Source: Bulletin SHAP, tome III (1876),
pp. 487-490.
SOUMISSION DES VILLES
DE PÉRIGUEUX, SARLAT, ETC.,
AU ROI HENRI IV. (1594.)
Nous n'avons pas besoin de rappeler que le roi Henri
IV fit son abjuration solennelle à St-Denis le 25 juillet 1593, entre les mains
de l'archevêque de Bourges, Renaud de Beaune de Samblançay. Une trêve fut
aussitôt conclue entre les partis, aussi fatigués de la guerre que satisfaits
d'avoir enfin quelqu'un à qui obéir. Les provinces et la plupart des grands
seigneurs qui avaient pris le parti de la Ligue s'empressèrent de faire leur
soumission au roi. Le Périgord, par oubli, n'était pas compris dans la trêve ;
aussi la guerre y continuait-elle entre les ligueurs et les royalistes ; mais
enfin Henri IV ayant fait son entrée à Paris le 22 mai
1594, grâce à M. de Cossé-Brissac et à l'échevin Langlois,
qui avaient réussi à tromper la vigilance des Espagnols et des Seize, le
mouvement royaliste s'accentua, et les villes de Périgueux et de Sarlat se
décidèrent enfin à se soumettre. À ce
sujet, j'extrais
ce qui suit du Livre noir, Leydet et Prunis, t. XIII :
Nous avons vu qu'après l'abjuration du roi
une trêve avait été conclue entre lui et les ligueurs, mais que le Périgord
ayant été oublié, la guerre y avait continué. Battus partout, les ligueurs
demandaient à conclure une trêve, et, le 3 février 1594, le maire (1) et les
consuls s'étant entendus avec M. de Bourdeilles, ce dernier consentit à ce que
les députés des deux partis s'assemblassent à Saint-Crépin. Tous s'y rendirent,
et le 12 du même mois fut close et arrestée la tresve particulière du pays de Périgort et entre autres choses fut décidée la cessation d'armes et toutes aultres voyes
d'hostilité pour deux ans. M. de Bourdeilles agréa et ratifia la trêve, mais la publication en fut
différée de huit jours, nécessaires au sieur de Montanceix pour la porter à
Bordeaux afin de la faire ratifier et enregistrer par le parlement.
La correspondance du roi avec M. de Bourdeilles fait
foi de l'activité que ce dernier mettait à faire rentrer toute la province,
dont il était gouverneur, sous l'autorité royale ; ainsi, le 1er avril
il lui écrivait :
M. de Bourdeilles, j'ay eu
desplaisir de voir en votre lettre la trahison qui a esté faite sur
l'entreprise de Périgueux et encore plus que c'ait esté aux despens de la vie de ceulx qui
s'en sont meslés, mesme de ceste pauvre damoiselle qui a esté une inhumainité
trop barbare; je seray bien ayse, si l'occasion s'en présente, que vous
puissiez en avoir la nouvelle ; si celle de Périgueux attend d'estre la
dernière, elle se rendra bien indigne de la faveur et clémence que reçoivent
les aultres, et que vous pouvez dextrement leur faire entendre, etc.
Nous ne savons à quel fait se rapporte la trahison
dont parle le roi-, il est cependant évident que ses partisans avaient formé un
complot pour s'emparer de la ville, et qu'il échoua; mais le 20 du même mois la
ville était prête à faire sa soumission, puisque à cette date Henri IV écrivait
encore à M. de Bourdeilles :
J'ay este bien ayse d'entendre par vostre
dernière du IXe de ce moys la bonne résolution que ceulx de mes
villes de Périgueux et de Sarlat ont prise de me recognoistre et se donner à
mon service, dont j'attribue le principal honneur au soing et l'industrie que
vous aves eu de les y amener.
Le 11 mai il lui mande :
Le capitaine du chasteau de
Montignac s'est aussy remis à mon service, de sorte que voilà vostre province
toute nostre.
Pendant que s'échangeait cette correspondance, les
faits suivaient leur cours. J'ai en ma possession un document qui en fait foi :
c'est une lettre collective des députés des villes de Périgueux, Sarlat et
Villefranche, chargés de porter au roi leur soumission, adressée à Pierre de
Fayard, seigneur des Combes, gentilhomme de la chambre du roi, pour le prier de
demander des sauf-conduits, à cause de la difficulté qu'il y avait alors de
voyager en sûreté. Je transcris cette pièce ; elle est datée de Poitiers, que
les députés n'avaient pu dépasser, ainsi qu'il ressort de leurs explications :
Nous, soubsignés, députes et scindic du pays
de Périgort, villes et communauttes de Périgueux, Sarlat, Villefranche et
aultres dudict pays, avons prie monsieur des Combes de fere entendre à sa
maïeste le bon debvoir auquel ledict pays et habitans desdictes communauttes se
sont mis de le recognoistre, luy obeyret demeurer fidèles et très humbles
subiets et serviteurs. La nomination qu'ils ont faicte desdicts députes pour
aller fere la soubmission à sa maïeste, leur acheminement, l'occasion de leur
retardement provenant du danger des chemins, parcequ'ils n'ont aucung passeport
et enfin le doubte qu'ils font de se présenter a sa maïeste, sans premièrement
scavoir si elle l'aura agréable, et par ce ledict sr des Combes la
suppliera d'accorder auxdicts députes saufconduict et passeport, tant pour se
présenter en court que y seiourner et sen retourner en toute seureté et quand
bon leur semblera, avec defances a tous indiferemment doffencer ne attaquer
lesdicts députes neaucung deux, soyt pour cause générale ou soubs couleur
dinterest particulier quelquil puysse estre, et lèvera sil luy plaist deux
passeports semblables qu'il fera tenir auxdicts députes par deux diverses voyes
affin qu'ils sapprochent s'il est juge bon, sur quoy ils attendront advis.
Cependant ledict sr des Combes disposera sil luy plaist les affaires
quon en puisse tirer une bonne resolution telle que tous désirent et selon
qu'il scayt. Faict à Poictiers ce jeudy vingt et uniesme avril mil VC
quatre vingt quatorze.
Martin, chantre
de Périgueux (députe du clergé).
H. de
Jehan, premier consul de la ville de Périgueux.
Chillaud,
députe.
Joujay, député. e Labrousse, scindic
des trois Estats du Périgort.
Ces quelques lignes sont extraites de notes que j'ai réunies sur les guerres de religion en Périgord.
Je suis heureux d'en offrir la primeur à la Société historique et archéologique
qui a daigné me faire un si bon accueil.
A. de Roumejoux.
(1) Raymond Girard de Langlade, Liste des
maires de Périgueux, par M. de Froidefond, p. 53.