarius, assumpseritis, et jam ad aliquas saisinas, imparamenta, proclamaciones atque subhastaciones et ad aliquos altos actus, in et super bonis predictis, processeritis, ac ultra procedere intenditis, sicut fertur, presertim ad lioracionem et tradicionem dictis majori et consulibus faciendas, de ipsis bonis et juribus, in villa predicta et extra et in parrochiis de Campo-Savinelli et de Trelhissaco existentibus, quod facere non debetis, cum dicta bona que subhastatis et venalia exponitis, sint, pro diversis peccuniarum summis, erga capitulum ecclesie collegiate Sancti-Frontonis petragoricensis, obligata et ypothecata, prout idem capitulum, per se vel ejus procuratorem, sit paratus facere promptam fidem, et, ne de premissis ignoranciam pretendere valeatis, ea propter, ego Petrus Fumati, presbiter, procurator dicti capituli, protestando de jure capituli, dico, assero et expono, nomine procuratorio capituli supradicti, quod pridem antequam esset, inter predictum comitem ac majorem et consules ville predicte, aliquod debatum seu litigium exortum seu intimatum, quod omnia bona quecumque dicti quondam comitis, jura et deveria que in dicta villa tunc habebat et alia eciam que in toto petragoricinio habebat et possidebat, de jure vel consuetudine vel alias, fuerunt et adhuc sunt, ad requestam et postulacionem legitimam prefati capituli seu ejusdem procuratoris, virtute et auctoritate cujusdam mandati, ad manum regiam posita pro magnis et certis peccuniarum summis, multiplicesque penas mille marcarum argenti, sepissime, per ipsum comitem, erga eundem capitulum, incursas, et, per predictum comitem, dicto capitulo debitas, necnon et pro offensis et injuriis in dictum capitulum et homines ejusdem, per dictum quondam comitem ac ipsius complices perpetratis, fuitque inhibitum majori et consulibus ville predicte tunc regentibus, ac omni maneriey gencium, et publice, voce preconia, sono tube precedente, in ipsa villa petragoricensi, ut de cetero, de illis, in quibus dicto quondam comiti tenebantur, minime responderent, ut in mandatis predictis et pluribus aliis documentis legitimis liquide videri poterit et apparere cuilibet intuenti; de quibus vobis vel cuilibet, coram quo exhibere opus fuerit, offero me, quo supra nomine, et dictum capitulum, loco et tempore, facere promptam fidem; et, cum res et jura ac deveria, ad dictum comitem spectancia et pertinencia sint prius, dicto capitulo quam majori et consulibus prefate ville obligata, atque, pro premissis et aliis affecta et ypothecata, cum predictum capitulum sit prius tempore in obligacionibus et in saisinis ac imparamentis, et sic debeat pocius esse in jure, ideo ego dictus procurator, et nomine procuratorio capituli memorati, protestor, coram vobis commissario, ut asseritis, predicto, de juribus et obligacionibus ipsius capituli, quod predictas summas et alia premissa possit petere, et se in et super premissis opponere, et sibi sit licitum, dum et quando eidem videbitur faciendum, non obstantibus proclamacionibus, subhastacionibus et execucionibus per vos factis vel faciendis, ad que, propter premissa, procedere non debetis, nec, cum aliis subhastatis, curiam Celerarii, neque jura ipsam curiam concernencia subhastare debetis, cum, extra manum regiam, quoquo modo, ipsa curia poni non debeat, ut patet, per arrestum seu litteras regias; quod alias esset contra jus et prejudicium predicti capituli, si, ad requestam ipsorum majoris et consulum vel cujuslibet alterius seu eorum procuratoris, virtute mandati vobis directi, vel alias quovis modo, procederetur. Et hanc protestacionem, in actis et processu vestris, et proclamacionem hujusmodi exposco poni et inseri, tam per vos quam per notarium infrascriptum, etc.; de qua protestacione requiro, nomine procuratorio quo supra, per vos magistrum Heliam Servientis, notarium publicum, michi fieri publicum instrumentum, unum vel plura, tot quod habere voluero, et erunt michi necessaria de premissis.
Et auquel procureur desd. de chapitre, après ce que je os fait lire la dessusd. protestacion mol-à-mot, je demanday se, par jcelle, ou nom desd. de chapitre, il se opposoit aux dessusd. criées, ne se, par ycelle protestacion, il entendoit point à empeschier l’adjudicacion du decret des dessusd. heritaiges, car, se ce il vouloit faire, je estoie prest de lui recevoir. Lequel Fumat, oud. nom, me respondi que, contre les criées «t subhastacions dessusd., ou nom desd. de chapitre ne d’autre, il ne se opposoit point, ne estoit son entente, quant à présent, de empeschier aucunement l’adjudicacion dud. decret, et que la protestacion qu’il faisoit, il ne la faisoit, sinon pour conserver le droit d’iceulx de chapitre, lequel il declarroit quand bon lui semblerait, et de laquelle protestacion et responces faites, par led. Fumat, oud. nom, fut requiz, par le procureur desd. maire, conseulz et communauté, aud. notaire, publique instrument, en protestant, oud. nom, pour iceulx maire, conseulz et communauté, au contraire. Et ce fait, pour ceque aucun ne vint qui yceulx heritaiges et biens voulsist enchérir ne sur yceulx mettre aucun denier Dieu, oultre et par dessus lad. somme ou sommes, selon la coustume du pays, par led. cry et a son de trompe et par la bouche dud. crieur, fis assavoir aud. Archambaut filz et à touz autres en général que le lundi prochain ensuivant, qui sera 25e jour d’ycelui moys de mars, en ycelle ville, où sera jour de marchié et marchié publique, et es lieux dessusd., je feroie et parferoie, de superhabondant, la quarte et derreniére criée, quarte et derreniére subhastacion des heritaiges, biens, droiz et possessions dessus déclairées, et que là, s’il estoit aucun qui voulsist venir dire causes ou raisons valables pour quoy ycelle criée ou criées ne deussent estre faittes ou parfaittes, qu’il venist avant, et il y seroit receuz, en faisant commandement, par led. cry, à touz en général, à son de trompe et par la bouche dud. crieur, que ces choses et chacune d’icelles feissent savoir aud. Archambaut, filz d’icelui feu conte, et à touz autres à qui il pourroit touchier, ou cas que véoir les pourroient.
Item, et auquel jour de lundi qui fut vint et cinquiesme jour dud. moys de mars, l’an dessusd., par moy assigné aud. Archambaut, filz dud. feu conte, et à touz autres, comme dessus est dit, et en continuant la dessusd. execution, par moy encommencée, comme dit est, ced. jour, me transportay en lad. ville de Pierregueux, ou dessusd. lieu dit le Claustre, où estoit marchié public en ycelle, et aussi es lieux du carrefour de Salinaries et en la place ditte des Gras, dessus déclairez, et esquelx lieux on a acoustumé a faire criz et vendicion de héritaiges en ycelle ville, et là, présens et appellez avecques moy lesd. maistre Guillaume Caillou, juge, maistre Geraut Chevreul, procureur du roy, nostre seigneur, en lad. senechaucié, maistre Helio Servant, notaire dessus nommé, maistre Guillaume de Merle, bachelier en loys, et plusieurs autres, jusques au nombre de cent personnes et plus, en ycelui marchié et es lieux dessusd. qui sont les lieux les plus prouchains où je eusse peu seurement aler senz péril de ma personne, pour les causes dessusd., par la bouche dud. crieur dessusnommé, a voix, cry et son de trompe, publiquement et à jour de marchié, comme dit est, fis assavoir aud. Archambaut filz et à touz autres en général que, pour faire execucion, paiement et satisfaccion auxd. maire, conseulz et communauté d’icelle ville, entre les autres choses, de la somme de trente mil livres tournoys dessusd., pour quarte et derrenière criée, quarte et derrenière subhastacion, de superhabondant, je metoie en vente les héritaiges, cens, biens, rentes, masure, prévosté, court, justice et autres devoirs dessus déclairiez qui jadix furent dud. feu conte, en faisant assavoir à touz en général, par ycelui cry et son de trompe, et par la bouche dud. crieur, que yceulx héritaiges estoient mis à priz par le dessusnommé, procureur d’yceulx maire, conseulz et communauté, en deduccion et paiement et pour leur faire satisfaccion du tant d’icelle somme de trente mil livres, à la somme de neuf mil six cenz livres tournoys, par la manière dessus déclarée, et que s’il estoit aucun qui yceulx ou aucun d’iceulx voulsist enchérir ou sur yceulx ou aucun d’iceulx voulsist mettre aucun denier Dieu, ou qui voulsist dire ou proposer causes ou raisons valables par lesquelles lad. criée ou criées ne deussent estre faittes et parfaittes, qu’il venist avant et il y seroit receuz. Et en faisant laquelle criée et narrant les sommes auxquelles les héritaiges et biens dessus déclarez, chacun appar soy, estoient mis, vint et se apparut, par devant moy, led. maistre Guillaume La-Roche, procureur dessusnommé, lequel, oud. nom, sur les quarante livres de rente de la monnoye desd. Pierregouzins, qui vallent à tournoys vingt-deux livres tournoys, lesquelles ycelui feu conte souloit prendre et avoir et aussi (avoit) acoustumé de lever sur lesd. maire, conseulz et communauté de lad. ville et cité, chascun an, à deux termes, est assavoir moitié au terme de Noël, et l’autre moitié au terme de la feste Saint-Jehan-Baptiste, comme dessus est dit et déclaré, mist une enchiére de deux cenz livres tournoys, en mettant ycelles quarante livres, qui, de première enchière, n’avoient esté mises que à mil livres, les mist à douze cenz livres tournoys; et ce, par led. cry, fiz assavoir à touz en général. Et ce fait, en oultre, aud. cry, vindrent et se apparurent par devant moy led. messire Pierre Fumat, prestre, lequel ou nom et comme procureur de Arnaut de Roussel, bourgoys dud. lieu de Pierregueux, fondé par une procuracion signée du saing manuel de maistre Helie Servant, notaire royal, non séellée, de laquelle il me apparut, Bernart de Chaumont, merchant et bourgoys dud. lieu de Pierregueux, en sa personne, Elie Jaubert, clerc, en sa personne, et Guillaume de Botes, bourgoys aussi d’icelle ville, en sa personne, lesquelx, est assavoir led. Fumat ou nom et comme procureur dud. Arnaut de Roussel, lesd. Bernart de Chaumont, Elie Jaubert et Guillaume de Botes, en leurs personnes, firent plusieurs protestations et ycelles me baillèrent par escript, en la manière qui s’ensuit; et premièrement s’ensuit celle dud. Arnaut Rossel :
Vobis honorabili viro Guillelmo de la Spina, bucherio domini nostri regis Francie, commissario in hac parte, per ipsum dominum nostrum regem, ad fieri faciendum cridas, proclamaciones et subhastaciones de bonis que quondam fuerunt defuncti Archambaldi, comitis petragoricensis, dico et propono et pro vero assero, ego Arnaldus de Rossello, burgensis ville petragoricencis, quod olim quondam dominus Rogerius Bernardi, comes petragoricensis, pater dicti quondam Archambaldi, recognovit se debere legitime quondam discreto viro domino Iterio Rosselli, canonico ecclesie Sancti-Frontonis petragoricensis, et Arnaldo Rosseli, burgensi ville petragoricensis, fratri dicti domini Iterii Rosselli, tam dicto domino Iterio, tanquam private personne, et fratri suo, ut heredibus quondam magistri Iterii Rosselli, quingentas et quinquaginta notem libras et quatuor solidos Turonensium parvorum, ex causa contenta in litteris, de quibus fidem promptam vobis hic facio, et quod, pro dicta summa, bona predicta, per vos jam declamata, et venalia, ad requestam dominorum majoris et consulum dicte ville, exposita, que quondam fuerunt dicti comitis, michi, ut heredi dictorum domini Iterii et Arnaldi Rosselli, sunt ypothecata et obligata, pro summa predicta, et quod, pro ipsa summa michi solvenda, dictum quondam Archambaldum, dum vivebat, insecutus fui et ipsum executari feci, et, ne cride, proclamaciones et subhastaciones predicte michi et juri meo in aliquo prejudicari possint. vobis, de debito meo predicto, per dictas litteras, fidem facio, et protestor de jure meo, et quod ipsum debitum, super bonis predictis, que fuerunt dicti comitis, petere possim et michi sit licitum, dum et quando michi et meis placuerit et videbitur faciendum, non obstantibus proclamacionibus et subhastacionibus predictis, et super et de hiis peto, per vos notarium publicum, michi fieri publicum instrumentum, anum vel plura, etc.
Item, vobis honorabili viro Guillelmo de la Espina, hucherio domini nostri Francie regis, commissario in hac parte, per ipsum dominum regem, ad fieri faciendum cridas, proclamaciones et subhastaciones de bonis que quondam fuerunt defuncti Archambaldi, comitis petragoricensis, dico et pro vero assero, ego Bernardus de Cavo-Monte, burgensis ville petragoricensis quoi olim quondam dominus Rogerius-Bernardi, comes petragoricensis, pater quondam dicti Archambaldi, recognovit se legitime debere quondam Bernardo de Cavo-Monte, burgensi dicte ville, patri meo, quingentas sexagenta duas libras et sexdecim solidos bonorum et fortium Turonensium parvorum nigrorum, de incude turonensi, in robore et valore in quo erant Turones parvi nigri, tempore quo marcha argenti valebat sexaginta solidos turonenses et non ultra, ex causa contenta in litteris de quibus fidem promptam vobis hic fado, et quod, pro dicta summa, bona predicta, per vos jam declarata et venalia, ad requestam dominorum majoris et consulum dicte ville, exposita, que quondam fuerunt dicti comitis, michi, ut heredi dicti quondam patris mei, sunt ypothecata et obligata. pro summa predicta et, pro ipsa summa michi solvenda, dictum quondam Archambaldum, dum vivebat, insecutus fui et ipsum executari feci, bonaque predicta, pro ipsa summa, ad manum regiam poni feci, et ne cride, proclamaciones et subhastaciones predicte michi et juri meo in aliquo prejudicare possint, vobis, de debito meo predicto, per dictas litteras, fidem facto, et protestor de jure meo, et quod ipsum debitum, super bonis predictis, que fuerunt dicti comitis, petere possim et michi licitum sit, dum et quando michi et meis placuerit et videbitur faciendum; et super et de hiis peto, per vos, notarium publicum, michi fieri publicum instrumentum, unum vel plura.
Item, auditis, per Heliam Jauberti, clericum, subhastacionibus que fiunt de bonis venalibus expositis que quondam fuerunt nobilis Archambaldi, comitis petragoricensis, per venerabilem et discretum virum Guillelmum de L’Espina, commissarium, auctoritate regia, super hoc, deputatum, ad instanciam et requestam honorabilium et prudentum virorum dominorum majoris et consulum communitatis ville et civitatis petragoricensium, idem Helias, pro conservacione juris sut, cum reverencia et honore et benivolencia quibus decet eisdem dominis commissario ac majori et consulibus antedictis et omnibus aliis quorum interest, intimat et notificat, quantum potest et debet, quod ipse clericus, in dictis bonis que subhastantur, habet jus, ypothecas et obligaciones, pro centum libris monete currentis rendualibus et nonnullis arreragiis, debitis exinde, ex certis et justis causis quas paratus est declarare, dum sibi fuerit neccesse, et protestat de omni jure suo et quod totum jus sibi compelens in premissis, petere, prosequi et recuperare valeat atque possit, dum sibi videbitur faciendum, et, pro conservacione juris sui, de premissis, idem clericus petit sibi fieri publicum instrumentum.
Item, à vous honorable personne Guillaume de Lespine, huissier de parlement et commissaire du roy, nostre seigneur, à faire paier aux maire, conseulz et communauté de la ville de Pierregueux certaine somme contenue en un arrest, donné par lad. court de parlement encontre le conte de Pierregort, signifie Guillaume de Botes, bourgoys de lad. ville, que led. bourgoys a certaines obligacions et condempnacions sur les biens, droiz et devoirs que led. conte a en lad. ville et ou pays d’environ, si comme il appert clèrement, par certain arrest donné, par lad. court de parlement, à l’encontre dud. conte et pour led. bourgoys, pourquoy led., bourgoys proteste de son droit à demander et obtenir, par toutes les meilleures manières et voyes que faire se pourra, à son prouffit et toutes heures que bon lui semblera, encontre led. conte, ses biens, en quelque part que ilz soient ou par quelconques personnes lui soient deues, et vous requiert que à ceste protestacion vous le veuilliez recevoir en quanques que vous pourrez et vous loit de droit, et la lui veuilliez mettre en vostre procez de la execucion de vostred. commission, et en requiert publique instrument.
Et auxquels, est assavoir aud. Arnault de Rossel, à la personne de sond. procureur, et aux autres dessusnommez, à leurs personnes, après ceque je os fait lire leursd. protestacions mot-à-mot, je respondi que à ycelles faire je ne les recevoie point, en eulx demandant se, par ycelles protestacions, leur entente estoit de eulx opposer aux criées et subhastacions dessusd., ne se leur entente estoit, par ycelles protestacions, de empeschier aucunement l’adjudicacion du decret desd. héritaiges, lesquelx me respondirent, est assavoir led. Fumat, ou nom de sond. maistre, et lesd. de Chaumont, Elie Jaubert et Guillaume de Botes, par leurs bouches, que non; disant que les protestacions que ilz faisoient, ilz ne les faisoient sinon à la conservacion de leur droit, tant seulement, et lequel ilz entendoient à declarer, quand bon leur semblerait, et desquelles protestacions et responses faittes, par lesd. messire Pierre Fumat, oud. nom, et les autres dessusnommez en leurs personnes, fut requiz, par le procureur desd. maire, conseulz et communauté, aud. maistre Elie Servant, publique instrument, en protestant, pour yceulx maire, conseulz et communauté, au contraire.
Item, et ce fait, d’abondant, aud. cry, vint et se apparut, par devant moy, oud. lieu dit le Claustre, led. messire Pierre Fumat, lequel ou nom et comme procureur desd. de chapitre, fondé par une procuracion, comme dessus est dit, rafreschi la protestacion, par lui faitte dessus, pour lesd. de chapitre, en protestant comme dessus, et auquel je demanday comme dessus. Et ce fait, pour ceque aucun ne vint qui yceulx héritaiges, biens, rentes, prévosté, court, terres et autres devoirs dessus déclairez, voulsist rencherir ne sur yceulx mettre aucun denier Dieu, oultre et pardessus lad. somme ou sommes, selon la coustume dudit pays, par led. cry et à son de trompe et par la bouche dud. crieur, fis assavoir aud. Archambaut, filz dud. feu conte, et à tous autres en général, que le vendredi prouchain ensuivant, qui sera 29e jour dud. moys de mars l’an dessusd. et marchié publique en lad. ville de Pierregueux, ou dessusd. lieu dit le Claustre, les héritaiges, biens, terres, prévosté, court et autres devoirs dessus déclarez, par moy criez et subhastez, comme dit est, seront, par moy, livrés ced. jour, verbaument selon lad. coustume, au plus offrant et derrenier enchérisseur, et que, se led. Archambaut ou aucun autre vouloit dire cause ou raison pourqnoy lad. livrance ne se deust faire, qu’il venist avant, à y celui jour, oud. lieu dit le Claustre, et il y seroit receuz, ou sinon, de la en avant, senz licence de vous mesd. seigneurs, je ne l’y recevray point, maiz donray et assigneray jour certain et competent, y celui jour de vendredi, aud. Archambaut, et à touz autres, oud. parlement, pour là véoir adjugier et interpreter l’adjudicacion du decret des héritaiges et possessions dessuz, par moy, criez et subhastez, selon la forme et teneur des lettres royaulx exécutoires dessus déclarées.
Item, et ce fait, led. jour de lundi, de rechief en faisant lad. criée, vint et se apparut, par devant moy, led. procureur desd. maire, conseulz et communauté d’icelle ville et cité, lequel, oud. nom, me requist que, comme aucun ne feust venuz qui yceulx héritaiges dessus déclarez ou aucun d’yceulx oultre et par dessuz les sommes ou somme, à quoy il avoit mis yceulx, eust voulu mettre aucune enchiére, ne aus i dire aucune raison valable pour quoy lad. livrance ne se feist, à lui, oud. nom, et comme plus offrant, je lui voulsisse delivrer à plain lesd. heritaiges, selon lad. coustume, et auquel je respondi que ce je ne lui feroie pas, mais que le vendredi dessuzd. ensuivant, il fust aud. Claustre, par devant moy, et que, se là aucun ne venoit qui yceulx heritaiges et possessions dessus déclarez voulsist renchérir, à lui, comme plus offrant, je feroie lad. livrance, selon lad. coustume, en réservant ycelle à lui estre faitte plus à plain, par vous mesd. seigneurs.
Item, et ce fait, ced. jour de lundi 25e dud. mois, l’an dessuzd., en ce mesme momant me requist led. procureur d’yceulx maire, conseulz et communauté que, pendent led. jour de vendredi dessuzdit, je me informasse de superhabundant, combien yceulx héritaiges, biens, masures, court, prévosté, rentes, terres et autres devoirs dessus déclarez, valoient, et se yceulx estoient mis par lui, oud. nom, à bon et juste priz, offrant à moy, se estoit besoing, de admenistrer tesmoings, et offrant de y plus mettre, ou cas que, par lui, oud. nom, au priz dessuzd. ne seroient mis à bon et juste priz; et auquel je respondi que yceulx tesmoings il me admenistrat, et volentiers je les interrogueroie sur ce.
