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Source: Bulletin SHAP, tome IV (1877), pp. 325-341.

 

SOULÈVEMENT DES CROQUANTS EN PÉRIGORD (1636-1637).

PRISE DE BERGERAC PAR LES COMMUNES REVOLTEES.

SOUMISSION DES CROQUANTS.

 

Les habitants de la Guyenne, si éprouvés par les guerres de religion, eurent encore à souffrir de l'anarchie financière et administrative à laquelle l'autorité royale ne pouvait apporter un remède immédiat. Accablé d'impôts qui croissaient avec les dépenses de la guerre étrangère, livré aux exactions, aux cruautés des traitants et des partisans, le peuple voyait sa misère au comble; dans son désespoir, il refusa de payer les nouvelles tailles, et prit les armes pour secouer un insupportable joug. En 1633, la rébellion était générale ; après une terrible répression[1], suivie d'une amnistie, elle parut se calmer en 1636; mais elle releva la tête cette même année. Le Périgord donna le premier le signal de la révolte; elle gagna bientôt le Quercy, l'Agenais et le Bordelais. Le mouvement se propagea jusque dans les provinces d'Angoumois et de Poitou, qui, à la suite de tentatives semblables, étaient rentrées peu de temps auparavant dans le devoir. Mais ce qui rendit plus grave le soulèvement de Guyenne, c'est que, suivant la remarque d'un historien contemporain de ces événements, les séditieux n'étaient pas « des paysans maladroits, mais des soldats des provinces les plus belliqueuses de la France[2], et qui, habitués à la licence des camps, ne pouvaient se résigner à leur nouvelle condition. Quoi qu'il en soit, le soulèvement des populations du Périgord offrit un caractère des plus alarmants.

Comme leurs devanciers de 1594, les révoltés reçurent le surnom de Croquants[3]. En dépit de ce terme de mépris, ils constituaient une force redoutable par le nombre, par l'organisation, et surtout par les précautions adoptées en vue de prévenir les désordres inhérents à une troupe improvisée.

Un manifeste, lancé en 1636 par les communautés assemblées, annonça les dispositions qu'elles avaient arrêtées; nous en donnons le texte :

« Les communautés assemblées protesteront qu'ils sont les très humbles subjets et très obéissants serviteurs du Roy, et qu'ils veulent employer leurs biens et corps pour la conservation de son état et couronne.

» Sur leurs soulèvements et la prise des armes qu'ils ont fait pour la conservation de leur liberté, et pour se rédimer des manifestes oppressions dont ils sont tous les jours travaillés et affligés, attendu qu'il est certain que cela se fait au dessert du Roy et contre l'intérêt de Sa Majesté.

» Et afin que dans les assemblées qui se pourront faire pour l'advenir, dans les occasions qui causeront la liberté de ces communautés, il n'y puisse arriver aucun désordre ny scandale qui puisse préjudicier la trop légitime prise des armes, il est très important d'y establir ce qui en suit :

» Premièrement, avons esleu ung Général avec puissance absolue de commander et ordonner des assembles quand besoin en sera, sans l'ordonnance duquel ne sera permis d'entreprendre ny exécuter, avec défenses tres expresses de n'user d'aucune violance sur les biens et personnes d'aucuns particuliers, sans au préalable en avoir été ordonné par le Sr Général en son conseil.

» Que si quelqu'une de ces communautés est pleinement instruite de certaines personnes ennemies de la liberté du peuple, approbatrice de nouvelle surcharge et imposition extraordinaire et illégitime, seront tenus de le déférer à leurs chefs et capitaines, et lesdits chefs et capitaines au Sr Général, pour estre par lui, en son conseil, ordonné, sans qu'aucuns des susdites communautés, ny chefs ny capitaines y puissent faire, au contraire, violance sur lesdits biens et personnes à ces causes avant ladite déclaration et ordonnance dudit Sr Général et de son conseil, à peine d'être punis comme criminels du bien et du repos public.

» Et affin que la résolution qui conserve la liberté puisse estre establie et sans reproche, les chefs et capitaines recevront le serment de ceulx qui seront soubz leur charge de leur obéissance, estant tous certains, que sans une entière obéissance, tous justes dessains n'apporteraient que confusion et désordre punissable. Toutes les assemblées se feront sans fouller ny le peuple, ny les particuliers. Pour à quoy subvenir, les chefs et capitaines auront soing que tous les soldats soient pourvus et installés de vivres et argent, chacun à ses despens.

» Et affin qu'il plaise à Dieu besnir et conserver une sy sainte résolution, tous les chefs et capitaines employèrent leurs soing, biens et pouvoirs à banir le vice de leurs compagnyes.

» Et finalement, les prestres, curez et ecclésiastiques exhorteront le peuple à prières et oraisons envers Dieu, avecq desfances contre les blasphémateurs et scandaleurs qui se porteront contre l'honneur et la gloire de Dieu[4] »

Une autre résolution de « l'assemblée du commun peuple » contenait des dispositions encore plus pratiques, mais offrant un caractère plus menaçant. Voici cette résolution :

 

«  L'assemblée du commun peuple,

» Le conseil tenant a esté ordonné et en peu de motz :

» Il est enjoint à tous habitants de chacune paroisse de lever tous les fruits du curé de chacunes paroisses et de les mettre entre les mains des deux plus riches de ladite paroisse qui en rendront fidel compte.

