Source : Bulletin SHAP, tome XXXII
(1905)
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Lettre de Pierre de Mareuil, abbé de
Brantôme (1554)
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Notes sur Henri IV et la révolte des
Croquants (1596)
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Justice du prieuré de
Bussière-Badil (extrait)
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Liste des paroisses du Périgord dans le Pouillé
de Limoges
pp. 308-318
LETTRE DE PIERRE DE MAREUIL, ABBE
DE BRANTOME, à
M. de Lanssac (1554).
Je dois
à l'extrême courtoisie de M. Sauzé de Lhoumeau, qui publie
en ce moment la correspondance politique de M. de Lanssac, le plaisir de
pouvoir offrir de sa part à la Société historique du
Périgord la primeur d'une lettre qu'il a bien voulu extraire pour moi de
cette précieuse correspondance.
Louis de Saint-Gelais, seigneur de Lanssac, marié en
premières noces en 1545 à Jeanne de la Roche-Andry et en
deuxièmes noces à Gabrielle de Rochechouart en 1565, chevalier du
St-Esprit en 1579, mort en 1589, fut envoyé en missions ou en
ambassades, dans presque tous les pays d'Europe, de 1548 à 1589. Il fut
mêlé à tous les événements importants de son
temps. C'est dire l'intérêt qui s'attache à la publication
de cette correspondance historique.
13 juillet 1554.
Lettre
de Pierre de Mareuil, abbé de Brantôme, à M. de Lanssac.
(Arch. de Florence-Medicco, 1862. -
150 autog.)
Monseigneur, mon cousin, ne pensez pas pour estre à Rome et moy
à Brantholme que mon affection, laquelle naturellement est de vous
aymer, ne soit aussi grande que si vous estiez à Cornefou, mays vrayment
je suis si infortuné que je ne puys scavoyr de vos nouvelles que pour
oui dire, qui m'est merveilleusement grand desplaysir. Il est vrai que je
considère bien les grandes affaires que vous avez entre mains et que
vous estes naturellement paresseux à escrire, mays cela ne me peult en tout contenter que
je n'en sache. Il s'est présenté une occasion de vous faire
scavoir des myennes, car j'ay marchandé un banquier de
(Périgueux?) de me lever la bulle et concordat de mes moynes affin que
je fasse les choses perpétuelles et plus stables, Dieu mercy, et dont la
composition est donnée, et s'il y avoit quelque mystère à
la déposition de la bulle, je vous supplie ayder à Monsieur de Saint-Marcel[1], qui est agent de celluy de
Périgueux, affin que s'il est possible dedans la St-Michel je puisse
avoyr la bulle. Quant à moy, j'ay tousjours la goutte qui me tourmente
merveilleusement, touttefois je n'ai encore rien de ….., mays je ne
puys pas si bien marcher que je soullay faire, et j'ai grand peur que, à
la longue, qu'elle me rendra impotent et qu'elle me face perdre le plus grand
plaisir que je pouvay avoir que c'étoit de me promener. J'ay
espérance que bientost je vous auroy toujours au bec par plus grande
souvenance, en mangeant des mellons de vos jardins, et encore n'en ayt point
heu, mays monsieur de Richemont, nostre bon cousin, m'en a fait manger des bons
dès la fin de juin. J'estois à Aubeterre quand il reçut ses bulles, il se
sent bien tenu à vous. Toute la noblesse de ce pays est à la guerre, sauf monsieur
de Jarnac qui a esté excusé. Madame la séneschalle du Poitou
et ses deux filles sont à Tourblanche qui font despescher le prieuré de
Saint-Vivien, de (Royan?) et doyenné de Saint-Ayrier [2], au nom du fils de Madame de Hardellay. Je les ay assurés que vous
estes si honneste et si courtoys aux dames que vous leur feriez tout le plaisir
que vous pourriez, car vous scavez qu'elles le méritent et que les
querelles que vous scavez ne sont point héréditaires. Je vous
supplie bien humblement leur faire cognoistre que vous ne vous ressentez en
rien de cela.
Je suis presque aussi ayse de
vous escrire que si je parloys à vous et si Périgueux produisoit chose digne
de vous escrire vous auriez plus longue lettre, mays il n'y a riens qu'une
Chambre de généraux que le Roy leur a donné, de quoy ils
sont bien glorieux; mays la noblesse, avant qu'il soit trente ans, s'en
sentira. La bonne femme Mademoyselle d'Auzans et moy, sommes icy en mon
hermytage et passons nostre temps le mieux que nous pouvons, elle et moy nous
recommandons humblement à vos bonnes grâces, mays moy de telle
affection que vous n'avez pareil au monde à mon advys qui la vous porte
telle et de pareil. Je supplie au Créateur vous donne, Monsieur mon
cousin, aultant de bien que je vous désire.
De Brantôme ce XII de juillet.
Vostre très humble et très affectionné
obéissant.
(Signature illisible)
Mons. mon cousin mons. de
Lanssac, gentilhomme de la Chambre du Roy et son ambassadeur près nostre
sainct Père à Rome.
Cette
lettre, du 13 juillet 1554, bien que sa signature soit illisible, émane,
à n'en pas douter, de Pierre de Mareuil, aumônier de
François Ier, abbé de Brantôme, de 1538 à
1556, évêque de Dol, puis de Lavaur, mort le 20 mars 1556, et
inhumé dans l'église de Brantôme, très proche parent
des Bourdeille[3], des
Montberon, des Saint-Gelais et des Aubeterre. Elle a pour nous un grand
intérêt historique puisqu'elle nous apprend que Pierre de
Bourdeille, avant d'être connu sous le nom de Brantôme, qui s'est
identifié avec le sien, était appelé dans sa jeunesse
« Monsieur de Richemont. »
Ainsi tombe la
légende qui veut que Brantôme ait donné ce nom à son
château après l'avoir bâti « en souvenir du royal
Richmond, des bords de la Tamise, où il avait vu l'une des plus belles dames
de l'Angleterre, et dans lequel, en compagnie de M. de Guise, il avait
été reçu en grande pompe par la reine Elisaheth au retour
de son voyage d'Ecosse[4]. »
Pierre de
Bourdeille avait perdu son père en 1546; il était donc
déjà, en 1554, en possession de son apanage « les
seigneuries et paroisses en toute justice, haute, moyenne et basse de la
Chapelle-Montmoreau, Boulouneix, Bellaygues et St-Crépin où est
situé Richemont » ; seigneuries pour lesquelles les Bourdeille
rendaient hommage au Roi depuis plus de deux siècles. Quant au
château, « qui lui a tant coûté à faire
bâtir » et qu’il a laissé inachevé, bien qu'il
porte la date de 1581, c'est avant 1554 que Brantôme en aurait
conçu le plan et commencé la construction ; c'est-à-dire
dès son retour de Poitiers où il faisait ses humanités en
1553, puisque, dès cette époque, il y avait sa demeure, il en
portait le nom, et il y cultivait des melons. « Monsieur de Richemont,
nostre bon cousin, dit l'abbé, m'en a fait manger des bons dès la
fin de juin. » Ce jardin, chose curieuse à noter en passant,
renommé déjà du temps de Pierre de Mareuil pour ses fruits
excellents et précoces, l'est encore aujourd'hui au même titre.