Item, et auquel jour de vendredi qui fu vint-neufviesme jour dud. moys, l’an dessusd., par moy assigné aud. Archambaut filz et à touz autres, comme dit est, après ceque je me fus souffisamment informez de la valeur et combien les héritages et bien dessus déclarez, par moy exposez en vente, povoient valoir, chacun an, de rente, et aussi si yceulx estoient mis à juste prix, par led. procureur d’iceulx maire, conseulz et communauté, et que je os trouvé que yceulx heritaiges avoient esté mis à juste priz par y celui procureur, comme, par certaine informacion, par moy sur ce faitte, vous apperra plus à plain, se mestier est, me transportay en lad. ville de Pierregueux, où estoit jour de marché publique, est assavoir esd. lieux du carrefour des Salinaries, en la place ditte des Gras et aussi au dessusd. lieu dit le Claustre, où estoit le marchié publique d’icelle ville, esquels lieux, à voix, cry et son de trompe et par la bouche dudit crieur, je narray la cause pour laquelle la dessuzd. execucion avoit esté par moy encommencée sur les biens dud. feu conte, et aussi les criées et subhastacions par moy faittes des héritaiges et biens dessus déclarez, comme dessuz est dit, et aussi tout le démené d’icelle execucion, et fis assavoir, par la bouche dud. crieur, se là avoit aucun qui, de par led. Archambaud fils ou aucun autre, estoit qui voulsist dire cause ou raison pourquoy la livrance des dessuzd. héritaiges, comme dessuz est dit, ne deust estre faitte et parfaitte ou qui sur yceulx ou aucun d’yceulx voulsist mettre aucune anchière, oultre et pardessuz lad. somme de neuf mil et huit cenz livres tournoys, à quoy les avoit mis led. procureur d’yceulx maire, conseulz et communauté d’icelle ville, en deduccion du tant de la dessuzd. somme de trente mil livres tournoys, comme dit est, qu’il venist avant, et il y seroit receuz, ou sinon incontinent je procederoie à faire et parfaire lad. livrance aud. procureur desd. maire, conseulz et communauté, selon l’uz et coustume du pays, comme plus offrant et derrenier enchérisseur; et ce fait, en ycelle place ditte le Claustre, ou fu fait led. derrenier cry, après ce que je os, en ycelle place, attendu moult longuement, et que là ni ailleurs, de par led. Archambaut filz ne de par autre, aucun ne se apparut qui voulsist dire ou proposer cause ou raison pourquoy ycelle livrance ne se deust faire, ne aussi aucun qui lesd. héritaiges voulsist renchérir oultre et par dessuz led. prix de neuf mil et huit cenz livres tournoys, à quoy les avoit mis le dessuznommé procureur d’iceulx maire, conseulz et communauté, par la manière et pour les causes dessuzd., vint par devers moy led. procureur, lequel, oud. nom, me requist, que comme aux héritaiges et biens déclarez, par lui mis à priz, comme dit est, aucun ne feust venuz qui sur yceulx eust voulu mettre aucune enchiére ne proposer cause pour quoy lad. livrance ne lui deust estre faitte, à lui, pour led. priz de neuf mil huit cenz livres tournoys, comme plus offrant et derrenier enchérisseur, et en deduccion, comme dit est, je voulsisse faire lad. livrance; et auquel procureur, pour lesd. maire, conseulz et communauté, je fis lad. livrance desd. heritaiges dessus déclarez, pour led. prix de neuf mil huit cenz livres tournoys, en tant que faire le povoie et devoie, selon l’usaige dud. pays, en paie et satisfaccion du tant de la somme dessuzd., comme plus offrant et derrenier encherisseur; et ce fait ced. jour, led. procureur, oud. nom, protesta expressement que, ou cas que, ou temps advenir, se apparistroit aucun qui, sur lesd. héritaiges et biens dessuz criez, eust meilleur droit que lesd. maire, conseulz et communauté, par quoy yceulx heritaiges ou biens ou aucuns d’eulx leur fussent touluz ou evincez, et de fait et de droit, que ilz aient et puissent avoir leur recours sur les autres biens et heritaiges dud. feu conte, et pour la somme dessus déclarée.
Item, et ce fait, ced. jour de vendredi, en ycelui lieu nommé le Claustre, où esloit marchié publique » en ycelle ville, pour ce que tant pour les doubtes dessus déclarez, comme pour ce que le jeudi septiesme jour dud. moys de mars, l’an dessuzd., les genz dud. Archambaut filz, de la garnison à’Auberoche, qui est l’un des lieux d’y celui Archambaut, estoient venus comme à un trait d’aurbalesle de lad. ville, et bien soixante chevaulx et plus, et avoient murdri, et estaint de feu de souffre, en un cluzel, qui est dessoubz terre, vint neuf laboureurs qui près dud. cluzel tailloient les vignes, et ouquel, quant les avoient veuz, venir se estoient mutiez, pour sauver leurs vies, et un tué et murdri de cop de glaive moult énormément, sur la place, et en avoient aprisonné plusieurs autres et jusqu’au nombre de vint, et aussi que de jour en jour ilz venoient courre devant lad* ville, tant que nulz ne ausoit esloigner la douve des foussez d’icelle ville, je ne eusse ausè, senz péril de ma personne, aller en nulz des lieux dud. Archambaut, pour lui faire aucuns adjournemens, aud. lieu du Claustre, et aussi à la derrenière barrière qui est dehors lad. ville, du cousté devers le pont qui va droit à Montignac, où ycelui Archambaut fait son domicile, ced. jour, à voix, cry et son de trompe, par la bouche dud. crieur, en yceulx lieux, adjournay led. Archambaut filz à estre et comparoir, pardevant vous mesd. seigneurs, oud. parlement, au vint neufviesme jour du moys d’avril prouchain ensuivant que l’en dira quatre vins et dix huit (1398), pour là véoir, par vous mesd. seigneurs, interposer et faire l’adjudication du décret des héritaiges dessus déclarez, par moy criez, comme dit est, et procéder en oultre, selon raison, en faisant commandement, de par le roy, nostre seigneur, à touz en général, que ces choses feissent savoir aud. Archambaut et à touz autres à qui il pourroit touchier; et en oultre, afin que nulz ne peust ignorer la journée, laquelle je avoie assigné aud. Archambaut oud. parlement, pour véoir faire l’adjudication et interposicion dudit décret, comme dessus est dit, en ycelle place ditte le Claustre, ced. jour de vendredi, fis assavoir en espécial aud. messire Pierre Fumat, procureur dessud. pour lesd. chantre et chapitre dud. Saint-Front, aud. Jehan de Maymin, à sa personne, pour lui et pour sond. frère, aud. Bernart de Chaumont, à sa personne, oud. lieu presens, et à touz autres en général, par la bouche dud. crieur, que led. 29e jour dud. moys d’avril, l’an dessuzd., par moy assigné oud. parlement aud. Archambaul filz, l’adjudication et interposicion dud. décret des dessuzd. héritaiges, par moi criez et subhastez, comme dit est, se feroit par vous mesd. seigneurs, ycelui jour, et que se là ilz ou aucuns d’eux ou autres vouloient dire ou proposer raisons valables pour quoy ycelle adjudicacion et interposicion ne se deust faire et parfaire, que ilz fussent à ycelui jour; en les y adjournant, se mestier estoit, ou sinon, non obstans leursd. protestacions, par eux baillées, comme dessuz est dit, vous mesd. seigneurs procéderez et irez avant en lad. adjudicacion et interposicion du décret dessuzd., et en oultre, comme vous verrez qu’il sera à faire, par raison; et en oultre ced. jour, afin que led. Archambaut ne peust ignorer le dessuzd. adjournement, à la dessuzd. barrière mis et atachay, à deux cloz, en un rollet de parchemin, la forme dud. adjournement, avecques lad. journée dessus déclarée, désignée en ycelui rolle, soubz mon séel. Et à tout ce que dessus est recité faire, ay je commissaire dessusnommé, procédé, selon la forme et teneur dud. arrest et des exécutoires d’y celui dessus insérées, mes très chiers et très redoubtez seigneurs, vous certiffie je avoir fait, par ce mien présent procez, en la manière et par les journées dessus déclarées, et lequel, en tesmoing de ce, je ay séellé de mon séel, l’an et jour dessusdiz.
(Arch. du roy., sect. Jud. accords.)
ÉCRITE AUX MAIRE ET CONSULS DE PÉRIGUEUX,
PAR LEURS DÉPUTÉS À PARIS.
Très chars, vos plaza saber que …. avem trobal e vezem, a chasqun jorn, Archambaut e lo conte d’Armanhac, qui lo porta tant coma poiria portar sou propre proffiech, et avem saubut que Archambaut a obtengut sa gracia del rey; laqual alcun de nos avem legida, mas ela fora estada sagelada si no fos nostra venguda, attendut la grant part et favor que el a presque de totz los senhors plus grants; tota velz sa terra no li estava ponh reduda ni la aura ja, si coma tenen alcus que son per deça, e pot esser que (so que) nos y fazem li noza pro; et a nostras supplications … souven es presen Archambaut, e vezem tot jorn plusors de sos amis e servidors, et entre los autres, es y tot jorn lo conte d’Armanhac, qui es molt grevats en la granda perse .... e nos o dits que volia que parlessem am se, et li avem di que, si li plazia nos entendre, li diriam los griefs que aviam contra Archambaut. A respondut que non .... avem vis lo chancelier que nos a dit que avia be dels affars, per l’affar dels cardenals, per l’union de la gleisa .... e moyennen (mejansant) l’aida de Dieu, esperem que lo decret s’entrepausara.... Mr lo mareschalc s’en vay en Hongria am mil homes d’armas que li bayla lo rey, e vay s’en am los Venessian, am los Florentins, am los fraires de sanct Johan. Am tota la diligensa e pregueiras que avem fach, nos (no) avem tant pogut far que hom nos fassa justicia de Migassa, de Gironnet, de Gandilh ni d’autres complices d’Archambaut que van et venen per Paris, coma nos, dont nos sem be trist et corrossat; mas no s’i pot al res far, car defendut es estat al prevost de Paris que, attendut que Archambaut et sos complices son aischi vengut a segur, els no sian pres, arrestat ni empachat.
Alcus grans senhors nos an dit, en secret, que de certa Archambaut non cobrara res que fus seus, d’aqui que el aya satisfach e contentat totz aquelz que se complaignon de lui; et aysso es estat ditz per far riposta al conte d’Armanhac que li a dilz: Cozi, cozi queque vos digatz, avant que vos cobretz res, covendra que vos contentatz totz aquels que se complaignon de vos, o autrement no faretz res que ayatz a far, dont el es ben esbahit ....
Del fach de la gleisa, li cardinal et li prelat an fach riposta que, a persegre lo fach de l’union, els an autreyat la decima, qui, si com hom di, monta be 40,000 l., et di hom que chascun dels tres cardinals s’en deu anar am un duc, l’us en Anglaterra, l’autres en Espanha, l’autres en Lombardia ....
Los vostres Arnald de Barnabé, Bernard Favier, Johan de Comte, Arnald del Chastanet, Guillem Feydit.
Escriut à Paris, lo 22 mars (l’année manque).
Au dos est écrit : A monsegnor lo mayor et li cossols de la vila et ciutat de Periguers.
(Tiré des arch. de la M. de ville de Périgueux. Bibl. du roi. Papiers Lépine, cart. des comtes de Périgord.)
POUR LES MAIRE ET CONSULS, DE TOUS LES DOMAINES QU’ARCHAMBAUD V
POSSÉDAIT A PÉRIGUEUX, MOINS LA MOITIÉ DE LA COUR DU CELÉRIER.
Cum, per arrestum, in nostra parlamenti curia, die tercia mensis februarii, anno Domini millesimo CCC° nonagesimo sexto, ad utilitatem nostram vel procuratoris nostri generalis, pro nobis, necnon dilectorum nostrorum majoris, consulum et communitatis ville et civitatis petragoricensium ac Guillermi de Botis, ejusdem ville burgensis, contra defunctum Archambaudum, quondam comitem petragoricensem, magistrum Petrum Coges, magistrum Petrum de Gracia, et alios complices et malefactores, in hac parte, prolatum, iidem complices et eorum quilibet insolidum fuerunt, erga dictos majorem, consules et comniunitatem, in summa triginta mille librarum turonensium, inter cetera, condempnati, ipsiusque arresti et litterarum cxecutoriarum ejusdem virtute, Guillelmus de Spina, dicti parlamenti nostri hostiarius, ad requestam dictorum majoris, consulum et communitatis, et pro solucione sibi facienda de dicta triginta mille librarum turonensium summa, in defectu bonorum mobilium, hereditagia, census, redditus, justicia, dominia, domus et hospicia ac ceteras possessiones quascumque quo quondam fuerunt dicti defuncti comitis, in villa et civitate petragoricensi predicta, ac infra potestatem ipsius et circa situata, cepisset, saisisset, arrestasset et ad manum nostram posuisset, eaque, in villa petragoricensi predicta et in locis publicis et solitis, vendicioni exposuisset, ac, per competencia intervalla, proclamari et subhastari fecisset, adhibitis solemnitatibus assuetis, et hoc Archambaldo, dicti defuncti comitis filio, in loco vocato La-Rouffie, in quo dictus defunctus comes oriendus extiterat ac domicilium suum faciebat, necnon in locis de Maso-Sancti-Georgii et de Petragoris, propinquioribus loci et castri de Montignaco, in quo idem Archambaldus filius, tunc degebat, ac moram suam facere atque conversari dicebatur, et, voce preconia, cum sono tube, eo quod ad ipsurn non erat tutus accessus, propter rebelliones et inobediencias, guerras et hostiles incursus, quas et quos Archambaldus filius, contra nos et nostros ac ville et patrie nostre petragoricensis offîciarios, habitatores, subditos et benivolos, facere, committere et perpetrare non verebatur, significari et publicari fecisset; que quidem hereditagia, redditus et revenute ac cetere res predicte singulariter, per magistrum Guillermum La-Roche, pro ac nomine majoris, consulum et communitatis, ad plures et diversas ac singulares summas et precia, ad novem mille octingintas libras, in summa totali, ascendentes, posite et incariate fuissent; contra vero dictas proclamaciones et subhastaciones dilecti nostri cantor et capitulum eeclesie Sancti-Frontonis petragoricensis et nonnulli alii se opposuissent, et, ob hoc, fuissent Archambaldus filius, et opponentes predicti, ad certam diem lapsam, in dicta nostra parlamenti curia, adjornati, dictus videlicet Archambaldus decretum hereditagiorum et rerum predictarum proclamatorum adjudicari visurus, opponentes autem suarum opposicionum causas dicturi, ac ulterius processuri et facturi quod jus esset, prout hec et alia, ex tenore arresti et litterarum executoriarum predictarum, ac ex relacione dicti hostiarii, predictas proclamaciones et subhastaciones continente, in qua eciam dicte littere executorie sunt inserte, hereditagiaque, census et redditus ac alie supradicte sigillatim declarate et specificate poterant apparere; cujus arresti et relacionis tenores subsequuntur: Karolus, etc. (1): Item: A mes tres chiers, etc. (2); constitutis igitur, in dicta curia nostra supradictis consulibus, ex una parte, ac predictorum capituli petragoricensis procuratore necnon procuratore nostro generali, pro nobis, opponentibus, in quantum quemlibet eorum tangere poterat, ex altera, predicti consules decretum predictarum rerum proclamatarum et subhastatarum ultimo incariatori plus offerenti, adjudicari, tradique et deliberari, dictosque opponentes a suis opposicionibus repelli et excludi, ac in eorumdem expensis dictos de capitulo condempnari petebant; dictis de capilulo suas opposicionis causas in contrarium proponentibus atque dicentibus quod defunctus Archambaldus, comes petragoricensis, pater Archambaldi, comitem petragoricensem se novissime pretendentis, plura gravamina, extorciones et dampna, eisdem de capitulo et eorum subditis, intulerat, raultasque interprisias contra nonnullas composiciones, inter comites petragoricenses cum dictis consulibus factas et initas, et quas, sub penis centum mille marcarum argenti, promiserant observare, fecerat et attemptaverat, propter que jam dudum, contra ipsum, litem ei processum moverant et ipsum adjornari, atque ad manum nostram terram suam poni fecerant, priusquam dicti consules, contra eum, experiri nitterentur, et defectum contra ipsum obtinuerant, et, licet ipsius defectus ulilitatem sibi adjudicari (lisez adjudicati, contra) dictum Archambaldum, fecissent evocari, ad requestam tamen dictorum consulum qui pariter cum, propter quamplurima dampna et gravamina sibi illata, prosequi volebant, eisdem consulibus, defectum et processum suum tradiderant, ut et ipsi, cum dicto capitulo et versa vice dicti de capitulo cum ipsis, suam facerent adversus dictum comitem prosecucionem, quodque dicti consules, retentis, penes se, dictorum de capitulo deffectibus ac processu, contra dictum Archambaldum processerant, non obstante dictorum de capitulo processu, quem idcirco prosequi non poterant, quia dicti consules ipsum processum, ut prefertur, retinuerant et retinebant. Ulterius prenominati de capilulo dicebant quod ad ipsos olim tota juridicio, in terra et parrochia Sancti-Frontonis, pertinuerat et pertinebat; in qua quidera juridicione, sperantes melius et tucius conservari nos sibi, per pariagium, in dicta juridicione, super hoc, factum, associaverant, et, cum ipsis, per predecessorem nostrum tunc viventem, eo pacto, facta fuerat associacio quod dictam juridicionem seu dicte juridicionis associacionem que, ex tunc, inter nos et dictos de capitulo, communis fuerat effecta, nullathenus extra manum nostram poneremus, et tamen postea dictus Archambaldus, dudum comes, eam, de facto, sibi occupaverat et detinuerat, in quo dicti de capitulo duplex habebant interesse, unum videlicet quia, si dictis consulibus adjudicacio porcionis quam dictus comes occupabat fieret, jam ipsi consules et habitantes ville, qui dicte juridicioni suberant et sub sunt, socii dictorum de capitulo efficerentur et devenirent; aliud eciam erat eorum interesse quia honorabilius, melius et tucius nobis erant associati et melius, per nos, eorum jura conservarentur, nobis existentibus cum ipsis, quam si dicti consules associarentur eisdem, ex quibus adjudicacionem decreti dictis consulibus minime fieri debere, et quod ad bonam et legitimam causam se opposuerant, et erant ipsorum de capitulo opposicionis cause racionabiles et bone, et, si fieret adjudicacio, quod saltem jus ipsorum reservaretur eisdem et quod ad eas et premissa proponenda erant admittendi, dici et pronunciari petebant, dictosque consules in ipsorum expensis condempnari;
Procuratore nostro generali, pro nobis, eciam proponente quod juridicio predicta ad dictos consules et habitantes nunquam pertinuerat, quinymo, per pariagium et associacionem inter dictos de capilulo et predecessores nostros ab olim factam et imitam, dicta juridicio, inter nos et ipsos, fuerat et erat communis, quod quidem pariagium seu associacianem tenere et observare nostri predecessores promiserant, adeo quod, ipsius pariagii tenore inspecta, nichil ex eo, a nobis vel nostris predecessoribus, poterat vel debebat alienari, quodque, si defunctus Rogerius-Bernardi, olim petragoricensis comes, hujusmodi juridicione usus fuerat aut gavisus, id solum factum fuerat ex eo quod ipse, nos eidem teneri in summa decem mille florenorum et amplius, ob custodiam castrorum patrie, pretendebat, in cujus summe recompensacione, emolumenta et revenute dicte juridicionis sibi dumtaxat fuerant assignate; nam non erat verissimile nos, contra predictas promissiones, juridicionem predictam, jam domanio nostro incorporatam, alienare voluisse, quod nec de jure et racione, in dictorum de capitulo prejudicium, interesse quale, ut premittitur, pretendencium, facere debebamus, sicque, per modum domanii, dictus comes hujusmodi juridicionem nunquam habuerat vel tenuerat, sed solum per modum assignacionis, ut est dictum; preterea omnes alienaciones domanii, per inclite memorie dominum avum nostrum, a tempore regis Philippi Pulcri facte, revocate fuerant penitus et anullate, propter quod in eum alienacio facta nullius fuisset momenti vel valoris; si enim dicti consules, in hoc quod pretendunt, obtinuerint, jam nos, ab omni jure quod, in dicta villa, nobis competit, viderentor excludere; ex quibus ipsos non esse admittendos, et quod nobis res proclamate et subhastate, pertineant, ad bonamque et justam causam dictum procuratorem nostrum, pro nobis, se opposuisse, et quod dicti consules non erant admittendi, sed quod dictus procurator noster erat admittendus dici et pronunciari, dictus procurator noster petebat, ad hoc concludendo;
Supradictis consulibus, ex adverso, tam contra dictum procuratorem nostrum quam dictos de capitulo replicando, dicentibus quod dictus Archambaldus, olim comes, et ejus predecessores dicta juridicione usi fuerant et eam octoginta annorum spacio et amplius tenuerant, prout ex registris Camere nostrorum compotorum dicebant apparere, sibique traditam fuisse in recompensacionem dampnorum que ipse, tempore guerrarum, sustinuerat, que fuerat justa et racionabilis causa propter quam hujusmodi juridicionem sibi tradere potueramus, cum ipse defensioni inimicorum regni nostri diligenter institisset, nec, per pariagium, eramus in tradicione vel donacione hujusmodi juridicionis impediti, attenta predicta causa legitima quod, si alienaciones domanii olim fuerant revocate, non tamen donaciones, ex tam bona et legitima ac racionabili causa, facte, potissime per nostram compotorum Cameram passate, nec ullum sequeretur ex adjudicacione decreti dicte juridicionis, si eis fieret, inconveniens, cum ipsa juridicio, per judicem communem possitet valeat exerceri, et eciam, per hec, ypothece et obligaciones, per comitem facte non impedirentur quovismodo; dicebant eciam consules predicti quod ipsi, priusquam dicti de capitulo, suam inchoaverant execucionem, adversus comitem predictum, et, si dicti de capitulo processum suum non habuerant neque fuerant prosecuti, eis debebat imputari qui processum suum penes curiam recuperare potuerant, et in hoc quod, per judicem communem, juridicio predicta exerceretur, satis dictorum de capitulo interesse censebatur satisfactum, maxime quia sue prosecucioni ulterius faciende renonciaverant, per que, quod erant admittendi, et non predicti opponentes, ad adjudicacionem predictam impediendam, et alias, prout supra, concludebant, pluribus aliis racionibus, super hoc, lacius allegatis; dictis procuratore nostro et capitulo, duplicando, dicentibus quod capitulum prius contra dictum comitem agere et experiri inchoaverat, et manum nostram, in terris ipsius comitatus, prius apponi fecerat, dicti vero consules fraudulose et maliciose suum processum eis reddere distulerant, propter quod, ut premittitur, ulterius nequiverant prosequi, per que et alia lacius proposita concludebant prout supra.
Supradictis vero partibus in omnibus que, circa premissa, dicere et proponere voluerunt ad plenum auditis et apunctatis in arresto, prefati major, consules et communitas, contra dictum Archambaldum filium, pro decreti predicti adjudicacione fieri videnda, ut premittitur, adjornatum, ac minime repertum in dicta curia nostra, in eodem parlamento presentatum, defectum sibi dari et concedi, ipsiusque defectus vigore, ad dictam adjudicacionem procedi pecierant, non obstante opposicione dilecti et fidelis nostri Reginaldi, domini de Pontibus, militis, qui dictis subhastacionibus, et ne ad ipsius decreti procederetur adjudicacionem se opposuerat, et, ad finem quod prius eidem satisfieret, super nummis adjudicacionis predicte, de summa septem mille florenorum Aquitanie, quorum quadraginta quinque, pro marcha auri estimabantur, restaucium ex majori summa, sibi, racione dotis Margarete de Petragoris, uxoris sue, debita, pro qua eciam omnia bona dicti comitis sibi obligata et ypothecata fore dicebat, per litteras, super hoc, confectas, lacius apparere, ac, per hoc, ceteris creditoribus ipsius comitis, pro solucione dicte summe, anteferri debere, dici, declarari et pronunciari petebat, de hujusmodi nichilominus opposicione sua, loco et tempore opportunis, lacius declaranda et de suis expensis protestando:
Visis igitur arresto, executoria et relacione hostiarii supradicti, dictas proclamaciones et subhastaciones, ut prefertur, continente, defectuque predicto ac ceteris litteris, actis et munimentis parcium predictarum eidem curie nostre traditis et exhibitis, omnibusque considerandis et attendendis diligenter attentis et que dictam curiam nostram in hac parte movere poterant et debebant, memorata curia nostra decretum hereditagiorum, reddituum et revenutarum ac ceterarum rerum, sic, ut promittitur, proclamatarum et subhastatarum, et in relacione preinserta declaratarum et specificatarum, detracta tamen ex ipsis juridicione predicta, una cum summa duarum mille librarum turonensium, ad quam posita fuerat et incariata, predictis eciam de capitulo jure suo, in hac parte, reservato, supradictis majori, consulibus et communitati, tamquam plus offerentibus et ultimis incariatoribus, adjudicavit, tradidit, concessit et deliberavit, traditque, adjudicat, concedit et deliberat, per arrestum, ad onera realia et antiqua, mediante summa sepcies mille octingintarum librarum turonensium, in solucionem et deduccionem predictarum triginta millium librarum turonensium summe, dictis majori, consulibus et communitati, prout supra dictum est, adjudicate et debite, convertenda; super juribus tamen et causis opposicionum, tam dicti domini de Pontibus quam ceterorum op-ponencium, in relacione dicti hostiarii nominatorum, partibus auditis, hujusmodi adjudicacione non obstante, ordinare quod jus et racio suadebunt, reservando.
