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LE PÉRIGORD AUX ARCHIVES DES BASSES-PYRÉNÉES.

Dans une notice précédente, comme on se le rappelle, nous avons signalé les titres concernant le Périgord, qui sont exposés au Musée des Archives Nationales, à Paris, et en publiant ce travail, notre principal but était d'indiquer à nos jeunes confrères recherchant des sujets, d'étude une mine, abondante à exploiter. Il serait maintenant à souhaiter que. pour être utile et profitable, notre idée se généralisât ; que les plus actifs de nos collaborateurs, dirigés à Paris par notre honorable vice-président, M. Philippe de Bosredon, entreprissent aux Archives Nationales, à la Bibliothèque Nationale, à la Bibliothèque Sainte-Geneviève et dans les autres dépôts publics, un inventaire exact de tous les fonds, même de toutes les pièces ayant un véritable intérêt pour notre province ; que d'autres, aimant les voyages, guidés par nos savants confrères, M. Jules Delpit, en Angleterre, et M. Léon Glédat, en Italie, allassent dans ces pays faire le relevé des titres qui y ont été portés. Nous avons déjà l'inventaire des archives des comtes de Périgord ; dans un certain nombre d'années, nous aurons les inventaires sommaires des archives de la Dordogne et de la Gironde, de sorte que, grâce à cet ensemble de travaux entrepris simultanément sur divers points, nous pourrions terminer en assez peu de temps le dénombrement général de tous les documents inédits où se trouve écrite l'histoire du Périgord.

Aujourd'hui, nous nous occuperons uniquement des archives du comté de Périgord. Personne n'ignore que ces archives sont à Pau. Comment y sont-elles? A-t-on fait au moins des démarches pour les ravoir? Quel en a été le résultat?

Telles sont les premières questions qui se présentent à l'esprit et que nous allons rapidement examiner.

Beaucoup de personnes se demandent, en effet, par suite de quels événements des titres essentiellement périgourdins ont été transportés dans le Béarn, et voici comment on l'explique. Le comté de Périgord fut vendu, comme on sait, en 1437, par le duc d'Orléans, à Jean de Bretagne, déjà vicomte de Limoges. Jean étant mort sans enfants en 1454, son frère puîné, Guillaume, lui succéda. Celui-ci eut pour fille Françoise de Bretagne, qui, mariée à Alain d'Albret, lui transmit le comté de Périgord et la vicomté de Limoges. Plus tard, par le mariage de Jeanne d'Albret avec Antoine de Bourbon, duc de Vendôme, le comté de Périgord passa dans cette maison, et Henri de Navarre, leur fils, lorsqu'il fut Henri IV, le réunit à la couronne par lettres patentes de 1607.

On resta longtemps sans savoir où avaient passé les archives des anciens comtes de Périgord, lorsque, en 1836, notre honorable prédécesseur, M. Dessalles, ayant appris qu'elles étaient à Pau, rédigea aussitôt le Mémoire suivant pour le Conseil général de la Dordogne, auquel M. Mérilhou, l'un de ses membres les plus distingués, en fit lecture dans sa session de 1836 :

» En 1400, Regnault de Sens, bailli de Blois, fut envoyé par le duc d'Orléans en qualité de commissaire, pour prendre possession du comté de Périgord, donné au prince par lettres patentes du mois de janvier de la même année. A la suite de cette prise de possession, le commissaire du duc réunit et déposa dans le château de Montignac toutes les chartes et documents qu'il puit trouver concernant ce comté.

» Au commencement des guerres de religion, les archives du Périgord furent retirées du château de Montignac et portées au château de Turenne, parce que le château de Montignac n'offrait pas assez de sûreté pour leur conservation.

» Le 2 mai 1598, Catherine de Navarre, sœur d'Henri IV, commit le sieur de Villecourt, gentilhomme du roi, et le sieur de Brassay, trésorier-général du duché d'Albret, pour aller retirer du château de Turenne « les papiers de la comté de Périgort, » avec ordre de les faire transporter au château de Nérac, attendu, disait-elle dans ses lettres, « qu'elle ni son frère le roi ne possèdent en Périgord aucun lieu comode et sur ou ils puissent estre déposés. » Elle ordonna en mémo temps que Messieurs de la Chambre des Comptes de Nérac en feraient l'inventaire, et que, cet inventaire fait, ils le bailleraient au garde du Trésor des titres, qui resterait chargé de faire les expéditions des actes dont on aurait besoin.