Le spirituel abbé, qui se
délectait avec les melons de Richemont et qui « avoit
espérance que bientôt il aurait toujours au bec, par plus grande
souvenance, Monseigneur son cousin l'ambassadeur[5], en mangeant ses melons de
Cornefou », était évidemment un fin gourmet, et s'il
ajoutait : « encore n'en ayt point heu »...., c'était que
les siens moins précoces à cause de la fraîcheur du vallon,
se faisaient attendre, dans cet immense jardin d'un hectare qu'il avait
créé devant son abbaye et dans lequel il cultivait avec amour les
légumes et les fleurs. Car il était aussi un délicat
artiste, si l'on en juge par ces deux petits et ravissants édicules en
pierre, ornés de colonnes géminées et de rinceaux, du
style le plus pur, formant une guirlande ininterrompue de fleurs, de fruits, et
de feuillage, que l'aimable vieillard, tourmenté de la goutte... «
merveilleusement » ..., s'était prudemment fait construire
aux deux extrémités de l'allée centrale de ce grand jardin
pour s'y reposer. « Je ne puys pas si bien marcher, disait-il, que je
soullay faire, et j'ay grand peur que, à la longue, qu'elle (la goutte)
me rendra impotent et qu'elle me fasse perdre le plus grand plaisir que je
pouvoy avoir que c'étoit de me promener. » Délicieux
« hermytage », qui n'avait rien de monacal ni d'ascétique,
mais où l'on se représente aisément la gracieuse
silhouette de « la bonne femme Mademoyselle d'Auzeins », sa petite nièce,
dont la compagnie égayait sa
vieillesse[6].
La lettre de
Pierre de Mareuil nous donne aussi la date précise, inconnue
jusqu'à ce jour, à laquelle « Monsieur de Richemont »
fut pourvu de l'abbaye de Brantôme. Nous y voyons qu'il obtint ses bulles
du vivant même de son prédécesseur, « estant fort
jeune alors », comme il le dit lui-même et qu'il dut cette faveur
que lui fit « le grand roy Henry II », non pas seulement aux instances de M. d'Ausances[7], mais aussi à l'appui de M.
de Lanssac, ambassadeur de France près du St-Siège, et par
conséquent tout puissant. « J'étois à Aubeterre[8] quand il reçut ses bulles,
il se sent bien tenu à vous », écrit Pierre de Mareuil
à M. de Lanssac.
« Madame
la seneschalle de Poitou qui était à la Tourblanche avec ses deux
filles», en juillet 1554, était Louise de Daillon du Lude, la
grand'mère de « M. de Richemont », veuve d'André de
Vivonne, grand sénéchal du Poitou, mort en 1532. Ses deux filles
étaient: Jeanne de Vivonne, mariée à Claude de Clermont,
dame d'honneur de la reine Louise, morte en 1583, et Anne de Vivonne, veuve de
François de Bourdeille, la mère de Brantôme.
Mais « madame la seneschalle
» avait eu aussi un fils, François de Vivonne, seigneur d'Ardelay,
Vivonne-Lachâtaigneraye, mort en 1347, victime du fameux coup de Jarnac,
laissant veuve « madame de Hardellay[9] », Philippe de Beaupoil de
Sainte-Aulaire, et un jeune fils pour lequel la grand'mère et les tantes
faisaient « despècher les prieurés de St-Vivien et de Royan
et le doyenné de St-Yrieix, héréditaires chez les
Bourdeille. »
Pierre de
Mareuil, en réclamant les bons offices de l'ambassadeur en faveur du
jeune orphelin, faisait allusion au duel célèbre, lorsqu'il
écrivait :
Je les ay assures que vous êtes si honneste et
si courtoys aux dames que vous leur feriez tout le plaisir que vous pourriez,
car vous scavez quelles le méritent et que les querelles que vous scavez
ne sont point héréditaires.
C'est que
Vivonne-Lachâtaigneraye avait accusé Jarnac de s'être
vanté d'être dans les bonnes grâces de sa belle-mère,
Madeleine de Puyguyon, seconde femme de son père, Charles de
Chabot-Jarnac, et le jeune Jarnac était fils de la première
femme, Jeanne de Saint-Gelais. Rien d'étonnant alors que M. de Lanssac,
étant un Saint-Gelais, eût, dans la querelle, pris parti contre
les Vivonne ; mais après le triste dénouement que l'on sait, il
pouvait sans faillir se montrer généreux et magnanime envers les
vaincus ; aussi l'abbé, en fin diplomate, ajoutait:
Je vous supplie bien humblement leur faire cognoistre
que vous ne vous ressentez en rien de cela.
Cette lettre, on le voit, joint au
mérite littéraire de précieux renseignements. Souhaitons
que dans la volumineuse correspondance de M. de Lanssac, elle ne soit pas la
seule due à la plume alerte et spirituelle de Pierre de Mareuil.
Ce nom de
Mareuil, qui revivait l'an passé en des fêtes mémorables en
l'honneur du célèbre troubadour, reviendrait, rajeuni de deux
siècles, briller d'un nouvel éclat parmi nos écrivains
périgourdins du XVIe.
Enfin, dans cette
intéressante lettre, il n'est pas jusqu'à
l'éphémère Cour des Aides de Périgueux qui n'ait
excité la verve caustique de Pierre de Mareuil : « Ceste chambre
de généraux que le Roy leur a donné, de quoy ils sont bien
glorieux. »
Cette Cour
venait, en effet, d'être érigée par édits royaux de
mars et juin 1554. Bordeaux et Périgueux se l'étaient
disputée. Lagebaton et Rochefort avaient rivalisé
d'habileté et d'intrigues. Bordeaux avait offert de la payer 50,000
écus ; mais, faute d'argent comptant, c'est Périgueux qui l'avait
obtenue pour 10,000 écus seulement, payés comptant et à
découvert. N'y avait il pas de quoi se glorifier ! Il est vrai que la
ville avait payé très cher cet honneur. Le 28 mai 1554, elle
avait été obligée de vendre à deux bourgeois, marchands
de Limoges, pour 2,500 écus sol « l'émolument du poids de
la chair lui appartenant », afin de payer son acquisition, et en 1568,
elle était obligée d'avouer « ne plus posséder
aucuns deniers communs ou patrimoniaux, ayant dû aliéner ceux
qu'elle avoit autrefois, et même recourir à une imposition pour
s'acquitter de ses engagements envers le Roi, lors de l'établissement
dans ses murs de ceste Cour », qui, peu après, fut
transférée à Bordeaux.
L'amabilité
coutumière de notre cher président me vaut la bonne fortune de
pouvoir offrir aux lecteurs du Bulletin,
en même
temps que la lettre de Pierre de Mareuil, où apparaît pour la
première fois, le nom de Richemont, deux excellentes photographies[10] de cette demeure de
Brantôme, Pierre de Bourdeille.