Pronunciatum decima nona julii, nonagesimo nono. (19 juillet 1399.)
(Arch. du roy., sect. Jud., accords.)
CONTRE ARCHAMBAUD VI, SE DISANT COMTE DE PÉRIGORD.
Ex. parte procuratoris nostri generalis, pro nobis, et dilectorum nostrorum majoris, consulum et communitatis ville et civitatis nostre petragoricensium necnon Aymerici de Cabanis, mililis, actorum, contra Archambaudum de Petragorico, Arnaldum Durac, capitaneum de Bordeilhe, Johannem Cotet, capitaneum de Alba-Ruppe, Bos de Chambrilhac, Bertrandum de la Gandilhie, magistrum Guillermum Jaubert, Bernardum de Ponte, Raymondum Guibaut, Oliverium Mercuri, clericum Mureti, quendam vocatum Cossaudou, quendam vocatum Philipot, quendam vocatum Bastide, Johannem Normani, Bernardum de Sancto-Petro, generem Bernardi de Massaut, Thomelinum Delage, quendam vocatum Verdoye, quendam vocatum Tire-Aguillete, Johannem du Rat, Perrotum Marches, Vidalotum Marches, Alanum Marches, quendam vocatum Colet, quendam vocatum Mercan, quendam vocatum Ramonnet, Mondonum d’Ale, Robinetum le Grasset, Bernardum de Massaut, Maronem de Serrezaco, quendam vocatum Guignadre, quendam vocatum Gironnet, Mondonum, famulum clerici Mureti, quendam vocatum le Bourt de Sancto-Petro, Johannem Barbe-de-Bouc, quendam vocatum Naudin, quendam vocatum Lorens, Robinum le Clergon, Bernardum de Morteriis, Johannem Damourettes, Guillelmum le Blonde, quendam vocatum Femel, Martinum l’Espaignol, quendam vocatum Guilhams, Johannem Gumel, Jacobum Balisterii, quemdam vocatum Guillamin, Perrotum Escalla, Hennequinum A-la-Poulaine, Guillotum Corne-guerre, Gailhardetum de Larcherie, Menautonum de Ponte, Guillermum et Rampnoulz de Villebois, Mondonum Francisci, Johannem Normani, Johannem de la Bernardie, quendam vocatum le Camus, Johannem Balisterii, quendam vocatum Naudicot, Johannem Morelli, Johannem de Sancta-Fide, quendam vocatum Denis, Perrotum Britonis, Audoynetum, capitaneum de Fosse-Maigne, et Marcialem Balisterii, complices et malefactores, in hac parte, fuit in nostra parlamenti curia, in ipsorum complicum absencia, propositum nobis alias, pro parte dictorum majoris, constituat et communitatis, expositum fuisse, graviter conquerendo, quod certus processus alias motus fuisset et penderet in eadem nostra curia inter ipsos conquerentes, dicto procuratore nostro secum adjuncto, actores, ex una parte, et defunctum Archambaudum, quondam comitem petragoricensem, et nonnullos alios ejus confederatos seu complices, defensores, ex altera, occasione plurium et diversorum criminum, excessuum et maleficiorum horribilium et detestabilium, per eosdem comitem et ejus complices, in partibtis petragoricensibus, dampnabiliter commissorum et perpetratorum, et, super hoc, in tantum processum fuisset quod, per arrestum dicte nostre curie, dicti comes et sui complices fuerunt, erga dictos conquerentes, in certis emendis condempnati et a regno nostro perpetuo banniti, eodem comitatu petragoricensi nobis confiscato et penitus acquisito, prenominatus Archambaudus, filius predicti defuncti comitis, noster vassalus et subditus, suique complices et fautores, in fortaliciis de Montigniaco, de Alba-Ruppe, de Bordeilhe et de Roucilhe, ac in aliis locis, per ipsum Archambaudum, detentis, manentes et conversantes, in odium et contemplum dicti arresti, ante et post prolacionem ipsius, contra nostras ordinaciones regias, per quas omnes guerre et vie facti, inter nostros subditos, sub pena perdicionis corporum et bonorum, notorie prohibentur, quamplures equitatus, guerras, murtra, homicidia et alia crimina et maleficia, interveniente juvamine et associacione nonnullorum Anglicorum et aliorum nostrorum et regni nostri inimicorum, contra villam et civitatem nostram petragoricenses et habitatores ejusdem et suarum pertinenciarum, necnon contra quamplures nostros subditos et villas dicte patrie petragoricensis, fecerant, commiserant et perpetraverant, ac facere, committere et perpetrare non cessabant, temere et injuste, in prejudicium et destruccionem rei publice dicte patrie dictorumque conquerencium qui, propter hoc, taliter fuerant et erant gravati et oppressi quod necessarium sibi aut quamplurimis ipsorum fuerat et erat ipsam patriam omnino relinquere et alibi se transferre, nisi, de remedio justicie, super hoc, provideretur eisdem; quapropter senescallis nostris petragoricensi, lemovicensi, xanctonensi et caturcensi, ceterisque justiciariis nostris aut eorum loca tenentibus ac eorum cuilibet, per certas litteras nostras, 18a die aprilis, ante Pascha, anno Domini 1396 (1397 N. S.), a nobis obtentas, mandaveramus, committendo, quatinus de et super eisdem criminibus et malefaciis et aliis, pro parte dictorum conquerencium declarandis, se diligenter et secrete informarent, et quos, de ipsis, per informacionem factam seu faciendam, famamve publicam aut vehementes presumpciones, culpabiles aut suspectos invenirent, ubicumque, in regno nostro, extra loca sacra, invenirentur, caperent et penes dictam nostram curiam, debite puniendos, adducerent, aut saltem ipsos adjornarent, in dicta nostra curia, personaliter et sub pena bannimenti a regno nostro, comparituros, dicto procuratori nostro, ad fines quos eligere vellet, et prefatis conquerentibus et aliis qui se partem constituere vellent, prout quemlibet eorum tangebat, ad finem civilem, super eisdem criminibus et maleficiis et ea tangentibus, responsuros et ulterius processuros, ut esset racionis. Quarum litterarum nostrarum virtute, necnon mediantibus certis informacionibus factis de et super eisdem criminibus et maleficiis, prefatus Archambaudus et alii complices et malefactores superius nominati feurant adjornati, ut, in predicta nostra curia, 25a die augusti, anno Domini 1397, comparerent, dicto procuratori nostro generali, prout experiri vellet, et predictis majori, consulibus et communitati, necnon Aymerico de Cabanis, militi, Hugoni de Monte-Lhaunino et Mondissono de La-Chassaigne, domicellis, huic processui, nominibus suis privatis, et dicto Mondissono, tam nomine suo privato, quam nomine procuratorio Helie de Ruppe, armigeri, se adherentibus, et, contra prefatos complices et eorum quemlibet, nominibus quibus supra, partem se constituentibus, ad finem civilem, super criminibus et maleficiis antedictis et ea tangentibus, responsuri, proccssuri et facturi ut racio suaderet, ad quam diem ipsi complices uon venerant nec se, in dicta nostra curia, ut tenebantur, presentaverant aut reperti extiterant, vel alius pro eisdem, vocati pluries ac sufficienter, ut moris erat et est, tam ad hostium camere dicti parlamenti nostri, quam ad Tabulam marmorean palacii nostri regalis, Parisius, et, ob boc, ipsi complices, ad instanciam et requestam dictorum procuratoris nostri ac majoris, consulum et communitatis, necnon adherencium predictorum 29a die dicti mensis augusti, predicto anno nonagesimo septimo (1397), positi fuerant in defectu, et deinde, certartim nostrarum virtute litterarum, ab eadem nostra curia, predicla 29a die augusti, emanatarum, fuerant iidem complices adjornati ut, sub pena bannimenti a regno nostro, confiscacionisque bonorum suorum quorumcumque nobis applicandorum, necnon quod, de predictis criminibus, et maleficiis haberentur et reputarentur pro convictis et condempnatis, in prefata curia nostra, 15a die decembris, predicto anno nonagesimo septimo (1397), personaliter comparerent, predicti defectus utilitatem adjudicari visuri, dictisque procuratori nostro, ad omnes fines, necnon majori, consulibus et communitati ac Aymerico, Hugoni, Mondissono et Helie, prout quemlibet eorum tangebat et tangere poterat, ad finem civilem, responsuri, ulteriusque processuri et facturi prout racio et justicia suaderent, cum intimacione quod si, ad dictam diem venirent dicti complices sive non, ipsa nostra curia tunc, ad predicti defectus utililatem judicandum, bannimentumque et confiscacionem bonorum hujusmodi faciendum aut alias, procederet ut sibi videretur expedire et esset racionis; et, quia dicti complices, ad dictam quindecimam diem decembris, non venerant, nec se, in dicta nostra curia, personaliter, ut tenebantur, presentaverant, aut reperti extiterant vocati more pretacto, ipsi complices, ad instanciam et requestam procuratoris nostri necnon majoris, consulum et communitatis ac Aymerici de Cabanis predictorum dumtaxat qui pecierant, certis de causis, a predictis Hugone, Mondissono et Helia, quoad hujusmodi prosecucionem, separari seu disjungi, 17a die dicti mensis decembris, positi extiterant in secundo defectu, per nostram curiam supradictam, quibus duobus defectibus sic obtentis, predicti procurator noster, major, consules, communitas et Aymericus de Cabanis crimina et maleficia supradicta lacius proposuerant et in scriptis declaraverant, ac certam utilitatem, ex predictis duobus defectibus, sibi, per dictam nostram curiam, contra dictos complices, in eorum absencia, adjudicari pecierant, et, cum instancia, requisierant, asserentes quod, tam de racione, quam per ordinaciones nostras regias, omnes vie facti et guerrarum fuerant et erant, in regno nostro, inter subditos nostros, prohibite, sub pena perdicionis corporum et bonorum, fueratque et erat dictus Archambaudus, vassallus et subditus noster, et similiter fuerant et erant alii complices et malefactores antedicti, aut saltem major pars eorumdem, nostri justiciabiles et subjecti; preterea dicti major, consules et communitas ac Aymericus, nostri benevoli subditi et justiciables immediate fuerant et erant in nostra salva et speciali gardia, adeo debite publicata et significata quod ipsam dicti complices aut aliquis, de patria petragoricensi predicta, non potuerant nec poterant ignorare; premissisque non obstantibus, in contemptum et odium predictorum processus et arresti, contra dictum defunctum comitem et suos fautores et complices, ut premittitur, factorum, prenominatus Archambaudus, dicti defuncti comitis filius, in castris et fortaliciis de Alba-Ruppe et de Bordeilhe aliisque locis et fortaliciis dicti comitatus petragoricensis, ad nos pertinentibus, quamplures latrones, depredatores, murtrarios, homicidas ac homines male et inhoneste vile et fame tenuerat et tenebat qui, cum armis, in equitatibus maximis, per modum hostilitalis et guerre, terras nostras et alias predictorum majoris, consulum et communitatis ac Aymerici discurrerant depredacionesque et omnia crimina, excessus et maleficia que possent fieri seu narrari et que, in facto guerre, fuerant et erant fieri solita, contra nos et alios actores predictos ac super terras, homines et subditos nostros et ipsorum, fecerant et perpetraverant, crimen lese majestatis committendo et alias multipliciter delinquendo, pluresque litteras sufferencie et salvi conductus, tanquam in facto guerre aperte, subditis nostris, absque causa racionabili, captis et incarceralis, tradiderant, et ad dictum fortalicium de Alba-Ruppe Johannem et Giraudum Des-Combes duxerant et in vilibus carceribus longo tempore tenuerant, ab ipsisque sex francos auri, antequam exirent, habuerant et receperant, in ipsorumque capcione, que fuerat die martis, post festum Sancti-Martini vel circiter, anno Domini 1396, parrochiam d’Astuers, prope villam petragoricensem, hostiliter discurrerant et bonis spoliaverant, necnon mense octobris anno predicto, ante seu prope dictam villam petragoricensem, cum armis equitaverant, et, inter cetera, quatuor boves pingues, pertinentes ad Yterium de Sirventon et Guillermum Bertin, carnifices dicte ville, ceperant et ad dictum locum de Alba-Ruppe duxerant, qui quidem boves ad valorem viginti quatuor librarum vel circa poterant estimari, ac prope dictam villam petragoricensem, in parrochia de Jornhac, in itinere publico regio, Remundum de Lenda et Remundum le Bloy ceperant, et, ab ipsos, duos equos piscibus et aliis mercaturis oneratos, de valore viginti quinque librarum, abstulerant, nulla restitucione, super hoc, insecuta; die vero nona septembris, anno predicto, per dictam villam d’Astuers impetuose discurrerant ac plura et bona animalia, et, inter cetera, quatuor asinos, valoris duodecim librarum vel circa, ad Johannem de Tenali et ad Geyraudum Maynart pertinentes, ceperant et sibi attribuerant, et similiter, mense novembris, eodem anno, per parrochiam de Courssaco, prope dictam villam petragoricensem, incedentes armati, septem asinos, valoris viginti librarum vel circa, inter cetera bona, rapuerant et habuerant, necnon a Johanne Caire, quatuor equos, oneratos frumento, de valore triginta librarum, et a Guillermo le Siccart, parrochie Sancti-Asperi, duos boves et unum asinum, de valore decem et octo librarum; a Nicholao de Gastenin, presbitero, peregrino, octo capitegia certosque pannos altaris, tres buticulas, tres libras specierum, unam vestem que dicitur houppelanda, valoris viginti quatuor librarum vel circa; a quodam peregrino Sancti-Jacobi et ejus uxore, duo scuta et unum cultellum; a Bernardo Gintrac, Helia Baladet, Helia Raynaudi, viginti duos boissellos frumenti et quedam alia bona mobilia; a Guillermo Andree et Bernardo Besuech, quatuor asinos, valoris decem francorum, et a Petro du Puilong, duos equos de valore duodecim francorum, a Stephano de Puichenin, unum muletum et unum asinum, de valore octo francorum, in suis equitatibus seu discursibus violentis hujusmodi, rapuerant, extorserant et habuerant; necnon locum de Plasaco, in quo tunc erant episcopus petragoricensis et sui familiares et gentes, obsederant, et ibidem unum hominem tractu interfecerant, multosque alios vulneraverant, ac bassam curtem ipsius loci, ad dictum episcopum, ad causam sue ecclesie pertinentis, violentis insultibus, interceperant, blada, vina, lectos, cooperturas, jocalia et bona mobilia, ibidem existencia, rapuerant, ceperant et, ad suum libitum, portaverant, dictumque locum, de valore quadringentarum librarum, dampnificaverant, ac ignis incendium ibidem posuerant, et, prope dictam villam petragoricensem, certa die, sicut consueverant, discurrentes, quendam hominem, etatis sexaginta annorum, usque ad mortem vulneraverant, et quinque boves, valoris triginta librarum, ceperant, pluresque habitatores dicte ville petragoricensis verberaverant, ac quendam nuncupatum Jaffegarde, per suspendium mori facere nisi fuerant, adeo quod ipse, ex hujusmodi suspendio, expirasset, nisi zona sua, adquam suspendebalur, rupta fuisset, et a Guillermo Landrivie duos francos et quatuor solidos amoverant; preterea fortalicium ecclesie Sancti-Pauli de Drone, armorum et insultus potenciace, perant, una cum bonis ibidem existentibus que secum detulerant, parique forma villam nostram de Sancto-Chasterio, cum bonis in ipsa existentibus, ceperant et depredati fuerant, ac portas ejusdem ruperant et fregerant, et insuper Heliam de Campis, presbiterum, Guillermum Sansonis et septem juvenculos venientes ad dictam villam petragoricensem, ut ad sacros ordines promoverentur, arripuerant et ceperant ac, de valore septem librarum, disrobaverant, similique violencia, Guillermum Corbat, de tribus francis, et Firminum Karoli, canonicum angolismensem, tunc familiarem dilecti et fidelis marescalli nostri de Sacro-Cesare, duodecim scutis et aliis jocalibus, de valore trium scutorum auri, Johannem de Brolio de Dousville, petragoricensis diocesis, duabus cooperturis ad lectum, de valore sex francorum, Johannem de Gastineau, armigerum, una zona argentea, de valore quatuor scutorum, unoque pari bougiarum, una cum sella sui equi, ejusque gladio et aliis bonis, de valore decem scutorum auri, et Johannem Brunet, uno panno laneo, de valore decem scutorum auri, depredati fuerant seu disrobaverant violenter et injuste et ad quandam domum Reginaldi de Bernabe, civis petragoricensis, accedentes, Robertum Militis, custodem ipsius domus, et ejus uxorem, licet pregnantem, verberaverant, ac plura bona mobilia, de valore duodecim librarum ibidem ceperant, et insuper duos agricultores, prope dictam villam petragoricensem, vulneraverant, duos equos ad Bernardum de Gandessal, ejusdem ville, pertinentes, de valore viginti librarum, ceperant et quamplures ipsius ville imprisionaverant, et ab ipsis redempciones extorserant, presertim ab Aymerio de Lacheze, quadraginta francos, et a Stephano de Percha, duodecim francos auri, insuper prenominatus Archambaudus quamplura homagia receperat, vassallosque, prestantes hujusmodi homagia, jurare et promittere fecerat quod ipsum, adversus quoscumque et specialiter adversus nos et nostram majestatem regiam, juvarent et confortarent, et, una cum hoc, iidem complices, in itinere seu via regali, prope dictam villam petragoricensem, ceperant et prisonarium, ad locum de Alba-Ruppe, duxerant Bernardum Ducrox, parrochie Campo-Savinelis, ab ipsoque summam duodecim francorum, causa redempcionis, extorserant et habuerant, ac in parrochia de Chignaco, prope dictam villam petragoricensem, plura bona mobilia et, inter cetera, septem boves, de valore viginti quatuor librarum vel circa, more premisso, ceperant et habuerant, necnon Johannem Genebre, Johannem Vidal et Arnaldum de Bosco incarceraverant et ab ipsis summam viginti francorum, causa redempcionis, extorserant, ecclesiasque de Sorbges et de Negrondes, prope dictam villam petragoricensem, insultibus bellicosis, invaserant, incolas ipsarum parrochiarum suis animalibus et aliis bonis depredati fuerant et disrobaverant, et usque ad summam centum librarum et amplius, dampnificaverant, et, tam circa dictam villam petragoricensem, quam per loca circumvicinia, more predonio et violento predicto, sepius equitantes et discurrentes, multos subditos nostros et incolas ipsorum locorum ceperant, ligaverant et, ad predicta fortalicia et alia loca, ad suam voluntatem, cum violenciis et verberibus multimodis, duxerant, ab ipsisque redempciones et pecuniarum summas, causa redempcionum, extorserant et levaverant, presertim ab Helia Jardon, mercatore, Guillermo Nogerel, Bernardo Emardi, Helia Chaumet et Helia Chalmis, centum nonaginta tres francos; a Petro Durandi, octoginta francos; a Petro Poucin et Helia Jarugon, triginta francos; a Rampulione Bayne, Petro Bony, Petro Sequier et a filio cujusdam vocati Jaffegarde, sexaginta francos, ab Helia de Lacu, Helia Jay, Emardo du Pochat et Helia Lacoste, novem francos; a Bernardo de Puteo, decem francos, et a duobus hominibus, secum tunc existenlibus, magnam pecunie summam; a Petro Dadoul, qualuordecim francos; a Petro Moncochon et Geraldo Davy, sex francos; a quodam vocato Fevre le Troillier, quatuordecim francos; a Petro Demingot, duodecim francos, ex una parte, et quindecim scuta, ex altera; a Johanne Gelot, Guillermo de Combes et Helia Abonnel, octoginta et novem francos et a nonnullis aliis, diversas pecunie summas extorserant, et aliquos ipsorum adeo vulneraverant quod effecti fuerant perpetuo mutilati; dictus eciam Helias Jardon, ex tormentis per ipsum passis, expiraverat, soluta prius redempcione sua predicta, dictoque Petro Durandi brachia ruperant, et, ultra suara redempcionem, ipsam, de ducentis francis auri, dampnificaverant, necnon Bernardam Bruole ceperant et adhuc, in ferris et compedibus, in periculo mortis, detinebant, ipsumque de octoginta et novem francis et amplius dampnificaverant, et a prefato Bernardo de Puteo, unum asinum, de valore trium francorum, et a quibusdam aliis habitatoribus ipsius ville petragoricensis, quatuordecim asinos, de valore triginta francorum, abstulerant et habuerant, insuper, ex parte dicti Archambaudi, publice proclamari et preconizari fecerant, ac omnibus, sub pena perdicionis corporum et bonorum, inhiberi ne aliqui victualia seu mercaturas, ad dictam villam petragoricensem, deferre presumerent, ordinaverantque quod omnes, contrarium facientes vel ad dictam villam quomodolibet accedentes, caperentur et ad redempciones compellerentur; quapropter habitatores et incole dicte ville mercaturis et victualibus denudali et fraudati, in summa sexaginta milium francorum et amplius fuerant dampnificati; insuper ecclesiam de Sorlanda, cum missa celebraretur, intraverant, pannosque, pecunias, jocalia et bona ibidem existencia rapuerant et secum portaverant, ac animalia ipsius ville, ad summam viginti quinque francorum auri, causa redempcionis, taxaverant, ipsamque summam levaverant et habuerant, ac Johannem Coderc, probum et pacificum hominem dicte ville, promissionibus et assecuramentis sibi, per eos, antea factis non obstantibus, interfecerant et occiderant, ac in parrochia Sancti-Perdulcis, prope dictam villam petragoricensem, animalia grossa, numero triginta unum, de valore sexaginta francorum et totidem prope locum de Plasaco, de valore consimili, ceperant et sibi attribuerant, ac Heliam Aymerici dictum Belugon, etatis octoginta annorum vel circiter, murtro interfecerant, et, per castellaniam d’Ayant, in equitatu armorum discurrerant, animaliaque et alia bona, ibidem reperta, ceperant et rapuerant, et habitatores ejusdem castellanie, in summa ducentarum librarum, dampnificaverant, necnon quendam presbiterum, vicarium ecclesie de Corugnac vocatum Panhon, quatuor plagis adeo vulneraverant quod idem presbiter in periculo mortis extiterat; dicebant eciam quod eo quia prefatus Aymericus de Cabanis, tanquam locumtenens senescalli nostri petragoricensis, certa mandata nostra et dicte nostre curie, contra dictos complices, execucioni demandari (missionem habens), iidem complices, associatis sibi quibusdam Anglicis, inimicis nostris, et trengarum infractoribus, criminosisque et malefactoribus notoriis, armorum potencia et vexillis erectis, fortalicium de Cabanis, pertinens ad dictum Aymericum, prope dictam villam petragoricensem, distancia trium leucarum situatum, variis insultibus, aggressi fuerant ac ceperant et occupaverant, et, in hujusmodi capcione seu insultibus, quendam presbiterurn, curatum de Savignaco interfecerant et occiderant, quampluraque jocalia et alia bona mobilia, tam ad dictum Aymericum quam ad plures alios, pertinencia, et, propter securitatem, in custodiam ibidem reposita, ceperant, rapuerant et secum portaverant et duxerant ac sibi attribuerant, dictumque fortalicium omnino funditus destruxerant et adnichilaverant, et, de hoc non contenti, ad quoddam molendinem, in parrochia de Savignaco situatum, pertinens ad dictum Aymericum, accesserant, tres molas ipsius molendini ruperant et