» Sçavoir est au curé la somme de trois cents livres quittes qui lui seront délivrés en fruits estimés ou en argent, et le restant sera emploie à la réparation de l'église et aux pauvres de ladite paroisse.

» Enjoignons aussi à tous les habitants de chacunes paroisses d'avoir des armes selon leurs moyens et estre bien munis de poudre et de plomb, à peine de deux cents livres d'amende, applicables pour avoir poudre et plomb et d'être traités comme rebelles.

» Enjoignons aussi de se saisir de ceux qui demanderaient les droits alliénés, les huitièmes à quinze livres, pour tonneau, Gabelle ou autres subsides imposés de nouveau.

» Nous enjoignons aussi au temps advenir à chacune paroisse, lorsqu'ils auront reçu leur commission, de ne taxer que trois quarts du principal de la taille, à cause que Sa Majesté nous avait fait diminuer du quart, et aussi de ne taxer que la moitié du taillon et que la moitié de la crue des garnisons, à cause que l'on a cru cela de la moitié depuis dix ans en ça.

» Enjoignons aussi à chacune paroisse, lorsqu'ils viendront taxer les tailles, que le curé de la paroisse sera appelé, et qu'il sera procédé en conscience, et que l'on donnera la taille à ceux qui ont des biens pour la payer, sans avoir esgard aux inimitiés du monde et ne craindre aucunement le pouvoir des riches et soulager les pauvres de Dieu.

» Enjoignons aussi aux paroisses de se donner coppye du présent arrest, à peyne d'être ruynées par la commune.

» Messieurs, nous vous déclarons que les vrays gabelleurs sont les esleus. Un, deux ou trois ou quatre ou cinq de chacunes paroisses des plus riches qui ne payent presque rien; il est vérifié à Paris que les esleus de Xaintes faisaient le département de soixante mille livres, outre les patentes de Sa Majesté. Nous, tout considéré, avons ordonné en dernier ressort que les esleus seront prins par la commune pour en faire justice à leur dévotion et leur faire restituer toutes les volleries qu'ils ont faicts, avecq tous les intérêts du temps passé jusqu'à présent.

Et pour les riches de chacunes paroisses qui ont achevé de ruyner les peuples, au temps advenir, il ne faut plus permettre qu'ils se meslent des affaires des tailles, de leur en donner leur bonne part et aussi aux mestaiers de Monsieur cestuy-ci, ou Monsieur cestuy-là qui possède presque tous les biens de leurs paroisses.

» Fait et arresté au conseil du pauvre peuple ruiné qui est résolu de mourir en ceste peyne[5] »

Le manifeste de 1636 était suivi de ce post-scriptum :

« Le chef s'appelle M. de La Motte de La Forest, homme d'âge, d'esprit et qui a quelques pratiques dans les armes. »

C'était un gentilhomme des environs de Périgueux. Plusieurs personnages de sa condition avaient fait cause commune avec les rebelles; mais aucun d'eux n'était capable de diriger cette multitude confuse, qui, faute d'une direction unique, se serait dissipée presque d'elle-même, comme le firent les premiers Croquants. Les révoltés imposèrent le commandement en chef à La Motte La Forêt. Celui-ci, forcé de se rendre à leurs volontés, réduisit le chiffre de sa troupe à dix mille hommes bien armés; les autres reçurent l'ordre de rentrer chez eux et de se tenir prêts à marcher au premier signal.

Tout en recourant ainsi à la force, les communautés ne manquaient pas de protester de leur dévouement à la royauté et à l'État. Elles adressèrent au Roi, en 1637, une supplique renfermant l'expression de ces sentiments. Ce document, écrit dans un style déclamatoire, est signé : La Commune de Périgord. On y trouve une peinture saisissante des maux qui avaient poussé le peuple à la rébellion et l'assurance que les communautés, une fois affranchies de leurs oppresseurs, se consacreraient sans réserve au service du souverain :

«  Sire, disaient les auteurs de la supplique, le nom très glorieux de Juste, que Votre Majesté s'est acquis par mille royalles actions, fait espérer à vos peuples de Périgord opprimés, que sa justice ne se séparera jamais de sa miséricorde. Nos plaintes ont prins un chemin extraordinaire, mais c'est pour être ouys de Votre Majesté et nos armes avons repris pour la cessité qui rend toutes choses permises. Si est à qu'elles ont le but d'obéyre aussitôt que nous aurons aprins que nos procédés vous déplaisent ou que Votre Majesté agréera qu'elles soient employées contre les énemis de votre État. Les opressions que les Financiers de Votre Majesté rendent à vos pauvres subjets très violantes, que l'autorité de leurs charges causent, font passer mille larroniaux qui mangent jusques aux os les pauvres laboureurs et leur ont mis le fer aux mains et changé leur soc en arme, pour demander justice à Votre Majesté ou pour mourir en hommes.

» Votre Majesté est bien humblement suppliée de vouloir abaisser ses yeux sur le pourtrait véritable de nos afflictions et regarder d'un œil paternel nos opressions comme un roi juste et bon, de guarantir ung monde de vos subjetz de la mendicité et de la misère.