Il me semble
nécessaire de les accompagner.de quelques explications, la
configuration des lieux ne permettant pas de donner une bonne vue d'ensemble du
château.
Je dois dire,
d'abord, qu'avant Brantôme, on ne retrouve nulle trace, dans la
généalogie de sa maison, ni dans aucun document écrit, du
nom de Richemont, dans celte région du Périgord, et que si, avant
lui, les Bourdeille se qualifiaient depuis deux siècles simplement
seigneurs de St-Crépin, c'est qu'ils n'avaient là ni hôtel,
ni repaire, ni maison noble dont quelqu'un des leurs aurait assurément
ajouté le nom, selon l'usage, à ses qualifications seigneuriales.
On en était si prodigue alors !
Brantôme n'aurait donc pas eu
là de construction ancienne à utiliser, et lui seul aurait
bâti le château déjà commencé et
baptisé dès 1554 et couronné de sa première lucarne
en 1581.
Le château
consiste en un pavillon d'angle servant de défense de très
massive allure, couronné de mâchicoulis et flanqué à
un de ses angles de deux ailes en équerre, d'égale dimension,
sans mâchicoulis ; le tout surmonté de grands combles, d'ardoise
pour le pavillon, de tuile pour les ailes[11].
Celles-ci sont dissemblables.
Dans l'une, celle de l'ouest, sur
le grand jardin aux melons, côté de l'arrivée, la
façade extérieure a ses fenêtres, y compris celles du
pavillon, de même style, longues et très étroites. Elle a
reçu après coup un allongement ajouré de fenêtres
semblables, mais dont l'amorce, très visible, donne la longueur exacte
du bâtiment primitif[12].
Par ces
étroites ouvertures, régnant au premier étage seulement,
comme pour le pavillon surmonté de mâchicoulis et percé de
meurtrières, on a voulu montrer aux passants que le château ferait
bonne et fière résistance si jamais hobereaux ou malandrins
s'avisaient de tenter quelque surprise.
De ce côté, les deux
porches cintrés de l'avenue, par lesquels il fallait passer pour
pénétrer dans la cour du château, séparés par
un étroit couloir de 108 mètres de long, enfermé de murs,
le premier flanqué d'une tour ronde pour le guet, donnent en effet
à cette arrivée un étrange aspect de défiance. Les
guerres de religion ne firent que raviver partout ce besoin d'étaler
à l'extérieur une certaine apparence de force.
Sur l'autre
façade, au contraire[13], vue de profil à
l'arrivée, moins accessible, on pouvait sacrifier à la mode du
jour, satisfaire derrière cet appareil de maison-forte ses goûts
de faste et d'élégance, en ouvrant à l'extérieur de
plus larges baies sur de plus vastes salles. Toutes les fenêtres,
même celle du pavillon, sont grandes et à croix de pierre. Il y en
avait quatre au corps de logis inégalement placées, mais
symétriques, les deux du milieu, plus rapprochées, pour se
trouver en face de celles qui encadrent la porte d'entrée du premier
étage, sur la façade intérieure. Disposition
nécessitée par l'éclairage de la grande salle et des deux
pièces qui l'accompagnaient. La quatrième fenêtre a
été remplacée au XVIIIe siècle par les
deux fenêtres modernes du salon actuel. Ce corps de logis a subi, lui
aussi, à celte époque, un fâcheux prolongement dont
l'attache est très apparente.
Tandis que dans
l'autre aile tout le premier étage est de plain pied avec celui du
pavillon, dans celle-ci, pour pouvoir donner une plus grande
élévation aux appartements d'apparat, sans exhausser les murs, et
sans toucher à la ligne de faîte de l'édifice, tout
l'étage a été établi en contre-bas d'un
mètre. Du pavillon, on n'y accède que par un petit escalier de
pierre de cinq marches, construit dans l'épaisseur du mur. Par suite,
les fenêtres diffèrent de niveau et de dimension pour chaque corps
de logis.
Sur la cour, la façade
intérieure, dont la photographie reproduit le haut perron de pierre et
la porte d'entrée de la grande salle[14], il n'y a aussi de fenêtres
à croix qu'au premier étage correspondant à celles de
l'extérieur. L'une d'elles, la plus rapprochée du pavillon, est
surmontée d'une lucarne avec fenêtre à croix. Comme
à l'extérieur, la quatrième fenêtre a fait place aux
deux du salon. Le rez-de-chaussée très bas, sans ouvertures
à l'extérieur, était éclairé sur la cour par
d'étroites fenêtres, presqu'au ras du sol, aujourd'hui
bouchées.
La façade
intérieure de l'autre aile en retour, où l'on pouvait sans
crainte ouvrir aussi de larges baies, est ajourée sur la cour par de
larges fenêtres à croix de pierre, aussi bien au
rez-de-chaussée qu'au premier étage, le niveau de celui-ci ayant
permis de faire deux grandes pièces à cheminées de pierre
et à poutrelles peintes au rez-de-chaussée. Au premier
étage, les grandes fenêtres, dont la plus proche du pavillon est
surmontée d'une lucarne, en pendant de l'autre, mais datée de
1581, alternent avec d'autres de même hauteur, plus étroites,
pareilles à celles de l'extérieur, disposées sans
symétrie. Au centre, la porte d'entrée moulurée est au
rez-de-chaussée et s'ouvre sur un large escalier de pierre montant
jusque sous les combles.
La
différence de niveau et de dimension des fenêtres, sur les deux
ailes, est encore plus apparente du côté de la cour, que sur les
façades extérieures[15].
Dans cette aile,
aménagée pour les petits appartements, existent encore les portes
principales, les boiseries, les hautes cheminées de bois
mêlé, les grosses poutrelles moulurées, contemporaines de
Brantôme. Là était son appartement privé, où
il a écrit ses « cinq volumes » de mémoires, le
cabinet où étaient rangés « et serrés les
plus grands livres de sa bibliothèque.
On comprend
aisément que ce style architectural lourd et si dépourvu
d'ornements, malgré les deux portes moulurées, ce haut perron,
ces toits aigus, le grand parc clos de murs qui entourait le château,
luxe encore inconnu en Périgord, aient pu faire croire à une
importation anglaise.
Brantôme a
fait, dans ses écrits, une place importante à son château
de Richemont et ne fait pas mystère du grand effort qu'il lui a
coûté.
« Ma maison et beau chasteau de Richemont que j'ay faict bastir
curieusement et avecques peine et grand coust », dit-il, «
où l'air est beau, bon et salutaire » ; et qu'il évalue
à 20.000 écus.
Il avait mis
plus de trente ans à le bâtir ; mais on s'explique aisément
la durée de cette importante construction, quand on songe combien
souvent dût y manquer l'œil du maître qui visitait la Suisse,
le Piémont, Milan, Rome, Ferrare et Naples en 1557 et 1558, était
à Amboise, à Péronne, en 1559 et 1560, visitait l'Ecosse
et l'Angleterre en 1561, le Portugal et l'Espagne en 1564, faisait une courte
apparition à sa maison en 1565, parcourait de nouveau l'Italie en 1566,
et suivait la Cour dans toutes ses pérégrinations jusqu'en 1582.