» Le 22 juin suivant lesdits sieurs de Villecourt et de Brassay firent enlever « trois pipes, deux barriques et un coffre» pleins de titres et documents provenant du Trésor de Montignac et les firent conduire au château de Nérac, où ils restèrent jusqu'en 1710.

» A cette époque le roi ayant été informé que les papiers et documents du «Trésor de la Chambre de Navarre » avaient été dispersés et se trouvaient, une partie à Pau, l'autre à Nérac, l'autre à Lectoure et l'autre à Montauban, rendit un arrêt, portant la date du 8 avril, par lequel il ordonna que tous « ces papiers «fussent réunis au château de Pau, dans la chambre du Trésor des chartes».

» Parmi les papiers réunis, se trouvaient ceux du comté de Périgord, qui furent placés dans une armoire à laquelle on donna le nom d'Armoire du Périgord, nom qu'elle conserva toujours depuis, sans que la Révolution lui ait même porté atteinte.

» En 1806 ou 1807, il fut question de transporter à Paris les archives du château de Pau ; mais ce projet n'eut pas de suite. Il s'est renouvelé depuis plusieurs fois sans être jamais exécuté.

» On en était encore aux pourparlers; lorsque vers la fin de 1834 ou au commencement de 1835, le préfet des Basses-Pyrénées fit enlever du château tous les titres et documents qui s'y trouvaient, et les fit transporter à l'hôtel de la préfecture ; en telle sorte qu'aujourd'hui les titres qui ont trait à l'histoire du Périgord se trouvent, pour l'immense partie, entre les mains de l'archiviste des Basses-Pyrénées, s'il y en a un. » Cet enlèvement se vît malgré la Liste civile, qui réclama assez vivement ; mais ses réclamations ne paraissent pas avoir eu d'influence, puisqu'il ne semble pas que jusqu'ici le Ministre de l'intérieur l'ait blâmé en rien.

» Dans cet état de choses, puisque le Gouvernement ne paraît pas disposé à retirer les archives de Pau des mains du préfet des Basses-Pyrénées, ne serait-il pas à la fois juste et convenable de réclamer ces papiers, afin de les faire transporter à Périgueux, où ils devraient naturellement être conservés ? »

Le Conseil général de la Dordogne ne pouvait demeurer indifférent à une pareille communication, et le point d'interrogation qui la termine devait éveiller sur-le-champ sa patriotique attention. Nous le voyons, en effet, clans cette môme session de 1836, charger son président et le préfet de la Dordogne de réclamer, soit auprès du préfet des Basses-Pyrénées, soit auprès du Ministre de l'intérieur ou de l'Intendant de la Liste civile, la remise des titres et documents ayant appartenu aux anciens comtes du Périgord, et il vote un crédit de 1,900 francs pour subvenir aux dépenses du classement et aux frais de la translation de ces papiers à Périgueux. L'administration départementale perd un peu de vue l'affaire en 1837. En 1838, le préfet de la Dordogne, autorisé du Ministre de l'intérieur, se met en communication avec son collègue de Pau et entame des négociations qui traînent en longueur et, il faut le dire, obtiennent très peu de succès. De son côté, le Conseil général des Basses-Pyrénées est consulté ; il conteste d'abord les droits de propriété invoqués par le département de la Dordogne, puis il refuse formellement de se dessaisir des titres de la maison d'Albret qu'il a en sa possession depuis plus d'un siècle, dit-il, et sur lesquels une loi récente (10 mai 1838) vient de consacrer son droit de propriété. Comme on le voit, il ne s'agissait de rien moins que d'un procès à intenter au département des Basses-Pyrénées : le Conseil général de la Dordogne y paraissait décidé, s'appuyant d'ailleurs de la haute autorité d'un jurisconsulte comme M. Mérilhou, qui, dans la séance du 29 août 1839, soutient fermement son opinion au sujet de la propriété des papiers des anciens comtes du Périgord. « Il est de principe, suivant lui, que les titres, pièces ou documents relatifs à l'administration d'une province, appartiennent uniquement à cette, province et non pas à la personne des administrateurs. Les titres dont il s'agit, qui n'auraient jamais dû sortir de la province, ont été portés à Pau par la maison d’Albret, qui réunissait la possession féodale du Béarn et du Périgord par suite de la confiscation de cette dernière province en 1399. Mais cette translation n'a pu conférer aucun droit sur ces titres à la province de Béarn qui ne représente ni la maison d'Albret, ni les anciens comtes du Périgord, et qui n'a sur ces papiers aucun titre légal de possession, si ce n'est une main-mise de fait qui n'a pas même le prétexte d'un intérêt légitime. »