» Sire, il y a tantôt vingt ans que le Périgord est épuisé par le payement de vos tailles arrivées extraordinairement, tellement que nos petits revenus de beaucoup moindres que nos taxes, nos bourses ont donné à Votre Majesté à qui nos mains n'ont pu trouver dans le travail de la terre, leur industrie a fourni au secours que nous debvions comme très fidèles subjetz à Votre Majesté et sans maudire nous avons donné au-delà de nos puissances.

» Mais, Sire, dès le jour que le comba a cessé, que le bétail, le vin et la chataignie n'ont eu plus de transport aux pays étrangers, cette province n'a pu changier, pour la continuation de ses payements, les pierres en vin, les fougères en argent, ny nos canaux continuellement fournir à mille droits nouveaux inconnus à nos pères.

» Votre Majesté, avecq un soing royal, a fait des règlements sur logis des gens de guerre, et vos peuples et vos pauvres subjets, Sire, n'ont reçu que de nouvelles surcharges, et les soldats, comme si les paysans étaient l'objet de leur fureur, se sont portés à tout ce que la cruauté a de plus imaginable : le feu dans leurs hameaux, le rapp de leurs filles, le violement de leurs femmes, à la vue des pauvres maris, garrottés et mis à la torture, sont des moindres pièces de leur barbarie, et comme quoi peut-on subvivre à la perte de tout que ces harpies enlepvent de même que si cette province était à conquérir.

» Sire, tant de plaintes que nous a à tous rendues à vos officiers, les charges qu'ils en ont fait renvoyé à Votre Conseil ont été un remède inutile à nos maux, et comme si on ne songeait en nous que comme petits produits, nous a tout despuis diminués sous la même tirannie. Nos seigneurs les Lieutenants-Généraux de Votre Majesté en cette province nous ont négligé de leurs ordonnances et tellement surchargé, qu'ils nous ont rendus impuissants au secours de Votre Majesté et du debvoir que nous tous debvons, à coup d'impositions de bled sur une province infertile qui n'a que des chasgrins et des châtaignes pour se nourrir. Pourquoi des rations pour l'armée de Bayonne que l'on ne voit sur pied pour servir Votre Majesté qu'en peinture? Ces Dons nous ont mis dans la raige et noyés dans le désespoir pour n'obéyre à leur grandeur et pour n'avoir déshormais de consentement à leurs demandes.

» Le service de Votre Majesté est prétextes spéciaulx pour remplir la bourse à mille afamés, que l'eau, la terre, alliman donné aux baistes manqueraient plutost que les pilules dorées ; le service de Votre Majesté ne s'en fait pas mieulx, et Dieu qui tient la cour des Roys et préside à leurs dessaingtz, ne permettra jamais qu'ils soient heureulx, tant qu'ils seront cimentés avec le sang et la sueur du peuple.

» Sire, qu'il plaise donc à Votre Majesté d'escouter les très humbles prières de vos subjets du Périgord et la demande qu'ils font de la suppression de ces nouveaulx droits. Hostez-nous ces officiers des Finances, rendez cette province pays d'estat. Donnez-lui ung syndic pour représanter à Votre Majesté leurs plaintes et que Votre Majesté apreigne la lepvée de nos armes que nous offrons employer à nos frais trois mois contre les ennemis entrés dans le royaulme.

» Sire, Votre Majesté, par ses débonnaires octroys, se fera cognoistre aussi miséricordieux que juste. Vos ennemis étonnés qu'une si petite province norrisse tant de soldats, abesseront leur orgueil, jetteront leurs armes au pied de Votre Majesté. Vos finances iront droit dans vos coffres. Nos nécessités vous seront cognues et fidellement représentées. Nous et nos enfants employeront nos vies pour la grandeur de Votre Majesté, et nos prières obtiendront du ciel une longue suitte pour votre vie.

» Ce sont les véritables vœulx de

» Vos très humbles, très obéissants et très fidelles subjets.

» Signé :

» La Commune de Périgord[6]»

 

Tels étaient les griefs, exagérés peut-être, mais très-réels assurément, des communes soulevées. Elles ne se bornèrent pas à des manifestes et à des démonstrations en armes; mais elles luttèrent quelque temps contre les troupes royales. Notre intention est seulement de raconter l'occupation de Bergerac par les révoltés et les événements qui les déterminèrent à évacuer cette ville et à se disperser.

La Motte La Forest se présenta devant Bergerac avec une armée de six à sept mille hommes. La place, que Louis XIII avait fait démanteler en 1630, était ouverte de toutes parts[7]. La veille seulement du jour où l'ennemi fut signalé, étaient arrivés les ordres du duc d'Épernon[8], gouverneur de la province, prescrivant les travaux, de défense nécessaires ; les habitants, surpris à l'improviste, dépourvus de munitions, décimés par les maladies contagieuses qui avaient sévi peu d'années auparavant[9], étaient incapables d'opposer à l'ennemi une résistance sérieuse. Il se rendit maître sans difficulté de la ville, ainsi que du pont de pierre sur la Dordogne. Cependant, les consuls[10] réunis, le 13 mai 1637, dans la maison commune, en l'absence du maire qui avait disparu au moment du danger, résolurent de demeurer à leur poste, « pour y servir le Roi et leurs charges, et de tout leur pouvoir, et pour maintenir le peuple en l'obéissance due à Sa Majesté.»