fregerant, ferraque necessaria pro dicto molendino, una cum omnibus bonis ibidem repertis, ceperant, secum detulerant, ac domum ipsius molendini ruperant et destruxerant, et in ipsa ignis incendium posuerant; preterea proponebant quod, in odium et contemptum dicti arresti, contra dictum defunctum et suos complices, alias, in dicta nostra curia, prolali, et prosecucionis presentis, complices superius nominati et nonnulli alii sui fautores et de sua societate seu confederacione dampnabili existentes, in maximo numero, cum armis, hostili more, dictam villam petragoricensem pluries invaserant, obsessamque et circumdatam tenuerant, ac infinita et irreparabilia dampna et gravamina prefatis habitatoribus et incolis ejusdem aliisque subditis nostris dicte patrie, fecerant et intulerant qui, propter hoc, suas terras et hereditagia, absque debita cultura vel quasi, penitus in deserto dimiserant; que premissa facta fuerant et erant, armorum dilacionem, vim publicam, congregaciones illicitas, furta, raptus, homicidia atque murtra, crimen leze-majestatis, incendia, rebelliones et inobediencias contra nos et nostram regiam majestatem comittendo, salvamque gardiam nostram et ordinaciones nostras predictas, temerariis ausibus, infringere non verendo, et alias mullipliciter delinquendo; et idcirco pecierant et requisiverant prefati procurator noster, major, consules et communitas ac Aymericus de Cabanis, prout quemlibet eorum tangebat et tangere poterat, quod prenominati complices, virtute dictorum duorum defectuum, ab omnibus factis, defensionibus et racionibus suis, si que vel quas, ad versus predicta crimina et maleficia, dicere, proponere aut allegare, quovismodo, potuissent sive possent, omnino forent exclusi et eciam cecidissent, de ipsisque haberentur et reputarentur pro convictis et condempnatis, et, hiis mediantibus, pecierant et requisierant dicti major, consules, communitas et Aymericus quod, attentis et consideratis maleficiis, criminibus duobusque defectibus et aliis premissis, dicti complices et eorum quilibet, in solidum et pro toto, prout in casibus criminum et maleficiorum, ut erat et est in casu presenti, fuerat et erat fieri solitum salvam-gardiam nostram, meliori modo quo fieri posset, reintregrando, ad reddendum et restituendum prefatis majori, consulibus, communitati et Aymerico ac eorum subditis, bona, per ipsos, in premissis, capta, rapta, levata et asportata ac, per eorum et suorum fautorum et adjutorum factum et culpam, devastata seu perdita, si in rerum natura extarent, sin autem eorum valorem legitimum, de et super quibus, attenta, in premissis, violencia, prefatis majori, consulibus, communicati et Aymerico, medio juramento, crederetur, absque alia probacione, super hoc, facienda, una cum emolumentis que, ex dicto molendino, provenisse potuissent et levari, nisi demolitum seu destructum extitisset, ut prefertur, sub majori valore et estimacione, a tempore perpetracionis maleficiorum et criminum predictorum, reficiendumque et reedificandum seu reficiet reedificari faciendum dictum fortalicium de Cabanis ac eciam dictum molendinum, una cum eorum domibus, locis et pertinenciis, in statu convenienti, sicut erant, tempore demolicionis et destructionis eorumdem, aut, pro valore et estimacione dictorum edificiorum, in summa triginta mille librarum, necnon, erga dictos majorem, consules, communitatem et Aymericum, in emendis honorabilibus, per dictam nostram curiam, arbitrandis, ac, pro emenda utili, erga dictos majorem, consules et communitatem, in summa centum mille librarum et, pro suis interesse, in summa quinquaginta mille librarum, et erga dictum Aymericum, pro emenda utili, in summa decem mille librarum et in totidem, pro suis dampnis et interesse, ac in ipsorum majoris consulum, communitatis et Aymerici expensis, in prosecucione premissorum factis et faciendis, per capcionem, vendicionem et explectacionem bonorum suorum quorumcumque ac incarceracionem corporum suorum, per arrestum sive judicium, dicte nostre curie, condempnarentur et condempnati compellerentur; petebat eciam dictus procurator noster eosdem complices et eorum quemlibet, erga nos, condempnari et puniri, juxta sua demerita, in corporibus atque bonis, et, pro salute et remedio animarum illorum qui, occasione pretacta, mortui fuerant et occisi, ac eciam, pro interesse suorum amicorum propinquiorum, de et super bonis ipsorum complicum, adjudicacionem et condempnacionem fieri prout eadem nostra curia videret racionabiliter faciendum; requirebant eciam dicti major, consules, communitas ac Aymericus sibi satisfieri de omnibus sibi, in hac parte, adjudicandis primitus et antequam, pro nobis aut alio quocumque, causa confiscacionis vel emende, aliquid caperetur aut levaretur ac ordo solucionis summarum, in hac parte, ad arbitrium dicte nostre curie, fieret et declararetur; preterea petebant et requirebant quod dicti major, consules, communitas et Aymericus et eorum (homines), ab omnibus fidei et homagii prestacionibus et aliis quibuscumque, iu quibus tenebantur seu teneri poterant prenominatis complicibus aut eorum aliquibus, quitti et immunes perpetuo remanerent ac nobis hujusmodi homagia seu deveria pertinerent; in casu vero quo dicti complices capi et apprehendi non valerent, ipsi a regno nostro, temporibus perpetuis, banirentur, nobisque et juribus nostris regiis bona sua confiscarentur, aut alia talis utilitas eisdem procuratori nostro, majori, consulibus, communitati et Aymerico, per dictam nostram curiam, ex predictis duobus defectibus, adjudicaretur, qualis eidem nostre curie videretur, protestando de addendo, diminuendo seu distrahendo, declarando et corrigendo, in factis, peticionibus et conclusionibus suis predictis, dum et quociens opus esset; quorum duorum defectum utilitatem dicta nostra curia, micius, ut semper consueverat et consuevit, procedere volens, in hac parte, adjudicare supersederat, fuerantque iidem complices, vitute certarum litterarum nostrarum, ab eadem nostra curia predicta 17a die decembris emanatarum, sub penis et intimacionibus antedictis in eadem nostra curia, ad 26a diem marcii anno Domini 1397 (1398 N. S.) personaliter comparituri, adjornati, utilitatem dictorum duorum defectuum, superius declaratam, per ipsam nostram curiam, adjudicari visuri, dictisque procuratori nostro, ad omnes fines, ac majori, consulibus, communitati et Aymerico, ad finem civilem, super predictis criminibus et maleficiis, responsuri; ad quam diem non venerant, nec personaliter presentati aut reperti extiterant, vocati sufficienter, more predicto, et, ob hoc, instantibus et requirentibus prefatis procuratore nostro, majore, consulibus, communitate et Aymerico 28a die dicti mensis marcii in tercio defectu positi extiterant, ipsosque complices, virtute certarum litterarum, predicta 28a die marcii confectarum, mandaveramus adjornari, in eadem nostra curia, personaliter comparituros, sub eisdem penis et intimacionibus, responsuros et processuros, prout superius enarratur, in nostro parlamento tunc sedente; que quidem nostre adjornamenti littere, quamdiu predictum nostrum duraverat parlamentum, obstantibus guerris et rebellionibus dictorum complicum et periculis exinde eminenter apparentibus, nequiverant execucioni demandari, quapropter eisdem procuratori nostro, majori, consulibus, communitati et Aymerico, per certas litteras nostras concesseramus, ut adjornamenta que in predicto nostro parlamento fieri mandabantur, per litteras nostras antedictas, ad certam diem parlamenti nostri subsequentis, execucioni demandarentur, ipsarumque litterarum nostrarum virtute, complices antedicti fuerant, sub penis et intimacionibus predictis, in eadem nostra curia personaliter comparituri, adjornati ad 28am diem mensis decembris ultimo preteriti, dictorum trium defectum utilitatem adjudicari visuri ac ulterius processuri et facturi, modo et forma superius declaratis, et quia dicti complices, ad dictam 28am diem decembris, in eorum personis, non venerant nec fuerant presentati, prefati procurator noster, major, consules et communitas ac Aymericus 19 (lisez 29) die dicti mensis decembris, contra eosdem complices, quartum defectum obtinuerant et reportaverant, a nostra curia supradicta, prout premissa, per litteras, expleta et informationes debite factas atque facta, poterant plenius apparere, quare petebant et requirebant sibi, contra dictos complices, utilitatem, virtute quatuor defectuum predictorum, adjudicari, alias, per ipsos, ut premittitur, requisitam, aut aliam de qua dicte nostre curie videbitur, usum, stilum et observantiam dicte nostre curie, super hoc, allegando; super quibus dicta nostra curia, certis de causis et impedimentis, arrestum proferre, certo tempore, distulerat et supersederat, nosque, per certas litteras nostras, tam patentes quam clausas, eidem nostre curie mandaveramus quatenus eadem curia nostra, in et super premissis, quamcicius fieri posset, bono modo, arrestum judicaret et proferret, prout videret racionabiliter faciendum:
Tandem, visis, per dictam nostram curiam, adjornamentis, relacionibus, expletis, quatuorque defectibus et informacionibus ac aliis litteris, de et super premissis agitatis atque factis, auditisque, super hoc, per juramentum, diligenter interrogatis, dicto Aymerico, in dicta curia nostra personaliter comparente, et Benedicto Pidalet, procuratorie et nomine procuratorio dictorum majoris, consulum et communitatis, una cum aliquibus consulum predictorum, et consideratis, matura et diligenti deliberacione, omnibus, in hac parte, considerandis, et que dictam nostram curiam, in hac parte, movere poterant et debebant, per arrestum ejusdem nostre curie, dictum fuit quod predicti procurator noster, major, consules et communitas ac Aymericus de Cabanis talem utilitem, ex predictis quatuor defectibus, contra prenominatos complices, reportabunt et habebunt videlicet quod iidem complices, ab omnibus factis, defensionibus et racionibus suis, si que vel quas, adversus predicta crimina et maleficia, dicere, proponere et allegare potuissent, omnino erant et sunt exclusi et eciam ceciderunt, de ipsisque criminibus et maleficiis, eadem curia nostra prenominatos complices tenuit et reputavit ac tenet et reputat, pro convictis et superatis, et, unacum hoc, juramento dicti procuratoris ipsorum majoris, consulum et communitatis, usque ad summam quadraginta mille librarum turonensium, et juramento dicti Aymerici, usque ad summan quindecim mille librarum turonensium, detulit atque defert, ipsosque complices et eorum quemlibet in solidum et pro toto, erga dictos majorem, consules et communitatem, in dicta summa quadraginta mille librarum turoneneium et erga dictum Aymericum de Cabanis, in dicta summa quindecim mille librarum turonensium, pro eorum injuriis, dampnis, interesse et expensis et ad tenendum, propter hoc, prisionem firmatam, si reperiri et apprehendi valeant, condempnavit et condempnat; ordinavit insuper et ordinat quod, de dictis summis, fiet execucio et solucio, primo videlicet ad utilitatem dicti Aymerici, et deinde, pro dictis majore, consulibus et communitate, antequam, super bonis eorumdem complicum, aliquid exigatur seu levetur, quodque, de dicta summa quadraginta mille librarum turonensium, predictis majori, consulibus et communitati, ut premittitur, adjudicata, capietur et levabitur, ex denariis primitivis seu primitus recipiendis, summa decem mille librarum turonensium, in celebracione missarum et divini servicii ac in aliis piis operibus, ad salutem animarum illorum qui, in predictis criminibus et maleficis, interfecti fuerunt et occisi, ac eciam in alimentis et necessariis uxorum ac liberorum et amicorum eorumdem defunctorum, convertenda; et insuper, per idem arrestum, prefata curia nostra, dictos complices et eorum quemlibet a regno nostro perpetuo bannivit atque bannit, ac residuum quorumcumque bonorum suorum nobis, pro dicto crimine lese-majestatis, confiscavit et confiscat.
Pronunciatum 19a die julii, anno Domini 1399.
(Arch. du roy., sect. Jud. Reg. du criminel, coté 14, fol. 292.,)
DONATION DU COMTÉ DE PÉRIGORD AU DUC D’ORLÉANS.
Karolus, Dei gracia Francorum rex, ad honorem nedum nostrum, sed ad utilitatem regni nostri cedere quamplurimum arbitramur, si, ad illos qui stirpe regali exorti et fraternali vinculo nobis sunt propinqui, donis magnificis et utilibus dominiis ditandos regalis magnificencia sue liberalitalis dexteram, rebus ad hoc se offerentibus, extendat, ex hoc enim pululat, ad nos, sincere devotionis affeccio, potentioresque fiunt et redduntur promptiores ad onera nostra, circa defentionem regni et subditorum nostrorum, casibus emergentibus, supportanda; sane, cum defunctus Archambaudus, olim comes petragoricensis, pater Archambaudi de Petragoris moderni, ac etiam idem Archambaudus, filius, nostri quondam et regni nostri justiciabiles et subditi, fidem et fidelitatem, quibus nobis et corone Francie tenebantur, infideliter transgredientes, crimen lese-majestatis, erga nos et rempublicam regni nostri, multipliciter commiserunt; seque rebelles et adversarios nostros publicos reddere et ostendere non erubuerunt, notum facimus, universis, presentibus et futuris, quod premissis attentis necnon notabilibus, gratuitis et utilibus obsequiis que carissimus et amantissimus germanus noster Ludovicus, dux aurelianensis, comes Valesii, blesensis et Belli-Montis, retroactis temporibus, nobis et reipublice regni nostri, multipliciter impendit, ac, de die in diem, non sine magnis labore et expensis, impendere non desinit, et, per ipsum, in posterum speramus impendi, nos, super hoc, habita, in nostro magno consilio, deliberatione matura, eidem germano nostro, pro se, heredibus et successoribus suis, comitatum petragoricensem cum ejus titulo, ac castellum et castellaniam, castrum Alberoche, comitatum Bordillie, castrum de Montigniaco, castrum de Resac, terram de Vern, castellum et terram de Roussille, villam et castellaniam de Montepavo, castellum et castellaniam de Benevent, castellum de Montigniaco dictum le Petit, Podium de Chaluz, terram parrochie de Ploizac, villam de Caoursade, locum de Montalsac, locum de Mouleriis, Villam-Fanciscam, villam de Cordes, in patria tholosana, una cum eorum et earum redditibus, feudis, retrofeudis et aliis pertinenciis et appendenciis quibuscumque necnon cetera bona, res, prosecutiones, actiones etiam et collationes ac presentationes beneficiorum et scolarium ac jura universa et singula que fuerunt dictorum patris et filii et eorum cujuslibet, in dictis comitatibus et terris, dato quod dicta feuda et retrofeuda, jura, pertinentie et appendentie, necnon collationes et presentationes beneficiorum et scolarium sint extra patriam petragoricam que tanquam forefacta, confiscata et quesita, prout, per arresta, in nostra parlamenti curia, prolata, potest liquidius apparere, nunc nobis compelunt et pertinent, et, ratione hujusmodi confiscationis, debent pertinere, de nostris certa scientia, potestate regia et speciali gracia, dedimus et concessimus, damus et concedimus, per presentes, salvis tamen et retentis nobis et successoribus nostris, Francorum regibus, fide, homagio, superioritate et ressorto cathedralibus et aliis ecclesiis, de fundatione regia existentibus, et aliis que, de manu nostra, dejungi seu separari non debent ac omnibus et singulis aliis juribus regiis quibuscumque, dictos comitatus, castra, castellanias, villas et terras premissas ac jura dominalia et domania, cum omnibus eorum redditibus, feudis, retrofeudis, pertinentiis et appendentiis ac aliis predictis quibuscumque, per nos, ut promittitur, eidem germano nostro donatis, per dictum germanum nostrum ejusque heredes et successores, de nobis et successoribus nostris Francorum regibus, in et sub fide, ressorto, superioritate et homagio nostris et corone Francie, tenendis, habendis et perpetuo possidendis; quas fidem et homagium idem germanus noster et ejus heredes atque successores nobis et dictis successoribus nostris exinde, casu, ad hoc, se offerente, facere et prestare tenebuntur. Quocirca dilectis et fidelibus gentibus Compotorum nostrorum et thesaurariis nostris parisiensibus, senescallo petragoricensi, celerisque justiciariis nostris presentibus pariter et futuris et eorum cuilibet, prout ad eum pertinerit, damus in mandatis quatinus dictum germanum nostrum vel ejus, pro eo, procuratorem in possessionem et saisinam corporalem et realem predictorum comitatus petragoricensis, cum ejus titulo ac castelli et castellanie, castri Alberoche, comitatus Bordillie, castri de Montigniaco, castri de Resac, terre de Vern, castelli et terre de Roussille, ville et castellanie de Montepavo, castelli et castellanie de Beneven, castelli de Montigniaco dicti le Petit, Podii de Chaluz, terre parrochie de Ploisac, ville de Caoursade, loci de Montalsac, loci Mouleriis, Ville-Francisce, ville de Cordes, in patria tholosana ac reddituum feudorum, retrofeudorum et aliarum pertinentiarum et appendentiarum eorum et earum, necnon bonorum, rerum, prosecutionum et actionum ac collationum et presentationum beneficiorum et scolarium ac jurium universorum et sigulorum que dictorum patris et filii et eorum cujuslibet, in dictis comitatibus et terris, fuerunt, esto quod dicta feuda, retrofeuda, pertinentie et appendentie, necnon collationes et presentationes beneficiorum et scolarium sint extra patriam petragoricensem, per nos, ut premittitur, prefato germano nostro, donatis, ponant et inducant seu poni et inducifaciant indilate, eumdemque et ejus heredes et successores et quemlibet eorum nostris presentibus gracia, dono et concessione gaudere et uti perpetuo et integre faciant et permittant, absque impedimento quocumque, donis seu graciis aliis per nos dicto germano factis, licet hic minime exprimantur, ordinationeque seu restrictione ultimo, in concilio nostro, de non donando aliquid de domanio nostro facta, necnon aliis ordinationibus seu restrictionibus, mandatis vel inhibitionibus, ad hoc contrariis, non obstantibus quibuscumque. Quod ut firmum et stabile in perpetuum perseveret, nostrum hiis presentibus sigillum duximus apponendum, salvo in aliis jure nostro et in omnibus quolibet alieno. Datum Parisius, vicesima tertia die mensis januarii, anno Domini millesimo ccc° nonagesimo nono (1380) (rectifier 1400) et regni nostri vicesimo.
Enregistré à la Chambre des comptes, le 24 mars suivant.
(Arch. du roy., Reg.du tr. des ch., côté 154, pièce 704, et Q. 171 et 172.)
PRISE DE POSSESSION DE LA COMTÉ DE PÉRIGORD,
AU NOM DU DUC D’ORLÉANS, LE 26 JUILLET 1400.
C’est l’estat du procès fait, par moy, Regnault de Sens, bailli de Blois, commissaire envoyé, de par monseigneur le duc d’Orléans, en sa conté de Pierregort, pour l’entérinement des lettres de don royaulx et de commission à moy adrescent, de par lui, pour prandre la possession d’icelle conté et faire ce que plus à plain est déclairé en lad. commission, et procéder en oultre selon l’instruction à moy baillée; desquelles lettres royaulx, commission et instruction les vidimus et copie sont ou sac.
L’an mil quatre cens, le lundi 26e jour de juillet, me parti de la ville de Blois pour venir au païs de Pierregort et arivay en la ville de Pierregueux le mardi 3e jour d’aoust, et le jour ensuivant envoiay quérir maistre Giraut du Peyrat, licencie en loys, et juge pour monseigneur le duc, en sa conté de Pierregort, Philippot du Mesnil-Regnart, capitaine à Montignac, Guillaume le Nepveu, receveur, ordené du temps du mareschal Boucicaut et Johannot Helias, capitaine d’Alberoche. afin d’avoir advis sur le procès que je avoye à faire, et, par eulx, estre instruit des droiz appartenens à mond. seigneur, à cause de sad. conté, en icelle ville de Pierregueux, pour ce que aud. lieu n’avoit persone par qui j’en peusse estre instruit ni advisé seurement.
Et le venredi ensuivant, 6e jour dudit mois d’aoust, ensemble les dessusd., me adrescay au lieutenant du séneschal estant en son siège acoustumé, et là, en la présence des officiers du roy, feis lire et publier lesd. lettres patentes de commission et povoir à moy donné et les lettres du don fait, par le roy, à monseigneur le duc, avec la vérificacion des trésoriers et de la Chambre des comptes; et, ce fait, requeis l’entérinement d’icelles lettres; et après ce que le lieutenant du séneschal, juge et procureur du roy et autres eurent eu advis ensemble, me fut délivrée et baillée réalment et de fait la possession de lad. conté selon et par la manière que contenu est es lettres dud. lieutenant tabellionnées, atachées au vidimus du don, soubz le séel royal et séellées d’icellui, mises toutes ou sac.
LA VILLE DE PIERREGUEUX.
Item, cellui jour et ès jours ensuivans me informay et enqueis, le plus diligemment que je peuz, des droiz, justice et revenues appartenant à mond. seigneur, à cause de sa conté en icelle ville; auquel lieu je trouvay que à monseigneur appartenoit la jugerie, en commun avec le chapitre de S.-Front de Périgueux, de la court du cellerier, estant en icelle ville; auquel lieu estoit et avoit esté acoustumé d’y avoir juge commun, tabellion commun, procureur commun, sergens communs et séel des armes commun, pour exercer led. office en commun; lequel juge commun avoit cognoissance des cas criminelz et civilz, en la parroisse de S.-Front. dedans et dehors la ville, tant que lad. parroisse s’extend; laquelle court à present et juridicion, combien qu’il soient excercez, est de petit proffit, pour ce que le maire et consulz de lad. ville de Pierregueux ont usurpée et entreprise, ou temps des guerres, la court et cognoissance et droiz appartenens à lad. justice commune; lesquelx droiz et justice sont déclairez en un arrest de parlement donné l’an 1290, ou mois de septembre, ouquel aussi est déclairé ce que auxd. consulz doit appartenir tant seulement, dont j’ay fait faire vidimus et icellui collationné à l’original; la déclaracion desquelx droiz, tant de la justice commune comme des consulz, pourra apparoir par led. vidimus signé A, au dos; et est le second des trois vidimus escripz ensemble, et, combien que oud. arrest soit parlé d’un vigier toutevoies ay-je sceu que, puis 50 ans en ça, le juge commun a eu la cognoissance des cas criminelz dont le vigier cognoissoit, et tout est commun excepté des quatre cas contenuz oud. arrest.