Il ne prit sa retraite à
Richemont qu'en cette année-là. Le château était
alors terminé. On en avait posé les deux premières
lucarnes l'année précédente, et peut-être faut-il
attribuer l'absence des autres à la hâte qu'avait Brantôme
de pouvoir abriter sa tète et goûter enfin le repos.
Il ne reprit la
truelle, un instant, que dix-huit ans plus tard. La date de 1610 de la
clé de voûte et du support de l'ancien autel[16] de la chapelle au
rez-de-chaussée, du pavillon, nous dit, en effet, que c'est par
l'aménagement de son tombeau eu ce lieu qu'il couronna son œuvre,
ce qu'il confirme d'ailleurs par cette phrase de son testament :
« J'eslis ma sépulture dans la
chapelle de mon chasteau de Richemont que j'ai faicte et construite
exprès pour cest effect avecques la voûte, espérant que le
tout sera faict et parachevé, s'il plaist à Dieu, advant que je
meure, pour y estre enterré. »
La pensée
de la mort lui venait tardive ; il avait alors 76 ans.
Cette chapelle,
où se voit encore son épitaphe de 1614, a été
décrite dans le Bulletin
de 1880 ; nous
n'y reviendrons pas[17].
Rien n'indique
qu'il soit entré dans les plans de Brantôme de clore son
château des quatre côtés, comme ceux de Frugie et de Laxion,
ses contemporains. Parlant longuement de son œuvre, il n'y fait aucune
allusion et ne se préoccupe que d'assurer son entretien.
« Je charge ma
nièce d'entretenir la maison comme elle est, sans la laisser desmollir
ny despérir, et qu'elle la laisse aussy entière et belle comme je
la luy laisse. »[18]
Telle qu'elle
est, il en est fier, et il se réjouit à la pensée que son
petit neveu « si bien né et si joly » pourra
se dire un jour:
« Voilà un
présent que mon grand oncle me fit. »
Marquis de CUMOND.
pp. 377-381
NOTES ET
DOCUMENTS : HENRI IV ET LA RÉVOLTE DES
CROQUANTS (1596).
Notre regretté
président, M. de Roumejoux, dans son Essai sur les guerres de Religion qui fut publié
ici-même, a donné, d'après la Chronologie novennaire de Palma Cayet[19] et un extrait du Livre Noir de la ville de Périgueux[20], d'intéressants
détails sur la révolte des Croquants ou Tard-avisés
qui
désola le Périgord durant les dernières années du
XVIe siècle. Ce mouvement populaire, selon Cayet, aurait pris
naissance en 1594. Le Livre Noir assure que la journée de
Saint-Crépin-d'Auberoche, où le vicomte de Bourdeille,
sénéchal de Périgord, défit les rebelles (26
août 1595)[21], marqua « la fin de ce grand
soulèvement qui avoit fait voir aux champs plus de 15,000 hommes
». M. de Roumejoux n'accepte pas cette assertion. Il incline à
croire qu'il faut retarder la date de la pacification d'une semaine,
jusqu'à la prise de Condat-sur-Vézère, survenue le 4 septembre, qui décida les chefs des Croquants à faire leur soumission[22]; après quoi l'effervescence
se serait calmée jusqu'en 1597, où l'historien d'Aubigné
témoigne qu'elle se produisit de nouveau pour disparaître enfin
l'année suivante, après la promulgation de l'édit de
Nantes qui ramena la tranquillité dans le royaume épuisé
par une si longue suite de guerres civiles. La prise de Condat termina-t-elle,
comme l'assurait notre regretté président, le premier
soulèvement des Croquants?
Sur cette
question, l'important arrêt du Conseil d'Etat, que nous donnons
ci-après, rendu le 30 novembre 1596 sur le rapport du conseiller
d'Incarville, ne produit aucun argument péremptoire. Mais, à le
lire attentivement, on se prend à douter si l'agitation populaire n'a
pas persisté au-delà du terme indiqué et si les deux
mouvements, celui de 1594-1593 et celui de 1597, ne se sont pas suivis avec un
intervalle moindre encore qu'on ne l'a dit[23]. Il est du moins assez raisonnable
de supposer que, si la prise de Condat a clos les opérations
régulières de l'armée royale contre les rebelles, tous les
Croquants n'ont pas immédiatement
désarmé et que l'émotion a duré quelques mois
encore, sans événements notables et se prolongeant en simple
brigandage.
L'arrêt qu'on lira plus loin
ne présente pas qu'un intérêt chronologique. Il en offre un
autre et plus élevé, qui est d'apporter une preuve nouvelle
à l'appui d'une opinion qui n'a plus besoin, il est vrai, d'être
étayée : c'est que Henri IV, en politique avisé, sut tirer
de la clémence, opportunément employée, des effets qu'il
eut en vain demandés à la sévérité. Cette
adroite modération parait déjà dans la lettre qu'il
écrivait, à la date du 3 août 1595, au
sénéchal de Bourdeille, alors occupé à soumettre
les Croquants :
« J'escris à mon cousin le mareschal de Matignon ce qui est
de mon intention sur l'assemblée des peuples en mon pays de
Périgort, que je ne veux pas estre supportez en leur
désobéissance, non plus que violemnent traictez, pour le
péril qu'il y auroit en l'un et en l'autre....[24].
Elle a
dicté de même ces belles paroles, inscrites dans l'arrêt du
30 novembre 1596, qui y metlent une note si profondément humaine :
« Le Roy en son Conseil, voulant que la mémoire des choses
passées demeure ensevelye et réduire son peuple par douceur et
clémence à l'obéissance qu'il luy doit... »
A ce titre,
notre arrêt intéresse l'histoire générale de la
France et il eût été regrettable qu'il restât
ignoré.