Ils ne tardèrent pas à se trouver aux prises avec l'envahisseur. Le lendemain, comme ils étaient assemblés devant l'emplacement de la porte Lougadoire, ils furent abordés par La Motte La Forest, qu'escortaient des gens armés d'épées et de pistolets. Celui-ci leur dit avec colère qu'il s'étonnait que, depuis l'occupation de la ville, ils ne fussent pas allés le saluer et le reconnaître. Il ajouta que, « s'ils persistaient en ce mépris, il irait les voir en bonnes enseignes. » Les consuls ne crurent devoir faire aucune réponse à ce langage plein de violence. Sur l'injonction de La Motte La Forest, ils le suivirent jusqu'auprès de l'église Saint-Jacques; là, il leur prescrivit de se rendre à midi, avec le peuple, dans la maison commune. A dix heures, un sergent, accompagné d'une douzaine de mousquetaires, vint dans leur logis leur réitérer cet ordre ainsi conçu : « Le général des communes soulevées du Périgord, très fidèles, très humbles et très obéissants serviteurs du Roi, fait commandement aux Maire et Consuls de se trouver dans la maison de ville, à midi, sous peine de désobéissance. »

Il fallait bien céder. Les magistrats municipaux se rendirent donc à l’hôtel-de-ville, de même que plusieurs bourgeois et habitants ; ils trouvèrent les portes ouvertes et les serrures enlevées. La Motte La Forest siégeait dans la salle commune, entouré d'hommes armés. Il leur adressa aussitôt un discours, par lequel il s'efforça de leur persuader « de prendre les armes, se joindre à lui, fortifier la cité, relever les bastions et consentir un emprunt pour l'entretien de son armée, prétextant la prise des armes du service du Roi, et du remède qu'il voulait apporter au soulagement du peuple, pressé et oppressé, comme il disait, de tailles et impositions extraordinaires. »

Ce fut Jacques Loiseau, premier consul, qui, au nom de ses confrères, se chargea de répondre à cette ouverture.

Son allocution fut ferme et digne. Il déclara au chef des communes «  qu'ils étaient fidèles subjets du Roi, et partant qu'ils ne pouvaient ni ne devaient faire l'armement et fortifications par lui proposés sans exprés commandement du Roi... Et quant à l'emprunt..., qu'ils ne pouvaient y consentir, le tout étant contre le service du Roi (et vu d'ailleurs leur impuissance), et que ce n'était pas à lui à soulager les peuples opprimés, supposé qu'ils le fussent. » Il termina en refusant formellement le concours demandé à la ville. Tous les bourgeois présents appuyèrent l’avis de l'orateur et protestèrent avec lui « vouloir vivre et mourir bons serviteurs du Roi. » Mais La Motte La Forest, après ce semblant de consultation, leur ordonna, sous peine de la vie, de se conformer à ses exigences.

Le 15 mai, un ban prescrivit à tous les habitants d'aller travailler aux fortifications[11] . La Motte La Forest était le maître incontesté de la ville[12] . Dans le but d'affermir sa situation, il fit, le 24 du même mois, un appel aux communes de Salaignac (Salignac), Paulis (Paulin), Bourége (Borrèze), Saint-Genys (Saint-Geniès), Millac, Audiniac (Archignac?) Nadaillac, Choucouziac (Chavagnac?), Ladournac (Ladornac), Grèze, Lafouliade (Lafeuillade), Pasayac et autres circonvoisines. Il leur enjoignait de s'armer, et d'envoyer à Bergerac, dans un délai de dix jours, leur plus fort contingent de soldats, avec le plus de vivres possible. Les juges, consuls et autres officiers devaient assurer l'exécution de ce commandement, contraindre ceux qui seraient hors d'état de porter les armes à contribuer à l'entretien des autres, et poursuivre énergiquement les réfractaires. Enfin, ils avaient ordre d'exiger des syndics l'argent ou le blé provenant des impositions extraordinaires, pour remettre le tout aux mains du général qui l'emploierait à la subsistance des soldats de ces paroisses.

Les révoltes cherchèrent aussi à enlever la ville de Sainte-Foy. La situation de cette place sur la Dordogne en faisait un point stratégique dont il était utile pour eux de s'assurer la possession. De plus, le maréchal de Saint-Luc, lieutenant du Roi dans la province et gouverneur particulier de Sainte-Foy, avait accumulé dans la citadelle toutes les armes provenant de la place de Brouage, qu'il commandait en dernier lieu. Il y avait même là quelques pièces de canon qui auraient permis aux séditieux d'attaquer avec succès les plus fortes villes de la contrée. Heureusement, le duc d'Epernon y envoya successivement Coderé, l'un de ses gardes, et un de ses gentilshommes, nommé Tréget, avec cent cinquante soldats, qui ranimèrent par leur attitude le courage des habitants et repoussèrent les agresseurs.

Néanmoins, la position devenait critique pour le duc d'Epernon. Ce dernier n'avait à sa disposition que trois régiments qu'on réorganisait, afin de les diriger ensuite sur la frontière. Il chargea son lieutenant Saint-Torse d'employer ces forces contre les rebelles. Mais le lieutenant, ayant sans doute peu de confiance dans une troupe à peine reformée, se retira sans combat devant ses adversaires. Le duc d'Epernon était alors retenu par la maladie au château de Cadillac; les nouvelles qu'il recevait des meilleures villes les lui représentaient comme étant prêtes à se soulever à l'approche des communes. Il se voyait dans l'impossibilité de vaincre la sédition avec ses seules ressources.

