EDITORIAL
Ici, la passion commune est l’Archive. Désormais, son futur passe par l’Internet, mais nous ne croyons pas que la présentation « moderne » généralement adoptée en matière de catalogues soit pertinente. La seule mise à disposition du chercheur comme de l’amateur d'outils de recherche, justifiée sans doute pour les bibliothèques, n’est pas adaptée à l’archive, dont tout recueil est essentiellement factice, artificiel. Sa survie, son écriture même sur des supports fréquemment réutilisés par des scribes successifs et à des fins différentes obéissent largement à une combinatoire complexe du Hasard et de volontés humaines erratiques.
A quoi sert un outil de recherche quand on ne sait pas quoi chercher ? A quoi sert un moteur de recherche quand on est mû par un simple désir flou de connaissance ?
Les catalogues manuels, les inventaires, qu’ils fussent sommaires ou non, se lisaient comme un ouvrage, avec les mêmes surprises que peuvent réserver les œuvres romanesques. Imagine-t-on un instant la seule présentation de Madame Bovary sous forme d’une page écran de recherche multicritères, sans que l’ouvrage lui-même ne soit par ailleurs publié ?
Nous sommes donc en faveur de la publication en ligne exhaustive et gratuite des inventaires et catalogues d’archives, et nous souhaitons qu’un mouvement se dessine en ce sens.
Nous souhaitons que les liens entre les transcriptions déjà effectuées, notamment aux 17ème, 18ème et 19ème siècles, et les références de ces catalogues et de ces inventaires soient systématiquement recherchés et recréés, s’ils ont été perdus.
A des fins de capitalisation de la connaissance humaine, nous souhaitons qu’après chaque publication, le chercheur ou l’historien remette dans le domaine public "virtuel" ses travaux sur les archives utilisées, afin que ses transcriptions, ses annotations ou ses commentaires ne disparaissent pas avec leur auteur.
La méthodologie de présentation de l’archive elle-même peut être relativement libre, et sera de toute façon contingente, car tributaire des moyens technologiques, matériels et surtout humains dont nous disposerons à un instant donné. Notre admiration en ce domaine va aujourd’hui à l’Ecole des Chartes, et à son site : http://theleme.enc.sorbonne.fr/
En résumé, les objectifs majeurs qui nous animent
(1) montrer qu'accéder à un catalogue, un inventaire d'archives toujours "factice" via un outil/moteur de recherche n'a aucun sens sans la publication du catalogue ou de l'inventaire lui-même. La problématique de l'accès aux archives est totalement différente de l'accès à une bibliothèque qui a un fonctionnement et une organisation rationnelle. Ces accès sont pourtant traités de façon identique aujourd'hui.
(2) montrer que la numérisation à partir d'un microfilm argentique (voir E611 - Pau) est d'une qualité et d'un confort largement ignorés et sous-estimés. De surcroît, le traitement de cette numérisation peut-être délocalisé géographiquement, contrairement à l'archive originelle qui ne peut-être traitée que sur place.
(3) convaincre enfin que la diffusion en ligne de ces catalogues/inventaires qui concentrent énormément de documents sur la Guerre de Cent Ans et les guerres de religion, est d'un intérêt qui dépasse largement nos frontières nationales.
En conclusion, au delà de cet appel à une démarche collaborative, nous souhaitons simplement offrir au passant de notre site le plaisir de cette lecture. Allons à Pau avec Ferdinand Villepelet, et commençons à lire le "roman" des archives du Périgord et de Guyenne :
CHAMBRE DES COMPTES DE NÉRAC.
B. 1763. (Cahier.) — In-4°, 60 feuillets ; papier.
1372-1379. — Comptes de recettes et dépenses du vicomté de Limoges, rendus par Guillaume Repvol, trésorier général ; — Goin Malet, trésorier d'Excideuil et Jean Dupont, trésorier de Thiviers : — frais d'entretien d'un prisonnier accusé d'avoir mangé sa sœur en temps de famine ; — réparations au moulin de St-Yrieix ; — perception d'amendes pour vol de pain en temps de famine ; — fausse mesure de sel ; — vendangeurs nocturnes, etc…
Nous abandonnerons ici le lecteur à sa réflexion.
Claude Ribeyrol, Paris, le 26
septembre 2004.