R. Villepelet.
Veu par le Roy en son Conseil la requeste
présentée par le scindic des trois Estatz du païs de
Périgord, par laquelle il auroit remonstré que s'estant le menu
peuple et habitans du plat païs de Lymosin excité à prendre les armes en trouppes
et assemblées publicques, ils se seraient espenduz par le païs de
Périgord avec telle force et multitude qu'ilz auroient contrainct grande
partye du menu peuple et habitans dudict païs de Périgord de leur
adhiber, prendre les armes avec eulx et les suivre là part où ilz
auroient voulu ; à raison de quoy, il se seroit faict dans le païs
de Périgord plusieurs assenblées dudict peuple, traictez et conventions
particulières et quelque collecte de deniers pour envoyer vers le Roy
soubz le nom du Tiers Estat dudict païs, ce qui avoit occasionné
plusieurs gentilzhommes dudict païs avec les villes cappitalles et
communaultez d'icelles de penser que lesdictes assenblées et portz
d'armes estoient faictes et dressées contre eulx, si bien que pour
obvier aux desseings qu'ilz croyoient estre brassez à leur
préjudice, ilz auroient prins les armes et se seroient mis aux champs
soubz l'auctorité du sieur de Bordeille, sénéchal audict
païs. Et, d'autre part,
le peuple appréhendant sa ruyne des assenblées faictes par
lesdicts seigneurs et gentilzhommes, et, d'ailleurs, séduict par
certaines impostures qui se mesloient entre eulx, auroient de toutes partz
dudict païs prins les armes et se seroient mis aux champs contre
l'auctorité de Sadicte Majesté et dudict sénéchal,
si bien qu'ilz estoient à d'autres foys venus au combat comme à guerre ouverte, tant en
forcement de bourgs et places qu'en plaine campagne, mesmes le
vingt-sixième aoust mil cinq
cents quatre-vingtsquinze, au lieu de St-Crespin, audict païs, et en
divers autres endroictz avant et depuis, ausquelles rencontres, oultre la mort
d'un infini nombre de paisans et autres dudict menu peuple, s'en seroient
ensuiviz plusieurs actes d'hostillité, à raison desquelz aucunes
parties avoient intenté diverses poursuites criminelles contre ceulx qui
estoient restez du peuple, lesquelles poursuictes estans par eulx
appréhendées, ilz auroient eu recours à la court de
Parlement de Bordeaulx; laquelle, avec l'advis du sieur mareschal de Matignon,
auroit ordonné que telles poursuithes surceoiroient pendant six moys,
dans lesquels Sa Majesté seroit supplyée leur octroyer
grâce et abolition desdicts actes, requérant attendu que lesdictz
soublèvemens estoient tournez à la ruyne du peuple, mesmes que la
punition de tous les coulpables embrasseroit presque tout le menu peuple dudict
pays, qui sera la désolation de tous les ordres et estalz d'icelluy
païs, et que, par la grâce qui est requise à Sa
Majesté, le suppliant n'entend couvrir aucuns crimes qualeffiez meurdres
et excès commis de partie à partie, il plaise au Roy octroyer au
peuple dudict païs abollition de toutes prinses, levées d'armes
faicts par ledict païs contre l'auctorité de Sa Majesté et
tous actes d'hostillité commis de part et d'autre à raison desdicts soublèvemens,
tant audict lieu de St-Crespin que aultres, à la prinse et forcement
d'aucuns bourgs et places ou autre semblable revertion faicte en armes d'une
part et d'autre dans ledict païs.
Veu aussy l'arrest de la court de Parlement de Bordeaulx du XIIe
jour de juillet dernier, donné après avoir oy le rapport de Me
Thibauld de Camarin, conseiller en ladicte court, commissaire par elle
depputé pour aller au païs de Périgord, pour rechercher les
moyens d'appaiser les soubzlèvemens populaires, l'ecdit du mois d'aoust mvc quatre-vingts quinze, par lequel Sa Majesté
auroit octroyé pardon général desdictz
soubzlèvemens.
Le Roy en son Conseil,
voulant que la mémoire des choses passées demeure ensevelye et
réduire son peuple par doulceur et clémence à l'obéissance qu'il luy
doit, ayant esgard à ladicte requeste, a ordonné et ordonne que
toutes les poursuictes criminelles et recherches que son procureur
général et autres particulliers pourroient faire pour raison
desdictz soubzlèvemens, assemblées, portz d'armes et excès
commis par voye d'hostillité, demeureront estainctes, abollyes et
assopies, faict deffenses à sondict procureur général, ses
substitutz et à tous particulliers en faire cy-après aucune
recherche, et à sa court de Parlement et à tous autres ses juges
et officiers d'en prendre congnoissance sur peyne de nullité de toutes
proceddures et de tous despens, dommages et intérestz.
(Archives
nationales, E 1b, fol. 132.)
pp. 291-297
JUSTICE DU PRIEURÉ DE BUSSIÈRE BADIL.
Comme préliminaire, j'ai cru utile de rappeler en quelques mots ce
qu'était la justice féodale.
Dans le principe, la justice était rendue par les seigneurs
eux-mêmes. Le droit de justice était, en effet, un des attributs
de la souveraineté ; il lut donc conféré par les rois aux
chefs militaires et autres qui devinrent plus tard seigneurs des terres que
leur donnèrent les rois à titre de bénéfices. Ce
droit, qui était d'abord personnel, devint par la suite
héréditaire, comme les bénéfices.
A l'époque de la féodalité, il y avait deux sortes de
justice, la justice rovale qui était rendue dans toute l'étendue
du royaume et la justice seigneuriale qui était rendue par chaque
seigneur dans l'étendue de ses terres. Nous ne nous occuperons que de la
justice seigneuriale.
On distinguait trois degrés de justice seigneuriale qui
étaient désignés sous les noms de haute, moyenne et basse
justice. Le haut justicier, qui avait en même temps haute, moyenne et
basse justice, connaissait de tous les délits et crimes commis sur
l'étendue de son territoire, sauf les cas appelés royaux comme
les crimes de lèse-majesté et de fausse monnaie. Pour punir ces
crimes, il avait le droit de glaive, c'est-à dire il pouvait condamner
au fouet, à la marque, aux galères et à la mort ; pour
exercer ce droit, il devait avoir des prisons et pouvait faire élever
des piloris et des gibets. Cette dernière construction, établie
ordinairement au bord de la grande pouge ou grand chemin était
appelée Justices; nom qui a traversé les siècles et qui
est resté dans plusieurs endroits. Entre Varaignes et Bussière,
un bois taillis situé au bord du grand chemin et à
l'embranchement des routes de Bussière, Montbron, Varaignes et Soudat
est encore appelé : « aux Justices. » Plus un gibet avait de
piliers, plus le seigneur était puissant ; ainsi le comte pouvait faire
élever un gibet a six piliers, le baron avait droit à quatre, et
le seigneur châtelain à trois.
Le moyen justicier, qui avait aussi la basse justice, pouvait
connaître de toutes les causes civiles; mais en matière criminelle
sa compétence variait suivant les lieux et les usages ; elle était toujours minime et ne pouvait, en
général, dépasser soixante sous d'amende.
Le bas justicier ne connaissait que des affaires civiles jusqu'à soixante
sous parisis, et en matière criminelle il ne pouvait juger que les
délits qui pouvaient entraîner jusqu'à dix sous parisis
d'amende.
Plus tard, les seigneurs ne voulant plus exercer la justice
eux-mêmes, nommèrent des officiers pour les remplacer et rendre la
justice en leur nom. Ils en arrivèrent donc à nommer :
Un juge, un lieutenant de juge, un greffier et des sergents ou huissiers.
Ils nommaient aussi les notaires et le geôlier de la prison, qu'ils
étaient tenus d'avoir dans leur château.
Quant aux sergents chargés de faire exécuter les sentences
des juges, le comte pouvait en nommer douze, le baron six, le seigneur
châtelain quatre, et les autres petits seigneurs deux.
