Source :
Bulletin SHAP, tome XXVII (1900), pp. 450-452
PRIVILÈGES
CONCERNANT LES MAITRES
DE FORGES.
Je ne sais si
l'industrie du fer est relativement récente en Périgord, c'est-à-dire si elle
était d'un usage courant dans notre province antérieurement à la fin du XVIe
siècle. Toujours est-il qu'on la trouve florissante chez nous non seulement
sous les Bourbons, mais dès la fin de la Renaissance. Nous n'en voulons pour
preuve que les privilèges-ci-après donnés — octroyés aux maîtres de forges de
notre contrée.
J'ai cherché, mais en vain, si nous
n'avions pas en Périgord des corporations de fossiers et de ferrons, comme en Normandie, par exemple, où
ceux qui exerçaient l'industrie du fer avaient obtenu des privilèges et
s'étaient, unis entre eux par des statuts remontant à 1289. Bien plus, à la
tête de ces maîtres de forges «se trouvaient six des principaux propriétaires
fonciers portant le titre de barons fossiers. Ils ne relevaient que du Roi, et leurs statuts étaient
confirmés à chaque nouveau règne. De ces six barons, trois étaient laïques et
trois étaient ecclésiastiques. Le nom de fossiers leur venait des fosses à charbon, à
minerais ou à forges, qu'ils étaient en droit de creuser sur leurs domaines
(1). »
Nos maîtres de
forges n'étaient pas nobles ipso facto, comme les verriers, mais beaucoup de gentilshommes, et des
meilleures maisons du Périgord, purent se livrer sans déroger à l'industrie
très rémunératrice du fer.
Cela leur
attira, au XVIIe siècle, quelques tracasseries de la part des
commissaires enquêteurs pour les droits de francs-fiefs, et surtout des
traitants chargés de la recherche de la vraie et de la fausse noblesse. Pour
être justiciables des tribunaux de commerce (Tulle pour les sénéchaussées de
Périgueux et de Sarlat, et Bordeaux pour celle de Bergerac), ils ne prenaient
pas toujours de qualifications nobiliaires dans les actes concernant leur
industrie. Il n'en fallait pas davantage pour que d'aucuns y vissent
dérogeance.
Le document que
voici émane du Parlement de Bordeaux. Il est inscrit dans un registre non
folioté intitulé : 2 mars 4561 (62) au 30 mai 1562, classé sous la cote 159 dans
la série B.des Archives départementales de la Gironde.
17 mars 1561 (v. s.)
Sur la requeste présentée par les Mes des
mines et forges à fer des séneschaulcées de Périgort et Lymosin, aux fins que
les Lettres patentes à eulx octroyées par le Roy Françoys dernier décédé,
contenans confirmation des privilèges, exemptions de tailles et subsides,
franchises et libertés dont lesd. maistres et leurs successeurs ont toujours
jouy et usé, soient enregistrées ez Requestes de la Court, pour par lesd.
maistres jouyr de l'effet du contenu esd. lettres et privillèges selon leur
forme et teneur. Veu :
l'arrest donné en la Court des Aydes à Paris, le
vingt deuxiesme de novembre mil cinq cens dix huit, auquel sont insérés lesd.
privilièges octroyés par les Seigneurs Roys auxd. Mes desd. mynes et
forges à fer de ce Royaulme, contenant icelluy arrest la vériffication desd.
privilèges soubz lesd. modiffications contenues en iceulx ; Lettres patentes du
Roy Henry dernier decedé, en forme de chartre, contenans continuation et
confirmation desd. privillièges, données à Fontainebleau au moys de mars mil
cinq cens quarante sept avant Pasques ; lesd. lettres dud. Roy Françoys,
dernier decedé, aussi en forme de chartre, données à Loche au moys de may mil
cinq cens cinquante neuf; Arrest donné sur la publication desd. privillièges,
en la Court des Aydes à Paris, le vingt deuxiesme de décembre l'an mil cinq
cens quarante huit ; extraict du Registre des monstres des nobles et autres
subjets au ban et arrière-ban de la senéchaulcée de Périgort, du pénultième
d'avril mil cinq-cens quarante deulx ; Lettres patentes du Roy années à Orléan
(l'an) mil cinq cens soixante, par les quelles led. Seigneur veult que les
privilèges confirmés par le feu Roy Françoys sortent leur plain et entier effet
comme si (elles) estaient par luy
confirmées, estans lesd. lettres enregistrées en la Court le vingt troysiasme
jour de décembre mil cinq cens soixante; Lad. Requeste du cinquiesme de ce
moys; Responce faicte à la
signification d'icelle par la procureur général du Roy, qu'il
n'entend empesçher l'entérinement et vérification requise et les modifications
contenues ez susd. arrests; Ont arresté que
lesd. lettres seront enregistrées avecques, lesd. privillièges ez registres de
lad. Court, pour, par lesd. maistres desd.
mynes et forces à fer desd. seneschaulcées de Périgort et Lymosin, jouyr et
user perpétuellement desd. privillièges par eulx et leurs successeurs maistres
desd. mynes et forges à fer, tant de si avant et par la forme et manière qu'ils
ont cy devant deuement et iustement jouy et usé et
jouyssent de présent. A la charge que de la première vente qu'ils
feront de la myne (minerais) de fer tirée desd. mynes et du fer qui en sera
faict, et semblablement du charbon baillé et livré pour le faict desd. forges,
ne sera paie aucune imposition ; et que de chacune
myne ou forge à fer, ung Me de
la forge seullement, le fondeur, le maistre marteleur, et le maistre affineur,
et chascuns d'eulx, et non aultres, seront tenuz francs et exempts des tailles
et impots, ainsi qu'est contenu esd. privillièges et confirmations d'iceulx,
tant et si longuement qu'ils besoigneront et feront besoigner esd. mynes sans
fraulde ; à la charge aussi en tant que touche les maistres desd. forges ne se
mesleront et entremettront principallement d'autre estat ou vacation que du
faict dead. mynes et de ce quy en dépend. Et avec ce que les troys desd. mes,
pour tant de nombre qu'ils se trouveront, seront tenus mestre et entretenir à leurs
despens ung homme de guerre armé et acoutré pour sir (sic, pour servir) le Roy au faict de ses guerres quant
besoing sera. — Signé : Benoist,
président ; de Malvyn,
rapporteur.
Cte de SAINT SAUD.
(1) Annuaire du Conseil-Héraldique, 1896, p. 170.