Et ce fait ay interrogué le maire et consulz de la cause pour quoy ils avoient entrepris sur lad. juridicion commune et contre la teneur de l’arrest, lesquelx me respondirent que, de moult long-temps, ilz en avoient ainsi usé, qu’ilz usent à présent; mais, ce non obstant, ay trouvé, par gens dignes de foy, que le juge commun avoit cognoissance généralment sur touz les manens de la parroisse de S.-Front en la closture et dehors, tant que lad. parroisse s’extent, comme aussi il appert par le vidimus d’un autre arrest, contenu tantost après le précédent; laquelle parroisse est la plus grant partie de lad. ville, où il y a deux parroisses; c’est assavoir lad. parroisse de S.-Front et la parroisse de S.-Silein qui est peu de chose, de touz cas quelconques, criminelz et civilz, excepté des quatre cas déclairez en l’arrest dessusd.; desquelx IV cas la cognoissance en appartient au maire et consulz, et que icelle juridicion des IV cas ilz tenoient en foy et homaige du conte de Pierregort, à un marbotin d’or, qui est comme un ducat, à muance de seigneur, si comme aussi il appert, par l’adveu et homaige autresfoiz faits au conte et par accors dont il m’est apparu et dont aussi il puet apparoir, par le livre des homaiges. Aussi ay trouvé, par les officiers et autres et par les registres et papiers du conte, que a lad. justice commune appartenoit et appartient et est acoustumé de prendre III s. pour deffaut, XII d. pour clamour et III s. pour arrest brisié et, sur le condampné, IV s., et aussi a cognoissance de toutes saillies, auvens et autres choses pareilles.
Item, ay fait faire vidimus des lettres royaulx, en laz de soye et cire vert, comment le roy acceptoit l’ottroy contenu ou vidimus dont dessus est faicte mention, à lui fait, par le chapiltre de S.-Front, de la communalté de toute la juridicion temporelle qu’ilz avoient en la ville, afin d’estre plus forts et mieulx reconfortez et aidiez en leurs droiz; et combien que, en icelles lettres royaulx, soit contenu que le Roy ne la puet mettre hors de sa main, toutevoies ay-je trouvé, par led. chapiltre et communelment en icelle ville, que, quant le Roy la transporta au conte de Pierregort, avec autres choses, et qu’il prist la possession d’icelle juridicion commune, ne le desbatirent aucunement, mais touzjours de très-longtemps a esté exercée en commun, comme dit est, de leur consentement, et encores ne le desbatent a présent, ne ne pensent à desbattre on contredire, si comme il m’ont dit.
Item, ay sceu et trouvé que led. conte et led. chapiltre de S.-Front ont pareillement juridicion commune, hors de la ville de Pierregueux, nommée juridicion commune du pariage, en laquelle a officiers et séel communs, pareillement comme dessus; en laquelle a douze paroisse, c’est assavoir:
La parroisse de Brueil, La parroisse d’Eglise-Neuve (d’Ussel),
La parroisse d’Asturs, La parroisse de S.-Mesme,
(Ste) Marie de Chignac, La parroisse de Ste (le nom oublié),
La parroisse de Grunch, La parroisse de Chalainhac,
La parroisse de La-Douza, La parroisse de Mortemar,
La parroisse de Bassennes, La parroisse de Coursac,
Lisez : Marsaneix. La parroisse de Senilhac.
Item, aucune partie des parroisses de Saint-Laurent et de Saint-Pol.
A laquelle juridicion appartient cognoissance des causes criminelles, et civilles et y est acoustumé de prendre pour deffaut III s., pour claim XII d., et pour amende sur le condampné IV s.; et a le baille cognoissance jusques LX s.; de laquelle juridicion des lieux, villes et autres droiz puet, plus à plain, apparoir, par certain accort fait entre le conte et le chapiltre, dont la copie est ou sac. Et est à noter que, combien qu’en icelle copie soit faicte mencion d’aucunes autres villes qui ne sont pas ou pariage, sont elles à présent ou povoir de la baillie de Vern, qui respont à Montignac cy dessoubz, es quelles parroisses a un droit commun que de chascune beste, roige ou noire, qui y est prise, l’en en doit un quartier à monseigneur.
Item, ay sceu et trouvé tout commun que, en icelle ville de Pierregueux, de tout temps, estoit et avoit esté acoustumé d’avoir un juge des appeaulx, institué par led. conte, qui est nommé juge ordinaire des appeaulx, en icelle ville, pour led. conte, qui a et avoit court et cognoissance de toutes les causes d’appel dévolues par devant lui, de quelconque court d’icelle conté de Pierregort; et aussi appert, par lettres royaulx, en laz de soye et cire vert, et ay sceu que, en l’année 1390, messire Laurent Picart, chanoine de S.-Front, y fut commis, par les lettres du conte de Pierregort que j’ay veues et leues; mais, pour les guerres, en avoit esté peu occuppé, et aussi que les gens du Roy en usoient, par la faulte du procureur du conte, qui ne requeroit mie les renvoiz; auxquelx gens du Roy j’ai parlé sur ce, qui, par leur response ne pensent mie à desbatre le contraire et dient les plusieurs que c’est le proffit des subgiez de monseigneur, que led. juge des appeaulx y soit, pour ceque legièrement il les accorde et eschiéve moult de domaiges et fraiz, en quoy ilz pouroient encourir, en la court du séneschal, et aussi que c’est une belle noblece pour monseigneur, en lad. ville de Pierregueux (1), meismement que le maire et eschevins ont tout embracié et entrepris, tant en justice, seigneurie comme proffiz et émolumens appartenens n’a guères à la conté de Pierregort.
Pour lesquelx offices de la court du cellerier et du pariage exercer et gouverner, j’ay establiz et baillé, (jusqu’au plaisir de monseigneur), mes lettres, le serment acoustumé receu d’eulx, aux personnes qui s’ensuivent, c’est assavoir maistre Helye de Lacroiz, juge ordinaire en lad. ville de Pierregueux, de la court du cellerier et de la court du pariage, communes au conte et au chapiltre de S.-Front, auquel j’ay donné povoir de establir tabellion et sergens, pour ce que adonc n’y povoye porveoir bonnement.
Item, ay baillé mes lettres à maistre Pierre Boinson, pour estre procureur commun desd. deux juridicions du cellerier et du pariage, qui par avant l’avoit esté, et ay donné povoir aud. juge de porveoir d’un autre procureur, ce mestier est, veu le petit estat d’icellui procureur, l’aage et la feblece de corps.
Item, ay ordené et commis juge des appeaulx maistre Pierre du Buc, chanoine de S.-Front.
Et quant est des gaiges et proffiz d’iceulx offices, je n’en ay riens ordené, veu que à présent ilz ne sont mie trop embesoingnez, et aussi veu le petit proffit d’icelles juridicions (2); mais leur ay dit, promis et remonstré que, se ils font diligence de remettre les droiz de la justice sus, monseigneur le duc les porverra et satisfera bien, et les soustendra et reconfortera à ce faire; et sera bon que, par ses lettres, il leur fasse savoir; mesmement que les maire et eschevins en redoubteront plus, etc.
Item, ay sceu et trouvé que le conte de Pierregort avoit en icelle ville de Pierregueux plusieurs autres droiz, rentes, coustumes et justice, plus à plain déclairez en aucuns livres et rolles anciens, dont j’ai fait copier les aucuns; et povoient par chascun an valoir au conte, si comme j’ai peu savoir, environ CC l. t., et a présent leur appartiennent par achat, fait par eulx, pour la somme de sept mille francs, et à eulx adjugiez, par décret de parlement, pour la dicte somme, en déduction et rabat de la somme de trente mille livres, en quoy le feu conte avoit esté condampné, par arrest de parlement, envers eulx, duquel arrest, j’ai fait extraire ce qu’ilz ont eu, par décret de parlement.
C’est assavoir la place ou masure appellée La-Raouffie, si comme icelle place se comporte, ensemble la pierre et matère estant en icelle, avec 14 journées de bœufs de terres arables, appartenens à icelle place et masure, avec toutes les appartenences d’icelle place.
Et est assavoir que, selon ce que j’ay sceu et trouvé, s’estoit un bel chastel au dehors de la ville, qui fut abatu par ceulx de la ville et du siège que tenoit adonc le viconte de Meaulx.
Item, la prévosté que icellui feu conte avoit et possidoit ou son prévost, pour lui, en icelle ville, et dedans le povoir d’icelle, avec la court de lad. prévosté, péages, foires, liédes, ventes, estans tant dans la parroisse de S.-Silein de Périgueux, comme en la parroisse de S.-Martin, Puyabric, les Clauseaux et autres servitutes, devoirs, émolumens, droiz et revenues quelxconques appartenens à lad. prévosté et court, lesquelx coustumes, droiz appartenens à lad. prévosté et court sont déclairez plus a plain cy dessoubz.
Item, IV l. de rente de la monnoye de Pierregozins, qui valent à tournoys LXIIII s., avec les appartenences d’icelle rente, que le conte avoit et levoit sur la liéde de Jehan et Pierre Maymi.
Item, XL l. de rente de la monnoye desd. Pierregozins qui vallent à tournoys XXXII l. que icellui conte prenoit, chascun an, sur la communalté d’icelle ville et cité, à deux termes, moitié à Noël et moitié à la S.-Jehan, avec un marbotin d’or, deu par led. commun aud. conte, à la mutation de conte, qui vault et puet valoir environ XX s. t.
C’est assavoir qu’ils devoient aud. conte lad. somme de XL l. et marbotin, pour raison de la cognoissance des IV cas dessusd. qu’il leur transporta.
Item, le commun que icellui feu conte levoit sur aucunes gens de la ville de Pierregueux, avec touz les autres droiz et devoirs appartenens, à cause dud. commun, et la déclaration desquelles coustumes et devoirs est cy dessoubz escripte.
Item, les ventes et chapsols que le conte prenoit en la parroisse de S.-Front de Pierregueux, avec toutes ventes et devoirs qu’il levoit en icelle ville et ou povoir d’icelle.
Item, les rentes, boades seigneuries et droiz quelconques que icellui feu conte avoit et levoit en la parroisse de Champsavinel; la déclaration desquelx est cy dessoubz escripte.
Item, tous les cens, rentes, boades, seigneurie et autres droiz et devoirs quelxconques que le conte avoit et levoit en la parroisse de Treillessac, et généralment toutes autres justices, juridicions et devoirs que icellui feu conte avoit et possidoit en lad. ville et cité, et ou povoir d’icelle, pour quelconque crime ou délit; lesquelx droiz, par décret de parlement, leur ont esté adjugiez, sauf et excepté la moitié de la juridicion de la court, nommée la court du cellerier, avec la juridicion, justice, claim, femidroit et autres devoirs quelconques, à cause d’icelle moitié, appartenent au d. conte.
(S’ensuivent les droiz appartenens à lad. prévosté.)
Le prévost puet faire arrester quelque personne foraine à requeste de partie ou autrement, et avoit juridicion criminelle et civile sur les forains et sur aucuns autres, en la ville, et tenoit sa justice en la salle nommée la salle du conte, a Pierregueux.
Item, prenoit pour un claim, XII d., par arrest brisé III s., et par deffaut III s.
Item, prenoit de chascun marchand vendent drap de coleur, à Pasques, VI s.
Item, un marchand forain, sans sa licence, ne povoit deslier son fardel, et s’il le faisoit, la robbe estoit acquise au prévost, et le marchand en la volonté du seigneur.
Item, pour chascun fardel, pour péage, XII d.
Item, tout forain, portant en la ville, cuir, conroye de tan, sans le congié du prévost, pert les cuirs, et, pour chascune charge de cuir, doit XV d. de péage.
Pour un saumon, II d.; — pour la douzaine de lamproyes, II d.; — pour charge de merluz, XV d.; — pour charge de seiche, XV d.; — pour charge de harens, IX d.; — pour douzaine d’aloses, IV d.; — pour charge de laines, XV d.; — pour charge d’uille, IX d.; — pour charge de paniers, I panier; — pour charge de plateaux et escuelles de bois, I vaissel; — pour charge de cribles, I crible; — pour charge de hanaps de bois, V hanaps; — et de charge de tout autre ovraige de bois, en doit un.
Item, chascun portant aulx et oignons à vendre, il doit une demie fourche.
Item, toute beste amenée ou marchié pour vendre, doit péage, c’est assavoir: Pour roucin, jument, mulle, asne, s’ils sont ferrez IV d,, synon II d., soient venduz ou non; pour boeuf, I d.; pour menues bestes I maille; et, sitost qu’ilz entrent en la ville, l’en les puet gaigier.
Item, tout homme, portant marchandise à col ou tablette, doit III oboles.
Item, chascun an, sont 4 foires en lad. ville; c’est assavoir: à la feste S.-Estienne, au mois d’aoust, à la Nostre-Dame de septembre, à la S.-Luc et à Mi-quaresme, et dure chascune quinze jours, et ne prant autre que le prévost péage, durans icelles; et, durans icelles, chascun forain, portant cire à vendre, doit, pour chascune tourtelle, I d.; et pour chascune charge, XV d.; et, avec ce, des choses dessusd. selon ce qu’il est cy dessus escript.
Item, tout le péage qui est levé après lesd. foires est mis en une bourse, qui est appellée la bourse commune, de laquelle le prévost prant de XX s. V s., et le remaignant demoure en lad. bourse commune, qui appartient à aucuns bourgeois de la ville. Et prant l’en pour mettre en celle bourse: pour charge de cire, XV d.; pour charge de draps, XV d.; pour charge de laines, IX d.; pour charge d’uille, IX d. et toutes les autres choses dessusd. paient péage à lad. bourse, lesd. foires passées.
(Item, s’ensuivent les coustumes appartenens aussi au prévost tant seullement.)
Tout homme portant solers à vendre en lad. ville de Pierregueux, lui doit XIV d.; — tout homme, faiseur de solers en lad. ville, lui doit, le jour de Pasques, XIV d., et à Noël, autant; — tout tanneur de cuirs doit, à Pasques, VI d., et à Noël, autant; — tout homme qui tient poivre en la ville, pour vendre, lui doit demie once de poivre à Noël.
Item, tout forain portant poivre à vendre en lad. ville, sur un sommier, doit une livre de poivre, à paier pour une foiz.
Item, tout homme qui porte busche à vendre en icelle ville, doit, pour tout l’an, une somme de busche.
Item, tout homme, qui porte fein ou paille à sommade, doit, pour l’an, une charge, et, s’il porte à col, un faiz. Tout homme portant charbon à vendre en icelle ville doit demie charge, et, s’il la porte à col, demi fais, ou la moitié de l’argent qu’il le vent.
Item, tout homme portant poz, sur sommier, doit le plus bel, excepté un.
Item, tout homme qui tient poz à vendre en lad. ville, doit, une foiz l’an, V vaisseaulx.
Item, tout homme qui porte fer à vendre en lad. ville, doit V s., une foiz l’an.
Item, tout homme fevre, tenent meulle, doit XII d., moitié à Pasques, moitié à Noël.
Item, chascun qui tient meulle pour esmouldre, doit VI d., une foiz l’an.
Item, a acoustumé de prandre led. prévost, chascun an, en la parroisse de S.-Front, la moitié des ventes des hostelx et fiez appartenens au conte.
Item, a acouslumé de prendre, es parroisses de S.-Silein et de S.-Martin, de Clauseaux. et du Puyabric, la quarte partie des ventes.
Item, la quarte partie des chols, poreaux. et feves desd. parroisses jusques à la valeur de IV escuelles de chevalier.
Item, a acoustumé de prandre, sur toutes gens de lad. ville, à la feste de Ste-Katherine, un droit que l’en appelle le commun, excepté sur clers et bourgeois de lad. ville; c’est assavoir pour chascun homme, XII d.; pour un beuf, VI d.; pour l’asne, VI d.; pour le roucin ou jument, XII d.
Item, quiconques porte sel à vendre en icelle ville, doit la moitié de la quarte partie du sel et I d. pour chascune beste chevaline, et pour l’asne obole, toutesfoiz qu’il viennent pour vendre.
Item, sur tout homme qui porte voirres à vendre, le plus bel, excepté un.
Item, tout homme qui porte fust de lances ou dardes sans fer, en doit une, posé qu’il n’en portast que deux, et s’il en portoit C, n’en devroil-il plus.
Item, est assavoir qu’esd. deux parroisses de Treillessac et de Champsavinel, contenues en leur décret, appartient toute haulte justice; et là, avoit juge qui ressortissoit devant led. juge des appeaulx; et sont à une lieue francoise de lad. cité de Pierregueux, auquelles aussi appartient un devoir qui est appelle boade; c’est assavoir, pour chascune paire de beufs estans esd. lieux, XII d. paiez une foiz l’an.
Item, est assavoir que lesd. mayeur et consulz veulent dire et prétendre par la générale clause de leurd. décret des droiz appartenons à lad. prévosté, avoir droit es lieux de Perinag, en la parroisse de Tursac, et de Jarta et de la Dorbea, en la parroisse de Cursac, hors d’icelle ville et près, es quelx lieux a toute haulte justice, et III sextiers de blé de rente, IX sextiers de vin, XX s. en deniers, et la quarte partie des fruiz des terres vacans. Item, II modurières de froment et II d’avene, et XX pintes de vin.
Et ce dient, pour ce que le prévost du conte souloit recevoir les revenues; mais, salve leur grâce, les recevoit cellui qui gardoit led. chastel de La-Raouffie, en soy payent de ses gaiges et fraiz, pour la garde dud. chastel, avec les autres revenues dessus déclarées, par la main du prévost, pour ce qu’il estoient près de lad. ville et environ icelle, et aussi ne sont en riens contenuz en leur décret; et, posé que aucunes foiz le prévost les receust, si n’estoit ce que pour bailler aud. chastellain, et, pour ceste cause, ay ordené de les faire gouverner et recevoir, de par monseigneur le duc; et ces droiz dessusd. ay fait déclarer pour ce qu’il semble à plusieurs que, par le moyen du roy ou autrement, ilz retourneront à monseigneur le duc, etc.
Item, ay trové, en aucuns des livres et viez registres, faisant mencion des revenues appartenens au conte, en icelle ville de Pierregueux, qu’il lui estoit deu XX l.,de la monnoie du païs de rente, par les chanoines de S.-Front, par chascun an, à paier à 4 termes, dont plus à plain aussi est faicte mencion es lettres, sur ce, faictes, séellées de 5 séaulx, données l’an 1240; lesquelles lettres veues, j’ay fait assavoir auxd. chanoines ce que dessus, lesquelx, à leur salvacion et descharge, m’ont monstré certain originaul dont j’ay pris vidimus collatiouné à icellui, lesquelles lettres j’ay mises ensemble, et ay enqueis se aucun paiement en a esté fait, et depuis quel temps; mais il n’en est nouvelles au païs ne es comptes. Et, pour ce, ay ordené au receveur qu’il saiche à cellui à qui ils furent transportez, par le conte, c’est assavoir à Estienne de Jovenals, bourgeois de Pierregueux, s’il les reçoit, et qu’il en est?
Item, a droit de patronage le conte de Pierregort de 12 chappellains ordenez en l’église de S.-Front, en icelle ville de Pierregueux, lesquelx doivent déservir, en la grant chappelle que fonda le cardinal de Pierregort. La fondacion desquelles et toute l’ordonnance sur ce faicte par led. cardinal sont contenuz es bulles du pape, mises avec les autres, et dont mencion est faicte en l’inventoire, sur ce fait aporté.
Item, a droit led. conte du patronage de 24 étudiens, tant en droit civil comme canon, à Thoulouse, au lieu nommé le collège de Pierregort. La fondacion desquelx et l’ordenance dud. cardinal qui les fonda, appert, par le vidimus de court de Rome, sur ce fait, mis avec les autres lettres et inventoriez comme dessus. Lequel vidimus est rungié ou mangié de raz, en aucuns lieux.
Item, aud. lieu de S.-Front ay trouve deux grans coffres plains de lettres appartenens à la conté, autresfoiz baillez là en garde et de moult long temps, par un serviteur d’un conte, lesquelles, en la présence dud. maistre Girault du Peyrat et de plusieurs autres, ay visitées et fait visiter, et porter, avec moy, à Montignac, ce qui faisoit à propos, et là, ont esté inventoriées, et les autres lessées éud. lieu en garde, séellées soubs mon séel.
Item, soit advisé et porveu, par monseigneur le duc et son conseil, en ce que le mayeur et consulz de Pierregueux menacent, de jour en jour, de eulx faire paier de ce qui leur est adjugié, par arrest, sur plusieurs nommés en iceulx arrests et sur plusieurs autres complices, si comme ilz dient, pour occasion de laquelle double, les plusieurs des subgiez d’icelle conté sont en voye de laissier le païs, qui seroit la destruction de la conté, pour ce que la plus grant partie a esté avec Archambaut, et par contrainte et doubte de mort, si comme ilz dient, et pareillement pour doubte de l’arrest que a obtenu messire Emery de Chabannes, de la somme de quinze mille francs, lequel m’a promis qu’il ne les pense à poursuivre, fors que, devant le juge ordinaire de monseigneur, et, sitost qu’il pourra avoir argent, il s’adrescera devers monseigneur le duc et en fera à son plaisir; et en vérité son fait est moult pitéable. Et, quant à recouvrer les droiz et revenues, dont dessus est faicte mencion, estans à Pierregueux, et aussi de l’adjudicacion qu’ils se dient avoir, par les deux arrestz, montens à la somme l’un de trente mille, l’autre de quarante, dont l’en rabat sept mille, pour l’achat qu’ilz ont fait desd. rentes; sur tout j’ay parlé à eulx, par plusieurs et divers moyens, et tant à part et secrètement comme en présence de plusieurs, lesquelx m’ont fait feible response, comme plus à plain j’ay escript, sur ce, à monseigneur le chancelier d’Orliens; et semble qu’ilz soient en propos de rigoureusement garder les droiz qu’il se dient avoir, et dient les plusieurs du pays que, de tout temps, ilz en ont esté coustumiers, et pareillement contre les gens du roy qui ce m’ont tesmoigné; et ay sceu, tant par les officiers du roy, comme par la plus grand partie du commun, qui en est venue à plainte, et à reffuige à moy, que le peuple de la ville est moult grevé de plusieurs tailles qu’ilz mettent sus, et par espécial d’une qu’ilz ont derrenièrement mise sus, lesquelx ils contraingnent rigoureusement, non obstant quelque appellation qu’ilz facent.
