E 640/ Transcription Cl. Ribeyrol/ novembre 2018

Charles, fils du roy de France, régent le royaume, daulphin de Viennois, duc de Berry et de Touraine et comte de Poitou, à nos très chiers et amés cousins le conte de Penthievre Jehan

seigneur de l’Aigle et Charles seigneur d’Avaugour frères, salut et dilection. Comme pour resister et pourveoir de vostre part et en nostre absence à la dampnable entreprinse des anciens

ennemis de ce royaume les Anglois que puis aucun temps y sont descendus où ils ont fait moult de dommages et usurpé plusyeurs des terres et seigneuries de monseigneur[1], especialement

en pais de Normendie et tout par le port, faveur et dissimulation d’aucuns seigneurs, vassaulx et subgez de ce dit royaume, Nous, confians à plain la grant loyautié, puissance,

bonne affection et voluntié de vous nostre dit cousin de Penthièvre, vous eussions naguaires par nos lettres patentes fait, commis, ordonné et establi lieutenant et cappitaine de mondit seigneur

et de nous ès pais d’Anjou, du Maine et autre part en la Marche de Bretaigne et donné plain povoir de fere tout ce que cognoitroyez estre au bien et prouffit de

mondit seigneur et à la confirmation de sa seigneurie en en usant de laquelle commission et puis(s)ance soit venu à vostre recognoissance que beau-frère de Bretaigne[2] tant en sa personne qu’autrement

en plusieurs manières et par le moyen de ses terres, seigneuries a publiquement et notoirement favorisé les dits anciens ennemis tant en ce que sans le congié de mondit seigneur

et de nous, il a pris avec iceulz ennemis, depuis leur descente du cedit [3] royaume, abstinence de guerre pour luy, ses terres et subgiez, et ne leur a donné ne souf(f)ert

estre fait ou donné par les siens aucun empeschement resistence ou destourbier jasoit ce qu’à son veu et sceu et joignant de son pais iceulx ennemis ayant

conquis sur mon dit seigneur et autres ses parens et vassaulz, plusieurs terres et seigneuries et mesmement celles de nostre tres cher et très amé cousin le duc d’Alançon propre nepveu

d’icelluy nostre frère sans y avoir mis ne soy efforcié de mettre aucune provision comme par ce qui pis est que par criz et deffenses puplicques, il avoit fait crier et

déffendre en ses dits pays, ce que fere ne lui lesoit, que aucun de ses vassaulz et subgiez, ne al(l)assent ou veinssent au mandement et service de mon dit seigneur et de nous,

à l’encontre de nos dits ennemis sur peine de confiscation de corps et de biens et ceulx qui oultre sa deffense pour acquitter leurs loyautiéz y estoyent venuz, a depuis prins

et comme du tout destruiz et par plusieurs fois sans le consentement ou voulenté de mon dit seigneur et de nous, a esté nostre dit (beau) frère en sa personne par devers les dits

ennemis et mesme par devers nostre adversaire d’Angleterre à Rouen et ailleurs où il a fait avecques luy plusyeurs secrètes al(l)iances et confédérations à l’encontre de la souveraineté et seigneurie

de mon dit seigneur en y faisant aussi partage et divsion de ceste seigneurie pour en debouter du tout mondit seigneur et nous et en bien demonstrant la faveur et affection désordonnée avec les

dampnables promesses et convenances qu’il avoit à yceulx ennemis, leur a fait administrer en ses dits pais toutes nécessités, comme harnois, chevaulx, artilleries, blés, vins et autres

vivres et en ce et autrement leur a donné toute faveur à la grant desplesance toutesvoyes des bons preudes hommes, barons, nobles et autres dudit pais de Bretaigne, lesquels pour

la crainte de luy n’y ont ousé contre ester ne mectre le remedde tel que bien eussent voulu. Et pour ce, pour la très grant et amère despleseté de cuer que avoyes et bien devoyes

avoir de toutes ces choses recordans aussi et ayant bien en mémoire comment nostre dit (beau-) frère persévérant et sa mauvaise voulenté avoit par ces embasseurs et autrement,

empeschié et destourbié l’armée d’Espaigne qui, la saison passée, estoit delibérée pour venir au service de mon dit seigneur et de nous, s’efforcé ainsi d’empeschier la descente de

l’armée d’Escoce[4] depuis estant en nostre France, et en contemption les personnes de mondit seigneur et de nous et mescognoissant l’onnour, redevance et obbeissance qu’il doit et est

tenu de faire à mondit seigneur comme à son souverain et à nous comme son seul fils et héritier representans sa personne et regent son royaume,  (il) s’est continuellement, tant en ses escriptures

comme ou fait de ses monoyes qu’il a fait faire et forger en ses pais et autrement et par ses manières de monstre et maintenu par son oustrage[5] comme pareil à

mondit seigneur ou à nous sans y garder l’ordre .... ni les droiz seigneuriaux de mondit seigneur, non content de ce ne des faveurs ainsi par luy données ausdits ennemis