Pendant ce temps, les événements extérieurs n'étaient pas sans gravité. La guerre que Louis XIII, après la mort de son allié Gustave-Adolphe, avait déclarée à l'Autriche et à l'Espagne, se poursuivait avec des alternatives de succès et d'échecs. Le duc de La Vallette[13], gouverneur de Guyenne conjointement avec le duc d'Epernon, son père, était occupé à défendre la ligne des Pyrénées contre les incursions des Espagnols. Ceux-ci s'étaient emparés, en 1636, du château du Socoa, de Saint-Jean-de-Luz et d'autres points de moindre importance. Malgré leur supériorité numérique, le général français était parvenu à les chasser de plusieurs postes, et les tenait étroitement enfermés dans leurs retranchements. Ce fut sur ces entrefaites que le duc d'Epernon lui manda de venir promptement à son aide, avec une partie de ses forces. La Vallette se trouvait à Bayonne ; il n'hésita point à répondre à cet appel. Après avoir assuré les positions de son armée, et en avoir remis le commandement au marquis de Poyanne, il vint à Cadillac prendre les instructions de son père. De là il se rendit à Marmande[14] .

Il trouva dans cette ville des troupes et quelques gentilshommes que son père y avait fait réunir, sous les ordres du marquis de Montferrand, maréchal de camp et lieutenant de la compagnie des gens d'armes. On lui apprit qu'un corps d'environ deux mille révoltés s'était retranché dans la petite bourgade de la Sauvetat-d'Eymet, à quatre lieues de Marmande. En outre, les rebelles étaient au nombre de quatre mille à Bergerac et six mille tenaient la campagne. La Vallette résolut d'aller immédiatement déloger les premiers de la Sauvetat. Ses forces ne dépassaient pas deux mille hommes.

L'action eut lieu le 1er juin 1637. L'ennemi était bien abrité derrière des murailles et de solides barricades. Ayant reconnu lui-même la position, La Vallette ne jugea pas nécessaire, pour donner l'attaque, d'attendre les canons de campagne qui le suivaient à une distance de trois ou quatre journées. Néanmoins, il envoya d'abord un trompette sommer les mutins de mettre bas les armes et de se retirer dans leurs foyers, offrant de leur obtenir le pardon du Roi en retour de leur obéissance. La sommation fut faite par trois fois. A la dernière, les révoltés « criaient au trompette que s'il leur retournait plus faire de telles fanfares, qu'ils lui tireraient sus et le pendraient en lieu si haut que son maistre le verrait de loin. » Irrité de cette insolence, La Vallette fit sur le champ donner l'assaut par cinq côtés différents; les assaillants étaient relevés de quart d'heure en quart d'heure par des troupes fraîches. Mais si l'attaque fut vigoureusement menée, la défense fut opiniâtre. Les troupes royales furent sensiblement éprouvées par la mousqueterie dirigée des maisons voisines sur le lieu du combat. On dut mettre le feu à une vingtaine d'habitations, et beaucoup de défenseurs, de femmes et d'enfants périrent dans les flammes. Délivrés de ce danger, les soldats de La Vallette se frayèrent un passage, avec leurs hallebardes, à travers les barricades qu'ils franchirent; leur élan fut tel, qu'en moins de deux heures la position était enlevée. La lutte se fût prolongée davantage, si les assiégés eussent été munis de piques; mais ils furent contraints d'abandonner leurs retranchements, après avoir déchargé leurs mousquets. Madaillan[15], leur chef, s'enfuit le premier. Mille Croquants restèrent sur la place, sans compter les blessés; il n'y eut que quarante prisonniers. La Vallette eut deux cents morts, dont vingt officiers, et un grand nombre de blessés. Les six mille Croquants, qui battaient la campagne, étaient venus au secours de la place; mais ils ne parurent qu'une heure après l'issue du combat et ne firent pas mine d'en venir aux mains[16].

Après ce fait de guerre, qui devait avoir une influence décisive sur les événements, le duc de La Vallette et le comte de Maillé poursuivirent vigoureusement les rebelles. Le gouverneur vint occuper la ville et le château d'Eymet, où les Croquants s'étaient retirés; puis il investit ceux qui s'étaient établis dans le château de Puicherampion. La Motte La Forest se maintenait à Bergerac, et y exerçait un pouvoir arbitraire ; les biens et la vie des habitants ne paraissaient plus en sûreté[17]. Les magistrats de la sénéchaussée, maltraités et dépossédés de leurs charges, avaient trouvé un asile au château de La Force. Avertis de la marche victorieuse du gouverneur, ils résolurent, le 3 juin, de se transporter auprès de lui, afin de solliciter son intervention. Mais arrivés à la Moulière, près de Saussignac, ils apprirent que les communes de Théobon et Puyguilhem s'assemblaient à l'appel du beffroi, et qu'il était dangereux de pousser plus loin. De toutes parts, on voyait passer des chariots emportant de grandes quantités de meubles : le bruit s'était répandu que les communes se dirigeaient vers le château de Moncuq, et que leur général devait, avec la plus grande partie de ses forces, aller faire lever le siège de Puicherampion, où Madaillan s'était réfugié, après la prise de la Sauvetat ; aussi les habitants, craignant que les chemins fussent coupés par l'ennemi, prenaient-ils des mesures de précaution.