LA POSSESSION ET ESTAT D’ICELLUI CHASTEL.
Le l3me jour d’aoust, l’an dessusd., me transportay au chastel de Bourdeille, lequel avait en garde Arnault, sire en partie de Bourdeille, escuier, establi de par messire, Jehan de Chambrillac, père de sa femme, le 15me jour de may l’an 1399; lequel messire Jehan de Chambrillac, le 25e jour d’avril précédant, l’an dessusdit, y fut ordené, pour le roy, par le maréchal Boucicaut, aux proffiz, droiz, rentes et revenues appartenez aud. chastel, ensemble toutes les rentes, droiz et esmolumens escheus pour la part de Archambaut, aux proffiz aussi de ce que led. conte avoit es lieux de Lisle, de Dorle, de Toscane, de Selle et de Bertric, pourveu qu’ils ne soient de Montignac ne d’Alberoche, et pourveu aussi qu’il ne feust tenu de compter; lequel Arnault, sire en partie de Bourdeillle, m’a rendu les clefs dud. chastel, lesquelles j’ay receues en prenant la possession et saisine dud. chastel pour et ou nom de monseigneur le duc et y feis atachier les panonceaulx des armes de mond. seigneur et autre part aussi, là où il a droit, tant en commun comme autrement; présens ad ce Philippot du Mesnil-Regnart, capitaine de Montignac; Jehannot Helias, capitaine d’Alberoche; Guillaume le Nepveu, Pierre de Cressac, Mondenet de la Porte, Pierre du Fraisse, Bernin du Clot, Laurenson de Montardit, Michelet de l’Osche et plusieurs autres.
Item, led. jour, ay ordené et commis capitaine et garde dud. chastel led. Arnault, jusques à Noël prochain, pour ce qu’il estoit homme d’onneur et seur, si comme je trouvay, par la relacion de maistre Giraut du Peyrat et des autres officiers de monseigneur le duc, le serment accoustumé receu de lui, présens à ce led. maistre Giraut, Philippot du Mesnil-Regnart, Jehannot Helyas, Guillaume le Nepveu, Bernin du Clot, Pierre de Cressac el Michelet de l’Osche, pourveu toutesvoies qu’il ne receverait riens des rentes et domaine dessusd.; mais les receveroit le receveur ordené pour monseigneur le duc, afin de le remettre sus et en clarté, et seroit satisfiez, par porcion de temps, au feur que les revenues monteroient; et ces choses je feis, pour ce que je faisoie doupte, considéré qu’il est en partie seigneur, que ce ne fust pas le proffit de monseigneur qu’il fust capitaine, et que je n’estoie mie advisé d’autre, et aussi que, par ses paroles, il sembloit qu’il tendesist avoir grans gaiges, et la revenue est petite, et si disoit que, sans le sceu de son seigneur, aultrement il ne l’oseroit emprendre. Lequel chastel est en bon pays et de légiére garde, si comme dient les connoissers en ce, et aussi a grans proffiz des guez.
Item, led. jour sceu et enqueis se oud. chastel ne en la ville avoit aucunes lettres, registres, papiers ou aucuns enseignemens de la terre, rentes et revenues du chastel et chastellenie dessusd., dont je ne trouvay riens, sauf tant que Raymond Guibaut m’a esté témoingné, tant par led. Arnault comme par plusieurs autres gens, dignes de foy, estre cellui par qui l’en povoit savoir l’estat des droiz, rentes et revenues dud. lieu; lequel Raymond je ordenay estre devers moy, à Montignac, pour moy en informer là, tant par luy comme autrement, se faire se povoit. L’estat desquelles rentes, revenues, droiz et justice, seront trouvez cy-après par escript.
Item, icellui jour je visitay led. chastel, en la présence des dessuz nommez, lequel est en assez bon estat, excepté de couverture, sur la tour et sur la salle, et d’aucunes autres menues besoingnes neccessaires de massonnerie et chapenterie qui, par l’advis de plusieurs, pourront couster à mettre en estat convenable environ CC f. Ouquel lieu n’avoit armeures, artillerie ne autres choses deffensables, appartenent à monseigneur le duc, mais seulement oud. Arnault ou à ses commis, estans ordenez pour la garde dud. chastel, lequel n’y demeure point, mais en son domicile, prés de là. Et aussi ay sceu que oud. chastel n’avoit que les vivres achatez par lesd. compaignons, pour leur vivre, qui estoit peu de chose (3). Et estoit icelle forteresce assez convenablement emparée et fortifiée, par l’advis des dessus nommez.
ALBEROICHE,
LA POSSESSION ET ESTAT D’ICELLUI CHASTEL.
Item, le 15e jour dud. mois d’aoust, l’an dassusd,, me transportay ou chastel d’Alberoiche, ouquel lieu je trouvay Jehannot Helyas, capitaine dud. chastel, lequel me bailla les clefs d’icellui chastel, lesquelles je receuz en prenent la possession et saisine d’icellui chastel, pour et ou nom dud. monseigneur le duc d’Orléans, et feis atacher les panonceaulx aux portes d’icellui chastel, ouquel Jehannot Helyas, ordené capitaine, par les lettres de mond. seigneur, je baillay lesd. clefs, receu de lui le serment acoustumé, combien que, par avant, l’eust fait, en la présence de mond. seigneur, si comme il disoit. Presens ad ce Philippot du Mesnil-Regnart, capitaine de Montignac, maistre Giraut du Peyrat, Guillaume le Nepveu,. Helyas la Roiche, Alias Roillon, Mondixon de Marcillac, Heliot de Belet, Jehan La-Cropte, Jehan Laurenceau, Bernart Galman, prévost dud. lieu, Michelet de Losche et plusieurs autres.
Item, aud. lieu enqueis s’il y avoit lettres, instrumens ou aucuns enseignemens touchens la terre et la seigneurie, ne aussi meuble aucun appartenent à mond. seigneur, à cause de sa conté; auquel je trouvay les choses qui suivent, c’est assavoir: Trois coutes, dont les deux estoient très petites et l’autre un peu plus grant.
Item, une couverture de soye ovrée à rosiers, despéciée au bout d’amont et deux autres couvertures rayées.
Item, trois bonnes arbalestes et un martinet de fer à les tendre.
Item, deux canons, l’un grand et l’autre petit, et trois caiches plaines de viretons.
Lesquelles choses furent baillées aud. Jehannot Helyas, par Philippot du Mesnil-Regnart, capitaine de Montignac; et estoient de la garnison de Montignac.
Item, deux mauvaises huiches, dont l’une ne ferme point.
Item, y trouvay deux tonnes à mettre vin contenens chascune X ou XII queues de vin, et une petite cuve à fouller vendenge; et autre chose n’y trouvay appartenent au conte.
Item, veis et feis adviser les necessitez convenables en icelle forteresce, en laquelle n’avoit vivres aucuns, de par le conte, et laquelle je trouvay estre bien emparée souffisemment de forteresce, et qu’il estoit neccessité d’appareiller la salle de massonnerie, charpenterie et couverture qui, par l’advis des dessusd., pourra couster environ CCL frans.
Item, j’ay trouvé demourant oud. chastel Helyas La-Roche, Alias dit Roillon, escuier, commis, de par led. Jehannot Helyas, pour la garde d’icellui, lequel l’en tien pour bon escuier et vaillent homme d’armes et led. Jehannot Helyas demeure autre part, en son mesnaige.
MONTIGNAC.
LA POSSESSION DUD. CHASTEL.
Item, l’an et jour dessusd., me transportay en la ville et chastel de Montignac, et le lendemain, 16me jour dud. mois d’aoust, receuz les clefs dud. chastel, par la main dud. Jehannot Helyas, par avant commis à la garde d’icellui, et capitaine, pour le roy, par monseigneur le mareschal Boucicaut, lesquelles clefs je baillay de par mond. seigneur le duc d’Orlians, conte de Pierregort, au dessusd. Philipot du Mesnil-Regnart, lequel estoit par avant ordonné et commis, de par mond. seigneur, capitaine desd. ville et chastel, et receu en icellui chastel par led. Jehannot, jusques à ma venue, duquel Philipot je receuz le serment acoustumé en tel cas, et, avec ce, pareillement feis des clefs et porte de lad. ville, auxquels lieux, chastel et ville je feis mettre les banieres et attacher les panonceaux des armes de mondit seigneur, presens ad ce maystre Giraut du Peyrat, Guillaume le Nepveu, Loys Vache, Pierre du Chesne, Michelet de Losche et plusieurs autres.
Item, en lad. ville, à un jour de marchié ensuivant, me séis ou siège où le juge ordinaire de la conté a acoustamé de seoir, ouquel lieu publiquement je receuz les sermens acoustumez des officiers estans oud. lieu, c’est assavoir dud. juge, du prévost, du procureur, du receveur, des tabellions, des sergens et autres offices, lesquels touz aprez lesd. sermens receuz, je commis et ordenay lesd. officiers pour exercer, chacun, en droit soy, son office, jusques au plaisir de mond. seigneur.
Item, publiquement et a son de trompette feis crier, de par mond. seigneur, les homaiges d’icelle chastellenie, en faisant savoir à tous que j’estoye prest de recevoir le serment de féaulté, si comme il est aconstumé ou païs et pareillement es chastellenies dessusd. et en plusieurs autres lieux, desquels vassaulx les aucuns sont venuz, et d’aucuns d’iceulx ay receu les sermens de feaulté, comme il pourra apparoir en la fin de cest procès, et pareillement feis des habitant en icelle ville et environ, comme il est acoustumé.
(Cy après s’ensuit l’estat des droiz, justice, seigneuries, rentes, revenues, domaines et autres choses touchens lesd. chastellenies de Bourdeille, d’Alberoiche et de Montignac, et premièrement de Montignac, auxquels lieux respondent, en recepte, touz les autres lieux qui sont ou pouvoir de mond. seigneur à présent.)
RENTES ET REVENUES APPARTENENTES ET TOUT L’ESTAT
D’ICELLE CHASTELLENIE (4).
Aud. lieu de Montignac a ville close, chastel et chastellenie et tout droit appartenent à chastellenie, c’est assavoir toute haulte justice, moyenne et basse, cognoissance de cas criminelz et civilz à laquelle a unze parroisses subjectes et respondens au siège de Montignac sans autre moyen de seigneur. C’est assavoir: la parroisse de S.-Pierre-de-Montignac, la parroisse d’Auriac, la parroisse de Sern (5), la parroisse de Cheylar (6), la parroisse de Fanlac, la parroisse de Bartz, la parroisse de S.-Léon, la parroisse de Thonac, la parroisse de Valogjols (7), la parroisse de Brenac et la parroisse d’Aubas. Et est assavoir que en la parroisse d’Azesac (8), qui est en la vicomté de Limoiges a aucune persones qui doivent certaines rentes à monseigneur.
Item, en lad. ville de Montignac a juge nommé le juge de la conté, par ordonnance des contes, et non mie pour raison d’icelle chastellenie seullement, lequel a court et cognoissance en toute icelle conté, excepté des juridictions et justice des cours du juge commun de la court du cellerier à Périgueux et du pariage.
Item est acoustumé en lad. cour de paier pour claim 10 d., d’un deffault 3 s., et pour deslais 3 s.
Item, pour bateure, jusques à sang, 60 s. et 1 d., et de colée, sans sang, 7 s.
Item, en icelle, a prévost, pour toutes les unze parroisses dessusd. et chastellenie, lequel a cognoissance de tout cas civil jusques à 60 s. et communément s’entremet de cognoissance de petiz cas.
Item, en icelle ville est acoustumé d’avoir un procureur qui est général en toute la conté.
Item, tabellion, séel et contreséel aux contraux.
(S’en suit ce que ont valu les rentes et revenues de lad. ville et chastellenie, tant en deniers, froment, seigle, fèves, avenes, chastaignes, cire, chappons, gelines, de vin comme de toutes fermes muables, declarées cy dessoubz, pour l’année commencent à la S.-Jehan-Baptiste 1382 et finissant à la S.-Jehan ensuivant l’an 1383, extraictes par moi commissaire des comptes d’icelle année, lesquelx et aucuns autres j’ay fait aporter avec moy.)
Et 1ment, recepte en deniers des rentes deues, pour lad. année, qui se paient à plusieurs cy dessoubz declairez par les habitans desd. parroisses, montent 98 l. 6 s. 3 d. ob., 1 franc pour 25 s. de ceste monnoye, 1 petit blanc de France pour 6 d. pictavis et 1 guiennois pour 5 d.
Item, les fermes muables de l’année 1389, pour ce que par avant n’en trouvait l’en aucun compte, monterent à la somme de 371 l. (9) de lad. monnoye ou environ, parmi la somme de 62 l. 10 s. de lad. monnoye, pour les fours de Montignac (10) et dehors, que tiennent à présent les Cordeliers, par la délivrance a eulx faicte par monseigneur le mareschal Boucicaut et pour les causes contenues en ses lettres, desquelles j’ay pris copie et vidimus d’aucunes de leurs lettres, et d’iceulx fait collation avec les originaulx, et icelle copie mis au sac.
Et sont les droiz desd. fours appeliez fournaiges; c’est assavoir que en chascun four où l’en cuit, en la ville et forbours, le seigneur prend le 16me pain, et puet valoir par an 15 l.t.
Item, ay trouvé par le compte des rentes de blez, de vins et d’antres choses d’icelle année 1382, non compris esd. fermes les parties qui en sont deues de rentes; c’est assavoir, de froment, 73 sextiers et 3 quartons, à la petite mesure, qui valent, à la grant, 43 sextiers 2 quartons et demi, et monte le sextier 3 quartons, tant de la grant mesure comme de la petite; et est la charge d’un cheval d’en porter 1 sextier qui vault, communes années, 20 s. de lad. monnoye, et valent 43 l. 6 s. 3 d. pierregousins.
Item, de seigle, 6 sextiers, à la petite mesure, qui valent, à la grant, 4 sextiers qui vault, communes années, 12 s. 6 d. de lad. monnoye; valent 50 s. id.
Item, d’avoine, en icelle année, 161 sextiers 2 quartons et demi, à la petite mesure, qui vallent, à la grant, 101 sextiers et demi, et est la charge d’un cheval d’en porter 1 sextier qui vault, communes années, 10 s. de lad. monnoye; valent 50 l. 15 s. id.
Item, de feves, 3 sextiers, à la petite mesure, qui valent 2 sextiers, à la grant mesure, dont le sextier vault, communes années, 8 s. de lad. monnoye; valent 16 s.
Item, de chastaignes nient, en icelle année, mais, chascun an, en appartient de rente à monseigneur 3 sextiers et 3 quartons, et vault le sextier communément 4 s.; valent 13 s. 6 d.
Item, de cire nient, en icelle année; mais il en y a de rente une livre qui vault 8 s.
Item, de chappons nient, en icelle année; mais il y en a de rente 8, et vault le chappon 12 d.; valent 8 s.
Item, de gelines, en icelle année, nient; mais il y en a de rente 17, et vault chascune geline 8 d.; valent 11 s. 4 d.
Item, en icelle année 1382, de rente de vin 37 sommades et 3 quarterons et demi, et puent monter les 5 sommades une queue de vin, et vault la sommade, en communes années, 12 s. 6 d.; valent 23 l. 6 s. 1 d. ob. pictav.
Somme pour lad. année 1382, parmi les fermes muables de l’année 1399 et parmi le prix commun dessusd., 591 l. 15 s. 4 d. pict., valent a tournois 473 l. 8 s. 3 d. dict. pictav.
(Cy après s’en suit la declaracion desd. fermes.)
Premier: La prévosté, l’escripture, le péage de Montignac, les fours (les Cordeliers les tiennent), le péage du sel, la coustume des foires appellée la liéde, la coustume des blez, des noiz et des cuirs appellée la liede, qui est à dire que l’en prent, en chascun sac, une petite mesure contenant environ une poingnée, la coustume des aulx et oingnons et des potz de terre appelée la liéde, le molin, le péage de Bartz, le peage de Fanlac, le peage d’Auriac, le peage de Condat, le peage de Valagjols, le peage de S.-Leons, le commun du povoir de Montignac, lequel est pareil à cellui de la ville de Pierregueux, déclairé ou livre des homaiges et de plusieurs autres droiz; et aussi cy dessus, pour Pierregort, le droit de la rivière, le droit de la chace qui est, de chascune beste roige que l’en prent en lad. chastellenie, le quartier destre de devant, et, de chascune beste noire, la teste et les 4 piez. Le toraige qui est à dire avenaige, déclairé ou papier devanld.; le pré appelle le Pré-Long, contenant cinq journées de faucheur ou environ, le pré de Beychiac, contenant huit journées de faucheur ou environ, la disme des blez de S.Pierre, la disme des blez de Brenac, la disme des blez de la parroisse de Bartz, la disme de Cern, la disme de Senzelles, la disme de Valogjols, la disme d’Aubas, la disme du vin des cuves de Montignac, la disme du vin de S.-Pierre, la disme du vin d’Aubas, la disme du vin de Brenac, la disme du vin de Bartz, le commun de Roffignac, la baillie de Plazac, la baillie de Manaurie, la baillie de Vern, la baillie de Roussille et la baillie de Rezac, ouquel lieu souloit avoir un molin qui fut abattu avec le chastel par ceulx de Pierregueux, quant le siège y fut; lequel molin pourra couster a mettre sus et en estat environ 25 l. et vauldroit, par an, environ 15 l., la baillie de Vanxens, la boade de S.-Laurent et le commun de Marsanès, de S.-Pierre-Lanes, de l’Église-Neuve, Brueil, Chapelle-Agonaguet, lesquelles baillies sont villes a part et chastellenies les aucunes, combien que les chasteaulx soient abatuz, et respondent aud. lieu de Montignac en recepte.
Item, est trouvé qu’en l’an 1396, par le compte du receveur qui adonc estoit, monterent les rentes en deniers, dont dessus est faite mencion, à la somme de 119 l. 4 s. 3 d. ob. de lad. monnoye, et n’est faicte cy aucune mention des rentes que receut icellui receveur des terres et revenues de Loys de Vernode, escuyer, de Jehan de la Motte et de maistre Bertran du Boix et autres dénommez es comptes, et, pour ce que le conte les fist recevoir, par aucunes années, sans cause, si comme il a esté trouvé, par informacion, et à iceulx ont esté délivrez, par monseigneur le mareschal, si comme m’a relaté Guillaume le Nepveu, receveur dud. lieu et aussi ne sont en riens compris es comptes anciens et precedens.
El quant est des fermes muables de lad. année, l’en n’en à rien trouvé, mais sont declairez cy dessus les chapiltres qui puent avoir valu au feur dessud., etc.
Item, en icelle année, par led. compte, fut receu, par led. receveur, en froment de rente, 54 sextiers et 6 quartons, à la grant mesure.
Item, de seigle de rente, 5 sextiers et 1 quarton, à la grant mesure.
Item, de fèves de rente, 2 sextiers, à lad. mesure.
Item, d’avene de rente, 134 sextiers et 7 quartons, à lad. grant mesure.
Item, de vin de rente, 47 sommades 11 quarterons et 6 pintes.
Item, 8 chappons et 17 gelines de rente.
Item, de chastaignes de rente, 2 sextiers et 7 quartons, pour lad. année.
Item, ay trouvé, par le compte de Pierre le Maistre, tresorier du roy, en la séneschaucée de Pierregort et de Quercy, commis, de par monseigneur le mareschal, à recevoir les rentes et revenues de la conté de Pierregort, pour un an, commencent à la S.-Jehan-Baptiste, l’an 1398, lequel receveur y fus commis le 5me jour d’octobre ensuivant, et finissant led. compte à la S.-Jehan ensuivant l’an 1399, que les fermes muables de lad. chastellenie de Montignac montèrent à la somme de 271 l. 2 s. 6 d. t., parmi les rentes de vin affermées en icelle année. Et, par led. compte, n’appert riens de la recepte des rentes et devoirs d’argent, de froment, de seigle, d’avène, de fèves et autres grains ne aussi de la recepte du commun de Montignac, combien que le langaige soit escript oud. compte, quar tout fut gasté par les gens d’armes qui tenoient le siège, oud. temps, si comme dit Guillaume le Nepveu. Et povoient monter au pris dessusd., pour lad. année.
Item, m’est apparu, par le compte de Guillaume le Nepveu, ordonné receveur par monseigneur le mareschal, commencent led. compte à la S.-Jehan-Baptiste l’an 1399 et finissant en la S.-Jehan ensuivant l’an 1400, que la somme des rentes en deniers, par lui receuz, monte 95 l. 15 s. t. qui valent à pierregozins 119 l. 14 s.
Item, la somme des fermes muables, tant de la chastellenie de Montignac comme d’autres lieux, respondens à present à icelle, comme dessus, sans la forest du Puy-Auriol qui meut de la terre de Vern, qui contient une lieue de long et un quart de large, et qui à présent est de nulle value, pour les guerres; quar, en temps de seurté, les marchans de Bordeaux et d’ailleurs y venroient querre le merrian à faire tonneaux à vin; monte, par deux parties contenues oud. compte, 404 l. 8 s. 2 d. t. qui valent à pierregozins 605 l. 10 s. 2 d. ob.
Item, la somme d’argent, des grains et autres choses vendues, c’est assavoir, de froment, 54 sextiers, de seigle, 5 sextiers 1 quarton, de fèves, 2 sextiers, d’avene, 134 sextiers et demi quarton, de chastaignes, 34 quartons, de cire, 1 livre, de chappons, 8, de gelines, 17 et de vin, 43 sommades 3 quarterons et 6 pintes, dont les 8 font le quarteron et les 12 quarterons font la sommade et les 5 sommades font environ 1 queue de vin; monte, tant en grains, vins et autres choses, 145 l. 8 s. 1 d. t., valent à pierregozins 181 l. 15 s. 1 d. pictav. pierregozins.
Toute somme de recepte de lad. année, 645 l. 11 s. 3 d.t. qui valent à pierregozins 806 l. 19 s. ob. pierregozins, sans le molin et estang de la baillie de Plazac qui sont en petit estat, lesquelx cousteroient à mettre sus bien 20 frans et vauldroient bien, par chascun an, 10 frans de rente.
Et est assavoir que les rentes en deniers se paient à pluseurs termes declairez es comptes dont dessus est faicte mencion, lesquelx nous avons extraiz et declairez cy dessous; c’est assavoir:
A la feste de S.-Jehan-Baptiste 27 l. 7 s. 3 d. ob’
A la feste de S.-Pierre ad vincula, en aoust. 3 s. 3 ob’
A la feste de l’iuvencion S.-Estienne 14 d.
A la feste de S.-Laurent 8 s. 5 d.
A la feste de l’Assumpcion Nostre-Dame 4 l. 2 s. 2 d.
A la feste de la Décolacion de S.-Jehan-Baptiste. 20 d.
A la feste de la Nativité Nostre-Dame 2 s. 8 d.
A la feste de l’Exaltacion Ste-Croix, en septembre. 4 s. 8 d.
A la feste de S.-Michel 24 l. 3 s. 1 d.
A la feste de Touzsains 24 s.
A la feste de S.-Martin d’iver 20 s. 8 d. ob.
