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Source: Bulletin SHAP, tome X (1883), pp. 380-383.

 

LETTRES DE CATHERINE DE NAVARRE RELATIVES AU COLLEGE DE BERGERAC,

ET LETTRE DE JEANNE D'ALBRET, SUR L'ÉDIT DE PACIFICATION.

 

Bergerac, 3 juillet 1882.

 

Monsieur et cher confrère,

Suivant l'offre que j'eus l'honneur de vous faire dans ma précédente lettre, je viens vous adresser copie, non d'une, mais de deux lettres de Catherine, sœur du roi de Navarre. Toutes les deux sont inspirées par le même motif, qu'il est bon que je vous fasse connaître, afin que vous puissiez juger de leur importance. C'est ce que je vais faire aussi brièvement que possible.

Le collège de Bergerac fut créé par Poynet, lieutenant-général au présidial de la ville, au mois de juillet 1564 ; au mois d'août de la même année, Charles IX autorisa définitivement cet établissement par ses lettres patentes datées de Roussillon.

Henri, roi de Navarre, comte de Périgord, dota le collège d'une rente de deux cents francs à prendre sur les revenus de Gensac ; à cet effet, il octroya des lettres patentes en date du mois de juillet 1576, signées à Bergerac.

A l'exemple du roi Henri, plusieurs seigneurs firent dons et fondations de rentes perpétuelles aux maire et consuls, en faveur du collège. Quelques-uns imposèrent des conditions dont il sera parlé plus tard ; la plus grande partie d'entre eux se contentèrent d'exiger que leurs armoiries fussent peintes sur la litre de la grande salle dudit collège.

Par rang de dates, ce fut :

Jean Foucaud, sieur de Lardymalie, gouverneur du Périgord et Limousin, pour une rente de 10 francs à prendre sur les revenus de sa métairie de Saint-Pierre. 30 juillet 1570.

Geoffroy de Beynac, pour 20 livres à prendre sur les revenus de Beynac, 30 juillet 1576.

Foucaud de Saint-Astier, sieur de La Barde, pour une rente de 5 livres à prendre sur les revenus de Rasfille, paroisse de l'Isle, 30 juillet 1576.

Messire Armand de Gontaud, seigneur de Saint-Geniès, baron de Badefol, de la rente de 100 livres à prendre sur les revenus de la châtellenie de Badefol, à la charge « que la seconde classe du collège serait appelée la classe de Saint-Geniès, » 15 août 1576.

Messire Jacques de Caumont, seigneur de La Force et de la prévôté de Bergerac, de la rente de 100 livres, à prendre sur la recette et revenus de la maison de La Force, à la charge « qu'au dit collège, une fois pour le moins chaque année, il serait fait déclamation à la louange et honneur de sa  maison, » 15 août 1576.

Haut et puissant seigneur, messire Henri de La Tour, chevalier de l'ordre du roi, capitaine de 50 hommes d'armes, vicomte de Turenne, etc., etc., de 100 livres à prendre sur les revenus de la comté de Montfort, à la charge que la première classe du collège serait appelée « la classe de Turenne, » 25 août 1576.

Toutes ces rentes étaient rachetables par un capital calculé sur le pied de l'intérêt à dix pour cent,

Les donateurs de rentes les acquittèrent pendant les premières années, mais bientôt leur zèle se ralentit, et ce ne fut qu'à force de persécution que la municipalité put recouvrer les sommes qui lui étaient dues; il va sans dire que l'un des plus négligents fut le roi de Navarre. C'est alors que les consuls s'adressèrent à sa sœur, qui leur fit la réponse suivante :

 

A messieurs les scindic et consuls de la ville de Bergerac.

 

«  Messieurs, jescris presentement aux gens du bureau estably à Nerac qu'ils ne fassent faulte de vous faire paier ce que vous est deu pour le regard du collège, suivant la volonté du roy monseigneur et frère. Je masseure quils vous rendront bientost contens et ou ils ne feraient men advertissant. Je tiendroy toujours la main à vostre indemnité et demeureroy, Messieurs,

Vostre bien bonne amye, Catherine. »

A Pau, le xvip de juing 1591.

 

Cette lettre n'ayant produit aucun résultat, les consuls écrivirent de nouveau à Catherine, et voici sa réponse :

 

A messieurs les scindicqs et consuls de la ville de Bergerac.

 

« Messieurs les consuls, encores que jaye escript il ny a gueres aux gens de mon conseil estably a Nerac de vous faire paier les arreraiges dont vous me parlez par vostre lettre et que je sois asseurée quils ny feront faulte, si est ce que je ne laisse a leur faire encores une recharge et leur mande bien aussy quils vous lacent paier ce qui vous est deu de lannée courante. Je suis aultant marrie des peines et traverses qu'on vous y donne que de chose du monde; car non seulement en cela, mais en toute aultre chose ou je pourré, vous cognoistres que je suis

Vostre bien bonne amye, Catherine. »

De Pau, le 6e jour d'octobre 1591.

 

Malgré cette lettre, les consuls, ne voyant rien venir, perdirent patience. Le consul Pinet fit alors assigner les trésoriers généraux. M. de Brassai, qui était alors à la tète de ces importantes fonctions, prit mal la chose et blâma fortement les consuls de cette rigoureuse détermination par une lettre que nous possédons. Les consuls persistèrent et finirent par être payés.

Puisque je vous ai envoyé des lettres du frère et de la sœur, je pense vous être agréable de vous en envoyer aussi une de la mère ; vous en aurez ainsi de toute la famille. Cette lettre est relative à l'édit de pacification.

 

A messieurs les officiers de la justice, consuls, manant et habitans de la ville de Bergerac.

 

«  Messieurs, Dieu m'a fait la grâce que j'ai conclu et arresté conformément à lédict dernier de pacification les responses aux remonstrances et requestes que mont faictes les députés de ceux de la religion prétendue reformée, et sommes mon fils le roy de Navarre et moy et eulx aussi résolus de toutes choses au bien de la paix, ainsi que vous entendrez des srs de Bourdeilhe et de Lamothe-Fénélon, qui sen vont pour faire exécuter le tout suivant linstruction particulière que jen ai signée, vous priant de ne faillir d'obéir de vostre part au contenu dicelle et le tout bien garder et observer curieusement et soigneusement, tenant la main à ce que chacun puisse vivre en paix, repos et union les uns envers les aultres, suivant les edicts de pacification et la resolution de nos conferences, comme il est porté par ladite instruction. Priant Dieu, Messieurs, vous avoir en sa saincte digne garde.

Escript à Agen, le XXIIe jour de mars 1572 ».

Jeanne

 

Si je ne m'abuse, la lettre de Jeanne fut envoyée à Paris par M. Romieu; si oui, elle doit être dans les volumes de la correspondance d'Henri IV. Quant à celles de Catherine, je suis certain qu'elles sont inédites.

En terminant, je dois vous faire observer que, comme toujours, j'écris currente calamo et qu'ainsi je vous prie de pardonner les imperfections que ma lettre pourrait contenir.

En attendant, veuillez agréer, Monsieur et cher confrère, l'assurance de mes sentiments les plus distingués et les plus dévoués.

Dupuy

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