Le prieur de Bussière avait moyenne et basse justice
dans l'étendue de son prieuré, ces droits de juridiction sont
énumérés tout au long dans l'accord suivant, que je
traduis :
Nous Poncius de Salaignac[25], licencié en droit canon, abbé da Clérac, au
diocèse d'Agen, archidiacre (in umatencis), et doyen de
l'église de St-Yrieix (de achuno), arbitre
unanimement choisi quant aux affaires ci-après énoncées,
à tous ceux qui les présentes lettres verront, liront ou
entendront lire, savoir faisons que pardevant nous ont été
personnellement constitués : honorable et savant homme Me Jean de Colonges[26], prieur du prieuré de la bienheureuse (vierge) Marie de
Bussière-Badil, du diocèse de Limoges, pour lui et au nom de son
dit prieuré et pour tous les siens sieurs prieurs ses successeurs
à l'avenir dudit prieuré, d'une part;
Et nobles et puissants seigneur Gauthier de Péruse[27], chevalier, seigneur des Cars et de Varaignes, et dame Andrée de
Montbron, son épouse, dame des dits lieux. La dite dame Andrée
avec la permission, consentement et autorité du dit seigneur son mari,
lesquelles choses le seigneur des Gars a accordées et
concédées à la dite dame son épouse pour faire
passer et reconnaître toutes et chacune des choses ci-après
écrites par les leurs et leurs héritiers et successeurs quelconques
d'autre part.
Alors les parties et chacun des leurs ainsi constitués ont
déclaré que naguère il était survenu une
contestation entre le frère Simon Guyon, alors prieur du dit
prieuré de Bussière-Badil, d'une part, et les seigneurs conjoints
d'autre part, à cause et à raison de la juridiction du bourg
précité de Bussière.
Que le prieur dont s'agit affirmait qu'il avait, dans ce bourg, la basse
et moyenne justice, que de leur côté les seigneurs conjoints
prétendaient posséder dans le même bourg de
Bussière, à cause de leur château et de leur
châtellenie de Varaignes, dans les limites desquels il se trouvait
enclavé, la haute, moyenne et basse justice mère, mixte,
impère et l'exercice d'icelle, avec jouissance de ces mêmes droits
et qu'ils étaient en bonne possession et saisine de ces mémes
droits. Qu'un procès au sujet des droits contesta eut lieu en la cour de
Varaigues pardevant Me Pierre Gérard, homme discret et
sénéchal de celle même cour, entre le prieur
déjà nommé agresseur et requérant et le procureur
des seigneurs conjoints défendeur. Le procès aboutit à celle
fin que le même sénéchal adjugea au même prieur le
droit de basse justice jusqu'à concurrence de soixante sous et un
denier, dans le bourg de Bussière et ses dépendances comprises au
dedans des limites de la châtellenie de Varaignes, ainsi que cela avait
été jugé par le même sénéchal et au même
lieu dans les assises tenues
à Varaignes, le 28 décembre de l'an du
Seigneur 1401. Que les choses promises n'étant pas
exécutées, la contestation recommença entre le
révérend père André de Livene, prieur du dit prieuré,
prédécesseur immédiat du prieur actuel, et les seigneurs
époux précités, et que par une seconde décision
ajoutée à la première par le même
sénéchal de Varaignes, il fut établi entre les parties que
le dit prieur et ceux qui viendraient après lui jouiraient comme leurs
prédécesseurs perpétuellement, et dès maintenant,
de la dite juridiction de Bussière-Badil, jusqu'à concurrence de
60 sous et un denier, ainsi que cela fut établi et constaté par
la transaction passée par Mes Pierre de Mazia et Pierre de Borie, le
10 septembre de l'an du Seigneur 1474. Mais, comme en même temps les
parties dirent et affirmèrent ouvertement et publiquement qu'elles
voulaient et désiraient que cette décision fut observée de
point on point, il était juste d'établir la différence qui
devait exister entre les deux juridictions. D'une part, le prieur disait que
puisqu'il était convenu que la juridiction de Bussière lui
appartenait jusqu'à concurrence de 60 sous et un denier, lui et ses
officiers (juges), pouvaient connaître dans le bourg
précité de toutes les causes tant réelles que
personnelles, soit en matière possessoire ou pétitoire, des
actions pour injures réelles ou verbales, qu'il pourrait tenir prisons,
punir les malfaiteurs, nommer des tuteurs et des curateurs, prononcer contre
les débiteurs, assigner les parties, punir d'une amende, pourvu
toutefois qu'elle ne dépassât pas la somme convenue de 60 sous et
un denier, donner des mesures, avoir le droit de sceau et de garde (vigerie).
D'autre part, les seigneurs époux disaient au contraire que comme
le bourg de Bussière était enclavé dans la
châtellenie de Varaignes, eux et leurs prédécesseurs
avaient dès la plus haute antiquité toute juridiction sur le
bourg précité, savoir : la haute, moyenne et basse justice,
mère, mixte et impère ; mais que, en l'honneur de la glorieuse
Vierge Marie, en l'honneur de laquelle le prieuré de Bussière
avait été fondé, ils avaient consenti, dans la convention
ou accord précité, que le prieur exercerait la basse justice
jusqu'à concurrence de 60 sous et un denier, et qu'il résultait
de l'examen attentif et sérieux de cette même convention que ledit
prieur et ses juges ne pourraient connaître des injures verbales ou réelles,
qu'ils ne pourraient donner ni tuteurs, ni curateurs, ni condamner les débiteurs, ni faire
assurer la sécurité, ni tenir prison, ni incarcérer les
criminels, ni donner des mesures, ni avoir le droit de sceau, ni de vigerie, enfin qu'ils ne pourraient connaître d'aucune
autre cause que des plus minimes de la basse justice, et qu'en outre, les
seigneurs époux pourraient faire tenir les assises de leur juridiction
dans ledit bourg par leur sénéchal ou juge, ainsi que cette
manière de faire et d'exercer leur juridiction a été
exercée et dont ils sont en bonne possession et saisine.
Conformément à la volonté des parties, comme elles
en sont convenues, après avoir remis dans nos mains la convention
précitée faite avec le susdit révérend père
André de Livene, ainsi que les autres documents que les parties
elles-mêmes ont bien voulu nous confier; ensemble les avis donnés
par des hommes instruits sur les droits contestés, nous avons
formulé notre décision arbitrale sur tous les points en litige.