A la feste de la Nativité de Nostre Seigneur. 53 l 18 s. ob.
A la feste de l’Epyphanie 2 s. 6 d.
A la feste de S.-Hylaire 2 s. 3 d.
A la feste de la Purificacion Nostre-Dame 31 s. 11 d.
Le premier jour de mars 10 s. 4 d.
Le premier dimenche de caresme 2 s. l0 d. ob.
Le jour de Pasques flories 11 s. 7 d.
Le jour des grans Pasques 55 s. 3 d.
Le jour de l’Ascencion 21 d.
Et le jour de Penthccouste 5 s.
Tout à la monnoye de pierregozins.
(Item, s’ensuivent les termes que l’en paie les fermes muables); c’est assavoir:
La tierce partie, à la feste de Touzsains; la tierce partie à Noël, et l’autre tierce partie à la feste de la Purificacion Nostre-Dame. Et ne se recevoient pas les fermes muables ordenéément, par manière de compte; mais les recevoit, de jour en jour le maistre d’ostel du conte.
Item, les rentes de grains se paient à la S.-Michel; les fermes de grains, le vin et chastaignes, à la feste de Touzsains; les chappons et gelines, à Noël, et la cire, à Pasques.
Item, m’a dit et relatté led. Guillaume le Nepveu et Miregon de Veyras, à présent receveur, que les charges à héritaige sont celles qui s’en suivent:
Premièrement, au prieur et chappellain de l’église de Bartz, sur la disme dud. lieu et parroisse, 33 sextiers de froment, à la grant mesure.
Item, audessusd., 12 sommades de vin.
Au chappellain de S.-Pierre de-Montignac, sur la disme d’icelle parroisse, 2 sextiers de mousture et mine de seigle à lad. mesure.
Item, au dessusd., 2 sommades de vin.
Item, au chappellain de Brenac, sur la disme d’icelle parroisse, 12 sextiers de blé, à la petite mesure; c’est assavoir: 1 sextier froment, 1 sextier seigle, 1 sextier fèves, 1 sextier mousture, 2 sextiers paniez et millocz plus gros grain que mil, et le remaignant, avene.
Item, aud. chappellain, 15 sommades de vin.
Item, au chapellain d’Aubas, la quarte partie de la disme du vin et la 8me partie du vin de lad. parroisse. Lesquelles charges ont accoustumé d’estre paiées de tout temps, et, quant l’en baille les fermes, l’en a acoustumé de les bailler, toutes charges paiées.
Item, devant le chastel de Montignac a un jardin que tenoit led. conte, lequel Jehannot Helyas dit qu’il est sien, et requiert lui estre rendu, parce que le conte l’avoit ocupé par l’espace de 30 ans, sans cause, si comme il dit.
Item, aud. lieu de Montignac, de tout temps, est acoustumé d’avoir juge, capitaine, procureur général et receveur qui ont acoustumé d’avoir gaiges. Les noms desquelx officiers et les gaiges ordenez, tant par monseigneur le duc, comme par moy commissaire, jusques à la volenté de monseigneur, s’ensuivent; c’est assavoir:
Philipot du Mesnil-Regnart, capitaine de Montignac, par l’ordenance de monseigneur le duc, à 600 l. t. de gaiges, à commencer le premier jour de mars, l’an 1399 (1400 N. S.).
Maistre Giraut du Peyrat, licencié en loys, juge ordinaire en icelle terre et pour toute la conté, excepté de la court du cellerier et du pariage, à Périgueux, par l’ordonnance de mond. seigneur le duc, aux gaiges que autres foiz avoit, par avant que la seigneurie venist à mon seigneur le duc, lesquelx gaiges, en l’année précédent, lui furent ordenez, par mon seigneur le mareschal Boucicaut, à 40 l.t. de gaiges, comme il m’est apparu, et fut faicte sa retenue, de par mond. seigneur le duc, le 1 jour de may l’an 1400.
Raymon de Benac, procureur général en toute lad. conté, par l’ordonnance de moy commissaire, à 12 l.t. de gaiges, à commencer à la S.-Jehan-Baptiste derrenier passé, pour ce qu’il s’y est employé.
Hemery de Veyras, receveur général pour toute lad. conté, par l’ordonnance de moy, commissaire, à 30 l.t. de gaiges, à commencer à la S.-Jehan, l’an 1400.
Simonnet Garnier, sergent de la forest de Grant-Val, en la chastellenie d’Alberoche, et de la forest du Puy-Auriol, en la chastellenie de Vern, sans gaiges.
Et, par l’estat dessus escript, appert que led. Guillaume le Nepveu doit à monseigneur le duc, par la fin de son compte, depuis le 23 jour de janvier l’an 1399 (1400 N. S.) que le don fut fait, jusques à la S.-Jehan l’an 1400, parmi 1 livre de cire de 3 s. perigozins, 6 l. 1 s. 8 d. ob. pierregozins, qui valent à tournois 4 l. 17 s. 4. d., laquelle somme j’ai ordené estre payée au receveur qui est à présent.
(Cy après s’ensuivent les repparations neccessaires à faire au chastel de Montignac.)
Pour la repparacion de la haulte terrasse et pour le degré par où l’on y monte 44 f.
Item, pour tailler et cimenter les pierres du pavement de la basse-terrasse qui estoient rompues par les pierres d’engin qui y furent envoyées, par le temps que le siège estoit devant. 20
Item, pour traire et amener la pierre et massonner, entre la viz et la tour ronde 20
Item, pour monter la tour ronde, abatue par les engins, et pour la machecoller et mettre en bon estat 400
Item, pour la pierre neccessairc pour le mur d’entre le Jaques et la tour ronde 60
Item, pour amener lad. pierre au pié du chastel et pour la tailler et massonner 40
Item, pour chaux et pour sablon 200
Item, pour les variez à servir lesd. massons 100
Item, convient faire un mur, neccessaire entre la tour ronde et la viz de la terrasse, et, quant il sera fait, y aura un très bel dongon qui enforecra bien led. chastel, et, s’il estoit fait, ne seroit point de besoin de faire lad. tour ronde; et pourra couster led. mur environ 400
Item, pour la repparacion des garites des brayes d’environ le chastel 100
Item, pour couvrir la chappelle et les maisons qui sont à l’environ 20
Somme 1404 f.
Et dient lesd. massons que la tour du Jacques ne seroit pas bien mise en bon estat qu’elle ne coustat environ 4000 f.
Les chastellains et aucuns autres dignes de foy dient que, chascun an, les repparacions neccessaires de ce chastel et des autres dessusd. se pourraient légèrement trouver à l’aide du païs; mais je croy qu’il leur convendraient plus longuement lesser reprandre leurs alaines, quar ils sont povrez.
INVENTOIRE DES BIENS MEUBLES
ESTANS OU CHASTEL DE MONTIGNAC.
Premièrement, en la salle, 2 chiennez, en la cheminée, — 2 draps de tapicerie, l’un pourtrait du roy Alexandre, et l’autre de la roe de fortune, et sont despéciez en aucuns lieux, — 1 lavoer de metal et 1 bacin, — 2 chayeses de conte, dont l’une est rompue, — 1 petite table, en laquelle est le jeu des eschés et des tables, — 2 quarreaux eschequetez de trippe et 1 petit bacin à laver.
Item, en 1 arche qui est en lad. salle, sont les choses qui s’ensuivent; c’est assavoir: 1 ciel et dossier de taffetaz jaune doublé de toille tainte, armoyé des armes du conte, et 2 courtines de taffetaz jaune, qui ne valent mie 10 d., — 1 courtine de sendal vermeil, qui rien ne vault,— 1 grant quarreau, brodé aux armes du conte, et est usé par dessoubz, — 7 quarreaux de velloux de drap d’or et de soye qui ne sont gaires bons.
En la chambre d’empres la salle, 2 coutes, l’une grant l’autre petite et deux coissins, — 1 coutepointe tendue à dossier, dont le conte fit prendre un pourpoint, — 1 couverture de soye ovrée a cocz, — 1 petite coutepointe blanche pour le petit lit, — 1 chayese et 1 petit coffre de bois qui rien ne vaulent.
En la chambre d’entre la four longue et la chappelle, 1 grant sarge vermeille, tendue sur le lit,— 1 coute et 1 coissin, — 1 coutepointe de soye vermeille, toute usée du costé de dessus, — 1 petit quarrel de soye, aux armes du conte.
En la chambre dessus la terrasse, 2 coutes et 2 coissins, —
1 courtine vermeille qui sert à demi-ciel, et ne vault riens, — 1 couverte de
soye ovrée à cocz, — 2 petiz chiennez et 1
chayese, — 1 sarge vermeille, doublé de toille tainte.
En la tour longue, 1 coute, 1 coissin et 1 couverture.
En la chambre dessus la cuisine, 1 coute et 1 coissin, — 1 couverture de soye ovrée qui rien ne vault.
En la bouteillerie, 2 quartes et 2 pintes d’estain.
En la chambre de riéreguet, 1 materaz et 1 coissin.
En la forge, 1 enclume et 2 mauvais soufflez.
En la grosse tour, 2 coutes et 2 coissins, — 1 couverture de soye vermeille, doublé de toille tainte, — 1 demi-ciel de toille verde qui rien ne vault, — 1 couverture de laine rayée, — 1 table de cyprès, ployant au long.
En la chambre d’entre la grosse tour et la chappelle, 2 coutes, l’une grant, l’autre petite et 2 coissins, — 1 chayese qui rien ne vault, — 1 coutepointe de soye jaune qui rien ne vault, — 1 couverture barrée; de toutes lesquelles coutes en y a 3 qui rien ne valent.
En la chappelle, 1 bréviaire romain, — 1 livre de responsoire, pour dire matines, — 1 livre du service de la Trinité et du Saint-Sacrement, — 1 livre d’oroisons, — 1 tableau en 2 parties, — 1 custode d’argent dorée, en laquelle l’en met corpus Domini, — 2 vestemens compliz, dont l’une chasuble est de soye blanche et l’autre de soye verde, — 1 petit quarrel de soye, — 3 touailles d’autel, — 1 couverture d’autel de toille tainte, — 1 benoistier d’estain et 1 bacin à laver les mains, — 1 messel et 1 gréel, — 1 calice d’argent et la patène.
En la cuisine, 12 plaz et 36 escuelles d’estain, — 2 paelles, l’une d’arain et l’autre de fer, — 1 pot de cuivre qui a le pié rompu, — 2 broiches de fer et 1 trépié, — 2 chiennez et 2 lechefrites de fer, — 1 petit bacin à barbier,— 1 grand chauderon à 2 ances, — 1 greil et 2 cuilliers de fer, — 2 roustissouers de fer.
En la tourelle, 4 coffres et 1 petit forcier ferrez, plains de lettres, — 1 petit coffre ferré ouquel il n’a rien, — 7 quarreaux sans robbe. — ltem le papier des homaiges qui estoit en la huiche de la salle, avec certains registres.
INVENTOIRE DE L’ARTILLERIE ET AUTRES CHOSES,
POUR LA DEFFENSE DUD. CHASTEL DE MONTIGNAC.
Premièrement, 7 arbalestes de bois et 1 d’acier, 1 martinet de fer, pour tendre arbalestes, 2 troiz de bois, pour tendre arbalestes, 46 casses d’artillerie et 1 autre casse, où il a environ 200 de dondaines, 4 fesseaux de chanvre, 20 piez de chievre, 2 crocz de fer enchaisnez, 3 picz sans manche et 1 pic de perrière, 3 coings de fer, 8 chevilles de fer, pour engins, 10 cercles de fer, pour canons, 1 mortier de métal, 22 chevilles pour tendre tentes, 11 fers de pelles, 8 bendes d’engin, 15 pièces de cordaiges, tant petites que grans, dont il n’en y a que 1 qui vaille gaires, 4 fers pour prisonniers, 1 ceinture de fer avec 1 chaisne, 1 levier de fer, 1 grosse cheville d’engin, 3 petiz sacz de poudre de charbon de saulx, et ne sont pas plains, 1 sachet de soffre, 39 pavoiz, 5 tentes dont il en y a aucunes qui ne sont mie entières, 11 fondes d’engin, tant petites que grans, dont il en y a 2 garnies de cordes, 9 canons que grans que petiz, 1 caque de salpêtre, 1 caque et 1 barril de tourteaux pour faloz, 3 faloz.
RENTES, REVENUES ET L’ESTAT D’ICELLE CHASTELLENIE.
Premier. (Cy ensuit l’estat de droiz, juridicions, seigneuries, terres, rentes et revenues de la chastellenie d’Alberoiche.)
Aud. lieu a chastel et chastellenie et tout droit appartenant à chastellenie, c’est assavoir haulte justice, moyenne et basse et semblablement comme en la chastellenie de Montignac, et en laquelle chastellenie a quinze parroisses; c’est assavoir: la parroisse du Chambge, la parroisse de Sarlhac (11), la parroisse de Cubsac (12), la parroisse de Montanhac (13), la parroisse de Lymayrac (14), la parroisse d’Abzac (15), la parroisse de Fossemagne, la parroisse de S.-Crespi (16), la parroisse de S.-Pierre, la parroisse de Blis, la parroisse d’Ylhac (17), la parroisse de Tregonan (18), la parroisse de Anthona (19), la parroisse de S.-Antoine et la parroisse de Milhac (20).
(S’ensuivent les rentes et revenues de lad. chastellenie tant en grains et en deniers comme autrement, extraiz et advisez d’aucuns comptes, par l’advis et déposicion des persones que scevent l’estat, que j’ay, sur ce, examinez et iceulx comptes veus et visitez et fait aporter avec moy.)
Premièrement, par le compte de l’an 1387, en orge et avene, tant des terres baillées au quart, en icelle année, comme de rentes, 6 sextiers et 9 modurières, et valent les 14 moduriéres 1 sextier, et vault chacun sextier d’orge et d’avene, l’un par l’autre, en communes années, 14 s. de pierregozins; c’est, aud. pris, 4 l. 4 s. pierregozins.
Item de froment, en celle année, 3 sextiers 7 moduriéres et demie, dont les 8 moduriéres sont le sextier, et puet valoir le sextier, en communes années, 20 s. de pierregozins; c’est, aud. pris, 79 s.
Item, les rentes, en deniers, lesquelles sont levées à tournois, et ont valu, en celle année, 23 l. 10 s. 6 d. t., qui valent à pierregozins 29 l. 8 s. 1 d. ob.
Item, par led. compte, lesd. rentes en deniers qui sont levées à pierregozins, ont valu, oultre lad. somme, 108 s. 6 d. de pierregozins.
Item, le peage a valu, en celle année, 60 s. pierregozins.
Item, 6 livres de cire, 18 s. pierregozins.
Item, le peage du sel a valu 1 quarte de sel, qui vault 20 s. pierregozins.
Item, le femidroit, c’est-à-dire la prévosté, a valu 4 l.t., qui valent 100 s. pierregozins.
Toute somme de recepte, pour lad. année, tant en grains comme en deniers et autres choses, 52 l. 17 s. 6 d. ob. pierregozins, qui valent à tournois 42 l. 6 s. 1 d. pictavis et demie.
Item, ai trouvé, par le compte de l’an 1392, que la recepte des rentes en deniers qui se paie à tournois, a valu 21 l. 4 s. 5 d. ob. t., qui valeut à pierregozins 26 l. 10 s. 6 d. ob.
Item, la recepte en deniers qui se paie à pierregozins, a valu 77 s. 1 d. pierregozins.
Item, le peage a valu 30 s. pierregozins.
Item, 8 livres de cire, 24 s. pierregozins.
Et oud. compte n’est faicte aucune mencion des grains.
Item, ay sceu et trouvé, par le comte de Bernart Galman, prevost et fermier d’Alberoiche, en l’année commencent à la S. Jehan-Baptiste l’an 1399 et finissant à la S.-Jehan ensuivant l’an 1400, ordené par monseigneur le mareschal, pour recevoir les rentes d’icelle chastellenie, lequel prist tout à ferme, durant lad. année, de Guillelme le Nepveu, receveur de la conté, pour la somme de 35 l.t., qui valent à pierregozins 43 l. 15 s., excepté le tabellionnaige qui fust baillé à 2 frans et le molin, dont le capitaine prenoit le proffit, qui adonc povoit valoir 10 frans; mais à présent est en tel estat qu’il ne puet meuldre; que la recepte de froment par lui faicte, en icelle année, monte 5 sextiers 2 modurières, qui valent, aud. pris, 112 s. 6 d. pierregozins.
Item, la somme d’avene monte 9 sextiers 2 modurières, qui valent 6 l. 8 s. pierregozins.
Item, ay trouvé que la recepte de deniers, parmi le péage d’Alberoiche, a valu 24 l. pierregozines.
Toute somme de recepte, pour ledit an: 36 l. 6 d. pierregozins.
Et oud. compte n’est point faicte mencion du femidroit, c’est assavoir des exploiz de la justice, ne de la cire, ne de la forest d’icelle chastellenie nommée la Grant-Val, qui contient 1 lieue de long et 1 quart de large, qui sont moult longues ou païs, et n’est à présent d’aucune value, pour les guerres; mais, s’il estoit paix et seurté ou pays, elle vauldroit moult, pour ce que ceulx de Bordeaux et autres achateroient le merrian, pour faire tonneaux à vin, si comme dient ceulx du païs.
(Item, s’ensuivent les fermes acoustumées à bailler en lad. chastellenie.)
Premièrement, la prévosté et tous les exploiz de femidroit, l’escripture, le péage d’Alberoiche, en lad. chastellenie, le molin, les cens, rentes de froment, de seigle, de deniers et de la cire, les quars des blez, des terres vacans et les fruiz des bois et les bozies (vaines pâtures).
Et se paient lesd. rentes et fermes à Noël et à Pasques, et les grains se paient à la S.-Michel.
Item, ay sceu que led. molin pourra couster 25 f. à mettre sus, et pourra bien valoir 10 f. par an.
Item, aud. lieu d’Alberoiche est ordené led. Jehannot Helyas, capitaine pour mon seigneur le duc, à 300 l.t. de gaiges, par an, commencent l’an 1399, le 12me ou 14me jour de mars (1400 N.-S.), si comme il dit.
Et, par l’estat que dessus, semble qu’il serait deu à mon seigneur, par Bernard Galman, fermier en l’année finissait à la S.-Jehan l’an 1400, pour la moitié des fermes de deniers et autres rentes, qui se paient à Noël et à Pasques, la somme de 12 l. pierregozines, qui valent à tournois 9 l. 12 s.
Et de ce ne fait aucune recepte led. Guillaume, comme dessus, pour ce que la revenue estoit ordenée en celle année à Chotart de Viollet, pour la garde dud. chastel, par monseigneur le mareschal Boucicaut, lequel receut tout, jusqu’à lad. S.-Jehan l’an 1400, si comme dit led. fermier et led. Guillaume et par ainsi doit estre rabatu aud. Johannot Helyas en satisfient led. Chotart qui y fust ordené, ou temps cy devant escript.
BOURDEILLE.
RENTES, REVENUES ET ESTAT D’ICELLE CHASTELLENIE ET DES AUTRES.
(Cy après s’ensuit l’estat des droiz, domaine, seigneurie, rentes et revenues de la chastellenie de Bourdeille à moy déclarées par Raymons Guibaut, lequel en fut prévost et fermier et l’année commencent à S.-Jehan-Baptiste, l’an 1396, et finissent à la S.-Jehan ensuivent, l’an 1397, desquelles rentes et revenues autre enseignement je n’ay peu trouver par deça.)
Premièrement dit led. Raymond que aud. lieu a chastel appartenent au conte, touchent à une place ou souloit avoir chastel dont j’ai fait veue sur le lieu, comme dessus est dit, lequel fut abatu et apartenoit à Arnault, sire en partie de Bourdeille à cause de ses prédécesseurs par lequel lieu a entrée première commune entre le conte et led. Arnault et au dessus entrée seconde oud. chastel du conte à lui appartenent icelle entrée seconde et chastel seullement; lesquelx deux lieux furent partiz et divisez anciennement entre deux frères; auxquelx chasteaulx abatu et entier appartient droit de chastellenie commune entre led. conte et led. Arnault; lesquelx droiz et justice sont divisez entre eulx; c’est assavoir que en lad. chastellenie appartenent seul et pour le tout, à monseigneur le conte, a 8 parroisses; c’est assavoir la parroisse de Biras, la parroisse de Bussac, la parroisse de Pui-de-Fourches, la parroisse de Valueil, la parroisse de Felis (21), la parroisse de Paoussac, la parroisse de S.-Vivian, la parroisse de S.-Just et la moitié de la parroisse de Bourdeille, la moitié de la parroisse de Layelle (22), la moitié de la parroisse de Bonaguet (23), jusques au Caillau et la moitié de la parroisse de Lagulhac (24).
(Item, s’ensuivent les rentes de grains et les noms de ceulx qui les doivent.)
Premièrement, froment: Marie Foresse, 1 sextier. — Helyas Vigier, 6 modurières. — Jehan de Cravignac, 2 modurières. — Robert Bacon, 5 modurières. — Helyas Coste, 1 moduriére. — Arnaud Michelet, 2 modurières; et vault chacun sextier 12 modurières, et est la charge d’un cheval d’en porter 1 sextier et 2 modurières, et vault bien le sextier 15 s. de pierregozins.
Somme de froment, 2 sextiers et 4 modurières, valent 35 s.
Item, pour aucuns heritaiges que tient Jehan Malaure, demourent à Pierregueux, héritier de Jehan Germain, de rente, par an, 1 sextier de froment vault, 15 s.
(Item, s’ensuit l’avene.)
Premièrement, Pierre Du-Bosc, 48 modurières, à la mesure vielle, dont les 18 modurières font le sextier. — Pierre de Crane, 48 modurières, à lad. mesure, — Helyas Constantin, 48 modurières, à lad. mesure, — et la dame de Manha, 12 sextiers, à la bonne mesure; et vault le sextier, en communes années, 10 s. pierregozins.
Somme d’avene: 20 sextiers, valent 10 l.
(Item, s’ensuivent les rentes en deniers.)
Helyas Vigier, 6 d. — Pierre Du-Bosc, 28 s. — Pierre de Crane, 28 s. — Helyas Constantin, 28 s. — Pierre de Montnavi, 11 s. 3 d. — Bertran du Clusel, 5 s. — La dame de Manha, 30 s.
Somme 6 l. 10 s. 9 d. pierregozins
(Item, s’ensuivent les fermes acoustumées à bailler en lad. chastellenie.)
Premier, la baillie de Bourdeille, qui vault à dire la prévosté, a valu, en lad. année, 60 s. t.; le péage de Bourdeille, 100 s. pierregozins; et le commun, qui est tel comme à Périgueux, 7 l.t., valent en tout 17 l. 10 s. pierregozins.
(Item, s’ensuivent autres fermes qui ont esté acoustumé et à bailler en lad. chastellenie, combien que elles n’en soient mie.)
Premier, la baillie de Selle avec la parroisse de Bertric, la parroisse de Vertillac et le peage de La-Cousture, qui ont valu, en lad. année, 7 l.t.