Les magistrats de Bergerac se virent par suite dans la nécessité de revenir au château de La Force. Au moment où ils passèrent la Dordogne, le tambour résonnait du côté du château de Moncuq, que sa garnison avait abandonné, et sur lequel marchaient les révoltés. Le port de la Biarnèze était encombré de charrettes chargées de meubles qu'on évacuait sur la terre de La Force[18].

Cependant le marquis de Duras négociait à Bergerac avec le chef des communes. La Motte La Forest s'engagea à s'éloigner avec tous les siens, sous la promesse qu'il ne serait point inquiété, et que le duc de la Vallette emploierait ses bons offices auprès du Roi pour obtenir la grâce des rebelles. Mais cette transaction faillit échouer. Tandis que La Motte La Forest cherchait à y préparer les esprits de ses compagnons, un médecin, du nom de Magot, forma un parti contre le général, qu'il accusait hautement de trahison. Cinq mille Croquants s'étaient ralliés à lui. La Motte La Forest était perdu s'il n'eût fait immédiatement face au danger. Aidé de ceux qui lui étaient restés fidèles, il poursuivit son adversaire jusque dans la citadelle de Bergerac, où il s'était retranche avec sa troupe. Magot, atteint de trois coups de pistolet, fut achevé par les hallebardiers. Les révoltés quittèrent aussitôt la ville, et rentrèrent chez eux sans être poursuivis. Ce fut la fin du soulèvement.

Le duc de La Vallette se rendit peu de jours après à Périgueux[19] .

Les gentilshommes de la province, qui n'avaient pas montré dans ces circonstances beaucoup de dévouement à la cause royale[20], s'empressèrent de venir, au nombre de trois cents, grossir la suite du gouverneur. Leur attitude ne fit que confirmer le peuple dans l'obéissance. Par ordre du duc, les cloches furent enlevées dans la plupart des paroisses, parce qu'elles servaient à rassembler les mutins. Il resta bien encore quelques bandes à disperser[21] ; mais, en général, on n'employa pas contre elles de troupes régulières; ce soin fut laissé aux prévôts. Les forces disponibles furent envoyées en Saintonge et en Poitou; déjà la nouvelle de la déroute des Croquants y était parvenue, et la crainte de la répression étouffa les germes de la révolte.

Le marquis de Duras, qui avait puissamment contribué à cet heureux résultat, fut chargé, par le duc d'Epernon, d'annoncer en personne à la cour la soumission des Croquants, et de demander la ratification des conditions accordées par le duc de La Vallette, sous le bon plaisir du Roi. Il reçut à cette occasion le titre de maréchal de camp, et rapporta des lettres d'abolition pour les communes du Périgord. Toutefois, n'étaient pas compris dans cette mesure de clémence les rebelles qui avaient commis d'autres crimes : le gouvernement pensa qu'il n'était ni juste, ni d'un bon exemple, que la révolte couvrît de l'impunité les fautes commises antérieurement.

Ainsi fut calmé, par un acte sagement réparateur, ce soulèvement causé par la misère du peuple, mais qui n'en était pas moins répréhensible, et qui, coïncidant avec l'invasion des Espagnols, aurait pu entraîner de graves conséquences pour le pays. Quelques mois plus tard, l'étranger, reconnaissant l'inutilité de nouvelles entreprises dans la Guyenne pacifiée, abandonnait de lui-même Saint-Jean-de-Luz, le Socoa, qu'il avait fortifié à grands frais, et les autres postes dont il s'était emparé sur la frontière. La diligence que La Vallette avait apportée à dissiper les rebelles rendit donc un signalé service à la France et au Roi, et l'on put croire que le Duc allait rentrer en grâce auprès de Louis XIII et de son premier ministre. Tel était du moins le sens des lettres, pleines de congratulations, qu'adressèrent au cardinal de La Vallette, les secrétaires d'État Des Noyers et Chavigny, et le capucin Joseph. Lorsque le marquis de Duras vint à la cour, il ne manqua pas de faire ressortir l'importance de l'expédition si heureusement conduite par les deux Ducs ; mais il trouva les esprits peu disposés en leur faveur. La gravité même du danger qui venait d'être conjuré fut méconnue. Comme la cour n'avait pas vu la sédition de près, elle railla beaucoup les Croquants et leur prise d'armes, et l'on sut presque mauvais gré au duc de La Vallette d'avoir quitté son poste d'observation pour les combattre[22].

 

ÉLIE DE BIRAN.



[1] Afin de frapper les esprits, on arrachait de l'hôpital de malheureux blessés, qui étaient exécutés devant le peuple. (V. Histoire du Bugue, par Léon Dessalles, page 85.)

[2] Girard, autour d'une Histoire du duc d'Epernon, cité par Michel Le Vassor. Histoire de Louis XIII (1755), pages 329 et suivantes.

[3] Il n'est peut-être pas inutile de rapporter ici les diverses opinions émises quant à l'origine du nom de croquant.