a semblablement en diverses manières porté et favorisé le fait et parti des subgetz de ce royaume rebelles et desobeissans à mondit seigneur et à nous. Vous voyans, considérans

que austrement que par voye de fait ne povoit estre pourveu ou remédié aux inconveniens inénarables que par la dampnable entreprinse de nostre dit frere estoient

vraissemblablement tailléz de enfuir à la grant folie et par adventure totale destruction de ceste dite seigneurie envers laquelle vous et les vostres sans variation aucune vous estes toujours

tant leallement et grandement gouvernés et acquietez. Considerans aussi la grande proximité de lignage dont vous atenez à mon dit seigneur et à nous et mesmement et mesmement à nostre très chière

et très amée compagne la daulphine par quoy et autrement estoyes tenus et non sans cause bien affectés de pourveoir et resister aus dits inconveniens et ayez puis naguaires

en la compagnie de nostre dit cousin d’Avaugour vostre frère prins et arresté icelluy nostre frère et semblablement nostre cousin Richart, son frère, pour ce que bien savoyez que autrefois

s’estoit mis en armes et sur les champs pour vous combattre, pourtant que par nostre ordonnance vous estoyez mis sus pour nous venir servir à l’encontre des dits anciens ennemis

en faisant laquelle prinse et arrest avez bien demonstré la grant léauté et bon vouloir que vous avez envers mon dit seigneur et nous et la couronne de France. Et il sera

ainsi que nous, au plaisir de nostre seigneur, ayons ferme propos et soyons du tout délibérés de porveoir sur les chouses devant dites par manière que

ce soit au bien, honnour et prouffit de mon dit seigneur, de nous et vous aussi, et de tout ce royaume, savoir vous faisons que nous, pour les causes et raisons devant dites,

noz frère et cousin de Bretaigne et chescun d’eulx avons fait et constitué faisons et constituons par ces présentes noz prisonniers et les avons pris et prenons en nostre main et vous mandons

et commandons en commettant si mestier est et à chescun de vous sur toute la loyautié, obéissance et fidélité que devez à mondit seigneur et à nous, que les personnes de noz dits frère et cousin

ainsi par vous prinses et détenues vous en vos personnes et autrement comme vous verrez le besoing, garder et fere garder de jour et de nuyt à très grant

soing et cure et en telle diligence avec toute seurté et puissance qu’ils ne puissent estre delivrés en quelque manière, afin que à nostre venue et retour vers les parties de par

delà, qui sera brief au plaisir de Dieu vous en puissiez rendre compte, et que par eulx puissions estre avertis des entreprinses de nostre dit adversaire

et des dits rebelles et désobéissans à mon dit seigneur et à nous. Et au seurplus fere donner[6] tel appointement que les bons bons subgez nobles et autres dudit pais de Bretaigne puissent

servir mondit seigneur et nous à l’encontre desditz ennemis et autrement fere leur debvoir[7] ceste seigneurie comme nous savons qu’ils y ont entiere voulentié, et en cas qu’aucuns

se vouldroient enforcié en nostre absence de proceder en ceste action pour[8] voye de fait à l’encontre de vous ou des vostres. Nous par ces mesmes présentes, mandons et

commandons à tous lieutenans, mareschaulx, maistre des arbalestriers, amiral, capitaine, seneschaulx, baillifs et à tous autres justiciers, vassaulx et subgiez de nostre dit seigneur

et nostres, prions et requérons tous autres que en ce vous aydent et secourent par toutes voyes et manières à eux possibles sans rien y espargner car en ce les

soutiendrons, porterons et advouherons en touz endroits. Mandons aussi à tous cappitaines, gardes de bonnes villes, citiez, chasteaux, forteresses, pons, pors, passages

et destretz de ce dit royaume que à vous et à tous ceulx de votre compagnie, fiance et adveu donnent en ce cas passage, retour, recept, refuge, vivres et toutes autres choses

nécessaires de jour et de nuyt et tout ainsi que à nostre propre personne toutes et quantes foiz que requis en seront. Donné en la cité de Carcassonne, soubz nostre scel, ordonné en

l’absence du grant, le 16ème jour de mars l’an de grâce 1419[9]. Ains signé par monseigneur le Régent daulphin en son grant Conseil. Villebresme.

Donné par coppie, collation faite à l’original le 19ème jour de juillet l’an 1420.


[1] Charles VI, il mourra en 1422.

[2] Jean V, dit Jean le sage.

[3] du cedit royaume : sans doute une faute du copiste (Cl.-H. Piraud).

[4] L’armée des nobles écossais venue au secours du dauphin.

[5] Document abimé à cet endroit. Peut-être « oustrage » comme le suggère M. Cl. H. Piraud.

[6] merci ici à M. Cl-H. Piraud.

[7] ibid.

[8] comme le suggère M. Cl-H. Piraud.

[9] Avant Pâques, vieux style, le 19 mars 1420 donc dans le calendrier nouveau.