Item, la baillie de Toscane, avec la moitié du peage de S.-Germain; le peage de Chantegeline et la moitié du peage des Treilles, valurent, en celle année, 30 s. t., valent à pierregozins 9 l. 7 s. 6 d (25).
Et est assavoir que les rentes de grains se paient à la S.-Michel.
Les rentes en deniers se paient en quatre termes; c’est assavoir: la quarte partie, à la S.-Estienne d’aoust; l’autre quarte partie, à la S.-Michel; l’autre à Noël, et l’autre à Pasques. Et les fermes se paient moitié à Touzsains et moitié à Pasques, et le commun se paie à la S.-Pierre d’aoust.
Et ay sceu que la parroisse de S.-Privat, qui est forteresse, est de la conté de Pierregort, laquelle Arnault des Bordes ocuppe, pour ce qu’il dit qu’il l’a gaingnée sur les Anglois; et, pour ce, ay ordené qu’elle soit mise en la main de monseigneur.
Item, aud. lieu de Bourdeille, au dessoubz du chastel, souloit avoir un molin, en la rivière de Drone, lequel est tout destruit, sauve la maison qui est sus, et cousteroit, tant à faire la chauciée qui est rompues, comme de meulles, roes, charpenterie et autres choses, environ, 100 l.t., et vauldroit, par an, de 10 à 12 1.
Et par l’estât dessus déclairé appert qu’il n’est riens deu à monseigneur le duc de la terre de Bourdeille que depuis le terme de S.-Jean, l’an 1400, parce que led. Arnault, capitaine, a pris la revenue en soy payent, et, pour ceste cause, n’en compte rien en recepte led. Guillaume le Nepveu.
Item, ay sceu et trouvé, tant par ce que dessus est escript comme par plusieurs lettres royaulx, en laz de soye et cire, vert, que les premières appellacions de la conté de Pierregort, de quelconque juge estant dans lad. conté, ressortissent devant le juge du conte, nommé le juge des appeaulx (26) de lad. conté, demourant à Pierregueux; lesquelles lettres sont inventoriées, et d’icellui juge des appeaulx est faite mention en cest procès (27) cy devant, ou chapiltre des droiz de la ville de Pierregueux; et du juge des appeaulx viennent devant le séneschal (28).
Item, ay sceu et enquis des séaulx acoustumez es lieux et chastellenies dessus déclairez, et ay trouvé qu’il est acoustumé d’avoir séel, pour le juge ordinaire de la court du cellerier, à Pierregueux, et de la court du pariage, communes entre le conte et le chapiltre de S.-Front, ouquel séel a un escu des armes de France, à destre, et, à senestre, est l’ymage de S.-Front, et, ou contre-séel, a trois flours de lis, à destre, et trois croces, à senestre, et doit estre escript led. séel: Sigillum commune curie communis cellerarii et pariagii comitis petragoricensis et S.-Frontonis; et ou contre-séel : Contra-sigillum.
Item, un autre séel pour le juge des appeaulx, où il sera escript: Sigillum curie appellacionum.
Item, est acoustumé avoir un séel à Montignac des armes du seigneur, aux contraux, où est escript : Sigillum ad contractus comitatus petragoricensis, et ou contre-séel : Contra-sigillum.
Item, un séel, pour la court du juge, où il est escript: Sigillum curie Montigniaci; mais il me semble que l’on y doit escripre: Sigillum curie judicis comitatus petragoricensis, pour ce qu’il est juge ordené par le conte, comme dessus est dit.
Et es autres chastellenies, les prévostz, nommez bailliz, séellent de leurs séaulx, desquelx séaulx, acoustumez à séeller au païs, les aucuns sont perduz et les autres emportez par les officiers d’Archambaut, et n’y a point esté pourveu, durant le temps que la conté a esté dans la main du roy derreniérement, et, pour ce qu’il estoit besoing de y pourvéoir promptement, ay commis au receveur de tantost les faire faire de cuivre, avec les marques pour mesures et autres choses convenables, et, jusques à ce que autrement y soit pourvu, à Paris; et semble qu’il seroit bon qu’ilz fussent faiz d’argent, à Paris, pour l’onnour de monseigneur, quar aussi ceulx du conte estoient d’argent (29).
Item, me suy informé, tant par le receveur comme par autres, se es lieux dessus nommez ne es autres lieux appartenens à la conté, ils savoient autre domaine, c’est assavoir de fours, de molins, de terres, maisons, prez, vignes, bois, estangs, garennes, cens, rentes, ou autres devoirs, lesquels m’ont affermé, par leurs sermens, que autre chose n’y scevent que ce que dessus est déclairé, sauf de ce que tiennent le sire de Muscidan, le captal, le seigneur de Duras, Armignac et aucuns Anglois, lesquels tiennent les lieux cy après déclairez, extraiz des lettres du don fait par le roy à monseigneur le duc, lesquelx lieux leur ont esté leuz et exposez.
Item, ay fait inventaire de plusieurs lettres royaux, tant en laz de soye et cire vert, comme de plusieurs autres, touchens les droiz et noblesces de la conté et aussi de plusieurs papiers et registres anciens, faisons mencion des droiz, rentes, revenues et noblesces de Pierregueux, de Montignac et d’aucuns autres lieux d’icelle conté; et, pour ce qu’il m’a esté advis qu’il soit bon que elles soient veues et advisées diligemment et, pour plus grant proffit et seurté, ay fait apporter, avec moy, les copies d’aucunes d’icelles, desquelles il apperra, par l’inventoire et les autres lettres et papiers lessiez ou chastel et baillez en garde ou capitaine, par inventoire, afin que les officiers du païs y puissent avoir touzjours recours, pour remettre le domaine sus et garder les droiz de monseigneur et pareillement plusieurs autres lettres, et tout remis en la tour.
Item, j’ay enquis s’il y avoit aucun procès en la court de parlement ou autre part, touchens les droiz de lad. conté, et, par la relacion des officiers, ay sceu qu’ilz n’y scevent procès quelconques.
(Cy ensuit la déclaration des villes, chasteaulx, lieux et autres droiz de la conté de Pierregort contenuz es lettres du roy de l’octroy et don, par lui fait à monseigneur le duc d’Orléans, le 23me jour de janvier, l’an 1399 (1400 N. S.), et les noms de ceux qui à présent en occupent la plus grant partie,)
Pemiérement, la conté de Pierregort avec son tiltre, le chastel et chastellenie. (A présent il n’y a que la place et y souloit avoir chastel nommé la Raouffie, et non pas chastellenie.)
Item, le chastel d’Alberoiche (c’est chastellenie).
Item, la conté de Bourdeille (aud. lieu n’a point de conté, mais est chastellenie tant seulement).
Item, le chastel de Montignac (aud. lieu a chastellenie et ville close).
Item, le chastel de Rezac. | En tous ces trois lieux a chastellenie, et sont les
Item, le chastel de Vern. | chasteaux abatuz, et respondent à présent en
Item, le chastel et terre de Roussille. | recepte aud. lieu de Montignac
Item, la ville et chastel de Montpaon (Ilz sont desers et abatuz, et en lièvent les Anglois la revenue).
Item, le chastel et chastellenie de Benevent (le seigneur de Muscidan les tient).
Item, le chastel de Montignac dit le Petit (le captal le tient).
Item, le Puy-de-Chaluz (le seigneur de Duras le tient).
Item, la terre de la parroisse de Plazac (la 8me partie de la juridicion appartient au conte, et respont à Montignac en recepte, l’autre part à l’évesque de Picrregort et l’autre partie à Maron Dupuy; et sont divisées les revenues entre les seigneurs).
Item, la ville de Caoursade. |
Item, le lieu de Moultusac. | Tous ces lieux et villes tient
Item, le lieu de Molers. | et occupe le conte d’Armignac
Item, Villefranche (30). |
Item, la ville de Cordes, ou païs de Toulouse. |
Item, le patronage de 12 chappellains, fondez par le cardinal de Pierregort en sa grant chappelle de l’eglise de S.-Front de Pierregueux.
Item, le patronage de 24 escoliers estudiens à Tholouse, fondez par led. cardinal; et est nommé le lieu: le collège des escoliers de Pierregort, à Tholouse.
Item, la baillie de Manaurie, où il a plusieurs parroisses, et respont en recepte à Montignac, laquelle n’est mie contenue esd. lettres.
Et combien que je aye entendu que, par les arrestz dont dessus est faite mencion, les aucuns complices d’Archambaut, père et filx, aient esté baniz et leurs biens confisquez, n’ay je ordené aucunement de ce, ne fait mencion aucune, pour ceque je ne scavoye mie le contenu de l’arrest, et aussi que les plusieurs du pays s’en feussent partiz, qui communement sont en ce dangier, combien que, par la générale remission que monseigneur le mareschal leur fist et aussi sur l’espérance que je leur ay publiquement et notoirement donnée de eulx adrescier devers monseigneur, et tant pour leurs privilèges comme autrement, ilz sont à présent en plus grant seurté et ont intencion de faire traire devers lui, pour lui supplier qu’ilz puissent demeurer en seurté, et tant pour lesd. debtes comme pour les mesfaiz et aussi pour leurs franchises et libertez. S’y m’est advis, soubz correction, etc., et pareillement à touz les officiers de monseigneur le duc estans en sa conté de Pierregort, que ce sera son honnour et proffit de leur faire tout le bien et avantage que bonnement faire se pourra.
Et supplient à mond. seigneur le duc qu’il lui plaise à remédier ou fait de la justice, quar bonnement l’en ne puet aler par le pays, pour doubte d’aucuns larrons et rompeurs de trêves qui robent les marchans et les passans, lequel inconvénient avient pour ce que les séneschaulx ne demeurent mie sur les lieux, lesquels bien aisiément y pourraient pourveoir s’il y estoient.
(Arch. du roy., sect. hist., K. 1235.)
(1) Nota, qu’il sera bon que les causes d’appel, dévolues de la court dud. juge des appeaulx, viennent de directe en parlement, par le privilège de la parrie, etc.
(2) Nota, que pour ceste, présente année les proffiz desd. juridicions communes sont baillez à VIII l. t. de ferme.
(3) Nota, que les chastellains offrent d’avitailler les forteresces pour 2 ans, mais qu’il soient diligemment paiez de leurs gaiges, par chascun an, et qu’ils puissent ordener, à leur proffit, de ce qu’il achèteront, l’an révolu.
(4) Pour les comptes qui vont suivre, les chiffres arabes ont paru préférables.
(5) La-Bachellerie.
(6) Commune Des-Farges.
(7) Valojoux.
(8) Azerac.
(9) Nota: qu’ils ne sont point en forme de compte.
(10) Nota: que cette année ils valurent plus, pour les gens d’armes, qui adouc y estoient.
(11) Sarliac.
(12) Cubjac.
(13) Montagnac-d’Auberoche.
(14) Limeyrac.
(15) Azac.
(16) St-Crespin.
(17) Eyliac.
(18) Trigonant.
(19) Antonne.
(20) Milhac-d’Auberoche
(21) Voyez Introduction, p. 27.
(22) Lisle.
(23) Agonaguet et non pas Gonnaguet.
(24) Laiguillac.
(25) De la value pour une année 45 l. 18 s. 3 d. pierregozins, valent à Tournois 36 l. 14 s. 7 d.
Toute somme que puet valoir, pour un an, la recepte de toutes lesd. terres, sans lesd. cours du cellerier et du pariage de Pierregort et sans le femidroit que l’en appelle esploiz du juge ordinaire, 724 l. 11s. 11d. pictavis et demie tournois.
(26) Nota, que le mayeur et consulz venoient, en cas d’appel, devant icellui juge des appeaulx.
(27) D’icellui ay aporté coppie mise ou sac.
(28) Et nota, comme dessus, qu’il sera bon qu’il viengnent en parlement, par le privilège de la parrie, comme dessus est noté.
(29) Nota, que ceulx de Montignac sont faiz de cuivre à présent.
(30) Caoursade (Caussade), Moultusac (Montalzat), Molers (Molières). La-Française, ces quatre localités en Quercy.
SE DISANT COMTE DE PÉRIGORD.
En nom del Paire, del Filh et del Sanct-Esprit, amen: Archambault, conte de Perigort, sas del corps et de la pessa, en nostre bone, sane et perfeiche memorie, per la gracia de Diu, pausas et constituis, attendens et diligemen considerans que lo deriers recours es a la mort, et que no es cause may certane que la mort et cause may encertane que la hore de la mort, et que nulhe humanable creature, de qualque estat ou condition que se sie, no pot fugir a la mort, et, per so, nul sems (sevis) homo no deu defferir ni prolongar (de) despousar et ordonner de sa arme et de son corps et de sos beys, car aucunas veis se entendent que la malaudie vexa tant fort la personne que li offusque et enduris son sen et son entendement, que no pot far ny no sap ordenar, perfiechement son testament; et per so, se ensec souvent que sos beis, senhorias et heritatges, venen en las mas et poder de talz als quoals jamais el n’ac voler ni affection, et, quant lo senhor mort, ses far testamen, se enseguessen soven, entre parens et autres, guerres, plaix et dicensions sobre sos beys et heretatges; et, per so, consideran las causes sobrediches et plusiors autres raisos, fag prumerament per nos lo senhal de la sante croux, ordonan et dispousan de nostre personne, beys et heritatges, en quanhe part que sien, et fassen nostre derrier testamen, et declaran nostre dernere volontat en la forme et maneire que s’ensec.
Premieremen, donan et recommandam nostre arme et nostre corps a nostre senhor Dieu, tout poderos et a lla verges gloriouse, mayre de nostre salvador et a toute la court celestialle de Paradis, et en appres ordenam que, quant se vendra que nous irem de vite a trespassement, volem et ordenam estre sebelis en la sepulture laqualle monseignor mon payre, Archambault, comte de Perigort, lo quoal Dieu absolve, faix far en lo couvent dels Frayres Minours de Montinhac, en laquoalle monsenhor mon payre, mon frayre et mas sors son sebelis; et leissen mieg quintal de cere alsditz fraires per la luminarie del outar, per far quoatre torches, per ardre lou jour de nostre sepulture; et en lo septiesme et lo trentiesme et en lo cap del an.
Item, leissem may aldit couven douze mars d’argen de trie per mettre nostre corps en ladiche sepulture, et y dire los offices sollempnallement, ainsi comme apparte, lo jour de la sepulture et lo septiesme et lou trentiesme et lo cap del an, per dire une messe en segent tous jours jusques a trente jours après la sepulture.
Item, en cas que nos anessem de vite a trespassemen, sans hereter descenden degudamen de nostre propri corps, nous lessam, instituissem donne (comme) heretére de tous los beys, losquoals nous appartenen de la succession de nostre senhor payre, nostre amade sor Helianor de Perigort, et, après lieys, volons que succedis nostre nebode Louise de Clarmont, viscontesse de Myal, filhe de la diche nostre sor, et qu’and defailho de bieys (lieys?), son premier filh, et s’il failhe, d’aquel la plus prochane personne a qui se appartiendra la succession, segont dreich, et en cas que ladiche nostre sor Helianor ou sadiche filhe, nostre nebode, ou sondich filh ou lou plus prochan, qual que se sie, a qui appartiendra la succession, fus de autre obedience, ny tengores autre partide ny sagramen, sinon que sie puremen et simplement ainsi quon nos en et tenen fizelitat et obedience a nostre souverain senhor lo rey d’Angleterre et de France, duc de Guienne, en aquel cas, nos volem que degu ne degune personne que degues successedir, apres nous, tengues ne possedis neguns de nostres beys, senhouries, ne heretatges quals que se sian a nous appartengus, per nostre senhor et payre, d’aqui adont que la proprie personne a qui appartiendra, del drech, la succession, vengues a la obedience et fidelitat de nostredich et souverain senhor, perque supplicam a sa reale magestat que li plagos de lo recebre et aber agradable, et, en aquel cas, volrian que successedis quon dessus es dich; et dels beys, senhorias et heretatges de la baronia de Mascap (Mastas?), ou quoal que sian, en autre part, losquoals nous sian appartenguts, per la succession de nostre donne mayre, nous voulen et ordennen que sie faich et servat de punct en punct (que d’aquella) succession vengues fezellement a la fezellitat et obedience de nostre souverain senhor lo rey, ainsi quom dessus ez declarat de la succession payrenal.
Item, volem et ordonnam (et) enchargon nostre executadour degus nommat et nostre hereter ou tout autre que agons lo gouvernamen ou administration de nostres beys et heretatges, quals que se fussent, que a toute personne a qui nous fussen tengus de aulcuns debtes, per raison de prest ou autrement raisonnablemen degut, los enchargons que, ses degun debat ny contradiction, del nostre los payen et los satifassent plenement. Exequdour de aqueste nostre presen testemen et darrere disposition et volontat fasen, constituisen et ordonnan nostre fizel et amat Audry Jamart, donzel, alquoal donnen et octroyan ple et liberal pouder et special mandemen nostre presen et darrer testemen exequire, nos legats et funerailles pagar et accomplir et toutes autres causes far exequire et exercir que pot et deu far tout bo et vertader exequdour de tout testemen et darrere volontat, et que se appartenen, de dreich, al office de tout bo et vertader exequdour; et en appres, quant se vendra, per lo plaiser de nostre senhor, que nous anem de vite a trespassemen, nous voulen et ordenam que lodit Audry Jamart, nos!re exequdour, sie capitani regen et gouvernadour de nostre castel d’Aulberoche et de totes autres places, beys et heretatges, en canhe part que se sian, a nous appartenen, per lo drech et succession payrenal, et an apres ordenem que el no baille ny sie tengut de baillar la possession de nostre castel d’Aulberocbe ny d’aultres places senhouries, terres, beys ou heretatges a nous appartenens a la sobrediche nostre sor ou a nostre neboude ou a son filh ou aultre, a qui la succession se appartengos, de qui a tant que ils serbissen l’obedience et fezelilat de nostre senhor lo rey, en la forme et maneire que dessus est dich et ordenat; et affi que loudich nostre exequdour se porte miel deligement et fezeliment en l’execution d’aquest nostre present testemen, nous volen que age, per soos trabailhs, sept mars d’argent. Et eysso es nostre testemen et darrere volontat, laquoal volem que aye valour et fermetat de drech de testemen perfiech ou enperfiech, en escriptz ou ses escriptz sollempne noncupatiou ou per drech de darrere volonlat et disposition, si val, et, si no pot valer, comme testamen, que valio comme codicille, et si no val ainsi comme es faich volem que valio, comme donacion faithe entre los vieux ou comme donation faithe, per cause de mort, ou aultrement, en la meilhour maneire, drech et forme que poyra ni deura valer, tant de coustume comme de drech, et, aucun autre testemens, d’eysse en atras, nous avian fach ou de nostre personne, beys et heretatges nous aviem, en aulcune maneire, disposat ny ordenat, tout aquo nous revocam, cassam et irritam de tout en tout, et anullam, et volem que no aye alcune valour ny efficassio,aquest nostre testemen duran et estan en sa perfeche valour, et envocan et pregan Bordelot de Cambos de viala d’Oussau, del pays de Bearn; Guillem Reynes, del loc de Broquieres, de Rouergue; Espanholet de Biocar, del loc de Montastruc, en Bearn; Noudon de Merpeso, del loc d’Aulbeterre; Giraudon de Castelon, del prebostat de Sanct-Sever; Girauton Viram, de Sanct-Salvadour; Thomas Barret, nat de Anglalerre; et Giraud Roux, del poder d’Aulberoche, et quascu de lour, que de aquest notre present testemen et darrere disposition et volontat place de remembrar et de esser bons et verays testimonis, quand loc et temps sera ny mestier fora; et en sagels propris que los plase de segellar aquest nostre present testemen, et aquels que non auram propis seegel, que lous plase de esser contens de nostre propri seegel autentic; et nous sobredich, tous ensens, et quascu de nous testimonis appelas et pregatz abem estat presens, quand lo present testemen es estat fach et ordennat, et, cum de present no ayant nostres propris seegels en losquals pesquam seegellar de present lo present testemen, nous supplicam aldich nostre senhor lo conte que luy plaise de seegellar lo present testemen en son propri seegel, en loquoal nous en em, en aqueste partide, contens, et nous Archambaut, conte de Perigort, sobredich testadour, à la pregarie, requeste ejt supplication delsdichs testimonis, ensems, per las causes sobrediches, adjoustats, appellats et pregats, et affy que a las causes sobre diches et contengudes, om donne foy et creance, en toute part ont besong ny mestier sera, avem fach mettre, en queste nostre present testemen, nostre propri seegel autentic, et nous em signatz et soubzescrips, de nostre propria ma, affy que age maiour valour et fermetat.
Donnat Aulberoche, lo 22 jour de septembre, l’an de Nostre senhor mil quatre cens vingt-cinq, ainsi signé; et nous Archambault, conte de Perigort, en nom de Dieu, volen et approvent aquest nostre present testemen, per veray testemoni, abem escriupt eyssy de nostra ma.
(Bibl. du roi, coll. Doat. t.244, reg. du Périgord, coté 3, fol.225.)
TABLE DES MATIÈRES.
Page.
LIVRE PREMIER.
Chapitre 1er. Archambaud V. - De 1362 à 1368 57
Chap. 2. Périgueux. - De 1363 à 1368 75
Chap. 3. Événements accomplis de 1368 à 1378 82
Chap. 4. Démêlés. - De 1378 à 1389 106
Chap. 5. Prise et démolition du château de La-Rolphie.— 1390-1391 141
Chap. 6. Procès et condamnation d’Archambaud V. — 1391-1397. 172
LIVRE DEUXIÈME.
Chapitre 1er. Mort d’Archambaud V; occupation du comté par
Archambaud VI; sa conduite. — 1397 219
Chap. 2. Saisie, mise à l’enchère, adjudication et envoi en possession
des domaines du comte, à Périgueux. — 1398 241
Chap. 3. Siège et prise de Montignac. — 1398 258
Chap. 4. Procès d’Archambaud VI. - 1399 280
Chap. 5. Conclusion. - 1399-1430 306
Appendice 319
PREUVES.
- Extrait du Livre noir de la maison de ville de Périgueux 1
- Réparation des murs de Périgueux 2
- Échange entre la communauté et les Jacobins 3
- Naudonet-Durat, capitaine du château de Bourdeille 3
- Ordre du roi de faire des inhibitions au comte de Périgordpreuves8preuves9 4
- Engagement d’Archambaud V envers le vicomte de Meaux, le
sénéchal de Périgord et Guillaume de Tignonville 4
- Montignac. — Affaire du comte 5
- Périgueux 6
- Prise du château de Caussade 7
- Arrêt du parlement contre Archambaud V 8
- Saisie, mise à l’enchère et adjudication des biens que le comte
de Périgord avait à Périgueux 30
- Lettre écrite aux maire et consuls de Périgueux par leurs députés à Paris 68
- Envoi en possession, pour les maire et consuls, de tous les domaines
qu’Archambaud V possédait à Périgueux, moins la moitié de la cour du célerier 69
- Arrêt du parlement contre Archambaud VI 77
- Donation du comté de Périgord au duc d’Orléans 93
- Prise de possession de la comté de Périgord au nom du duc d’Orléans,
- Testament d’Archambaud VI 137