Dans son Dictionnaire étymologique de la Langue française, Ménage cite, à ce propos, de Thou, d’Aubigné et Mézerai.

Parlant de la première révolte des paysans en Guyenne, sous Henri IV, de Thou s'exprime ainsi : «  Per illas provincias, locorum gnari, vias et aditus cum armis insidebant, vicinae nobililati formidolosi, et jam ubique sœvientes atque obvia cuncta devorantes in vulgari dicterio crocans vocarentur. »

D'après d'Aubigné, le nom de crocans aurait prévalu « pour ce que la première bande qui prit les armes fut d'une paroisse nommée Croc, en Limousin, vers Saint-Irier-la-Perche. »

Mézerai trouve plus de vraisemblance à l'étymologie du président de Thou. Suivant lui, on donna aux révoltés le sobriquet de Tard-Advisez, « et les gentilshommes rejettèrent aussi sur eux celui de croquants, dont ces paysans les avaient voulu charger, parce qu'en effet, ils croquaient et dévoraient les pauvres gens de la campagne.

Aucune de ces explications ne parait plausible à Ménage, qui n'est pas fâché de donner la sienne : « Ce qui aurait, dit-il, fait nommer crocans ces paysans soulevés en différents temps et en divers pays, pourrait bien tire, à mon avis, que ce n'était pour la plupart que de pauvres gens de la campagne, qui, au lieu de signer, lorsqu'ils en étaient requis, se bornaient à tracer, d'une main lourde, un crochet ou une croix. »

Voyez encore le Dictionnaire de Trévoux et celui de Furetière.

[4] Bibliothèque nationale (Département des manuscrits), Collection Dupuy, n° 473, p. 251.

[5] Collection Dupuy, n° 473,p.253.

[6] Collection Dupuy, n° 473. p. 246.

[7] Avant la démolition des murailles, on comptait Bordeaux pour la première place de Guyenne et la plus forte, et Bergerac était la deuxième. (Bibl. nat„ Manuscrits Lespine, vol. 48, page 390.)

[8] Mort à Loches le 13 janvier 1642, à l'âge de 88 ans.

[9] « En 1631, la famine fut si grande, que le bled valait dix écus le boisseau pour le froment. La peste suivit, et il périt à Bergerac et aux environs les deux tiers du petit peuple. La peste commença an mois de juillet et cessa en octobre. » (Lespine, vol. 48, p. 197.)

[10] Les magistrats municipaux de l'année 1637 étaient : noble Antoine de Gatebois, écuyer, sieur de Marcilhac, maire; Jacques Loiseau, avocat; Hector Le Sage, Jean Pailher, receveur ;: Charles Girard, Jean Jourdat, Jean Pontier et René Legras, consuls, nommés par le duc d'Epernon. Ces renseignements sont extraits d'un registre appartenant à la famille Lespinasse de La Baume. Il contient en outre la mention suivante : « Cette année il y eut un soulèvement général des communes du Périgord, sons la conduite du sieur Lamothe-Laforest, pour raison des impositions; mais la ville de Bergerac ne voulut entrer dans cette rébellion. » Il est à remarquer qu'Antoine de Gatebois, qui avait abandonné la ville lors de l'invasion des croquants, fut néanmoins maintenu en 1638 dans ses fonctions de maire par le duc d'Epernon.

[11] Lespine, vol. 48, p. 129.

[12] il nous parait intéressant de reproduire un sauf-conduit, délivré à cette date par La Motte La Forest :

«  Le Général des communes soublevées du Périgord, très humbles, très-obéyssants et très-fidèles serviteurs et subjets du roi à tous, mestres de camp, capitaines, lieutenants, enseignes et antres chefs de nos troupes, salut. Sçavoir faisons que nous estant saisis de la ville de Bergerac pour le service du Roy et liberté publique, nous vous mandons donner passage libre et permettre d'aller et venir parmi vous Jean Mousnier et Jean Cenémault, marchands de la ville de Limoges, pour exercer soubz 1a liberté publique (ouïes leurs fonctions et commerce, mesmes d'aller et venir de Limoges à Bergerac et y demeurer tant qu'il leur plaira, sans que pour de ce ils ne reçoivent aucun dommage : et ce que nous vous enjoignons, à peine de nos ordonnances.

» Donné à notre camp devant Bergerac, le 13 mai 1637.

« Signé : Le Général des communes du Périgord. »

(Collection Dupuy, n° 473. p. 248.)

[13] Bernard de Nogaret de La Vallette de Foix, second fils de Jean-Louis, duc d'Epernon, et de Marguerite de Foix, né en 1592, colonel-général de l'infanterie française (V. Moréri, tome X). Il servit avec honneur dans les armées royales. Obligé de se retirer en Angleterre pour se soustraire à la haine de Richelieu, dont il avait refusé de seconder la politique, il rentra en France à la mort du cardinal obtint la révision du procès qui lui avait été fait en 1639, et fut rétabli dans son gouvernement. Il mourut à Paris le 25 juillet 1661 (V. Histoire des grands officiers de la couronne, par le P. Anselme, 9e vol., p. 220).

[14] Documents inédits relatifs à l'Histoire de L’Agenais (Agen, Prosper Noubel, 1875), par M Tamizey de Larroque, p. 229.