» Quelle que soit la délibération du Conseil général des Basses-Pyrénées sur la question des papiers de L’Armoire du Périgord, le Conseil invite et autorise M. le préfet de la Dordogne à s'adresser à M. le Ministre de l'intérieur ou à telle autre autorité compétente, pour faire reconnaître le droit du département de la Dordogne sur les papiers dont s'agit et en obtenir la restitution. En conséquence, le Conseil continue, pour l'exercice 1840, l'allocation faite pour les exercices précédents montant à 1,200 francs. »

Sur un avis peut-être trop prudent du Ministre de l'intérieur, le préfet de la Dordogne crut agir sagement en renonçant au procès. Enfin, après ces tentatives de négociations restées infructueuses, ces pourparlers inutiles, le Conseil général, dans sa session de 1840, alloua une certaine somme afin d'envoyer un paléographe à Pau rechercher les pièces utiles à l'histoire de l'ancienne province du Périgord, en faire des copies ou des extraits, ou dresser l'état de celles dont il ne serait pas pris de copies. M. Dessalles, qui s'occupait déjà avec succès de recherches sur l'histoire de son pays natal, et qui le premier avait découvert l'existence des archives des anciens comtes de Périgord, était naturellement désigné à son choix. Il le chargea, en effet, de cette mission; mais M. Dessalles, attaché alors à la section historique des Archives du royaume, ne pouvait consacrer qu'un temps fort restreint à son séjour en Béarn. Il y alla donc dans les premiers jours de juillet 1841 et en revint le 15 août suivant ; il passa six semaines environ dans un dépôt où il lui aurait fallu au moins six mois ; aussi fit-il un véritable prodige en publiant, à la suite de son Rapport au préfet de la Dordogne sur les Archives de l'ancien comté de Périgord, le catalogue « un peu succinct, » comme il le dit lui-même, de plus de deux mille pièces qu'il avait eu le temps d'examiner. Le Conseil général sut bien le reconnaître, dans sa session de 1842, en accordant des éloges à son érudit délégué pour le zèle et l'intelligence avec lesquels il avait rempli sa mission.

Depuis cette époque, l'inventaire sommaire des archives des Basses-Pyrénées a été publié presque en entier ou tout au moins la partie qui intéresse notre province. Bien qu'à notre avis il soit encore trop abrégé, nous pensons toutefois que tel qu'il est, il peut rendre d'utiles services aux Périgourdins, curieux des choses de leur pays; c'est donc à leur intention et avec l'autorisation de notre honorable collègue M. Raymond, que nous donnons actuellement un extrait complet de l'inventaire en fournissant la lettre de série, le titre du fonds et le numéro de l'article. Nos studieux confrères qui désireraient avoir des détails plus longs, plus précis que ceux contenus dans une brève analyse, n'auront qu'à transmettre ces dernières indications à M. l'archiviste des Basses-Pyrénées, auquel ils faciliteront ainsi la recherche de la pièce demandée, et nous ne doutons pas que de son côté M. l'archiviste départemental ne mette le plus grand empressement à l'aire connaître le résultat assuré de ses investigations,

En cherchant bien, nous devrons trouver dans la série B (Cours et juridictions) un assez grand nombre de liasses qui attireront nos regards. En effet, la Chambre des Comptes de Pau, établie en même temps que le Conseil souverain de Béarn, en 1520, par Henri II d'Albret, roi de Navarre, comprenait dans son ressort d'abord toutes les provinces appartenant à ce roi, c'est-à-dire le royaume de Basse-Navarre, le Béarn, le Bigorre, le Nébouzan, le pays de Foix, le Marsan, le Tursan, le Gavardan, l'Albret, le Périgord, le Limousin, l’Armagnac, le Fézenzaguet, le Rouergue, Lautrec et Villemur. Puis, en 1527, le même Henri II détacha de la Chambre des Comptes de Pau l'Albret, l'Armagnac, le Périgord, le Limousin, le Rouergue, le Fézenzaguet, le pays de Foix. Lautrec et Villemur, le Nébouzan, dont il forma le ressort de la Chambre des Comptes de Nérac. Cette dernière fut encore augmentée, après le mariage d'Antoine de Bourbon avec Jeanne d'Albret, du Vendômois et des seigneuries propres à ce prince.

La Chambre des Comptes de Nérac fut réunie en 1624 à celle de Pau, dont le ressort fut peu à peu réduit, et enfin celle de Pau fut réunie elle-même au parlement de Pau en 1601.

 

Ferdinand Villepelet.

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