Mais désirant que notre décision soit observée et
respectée et honorée tout comme si elle était un jugement
rendu par une cour de parlement ; en l'honneur et en considération des
parties, après avoir pris conseil d'hommes habiles et savants ,
après avoir délibéré avec eux, après avoir
bien pesé tous les termes de ladite transaction, conformément
à l'avis de plusieurs hommes nobles et instruits, voulant sauvegarder
les droits de l'église de Bussière, désirant aussi
maintenir la paix entre les parties ; après avoir entendu tous leurs
dires et allégations, les mêmes parties me demandant
personnellement de régler leur différend, nous avons
décidé ce qui suit sur le fond de la contestation et sur le modus Vivendi des parties : Ledit prieur pourra connaître dès maintenant
des causes civiles, pétitoires ou personnelles, de quelque
quantité ou qualités, qu'elles soient pour les choses ou les
personnes comprises ou habitant dans le bourg de Bussière et au-dedans
des limites de ses appartenances (dépendances); il pourra aussi
connaître des injures verbales et réelles, pourvu toutefois
qu'elles ne soient pas atroces et telles que la peine ou l'amende encourue ne
dépasse pas la somme déjà indiquée de soixante sous
et un denier. Néanmoins, il pourra prononcer contre les débiteurs,
faire et assurer la sécurité, pourvu que la peine ou l'amende
n'excède pas ladite somme de soixante sous et un denier; mais ledit
prieur ne pourra connaître des causes qui entraîneraient une peine
ou une amende corporelle, ni des affaires dépassant la somme
précitée, et il ne pourra assigner les parties adverses pour les
concilier. Le même prieur ne pourra donner ni tuteurs, ni curateurs, ni
retenir des prisonniers, à moins que ce ne soit dans l'intention de les
livrer au sénéchal ou juge de la juridiction de Varaignes ;
lequel juge pourra tenir la cour ou les assises de ladite châtellenie de
Varaignes dans ledit bourg de Bussière-Badil et au-dedans des limites
déjà mentionnées, et y connaître de toutes les
causes concernant sa juridiction, tout en laissant audit prieur les causes qui
seraient de son ressort, ainsi que nous l'avons déjà
réglé. Le même prieur pourra, dans le bourg et ses
dépendances, donner et assigner des mesures et percevoir tout droit et
denier de vigerie.
Telle est la déclaration, l'arrangement, le traité, la
transaction faits par nous et que les parties tant pour elles et les leurs que
pour quiconque pourrait y avoir quelque intérêt dans le
présent ou dans l'avenir, ont approuvés, acceptés, ratifiés
pour valoir, tenir et avoir force et solidité à toujours, elles y
ont donné leur assentiment et consentement pour toutes et chacune des
choses promises, s'engageant pour eux et les leurs à les tenir et
observer à perpétuité, à ne rien opposer,
alléguer, dire et faire qui y soit contraire en quoi que ce soit, et par
eux-mêmes, ni par autrui, ni secrètement, ni ouvertement, ni
tacitement, ni distinctement, à ne fournir à aucune personne
ennemie, ni cause, ni moyen, ni subterfuge pour cause de vigerie, ni secours,
ni conseil, ni faveur pour venir à l'encontre des présentes.
Les parties, après avoir promis toutes ces choses, les ont
confirmées par leurs serments sur les saints évangiles de Dieu
avec renonciation de fait et de droit et de discussion. En outre, pour la
garantie et le maintien à perpétuité des choses promises,
les parties ont d'ores et déjà obligé
(hypothéqué) les uns à l'égard des autres pour eux
et leurs héritiers et successeurs savoir : Le dit seigneur prieur tous
les biens de son prieuré. Lesdits seigneurs conjoints tous et chacun leurs
biens mobiliers et immobiliers, présents et futurs quel que soit le lieu
qu'ils occupent et le nom qu'ils portent. Les parties consentent à
être contraintes à l'exécution (observation) des
présentes par tous les moyens de justice nécessaires et opportuns
. En outre, pour la sûreté et l'assurance des choses promises et
de chacune d'elles, cet acte a été fait en présence et
d'après la volonté et consentement des parties si souvent
nommées et des leurs qui s'y sont trouvés d'une part, et y ont
consenti d'autre part par leurs fondés de pouvoir présents et
stipulant solennellement par Pierre de Marandi et Léonard de Chesrade,
clercs à la cour du seigneur official de Limoges, commis et
délégués et soussignés pour la lecture et
l'exécution des actes de cette cour. Les parties ayant ensuite promis
spontanément de se soumettre à ce qui va être dit
ci-après comme à une sentence juridique. Alors nous official de
Limoges, accordant une foi entière aux présentes conventions,
telles que les actes nous en ont été remis par nos commissaires
précités, qui les ont reçus et rédigés
à notre place et sous notre autorité, voulons qu'il y soit ajouté une foi aussi complète que si ces mêmes
actes avaient été rédigés ou reçus par nous.
Nous leur donnons notre ratification et approbation, voulant ainsi qu'ils aient
la même autorité que s'ils résultaient d'un jugement
prononcé par nous en notre cour provinciale, nous y avons fait apposer notre sceau de la cour de Limoges afin qu'il soit
accordé une foi pleine et entière à toutes les choses y contenues.
Donné et fait au
château des Cars en présence de homme noble Me Antoine de
Sanète, fidèle damoiseau, seigneur de la Ribière, homme
religieux Jean de
l'ordre de saint Benoit, Jean de Lamarie et Jean de Rosin, clercs, tous
témoins commis et appelés et présents le 24 du mois
d'avril de l'an du seigneur 1481. Ainsi signé : De Chaneyde avec le
jurisconsulte précité, de Marandv avec le jurisconsulte de
Cheyrade.
Voici donc quels étaient les droits de juridiction
du prieuré de Bussière-Badil. Ce droit fut toujours
contesté par les seigneurs de Varaignes, ainsi qu'il résulte des
accords survenus en 1401, 1474, 1481, 1495, 1503 et 1541 [28] ; mais les prieurs eurent toujours gain de cause, en voici quelques
preuves.
En 1764, Lajamme de Belleville et delle Thomas, son
épouse, assignés à la cour de Varaignes, déclarent
par leur procureur Thomas Bernard, jeune, qu'ils n'ont pu être
valablement assignés à Varaignes puisqu'ils résident
à Bussière-Badil, où il y a justice qui connaît de
toutes causes à l'exception des affaires criminelles. Sur les
conclusions du procureur d'office, Me Léonard Bernard, la
cause est renvoyée pardevant le juge du prieuré de
Bussière-Badil.
[…]
pp. 352-353.
LISTE DES PAROISSES DU
PÉRIGORD MENTIONNEES DANS LE
Pouillé du diocèse de
Limoges.
La Société archéologique du Limousin a
publié, il y a quelque temps[29], le Pouillé du diocèse
de Limoges, qui a eu pour auteur
l'abbé Nadaud, dont le labeur infatigable ne saurait être trop
loué, et pour éditeur M. l'abbé Lecler, qui s'est
montré le digne continuateur de Nadaud. Un certain nombre de paroisses,
qui dépendaient autrefois du diocèse de Limoges et qui, par
suite, sont comprises dans le travail de Nadaud, font aujourd'hui partie du
diocèse de Périgueux. J'ai pensé qu'il serait utile, non
pas de reproduire les notices qui les concernent, puisqu'elles sont
imprimées, mais d'en dresser la liste, afin qu'on puisse y recourir au
besoin, et consulter les détails intéressants qu'elles donnent
sur les origines et l'ancienne organisation de ces paroisses.
Voici celle liste. Les communes y sont
classées par canton, suivant l'ordre alphabétique, avec
l'indication de la page du Bulletin qui les concerne :
Archiprètre
de Lubersac.
Canton d’Excideuil. — Génis,
p. 506. — Saint-Mesmin, p. 506.
Canton d’Hautefort. — Boisseuilh, p.