L'auteur cite une lettre que le duc de La Vallette écrivit de Périgueux, le 13 juin 1637, après la défaite des communes. Nous croyons devoir faire observer que cette lettre n'est pas adressée, comme le dit M. Tamizey de Larroque, au duc d'Epernon, mais au cardinal de La Vallette, frère du vainqueur des croquants (Bibl.nat., Fonds français, n° 6611. T. Ier, (Lettres originales, p. 184). Louis de Nogaret, archevêque de Toulouse, connu sous le nom de cardinal de La Vallette, fut un prêtre guerrier. On le voit à la tête des armées françaises en Allemagne (1635 et 1637) et en Savoie (1638). Il venait de triompher des Espagnols quand il mourut à Rivoli, en 1639.

[15] C'était un gentilhomme perdu de crimes, qui, malgré les ordres lancés contre lui par le duc d'Epernon, s'était toujours mis à l'abri des coups de la justice. A plusieurs reprises, il fut obligé de quitter le royaume et mena la pire existence d'aventurier. Rentré en France à l'époque du soulèvement des croquants, il y prit une sérieuse part. Il fut poursuivi jusque dans le Quercy et parvint à gagner l'étranger. Ses anciens méfaits l'empêchèrent de profiter de l'amnistie. Madaillan paya alors d'audace. Connaissant la défaveur dont le duc d'Epernon était l'objet à la cour, il l'accusa de conspirer contre la vie de Louis XIII et du cardinal de Riche lieu ; mais la calomnie ayant été déjouée, le roi donna, le 10 octobre 1641, l'ordre d'arrêter Madaillan, qui se livra lui-même et subit le dernier supplice. (Girard, Histoire du duc d'Epernon, 4e vol., p. 453 et suivantes.)

[16] collection Dupuy, vol. 473, p. 255.

[17] Lespine, vol. 48, p. 373. Manuscrits trouvés chez les R. P. Récollets de Bergerac : « En 1637, au mois de mai, les croquants étant dans la ville, on y retira dans le couvent tout le de quoi des habitants de la ville, avec promesse de leur donner retraite à eux-mêmes en cas de besoin, ce qui les a grandement obligés, comme ils ont témoigné en dues rencontres. »

[18] Lespine, vol. 48, p. 129.

[19] Le 11 juin, La Vallette était dans cette ville et s'apprêtait à revenir à Cadillac, auprès de son père qui avait recouvré la santé. Il n'avait pas encore quitté Périgueux le 13. Par sa lettre du même jour au cardinal son frère, il annonce son intention de faire un exemple des prisonniers de La Sauvetat et de ceux qui avaient voulu soulever Sainte-Foy. Déjà le Parlement de Bordeaux avait délégué deux conseillers pour juger les coupables.

Le 12 du même mois, le duc d'Epernon écrivait au cardinal de La Vallette : « Ce m'est un grand contentement et un grand soulagement d'avoir icy votre frère, le duc de La Vallette, pour me descharger sur lui de ce qu'il y a de plus pénible à faire. Je luy ay mis en main l'affaire des peuples révoltés qu'il a poussée avec une extrême diligence et achevée en huit jours avec beaucoup de bonheur et d'avantage pour le service du Roy et le repos de la province. Il est encore à Périgueux où, avant de partir, il fera faire punition de quelques-ungs des chefs de cette révolte qu'il fera juger par des commissaires du Parlement. J'espère qu'étant de retour sur la frontière, il tâchera de surprendre les ennemis et l'exécutera sans doute, s'il est possible, mais croiès que jusques icy il est fort peu assisté. » (Bibl. nat., Fonds français, n°6644, t. 1er, p. 182.

[20] La lettre que le duc de La Vallette écrivait le 13 juin à son frère le cardinal contient, à ce sujet, un passage significatif : « Je ne puis vous dire combien il y a de personnes embarrassées dans ces souslevements, car le nombre en est grand. J'aurays bien plustot conté ceux qui m'ont assisté, car ils sont peu. »

[21] Après la défaite des croquants, un de leurs chefs, nommé Gréleti, s'était retiré dans une forêt du Périgord ; il s'était rendu fameux par ses violences. Ce fut un des complices dont Madaillan rechercha l'appui pour perdre le duc d'Epernon. Ce capitaine fit sa soumission, comme nous l'apprend l'extrait suivant dune biographie manuscrite d'Elie de Chillaud, sieur d'Adian, le premier de ce nom établi à Bergerac, en 1630 : «  Enfin le même M. de Chillaud, par ses insinuations à Gréleti, leur chef, ménagées avec adresse et résolution, arrêta ces désordres et en rendit compte à la cour. Sur les ordres dont Louis XIII et le cardinal de Richelieu l'honorèrent, il conduisit Gréleti à la cour, obtint sa grâce et celle de tous ses complices, et le commandement de les conduire à l'armée d'Italie, où Gréleti mourut de maladie. C'eut ainsi que le calme fut rétabli en Périgord par la sagesse de M. de Chillaud, mort à Bergerac le 27 août 1616. » (Lespine, vol. 48, p. 473.) M. de Chillaud était depuis 1636 lieutenant-général de la sénéchaussée de Périgord au siège de Bergerac.

[22] A. Bazin, Histoire de France sous Louis XIII (édition de 1840), t. III, p. 492 et suivantes.

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