506. — Coubjours, p. 509.
Canton de Lanouaille. —
Payzac. — Saint-Cyr-les-Champagnes, p. 511.
Archiprètré de Nontron.
Canton de Bussière-Badil. — Busserolles, p. 479. — Bussière-Badil, p. 497.
— Champniers, p. 500. — Etouars, p. 494. —
Piégut-Pluviers, p. 479. — Reilhac, p. 499. —
Saint-Barthélémy, p. 485. — Soudat, p. 498. — Teijat,
p. 477. — Varaignes, p. 475.
Canton de Nontron. — Abjat, p. 473. — Augignac, p. 473. — Bourdeix (Le),
p. 497. — Chapelle-Saint-Robert (La), p. 499. — Hautefaye, p. 175.
— Javerlhac, p. 485. — Lusses, p. 494. — Nontron, p. 495.
— Nontronneau, p. 474. — Saint-Estèphe, p. 477. —
Saint-Martial-de-Valette, p. 484. — Saint-Martin-le-Peint, p. 477[30] (1). — Savignac-de-Nontron, p. 483.
P. B.
[1] Probablement Guillaume d'Avançon on Avanson, fils de Jean, seigneur de St-Marcel, et nommé archevêque d'Embrun en 1561, puis cardinal en 1600, qui succéda à M. de Lanssac à l'ambassade de Rome.
[2] St-Yrieix.
[3] Pierre de Mareuil était cousin-germain du
grand-père de Brantôme.
[4] Voir Bulletin
historique du Périgord, t. VII, p. 201.
[5] Louis de St-Gelais « M. de Lanssac »,
était cousin de Brantôme par sa femme, Jeanne de la Roche-Andry,
petite-fille d’Andrée de Bourdeille, sœur de son grand-père.
[6] Louise de Montberon, Mlle d'Ausances, morte en l390, fille
de Jacques de Montberon, seigneur d'Ausances, chevalier des ordres du Roi,
cousin issu de germain du père de Brantôme.
[7] Jacques de Montberon, ci-dessus.
[8] Louis Bouchard d'Aubeterre était l'époux de
Marguerite de Mareuil, fille de Guy de Mareuil, cousin-germain du
grand-père de Brantôme.
[9] D'Ardelay. Brantôme écrivait aussi Hardelay.
[10] Non reproduites ici (note C.R.)
[11] Une dentelure
en tuile plate règne sans interruption tout le long du faîtage.
[12] Le balcon
à terrasse et les trous sont modernes.
[13] Voir la
photographie. (non reproduite ici –
C.R.)
[14] Voir la photographie de celle façade (non reproduite ici – note C.R.).
[15] Voir la photographie, côté de la cour
intérieure (non reproduite ici
– note C.R.).
[16] Aujourd'hui au Musée.
[17] T. VII p. 200.
[18]
« Je serois bien marry
si estant là-haut où Dieu fasse la grâce de m'y recepvoir
s'il lui plaist, je visse ceste belle maison et chasteau, que j'ay fait bastir avecques
si grand travail, eut changé de main et tombé entre une
étrangère. »
Ce vœu de Brantôme a été en partie exaucé, car si le château est sorti de la maison de Bourdeille, c'est par alliance et par les femmes qu'il a passé successivement et sans interruption des Bourdeille aux Jussac, aux Chabans et aux St-Légier.
[19] Chronologie novennaire ou histoire de la guerre sous Henri IV, de 1589 à 1598, publiée eu 1608.
[20] Le livre mémorial de l'hôtel-de-ville de
Périgueux, dit Gros Livre Noir (on l'appelait ainsi à cause de sa couverture en
basane noire; il y avait aussi le Petit Livre Noir actuellement conservé aux archives de la ville de
Périgueux, sous la cote BB. 13 et qui concerne les années
1360-1449), fut soustrait à la fin du XVIIIe siècle.
Il commençait en 1511, finissait en 1618 et contenait 553 feuillets. Il
en existe des copies prises au XVIIIe siècle, à la
mairie, sous la cote FF. 174, et à 1a Bibliothèque nationale dans
les tomes 50 et 158, de la Collection
Périgord. M. de Roumejoux, dans son Essai, en reproduit un assez long passage
qui s'applique, non à l'année 1594, ainsi que le texte qui
l'accompagne pourrait le faire croire, mais à l'année 1595.
[21] L'acte que nous publions plus loin permet de la dater
exactement.
[22] Sur la prise de Condat par les troupes royales et ses
conséquences, on pourra lire utilement une intéressante lettre de
Marguerite de Saint-Astier, épouse de Jean de Foucauld, seigneur de
Lardimalie, gouverneur des comté de Périgord et vicomte de Limoges,
datée du 6 septembre 1595, à Lardimalie, que M.
Dujarric-Descombes a publie dans le tome XXIII du Bulletin de notre
Société, (pp. 64-66).
[23] Remarquons, en effet, que l'arrêt du Conseil d'Etat
dit en propres termes que des combats furent livrés avant et depuis la journée de
Saint-Crépin, et que ces rencontres furent elles-mêmes suivies de plusieurs actes d'hostilité. D'autre part, si l'on
considère la date de la sentence du Parlement de Bordeaux visée
par ledit arrêt (12 juillet 1598), on est fondé à croire
que la mission du conseiller de Camarin, sur le rapport duquel elle fut
basée, eut lieu au plus tôt dans le courant du printemps. Et il y
a toute apparence que, si ce magistrat était chargé « de
rechercher les moyens d'apaiser les soulèvements
populaires », ces soulèvements étaient apaisés
depuis peu, si toutefois ils l'étaient quand M. de Camarin vint en
Périgord.
[24] Recueil des lettres missives de Henri IV, éd. Berger de Xivrey, t. IV,
pp. 388-390.
[25]
Poncius ou Pons de Salignac était
probablement de la famille des Salignac de La Mothe-Fénelon, qui
était alliée aux des Cars ou d'Escarts.
Gallia Christ. - P. 943. — Ecclesia Aginnensis - Abbés de Clérac XII. Pontius de Salignac e decano Sancti Aredii diœcesis Lemov. Bulla Pii papae II anno 1462, data fit abbas Clariac. Reperitur memoratus anno 1485.
[26] Jean-Hélie de Colonies (Nob. du Lim., t. II, p. 503 et Bul., de la Soc. Hist. du
Périgord, t. XX, p. 142.)
[27] Noble et puissant seigneur Gauthier de Péruse, IIe du nom,
chevalier, reçut de son père, par testament, les seigneuries des
Cars, de la Coussière, de la Vauguyon, de Nontron, de Juillac, de la
Tour-de-Bar, etc., et l'hôtel de Péruse. Il avait
épousé en secondes noces le 17 octobre 1451, Andrée de
Montbron, dame de Varaignes, fille de François, Ier du nom, vicomte
d'Aunay, etc. Nob. du Lim., t. I, p. 282).
[28] Bull. de la Soc. Hist. du Périgord, t. xix p. 100 -
De Laugardière.
[29] Dans son Bulletin, t. LIII, 1903.